Draw as you wish.

feat. @Enjoji Keito ☾

Le regard de Riho était rivé, critique et prédateur, sur les aspects les moins satisfaisants des lignes qu'elle venait de tracer et qui ne lui donnaient aucune satisfaction apparente. Elle n'avait pas très bonne réputation dans sa promotion car elle ne communiquait presque jamais avec les autres étudiants autrement que pour les repousser ou les intimider s'ils la mettaient trop mal à l'aise. Elle vivait dans son monde, étudiante à la fois perfectionniste et dilettante selon le sujet étudié, qui ne se comparait jamais ; elle n'était pas meilleure que les autres. Pas moins bonne. L'art était une chose subjective, qui venait du fond des tripes. L'art ne s'expliquait pas, et donc ne se comparait pas. C'était avec ce genre d'explication que Riho était passée pour une fille hautaine, et sur une autre planète. Tant mieux, on lui ficherait la paix.

Elle n'entendit comme à son habitude pas la fin du cours, s'essuyant les mains fiévreusement sur sa salopette en y laissant des traces de fusain noir. Les yeux rivés sur son travail, elle se pinça les lèvres : ça ne lui plaisait pas. la petite forme rabourgie qu'elle avait esquissé était bien trop semblable à ce qu'elle avait déjà fait, et la jeune femme cherchait autre chose. Sentant quelqu'un s'approcher d'elle, Riho releva la nife de sa toile et laissa le professeur prendre son dessin en mains sans rien dire mais sans baisser le regard. Elle avait parfois tendance à penser que les professeurs étaient ses ennemis, qu'ils l’emperchaient d'être réellement créative en dehors des ornières ; elle était orgueilleuse, aussi. Mais elle ne se cherchait pas d'excuses et savait quand son travail manquait de quelque chose.

"J'trouve ça bof", elle reprit le dessin des mains du professeur, sans le brusquer toutefois, avec un certain sens de la possession malgré ce qu'elle venait de dire, continuant à griffonner dessus, "ça ressemble à tout c'que j'fais. Quand on a un style fait, c'dur d'en sortir."

Admettre sa faiblesse était plus facile concernant l'art, où Riho était plus mature et lucide malgré tout. Elle releva à nouveau la tête pour que son prof puisse la voir quand elle lui parlait, comme demandé, mais pour autant son attitude paraissait toujours étrangement rentrée, sur la défensive.

"Y manque qu'ne fait je dessine peu, j'utilise en général que la peinture sans faire de croquis", elle cerclait les yeux de son personnage de noir dans un mouvement quasi obsessionnel, avant de planter son fusain pour faire deux petits trous dans la toile, ne craignant pas la réaction de son professeur, "... m'manque un truc, je cherche encore quoi."

Disant cela, Riho repensa aux décadentes fresques urbaines pleines de couleurs folles qu'elle peignait sur les murs de la ville et que personne à part des illustres inconnus n'avait jamais vu. Le béton et le verre étaient ses matériaux préférés, loin de l'académique et du scolaire.