On est tous funambules. La vie, un fil qui pète pour le plaisir de nous voir nous vautrer devant tout le monde. Certains se relèvent sans cesse, comme récupérant les fils des autres pour remonter, et d'autres, il leur suffit d'une fois, pour que tout s'arrête. Teerawat en avait connu des fils cassés, il avait en son bagage une armada de pelottes merdiques toutes plus collantes et emmelées les unes que les autres mais à chaque fois, Sarawa l'avait vu se relever. Les ratons laveurs font pareil, toujours là où on s'y attend le moins, furtifs, intelligents, un peu psycho sur les bords mais on leur pardonne parce qu'ils savent plaire à leur monde. Raccoon. C'était en lui que Sarawa avait essayé de mettre un maximum de transmission de son patrimoine douteux mais au combien complexe, tout pour survivre, s'adapter, depuis qu'il l'avait ramassé dans ce bordel qu'était son substitut de vie et le voir évoluer aujourd'hui était une belle récompense. Il tenait le coup, pour lui, pour sa mère, pour ce qu'il défendait et c'était le principal. Qu'il soit moins expressif et moins fragile que les autres n'étaient pas un problème, au contraire et puis qui autre que lui aurait pu faire face à cette petite furie de Wolf. Sarawa n'était pas con, il avait bien capté ce qui se passait dans le cerveau de Wolf, mais ça ne le regardait pas. Il ne se mélait pas des vies privées de ses protégés, il les faisait juste surveiller en douce pour un homme chacun, qu'il payait pour ça aussi. Ça impliquait de trouver des sources d'argent supplémentaires, mais il avait pris l'initiative personnelle de reprendre certains business à risque de son père dans l'espoir de mettre à l'abri sa fratrie de coeur en cas de coup dur, chose que bien sûr, il avait gardé pour lui, sans quoi, on lui aurait ralé dessus avec des "on est plus des bébés."
Un père est toujours un père, une grand frêre, reste un grand frêre, il se fout bien de ce qu'il pense. Il ne voulait pas que l'un d'eux parte les pieds devant sans qu'il n'ait pu l’empêcher, alors il les faisait suivre. C'était mal, mais pour le moment aucun d'entre eux ne l'avait remarqué, et heureusement, sinon il aurait défoncé la gueule de celui qui aurait fauté. C'était plus important que tout leur sécurité. Et ce soir, le karma fit encore un coup de pute. Ça ne s'arrêterait donc jamais... il y a quelques jours c'était Fox... et quelle nuit... ensuite Sakura qui avait des ennuis et ce soir, dans son canapé vieillot à Tama, alors qu'il avait enfin trouvé un peu le sommeil, son téléphone vibre et il entend la voix de Tee. Paroles à moitié bouffées, il comprend juste que sa mère a eu un problème. Il ne réfléchit pas, il pense au pire. Au pied du studio, où il dort exceptionnellement, il y a encore la bagnole de deux de ses hommes qui ne sont pas encore partis ramassé leur tournée de la nuit. Il saute dans ses pompes, attrape son blouson au vol, laissant casque et clé de moto sur les lieux, ferme à clé et descend en trombe, arrachant les clés des mains de son subordonné pour partir sans demander son reste. Les deux types haussent les sourcils et posent leur cul sur le trottoir. Bon bah ils vont attendre, c'est pas la première fois qu'il leur fait ce coup, mais ils savent qu'il va revenir. Il va revenir hein. Bon bah... autant se fumer une clope. Pas stressés les gars.
Contrairement à Peter qui a juste envie de débrancher chaque feu rouge auquel il est obligé de s'arrêter. Il conduit comme un forcené mais n'est pas spécialement chaud pour croiser un poids lourd lancé à pleine vitesse. Ça ne l’empêche pas de griller certains quand il voit que rien ne vient des deux cotés. Les pneus crissent devant chez Tee et la bagnole monte à moitié sur le trottoir, avant d’éjecter par la portière un Sarawa au sang chaud qui grimpe les escaliers quatre à quatre jusqu'à chez Tee pour taper sur la porte. Il attend que ça ouvre et entre dans l'appart , pour traverser l'appart derrière son cadet et attrape la mère du plus jeune dans ses bras, la soulevant, à se détruire le dos. Pas grave, on trouvera un masseur plus tard. Ça a l'air d'aller fort. "Prends tout ce qu'il faut. Ses papiers pour l'hosto. Tes clés, ton portable. Des fringues pour la changer, ils vont pourrir ses sappes à coup sur." En disant ça, il est déjà ressorti dans le couloir, descendant les marches le plus rapidement possible. Appeler les secours qu'ils disent. Mon cul! La plupart du temps, t'as le temps de crever avant qu'il n'arrive! C'est pas sa mère, il en a jamais eu , mais si c'est la mère de Tee, alors c'est la sienne aussi. Donc il a aussi chaud au crâne de son petit frêre. "Je vous interdis de mourir ok! Tee a besoin de vous! " Comment il lui cause! Faut qu'il la garde réveillée non! Qu'elle l'oblige pas à lui faire du bouche à bouche parce que ce serait vraiment glauque. Il y connait rien en médecine, mais il sait quand quelqu'un est mort. Pour le moment, elle tient le coup, mais il n'a aucune envie de savoir ce que ça fait de porter une maman de tee toute raide. Du pied, il finit d'ouvrir la portière arrière de la berline et se baisse pour la glisser doucement sur la banquette. Il attrape une couverture plié derrière le fauteuil qui sert généralement à cacher des trucs ou des gens (ou des morts? mais elle est propre ok!) et la déplie sur elle avant de ressortir, laisser Tee faire ce qu'il a à faire, pendant qu'il monte au volant. Une fois tout bon, il démarre en trombe direction l'hosto, inquiet et pas que pour la vieille.
Encore une longue journée pour Tee, comme d’habitude. Il a passé une bonne partie de son moment libre à étudier le dossier sur ce bâtard qui a osé faire du chantage à Kei. Tee a beau ne pas l’apprécier, et encore ça ce n’est plus si certain, savoir qu’un connard a pu profiter de ses sentiments pour lui faire du chantage, autant dire que ça le met en rogne. Il déteste l’injustice Tee, il déteste les gens qui profitent des plus faibles. C’est évident, il a dû revoir son jugement sur Kei, même si d’un côté il a toujours de la rancoeur pour lui, sans doute parce qu’il a pris sa place, il est clairement l’opposé de son géniteur, naïf et un peu trop gentil. Bref, la victime parfaite. L’argent, y en a qui sont prêts à tout pour ça. Tee, il a toujours fait tout pour gagner de l’argent depuis qu’il est gamin mais jamais il n’irait jusque là. Il a bien été éduqué et l’injustice, c’est bien l’un des trucs qu’il déteste. Et puis au fond, Tee il est bien content de ne pas avoir grandit avec son géniteur, qui sait s’il ne serait pas devenu l’un de ces gosses de riche qui se croient au dessus de tout! Il plaint même Kei, il semble être le genre de personne à ne pas savoir dire non, bref, pas comme Tee quoi.
Le voilà qui rentre chez lui s’occuper de sa mère avant de partir bosser, comme toujours. Il rentre aussi souvent qu’il peut pour s’occuper de sa mère, s’assurer qu’elle va bien, qu’elle a tout ce qu’il faut et quand il peut pas, il demande à Sakura de venir voir. Il lui a donné les doubles des clés, Sakura, c’est la seule à savoir avec Peter, mais il ne se voit pas demander ça à Sarawa, Sakura est la mieux placée pour ça. Il entre dans l’appartement, enlève sa veste et ses chaussures et se rend directement au chevet de sa mère. Il voit aussitôt que quelque chose ne va pas, sa respiration est différente. Il se précipite aussitôt à côté d’elle pour toucher son front. Elle est brûlante! Tee panique aussitôt, sa mère est déjà très faible alors qui sait les ravages que cette fièvre pourrait faire! Il songe à appeler les urgences mais non, la dernière fois elles ont mis bien trop longtemps. Tee panique, attrapant son téléphone pour appeler le seul qui lui vient à l’esprit, Peter. Il pourrait porter sa mère seul mais il n’a pas de voiture ni même son permis en fait, pas l’argent pour, il préfère l’utiliser pour les soins de sa mère. Elle passe avant lui, avant tout le reste. Tee appelle Sarawa, complètement paniqué, inquiet qu’il puisse arriver quelque chose à sa mère.
Il arrive un peu plus tard, bien plus rapidement que les urgences la dernière fois et frappe à la porte. Tee essaie de garder son calme, de ne pas se laisser aller mais il a peur, peur de perdre sa mère, la seule famille qui lui reste au monde. Il ne veut pas la perdre, pas encore, c’est trop tôt, il a besoin d’elle. S’il a réussit à s’en sortir ces six dernières années, c’est grâce à elle, c’est sa motivation de tous les jours, elle ne peut pas l’abandonner comme ça! Peter lui dit de prendre tout ce qu’il faut et Tee se dépêche, prenant tout à la hâte en espérant ne rien n’oublier. La peur lui tord l’estomac, il suit Sarawa dans les escaliers et s’installe à l’arrière avec sa mère, posant sa tête sur ses genoux. Il ne supporte pas de la voir dans cet état, elle est encore bien trop jeune pour mourir. Il n’a jamais autant maudit son géniteur qu’à cet instant précis. S’il les avait aidé, juste une aide financière, tout ça ne serait jamais arrivé et sa mère irait mieux!
-Maman, je t’en supplie, ne me laisse pas!
Il sent déjà les larmes monter mais il les retient, il doit être fort! Ils arrivent à l’hôpital et sa mère est prise en charge. Tee sait déjà ce que le médecin va lui dire, la même chose qu’il lui dit à chaque visite. Sa mère doit être prise en charge, elle doit être hospitalisée mais Tee, il a pas les moyens de payer tout ça. Il veut le meilleur pour sa mère, il bosse comme un acharné pour gagner de l’argent et prendre soin d’elle mais il a jamais assez! Tee s’adosse contre le mur avant de se laisser tomber sur une chaise dans la salle d’attente, la tête dans les mains. Il essaie de résister, de ne pas craquer mais il imagine déjà le pire. Sa mère est sa seule famille, elle a tellement fait pour lui, il ne se le pardonnerait pas si elle venait à décéder parce qu’il n’a pas les moyens de payer des frais d’hôpitaux!
Le trajet est court, un peu trop aurait dit Sakura et les virages furent sérrés, mais peu importe qu'il se bouffe une amende, la vie d'une personne comptait plus à ses yeux qu'une de ces lois bidons qui régissaient le monde, et il aurait pu en sortir un best seller sur le code pénal japonais random. Quand il se gare en trombe devant les urgences, leurs réflexes sont rapides. Brancard, blouses blanches qui aident Teerawat à sortir sa mère de la banquette et la couverture finit en vrac sur le siège, la portière claquée. Sarawa est resté à l'intérieur, le regardant partir dans le couloir sur-éclairé. Une fois la bagnole garée, clope au bec, il s'arrête à l'entrée des urgences, voyons au loin son protégé effondré. Il ne peut rien faire. Absolument rien.
Il déteste ces moments-là où il ne sert à rien , alors il cogite, n'ose pas y aller, parce que Tee quand il va mal, il a pas besoin qu'on chouine avec lui, ou qu'on fasse le piquet à lui dire que ça va aller, parce que c'est faux, et ce n'est pas non plus le genre de Sarawa, le Peter Pan démuni qui fume, à s'en niquer les bronches, réfléchissant encore et encore. Il sait que Tee ne roule pas sur l'or, même s'il se démène pour aider sa mère et c'est tout à son honneur. Il n'arrivera jamais à payer les frais de sa mère donc ils la refoutront dehors comme avant, et elle finira par crever dans son lit sans même avoir une chance de se remettre. L’aîné refuse. Il ne peut pas laisser faire ça, alors il recule et s'éloigne, le vent le draguant et lui promettant une crêve carabinée mais il s'en fout. Il ouvre sa portière , s’assoit au volant et prend son téléphone, hésitant... Sa clope s'effriter sur le cuir du volant, il va finir par se brûler les doigts. Son pouce tape un numéro qu'il n'aura jamais pensé taper encore. Il l'a appelé il y a quelques semaines de ça, et Sarawa avait préféré ne pas accepter, pour ne pas risquer le diable mais tant pis. Au bout du fil, un homme à la voix rocailleuse répond. "Tiens, je te manque?" "J'ai changé d'avis. J'accepte si tu m'avances de 800 000." "T'as des emmerdes?" "Poses pas de questions. C'est oui ou non." "ça marche, je te fais confiance. Sois au quai dix-huit , digue nord, à 2h du mat jeudi. " "On sera combien." "Une vingtaine mais faut bien ça pour la cargaison. Ça fait plaisir de te revoir dans le business, ton père aurait apprécié." "T'enflammes pas, c'est juste pour cette fois." "Ouais lui aussi il disait ça. Allez , je t'envoie ça. Tu veux ça où et quand?" "Maintenant. J't'envoie les coordonnées." "ça marche p'tit frêre. T'es sur que tu veux pas venir boire un coup?" "Pas ce soir... j'ai un truc important à faire." Le coup de fil prend fin en bon terme et Sarawa raccroche, fermant les yeux et posant sa tete sur le volant. Il s'était promis de ne pas replonger dans ce genre de trafic mais pour Tee, il ferait n'importe quoi... Alors il attend dehors. Vingt minutes plus tard, une petite bagnole moche, digne d'une gonzesse de mauvais gout se pointe et une bimbo mal fagotée en sorte en se tortillant. Il l'a connu plus jeune cette fille, une amie de la mère de Sakura, rien de recommandable . Elle se pointe, le sourire jusqu'aux oreilles, on dirait limite une trans, elle vieillit bien mal. La drogue ça dégomme un physique. "Bonsoir Sarawa... ça fait un bye..." Ouais bah reste loin ste plait, il veut pas ta syphilis. Il sort de la voiture et la fixe. "Salut..." "Je t'amène la commission de Jinsu... avec les compliments de son père pour ton retour..." Sarawa ne dit rien et se contente de prendre l'enveloppe. "Y'a le compte et un peu plus, il a foutu ça en paquet dedans, cadeau d'ami qu'il a dit... je peux compléter par autre chose si tu veux..." Quoi, une mst? "ça ira, merci. Je dois y retourner. Dis à Jinsu que je tiendrai mon engagement." "T'as plutot interet. Tu sais ce qu'il fait Jinsu aux traitres." Ks.
Sarawa revient calmement dans l'hopital et s'approche du secretariat. "Excusez-moi, on vient d'admettre une femme aux urgences, ma tante, y'a son fils là bas.""Ah oui madame Jung?" "Oui... c'est moi pour la prise en charge, je peux voir un médecin pour ça?" Elle appelle un médecin des urgences, lui demandant une appartée et quand il ressort, ils se serrent la main et le médecin s’attelle au dossier sérieusement pour la mère de Tee.
Sarawa plie un papier dans sa poche, l'assurance de la part de l’hôpital d'avoir bien reçu 800 000 yens et de les utiliser à bon escient pour les examens et les soins des jours à venir, jusqu'au dernier centimes, médicaments compris à la sortie. C'est vrai qu'il n'est pas cultivé le motard mais il sait comment ça se passe dans les hôpitaux, il en a eu un paquet de blessés à lui qui y sont venus, et à chaque fois c'est le même bordel quand il s'agit de payer en liquide. Alors maintenant il demande des assurances et justificatifs pour tout. Il s'avance vers la machine à café et quelques minutes après, s’assoit à coté de Tee, pour lui tendre un gobelet qui lui crame les empruntes digitales. "Ta mère va rester pour les trois jours à venir minimum ici. J'ai tout réglé. Bois ça. Ça va aller ok... occupes-toi juste d'elle." Lui aussi il a besoin d'un café.