N' fuck my emotions, they're ghostin'
And moanin', all day on repeat

Round and around we go

— 28 NOV.
☾☾☾

Quatre ans que je suis dans le cercle de dessin. Je commence à faire partie des vieux du groupe et à plus ou moins connaître tous les visages. Parfois, les nouveaux tentent de venir vers moi pour demander des conseils et des explications. Rapidement, ils changent de référent lorsqu’ils constatent que je ne suis pas doué dans les explications pour aller vers un gars plus cool et plus bavard que moi. Pas que je sois jaloux, au contraire, ça m’évite de devoir faire des efforts. Je suis très bien dans mon coin, avec mes pinceaux et mes crayons. Au moins, je peux rester concentré et bien avancer. De toute manière, je n’ai pas le temps de sortir avec eux après l’heure pour aller boire un verre ou aller au karaoké. Mon emploi du temps est trop chargé pour traîner avec eux et apprendre à nous connaître. C’est surprenant en sachant cela que j’ai pu me faire quand même des amis comme Miran et Jiyeong au cours de l’année dernière. C’est presque incroyable, mais même des choses que l’on pense être impossible peuvent arriver. Il ne faut pas baisser les bras.

Aujourd’hui, le professeur qui nous encadre nous balance la thématique pour le prochain projet à réaliser.
“L'objectif étant de cerner son camarade et d'apprendre à le connaître. Vous devez dessiner (ou peindre peu importe) la représentation finale de celui-ci.
Lors de la cette première séance, vous devez dessiner la première représentation de l’autre. Et dans 2 semaines, vous devez refaire une nouvelle représentation. Le but de ce projet est de constater s’il y a une évolution ou non dans la perception que vous avez de l’autre en passant du temps avec elle. Et oui, vous allez devoir passer du temps avec votre binôme au cours de ces 2 prochaines semaines. Allez, bon courage à tous.” Il frappe dans ses mains avec un sourire qui me dégoûte presque. Il est pervers ce prof, c’est pas possible… Je prends la feuille posée sur ma table et je lis le nom de mon binôme déjà déterminé par le professeur. En le lisant, je n'en crois pas mes yeux. “Yu… Yusuke ?” Ma voix bégaie tellement, je crois cauchemarder. Et sorti de nulle part, une voix retentit à côté de moi ce qui me fait tomber du haut de ma chaise.
“Aïe…” Je me relève tout en me frottant le fessier et je regarde enfin le coupable. “Yusuke…” Décidément, la vie m’en veut pour quelque chose...

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— 28 NOV.
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Un binôme avec Jun, hein ? En voilà une idée amusante et intéressante, d’autant plus que nous n’avons pas vraiment eu le temps de nous revoir depuis ce qui s’est passé la dernière fois. Bien sûr on se croise au cercle mais on est toujours trop pris par nos projets de dessin respectif. D’ailleurs je traine rarement dans le coin avant et après. J’ai, disons à chaque fois beaucoup à faire mais on dirait bien que pour les deux semaines à avenir, lui et moi allons passer du temps ensemble.
« Jun ! On dirait qu’on va être inséparable pour les prochains jours ! »
Voilà ce que je lui dis en m’approchant de lui mais on dirait bien qu’il ne m’a pas entendu arriver et qu’en le faisant sursauter, je lui fais également perdre l’équilibre. Un soupir s’échappe de mes lèvres en le voyant au sol. Mais comment fait-il pour être aussi maladroit ?
« Eh ben ! Je ne pensais pas te faire un tel effet. »
Je laisse échapper un léger rire avant de passer un bras autour de ses épaules :
« Mon ami, tu verras on va bien s’amuser toi et moi. »
Je le lâche puis reprends :
« Ramasse tes affaires, on va manger un morceau et c’est moi qui t’invite. On pourra discuter du projet comme ça. »
Je l’emmènerais bien boire un coup mais quelque chose me dit que ce n’est pas son truc et qu’il lui faudra un peu de temps avant de se décoincer complètement.

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— 28 NOV.
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La poussière dégagée à petit coup de frottement sur les fesses et les épaules, je m'apitoie sur mon sort. Malheureusement pour moi, je ne peux pas faire porter le chapeau à Yusuke, car même sans sa présence, je reste autant casse-cou. Autrefois, j’ai dû être trop sûr de moi dans mon ancienne vie. Un sale petit arrogant qui est puni au vingt et unième siècle.

Il me sort l’idée qu’il me fait de l’effet tout en me sortant un rire que je vois comme diabolique. Sans le regarder, je grimace parce que sa remarque ne me provoque pas une envolée de papillons au ventre. Peut-être que certaines filles seraient toutes émoustillées par sa phrase, mais ce n’est pas mon cas. Je me méfie toujours de ce renard.

Par automatisme, mon visage se tourne légèrement pour que mon regard calcule sa main qui me tient une épaule. Embarrassé par le contact, car trop peu habitué, j’avance la tête vers l’avant et garde cette position très peu confortable. Je ne réponds pas à sa première remarque, je pense que mon comportement en dit déjà suffisamment. “Ah oui ? Ah ah…” Un rire suspicieux, gêné et douteux suit ce questionnement. Nous allons bien nous amuser ? C’est-à-dire ? *Ma vie n’est pas en jeu, j’espère ?* Cette pensée me fait grimacer de douleur et de désespoir. Mes épaules vont vers l’avant pendant que mon corps s'aplatit sur lui-même. J’espère pouvoir rester sain et sauf durant ces prochains jours. Je lève les yeux au ciel et je me mets à prier rapidement à toutes les entités qui existent, de manière à ce que mon message arrive au moins à une divinité et qui je puisse me sortir de cette situation rapidement.

Lorsqu’il son bras se retire, je regarde la porte. Je pense à courir *bipbip*, mais rien que le temps d’y penser et d’entrer en action, Yusuke a déjà prévu un plan pour l’après. *Mince.* Je pince mes lèvres et je plisse les yeux, me sentant comme pris au piège. Je réfléchis et pour l’instant, je ne vois aucune issue… Je vais devoir le suivre. “D’accord.” Avec une petite moue, je ramasse mon sac pour passer la lanière au-dessus de mon épaule et le suivre en dehors de la salle. Prudent, je maintiens de la distance avec lui dans les couloirs, peur que son aura de mauvais garçon me saute dessus.

Silencieux, je me demande comment il va me représenter. J’espère qu’il ne va pas dessiner un point noir sur une toile blanche. D’ailleurs, comment je vais retransposer Yusuke ? Compliqué, mais je pense avoir une petite idée.

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— 28 NOV.
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Franchement, est-ce qu’il avait le choix ? Non. De toute façon il faut bien qu’on commence notre projet et puisque je suis libre autant le faire maintenant non ? Il ne va pas me dire qu’un gars comme lui à un agenda de ministre ? Non ? Parfait. J’affiche un sourire ravi à sa réponse et le regarde ramasser ses affaires avant de lui faire signe de me suivre. Je meurs de faim et je trouve que Jun traine un peu des pieds. Mais qu’est-ce qu’il a à être si mou ? Je fronce les sourcils et me tourne vers lui avant de refermer ma main sur son poignet tout en lui disant :
« Allé ! Dépêche-toi ! J’ai faim ! »
D’ailleurs je commence à courir en l’entrainant avec moi. On dirait deux gamins et ça me fait rire même si je ne tarde pas à m’arrêter alors que nous arrivons à proximité de Hill Top.
« T’as une préférence sur ce que tu veux manger ? Profite parce que c’est pas tous les jours que je vais t’inviter. En plus ça fait longtemps depuis la dernière fois ! On devrait prendre le temps de faire plus souvent des choses ensemble. Enfin là on n’aura pas le choix alors ce projet tombe bien. »
Et parce que je ne peux pas m’en empêcher, je passe un bras autour de ses épaules tout en le rapprochant de moi. Je l’aime bien Jun, même si j’ai failli lui casser la figure quand il m’a renversé de l’eau dessus mais bon, j’ai passé l’éponge et puis on a fait la paix autour d’un bon repas. En plus il m’a déjà vu à poil et ce n’est pas rien. Ça créait une certaine proximité.
« En tout cas j’ai hâte de savoir comment tu vas me représenter. Attention, ne fait pas n’importe quoi, hein ! »
Je ris à nouveau, content de pouvoir manger avec quelqu’un plutôt que de rentrer dans chez mes parents.

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— 28 NOV.
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Les regards curieux des intrus se posent sur nous lorsque lui et moi dévalons le couloir. Le garçon aux lèvres pulpeuses ne semble pas être de nature discrète et ne paraît pas vouloir être invisible aux yeux des autres, contrairement à moi. Cette pression que je ressens quand les autres me regardent me rend presque malade, mais je n’ai pas le choix, surtout quand Yusuke m’attrape le poignet pour se mettre soudainement à courir.

Telle une poupée, je me laisse traîner par le garçon affamé, regardant la carrure de son dos. Sans réfléchir, mes pieds avancent automatiquement grâce à l’élan et à l’emprise qu’à Yusuke sur moi. Ainsi, nous sommes arrivés proche du Hill Top.

Les mains appuyées contre mes genoux, je reprends mon souffle, le regard tiraillé par l’effort que nous venons de faire. Ce qu’il me dit me touche et, surpris par ces paroles, je me redresse pour le scruter du regard d’un air perplexe. Définitivement, je ne sais pas comment ou quoi penser avec Yusuke, il a tendance à me rendre perplexe. Une partie de ma conscience me dit de me méfier de lui et après, il me sort ce genre de douceur qui fait fondre mon cœur… Je suis perdu avec lui. Sauf que rapidement, je détourne les yeux. Pourquoi voudrait-il perdre son temps à traîner avec moi ? J’suis pas aussi intéressant que lui. Je me considère comme un type ennuyeux et banal. Pour son bien, je vais devoir l’en avertir pour qu’il s’intéresse à quelqu’un d’autre.
J’suis qu’un simple gars.
Celui qui traverse et qu’on ne voit pas.

“On va devoir passer du temps ensemble, effectivement.” Plus tard, je le préviendrai. Là, c’est sûrement malvenu. Même si je suis malencontreusement maladroit, je vais éviter de foutre un froid dès le début.

Et ce froid, Yusuke ne le sent et ne l’envisage sûrement pas quand il passe son bras autour de mes épaules. Très tactile, une autre chose chez lui qui me déstabilise. Cliché, j’appartiens au stéréotype du japonais très peu avare de contact et à l’aise avec l’idée de toucher les autres. Habituellement effacé et sur la retenue, je trouve de la facilité à devenir un secret. Celui qu’on ne soupçonne pas si on ne connaît pas son existence.

“Je vais travailler dur.” Toujours formel, malgré l’objectif du rapprochement qui est visé, ma manière d’être et de parler fait penser à une incapacité d’y arriver. Ce n’est pas que Yusuke a fait une erreur, mais les erreurs que des monstres ont faites dans mon passé ont laissé leur trace. Depuis, je me méfie. La distance est comme une protection pour éviter de me briser à nouveau.

Nous poursuivons notre chemin vers la cafétéria. Silencieux, je sors un crayon et un carnet de mon sac pour noter quelques trucs. Je gribouille plusieurs choses à différents endroits et je range le tout dans ma poche intérieure de mon manteau.

Enfin arrivés au Hill Top, nous faisons la queue pour commander notre repas et je suis Yusuke qui choisit la table à laquelle nous allons manger. Le sac posé à mes pieds, le manteau débarrassé et délicatement adossé à la chaise, je prends place devant lui et j’attends poliment qu’il commence à manger pour en faire de même avant de joindre les mains et de remercier pour le repas.

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— 28 NOV.
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Un large sourire rempli de satisfaction se dessine sur mes lèvres lorsqu’il me dit qu’il va travailler dur. Oui ! C’est parfait ! Voilà qui me plait. Enfin, on peut travailler dur et bien s’amuser quand même mais j’y veillerais parce que je sens bien que Jun a comme un balaie dans le cul. D’un autre côté, c’est souvent le cas chez les Japonais purs souches. Moi je suis différent et j’imagine que mon métissage n’y est pas étranger. Les gens me regardent souvent de travers parce que je fais du bruit, que j’ai les cheveux décolorés mais franchement je m’en fous. Si je suis comme ça c’est justement pour qu’on me remarque alors j’ai presqu’envie de dire que c’est tant mieux.

Du moment où nous entrons dans le bâtiment, jusqu’au moment de s’assoir, en passant par la case commande, nous n’échangeons aucun mot. J’ai faim alors ça ne me rend pas très bavard mais après lui avoir souhaité un bon appétit, je commence à dévorer ma collation tout en affichant un sourire rayonnant ça fait du bien même si je sens la sauce couler le long de mon menton. Tant pis, un coup de serviette en papier et c’est réglé !
« Putain ! Ce que ça fait du bien de manger ! »
Oui je jure beaucoup, je suis vulgaire mais ça fait parti de mon charme non ? Reposant ce que j’ai dans les mains, je m’essuie les doigts avant de sortir mon carnet à croquis. Je montre une page vierge et inscrit en haut le prénom de Jun avant de le lui montrer en déclarant :
« C’est toi ça. »
Page vide et vierge. Parce que pour moi, Jun est encore un inconnu. Je reprends une bouchée puis reprend.
« Il faudra bien que j’arrive à remplir cette page blanche alors parle-moi de toi. T’as des frères et sœurs ? T’aime faire quoi à part dessiner ? »
Parce que finalement en de hors du fait qu’il appartienne au cercle, je ne sais rien de lui, même si nous avons partagé un moment intime chez lui. Après tout, il m’a quand même vu à poil !

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— 28 NOV.
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Généralement, le premier a dévorer mon repas, mon voisin se jette avant moi sur son repas à peine posé sur la table. Aurais-je de la concurrence ? Sans attendre davantage, car je ne vais pas non plus le regarder se goinfrer tout en papillonnant le ventre affamé, je commence à picorer par de belles et grandes bouchées mon repas. Le jeune homme frivole, s’exclame de bonheur face à notre repas et je plussoie sa réaction en hochant le visage. Y’a presque rien de mieux que de manger, surtout quand on commence à avoir faim. Cette sensation de sentir son estomac se remplir petit à petit et si étrange et satisfaisante à la fois.

Il me présente une page blanche avec écrit plus haut mon prénom. Grimaçant en voyant cela, je me demande s’il me compare à une page vide, comme à une âme vide. J’suis un nobody à ses yeux ? Après tout, ce ne serait pas étonnant vu nos différences. Étant plutôt de nature discret et maladroitement encombrant, il se pourrait qu’il me considère tel un fantôme de la société. C’est tragique en vrai, mais mérité ?
J’en sais trop rien.

Il me réclame un peu plus d’informations à mon sujet, peut-être pour pouvoir dessiner un cercle ou trois points au moins au milieu de page. Je ne doute pas des talents artistiques de Yusuke, mais je doute encore de la capacité de notre travail d’équipe efficace pour ce sujet d’étude.

“J’ai un grand-frère et une grande-sœur. J’suis le plus jeune.” Entre chaque information, j'émets un petit son de réflexion. La question est souvent plus simple que la réponse. “J’aime traîner la nuit. J’aime les animaux. J’aime les musiques retro, pop, rock. J’aime lire. Je joue de plusieurs instruments de musique. Et je travaille beaucoup.” Dis-je en énumérant le tout, le regard levé vers le ciel. À la fin, je réfléchis encore quelques secondes, mais pour l’instant, je ne vois pas ce que je peux ajouter.

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— 28 NOV.
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Tout en mangeant, j’écoute les réponses de Jun. Notant de temps en temps un mot sur la feuille blanche. Ils me permettront de rebondir dessus plus tard. Pour le moment j’ai la bouche trop pleine pour l’interrompre. Je remarque également qu’il a bon appétit. C’est peut-être le début d’un point commun ? D’un autre côté, il est peut-être juste particulièrement affamé ce soir ? En fait, c’est la deuxième fois qu’on mange ensemble. C’est peu. Je ne sais pas grand-chose sur lui et ce qu’il m’apprend ne m’aident pas vraiment à la cerner.
« Moi je suis fils unique. »
Je ne sais pas ce que ça fait que d’avoir des frères et sœurs. D’être le dernier. D’être un parmi d’autres. J’aurais bien aimé. Peut-être que les choses auraient été différentes ? Je n’en sais rien et je n’aurais jamais la réponse à cette question.
« Moi aussi j’aime trainer la nuit mais je ne suis pas sûr qu’on fasse les mêmes choses. »
Je laisse échapper un rire. Profitant d’avoir la bouche vide pour le faire avant de la remplir à nouveau, manquant de m’étouffer au passage. Je bois ensuite une grande gorgée d’eau puis reprends :
« Tu fais quoi quand tu traines la nuit ? »
Le regardant soudain d’un air suspicieux, je commence à me faire de drôle d’idée sur Jun. Est-ce que derrière son air de garçon bien comme il faut, il n’aurait pas des vices cachés ? Genre de l’exhibitionnisme nocturne ? A moins qu’il n’aille à des rendez-vous secrets la nuit ? Jun qui mène une double vie ? L’idée me fait sourire et me plait assez. Elle lui donne de la nuance. D’ailleurs je trace une ligne au milieu de ma feuille. Il y a d’un côté Jun le jour et de l’autre Jun la nuit. J’espère que le contraste vaut le coup !
« Du coup, ce soir on va trainer ensemble et tu vas me montrer tes petits secrets. Ça restera entre nous, promis. »

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— 28 NOV.
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Une fois lui avoir donné de manière presque scolaire certains points me concernant, il se lance à son tour à me donner quelques informations. Celle du fils unique, il me semble être déjà au courant, et si ce n’est pas le cas, je l’avais plus ou moins deviné. Il a ce caractère un peu cliché que l’on raconte sur des enfants uniques, qui se rebelle face à l’autorité de leurs parents, soit trop gâté ou en manque d’attention. Sauf qu’il serait trop aisé et malpoli de ma part de la juger sur ces clichés établis par je ne sais qui. Yusuke, je le connais à peine, alors je me dois de garder toutes avances de jugement à son sujet.

Naturellement, je dessine une lune et je gribouille quelques mots-clés sur le bloc-notes qui est en ma possession. Le petit rire de mon voisin me fait lever les yeux dans sa direction, sans lever mon visage, sans plonger mon regard dans le sien. Un faux sourire se dessine sur mes lèvres, le regard détourné sur les rives de l’interrogation. *Ne penses pas trop.* Il ne m’aide pas Yusuke à ne pas avoir de préjugés à son encontre avec de telles remarques.

Abandonnant les notes, je tapote rapidement le crayon contre le papier, le regard levé en l’air. “Je… Profites.” Je pense que c’est le mot qui peut au moins résumer le pourquoi je préfère traîner la nuit que le jour. Le pourquoi je prends le plus de plaisir à marcher pendant que la lune trône dans le ciel à la place du soleil. La vie me semble moins monotone, les gens semblent libérés, de leurs pulsions, de leurs tensions, de leur prison pour peut-être en trouver une autre…

“Euh… d’accord.” J’ai l’impression de ne pas avoir le choix. Il me dit que ce soir, nous allons traîner ensemble, d’un ton assez directif dont je n’ai pas l’habitude d’user. Toutefois, un regard suspicieux et intrigué se balade dans les recoins de mon champ de vision. De quels petits secrets fait-il allusion ? Croit-il que je suis l’un de ces personnages qui ont un double jeu ? Il sera fort déçu s’il attend ce genre de surprise de ma part, car je n’ai rien de croustillant sous le voile de mon passé.