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Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Avec un sourire, Yoonie décrocha le post-it que Jun avait collé sur la porte un peu plus tôt, probablement le matin, peut-être la veille au soir. C'était leur façon de communiquer pour le moment, façon de prouver que le plus jeune venait bien s'entraîner tous les jours dans la salle de son ami. Il avait commencé pour rigoler, notant un "Lethé est passé" sans s'attendre à recevoir une réponse, encore moins à ce que ça devienne une habitude. Cela faisait dix jours maintenant qu'il s'entraînait seul, suivant les consignes laissées par son coach personnel, dix jours sans le voir ni avoir de ses nouvelles autrement qu'au travers des quelques mots inscrits sur les post-its.

Glissant le papier dans son sac, il alla déposer ses affaires dans un coin de la salle, sortant une bouteille d'eau, une serviette et un bandeau pour retenir ses mèches argentées en arrière. Il avait refait sa couleur deux ou trois jours plus tôt, ses racines sombres étant devenues aussi longues que les pointes décolorées, profitant d'avoir obtenu son diplôme et d'avoir du temps libre pour faire des choses dont il n'avait plus l'habitude. Aller chez le coiffeur. Aller au cinéma avec Helio. Passer voir Sakura. Ses seules obligations étaient les deux heures d'entraînement quotidiennes et son travail de hacker privé, n'ayant pas encore pris ses fonctions au Panthéon.

Des écouteurs dans ses oreilles, de la musique pour le motiver, Yoonie commença la séance, travaillant aujourd'hui les bras. Tractions, pompes, haltères... Jun avait bien insisté sur le fait qu'il devait se muscler avant d'apprendre à se battre, et il alternait les exercices pour ne pas se fatiguer ni devenir comme ces mecs disproportionnés avec des bras comme des troncs d'arbres et des cuisses de poulet. La veille, il avait travaillé les jambes, le lendemain il ferait de la cardio - ce qu'il aimait le moins - le surlendemain il ferait le gainage, et puis recommencement du cycle. Entourant ses mains de bandes éponges pour éviter de glisser avec la sueur, il s'approcha de la barre de traction.

L'effort l'aidait à oublier, à vider son esprit, à ne plus penser à rien. Il ne pensait plus à la visite de Shin quelques jours plus tôt, le visage en sang et le nom de Jun entre les lèvres. Il l'avait rencontré et le détective l'avait amoché, ce pour quoi Yoonie lui en voulait un peu, mais visiblement pas assez que pour l'ignorer ou ne plus venir s'entraîner. Malgré tout, c'était grâce à ça que Shin était venu, qu'ils avaient parlé et que maintenant ils étaient... quoi ? Un couple ? Ils s'étaient de nouveau embrassé, les deux étant sobres cette fois, et il n'y avait eu aucun doute quant au fait que tous les deux le voulaient. Et pourtant c'était étrange de penser à lui comme à un petit ami, un amoureux ou autre. Shin avait toujours été son meilleur ami et, même s'il voulait plus que ça, il faudrait du temps à Yoonie pour le qualifier autrement.

Depuis ce jour, Yoonie se sentait comme sur un nuage, un sourire constamment posé sur ses lèvres, ses pas se faisant léger et la douleur des entraînements ne suffisant pas à effacer sa joie. Même la vue de ses cicatrices ne lui faisait plus rien, lui qui, sous les conseils de Jun, s'entraînait torse nu, un miroir dans le dos et un autre devant. Il se voyait sous tous les angles, ses yeux fixés sur les lignes qui se croisaient dans son dos, sa peau ravagée et détruite par les souvenirs des traitements de son oncle. Il ne les voyait plus comme une faiblesse, mais comme la preuve qu'il avait survécu, qu'il avait eu la force de se battre et de vivre, le courage de se relever et de garder le sourire malgré tout.

Oui, il guérissait de bien des blessures depuis sa rencontre avec Jun, depuis ses retrouvailles avec Shin. Il faisait enfin le deuil de son enfance avortée, de ses parents inconnus, de son passé douloureux. Il apprenait à se voir comme quelqu'un d'utile, quelqu'un qui comptait, quelqu'un qui avait une place dans ce monde et avait le droit de la réclamer. Fox n'était plus là, lui qui avait peur de tout, qui était naïf et enfantin, il était mort en voyant Jun battre un homme, en voyant une fille s'avancer vers un destin terrifiant. Fox n'était plus, mais il n'était pas encore Léthé, n'avait pas encore appris à faire face à toutes ses peurs, n'avait pas encore eu l'occasion de mettre en oeuvre ses théories sur la mort virtuelle. Aujourd'hui, il était juste Yoonie, et ça lui allait parfaitement bien.

Il était en train de soulever des haltères quand la porte s'ouvrit devant lui. Ne voyant d'abord que Jun, Yoonie posa ses poids et arracha ses écouteurs pour courir vers lui, réalisant en chemin que quelque chose clochait. Des ecchymoses étaient visibles sur les morceaux de peau laissés à nu par ses vêtements, une lèvre était gonflée, fendue sur le côté, ses yeux montrant avec évidence son état de fatigue et de surmenage. Se plantant devant lui, le hacker prit son visage entre ses mains pour analyser les dégâts, ses yeux reflétant la tristesse de ce spectacle.

Qu'est-ce qui t'est arrivé ? T'as eu des ennuis ? T'es blessé ?

Une fois certain qu'il n'avait rien de grave, Yoonie entoura les épaules de Jun de ses bras, le serrant contre lui à la fois pour le consoler et pour lui montrer qu'il lui avait manqué. Puis il le poussa vers un banc pour qu'il s'asseye, fermant la porte derrière lui, et il se dépêcha d'aller chercher sa serviette avant de venir s'installer à côté de lui. Essuyant son visage et son torse humides de sueur, il darda sur son ami un regard scrutateur, s'assurant qu'il ne risquait pas de tomber là ou de s'évanouir, comme l'autre jour après la bagarre.

Au moins t'as la preuve que je passe pas seulement pour t'écrire un mot doux, maintenant.

Une touche d'humour pour détendre l'atmosphère alors qu'il passe toujours en revue tous les coups qui coloraient la peau de Jun. C'était effrayant de voir ce qu'il risquait en entrant au Panthéon, mais c'était justement pour ça qu'il s'entraînait, pour pouvoir se défendre, pour pouvoir aider Jun et le protéger, au moins un petit peu. Pour pouvoir se rendre utile autrement que derrière un écran d'ordinateur.


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Dix jours d’absence. De travail acharné sur une peau marqué. Dix jours qui ressemblaient à une course, avant d’enfin revenir aux sources.  Dix jours sans apercevoir son cadet, qui s’était entraîné. Des cessions régulières qu’il n’avait pas manquées, preuve avec ses petits papiers. Courbaturé, blessé et fatigué, Jun descendit de sa voiture toute neuve quelque peu lessivé. Malgré tout, il souriait, ne voulant pas inquiéter. Il était content de revoir la bouille de son ami après autant de temps sans le voir, voulant apercevoir de ses propres yeux les nouveaux changements sur son corps. Ainsi, il prit son sac qu’il jeta sur le côté, son épaule le remercié, après être entré. Il remarqua de suite une chevelure argenté qu’il appréciait grandement, mais n’eut pas le temps de davantage le détaillé puisque Yoonie se jetait dans ses bras l’instant d’après. Il retenait un gémissement de douleur in extremis, ses côtes souffrant affreusement de l’impact, mais il n’en disait rien. A la place, il le sera en retour avec moins de force que d’habitude, laissant ses doigts palpaient ce nouveau corps qui se sculptait doucement, sans jamais s’égarer dans son dos, respectant cette partie d’intimité qui lui était propre. Il arborait un sourire sincère sur ses lèvres en se décalant légèrement du plus jeune et secoua la tête.  


« Adonis s’occupe du reste, rien à voir avec le Panthéon. » 


Pas de oui, ni de non, mais une autre réponse qui n’était pas tout à fait vraie, mais pas tout à fait fausse non plus. Difficile à dire pour le hacker puisque le brunet arborait un faciès impénétrable, l’empêchant de déceler la véritable réponse. Il avait enlevé ses gants, des meurtrissures à ses jointures visibles ainsi que d’autres ecchymoses sévères s’étendant jusqu’à ses poignets cachés par le col roulé. Son cou était donc protégé. Et les dégâts limités. Même sa montre lui mordait la chair, même si le bracelet en cuir de sa mère lacérait sa peau à vif, il ne les retira jamais. Il en avait de même pour la plaque militaire de son père autour de son cou. Le Ninomea se laissa ensuite céder, s’asseyant sur le banc sans réticence. Il suivit du regard les mouvements de son plus jeune avec un regard acéré, ne perdant pas une miette de sa gestuelle changeante. Il esquissa un petit sourire, ses iris sombres passant de son torse à ses bras jusqu’à son visage, jetant un bref coup vers les miroirs pour apercevoir des choses inédites, même pour lui. Il offrit un triste clin d’œil à son comparse, une main sur le cœur, papillonnant des cils comme le comédien qu’il était.


« Tes petits mots réchauffent mon cœur glacé de ta non-présence à mes côtés. L’entraînement apporte ses fruits… Ça doit faire un heureux en particulier. »


Shin. Sans détour, le sous-entendu était clair sans pour autant être dit. Quand il était entré, il avait de suite remarqué. Ce petit sourire, cette insouciance que tout allait bien dans sa vie. Etant donné qu’il n’était pas comme ça quand ils se sont quittés, l’ancien militaire avait présumé que son Wolfie en était une cause principale. Jun lâcha un petit rire à cette constatation et surtout devant la réponse explicite de son visage suite à ses paroles, avant de grimacer. Il avait retenu de justesse sa main qui commençait à bouger vers ses côtes douloureuses. Pour compenser cette erreur, il attrapa la serviette autour du cou de Yoonie et la jeta sur le côté, un regard brillant de malice. Captant son attention ailleurs que sur lui, il passa une main délicate dans les cheveux argentés avec une moue appréciatrice. Lui avait opté pour des mèches blondes sur sa chevelure noire, quelque chose de plus sobre que la couleur de son ami.  


« Elle te va plutôt bien ta couleur. Même si ça ne fait que dix jours qu’on ne sait pas vus… Tu m’as manqué. »


Vérité prononcée sans être gêné. D’ailleurs, Jun se releva en intimant à Yoonie de rester à sa place. De son côté, il s’agenouilla devant son sac qu’il ouvrit pour en sortir un paquet cadeau, referma ensuite immédiatement la fermeture de son bagage et revient sur ses pas. Il tendit gentiment le bien où un petit paquet de bonbons y était également accroché, haussant les épaules comme réponse devant le regard de son camarade. Il savait que Yoonie avait été diplômé donc il voulait le féliciter. Un geste de sa part pour leur retrouvaille. Il hocha la tête pour lui donner confirmation de l’ouvrir, ne le laissant pas dans une cruauté sévère de le faire attendre. Déchirant le papier, Jun avait laissé son regard voguait dans la pièce, ses pas l’ayant conduit jusqu’aux différents équipements de musculation, jusqu’aux miroirs qu’il touchait du bout des doigts, plongé dans ses propres pensées. Un léger sursaut s’empara de son être à l’exclamation de son futur collègue quant à sa surprise. Un cadeau bien précis qu’il aimait, après une investigation poussée. Prenant appui contre le miroir derrière lui, il haussa de nouveaux les épaules, mais avec un nouveau clin d’œil plus complice et taquin cette fois-ci. 


« Pour célébrer nos retrouvailles, sortons. Après ta douche. Tu pues, Yoonie, sache-le. Mon odorat sensible me fait presque défaillir. »


Il porta une main à son front comme une diva pour accentuer son geste, fermant les yeux en prenant une position parfaite d’actrice de cinéma. Il ria ensuite de sa propre connerie avant de lâcher une toux subite. Devant le changement soudain, il secoua la tête et attrapa la serviette autour du cou de son cadet qui s’était approché devant ses problèmes respiratoires et il lui couvrit les yeux avec le temps d’un battement de cœur. Jun battit rapidement des paupières pour faire disparaitre les larmes qui menaçaient de tomber et seulement après avoir reprit contenance, il laissa le loisir à Yoonie de le regarder et de lui faire un nouveau câlin pour le remercier de son présent à son égard.  


« Tu pues, à la douche ! Après on sort, je t’invite où tu veux. »


Tous deux quittèrent la salle pour l’appartement plus chaleureux de Jun. Ce dernier retrouva vite ses marques, laissant Yoonie partir dans la salle de bains pour se préparer tandis que lui attendit qu’il ferme la porte de la salle d’eau pour poser son sac et jeter dans la poubelle les bandes ensanglantées ainsi que les nombreux pansements et scotch. Ensuite, il s’occupa du reste dans sa chambre, ayant fermé la porte à clé en cas où le hacker sortirait plus vite que prévu. Il rangea le tout, mettant certaines affaires à l’abri des regards indiscrets et sortit ensuite de la pièce quelques minutes après pour faire face à un homme tout propre. Il haussa un sourcil en le regardant de haut en bas et hocha la tête comme s’il était d’accord par ce qu’il voyait. 


« Allons-y. J’ai une voiture toute neuve maintenant. »


L’ancienne avait été réparée et changée pour un modèle plus récent et beaucoup plus luxueux. Jun se plaça sur le siège conducteur et attendit sagement les directives pour leur prochaine destination, laissant tout le loisir à son passager de choisir.

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Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Frustré mais pas tellement étonné de la réponse évasive de Jun, Yoonie n'insista pas pour savoir ce qu'il avait, trop content de le serrer dans ses bras que pour risquer de gâcher l'ambiance en le braquant. S'il ne voulait pas parler tout de suite, tant pis, le hacker savait qu'il finirait par se confier, ou l'espérait. De toute façon, il pouvait le menacer de le chercher sur les vidéos des caméras de circulation de tout Tokyo, persuadé qu'il retrouverait sa trace et serait capable de déterminer quand, où et avec qui il s'était battu. Avec un peu de chance, il n'aurait pas à arriver là, mais n'hésiterait pas si ça se révélait nécessaire, refusant de rester les bras croisés pendant qu'il se faisait tabasser.

Souriant aux paroles de Jun alors qu'il revenait s'asseoir près de lui, Yoonie ne put masquer la joie pure qu'il ressentait, sentiment qu'il ne devait qu'à Shin et ses baisers. Il ne répondit rien, cependant, son visage parlant pour lui et les yeux du détective captant la moindre de ses réactions. Nul besoin de mots entre ces deux-là, surtout pour exprimer leurs sentiments et leurs émotions, aussi lisibles qu'un livre ouvert. Yoonie ne manqua pas d'ailleurs de remarquer le réflexe retenu de Jun, cette main qui s'était relevée de quelques minuscules centimètres vers ses côtes visiblement douloureuses. Son sourire se fana un peu, mais il ne fit aucun commentaire. Pas encore. Pas maintenant.

Tu m'as manqué aussi. Enfin, Jun m'a manqué, mais pas l’entraîneur intransigeant qui m'empêche de manger... oh, des bonbons ?

Pendant qu'il parlait, Jun s'était dirigé vers son sac et lui tendait un paquet cadeau accompagné de bonbons, péché mignon du hacker qu'il avait du abandonner pour se concentrer sur son entraînement. Levant vers lui un regard étonné, Yoonie pensa un instant à un piège, mais son visage ne montrait aucune malice. Souriant de toutes ses dents, il déballa le cadeau, découvrant le dernier opus d'un jeu vidéo qu'il voulait acheter mais qui ne devait sortir que la semaine suivante. La bouche en rond, il leva la tête vers son ami, ne sachant pas quoi dire. L'avait-il pré-commandé pour lui ? Avait-il cambriolé une usine pour lui voler ce jeu en exclusivité ? Gagné un concours ? Comment ?

Je... Comment tu l'as eu ? Merci beaucoup !

Se levant, il alla rejoindre Jun pour le serrer à nouveau dans ses bras, le remerciant pour ce cadeau inattendu et inespéré. Pour le féliciter pour son diplôme, certainement, ou peut-être simplement parce qu'il lui avait manqué. Quoi qu'il en soit, Yoonie était heureux et il oublia une seconde les blessures de son ami, vite ramené à la réalité par ses paroles, comme quoi il sentait mauvais. Bon, il n'exhalait pas la rose, effectivement, mais de là à dire qu'il puait. Faussement vexé, le plus jeune se recula en croisant les bras, faisant une moue boudeuse. En vérité, il arrivait à la fin de sa séance et comptait de toute façon se prendre une douche, mais il ne l'avouerait jamais, préférant taquiner le détective un petit moment.

La toux de Jun, transformée en crise de douleur, effaça cependant rapidement son air vexé de son visage, remplacé par de l'inquiétude. Il n'aimait pas voir son ami souffrir, aurait aimé pouvoir le soigner avec une potion magique ou un médicament miracle, mais les seuls pouvoirs de Yoonie résidaient dans l'informatique et il ne pouvait rien pour accélérer la guérison du détective. Rendu aveugle par sa serviette, le hacker croisa les bras en attendant de pouvoir recouvrer la vue, se doutant que Jun voulait lui cacher ses faiblesses, chose ridicule pour lui qui lui avait presque tout dit.

T'as pas à te cacher devant moi tu sais. T'es humain, t'as le droit de souffrir et d'être réconforté. Et tu peux te confier aussi... quand tu en auras envie.

Pas si, mais quand. Parce que Yoonie n'accepterait pas de silence pour réponse à son inquiétude, voulait des réponses, des explications, un moyen de l'aider. Savoir s'il avait gagné ou s'il était toujours en danger. Savoir s'il pourrait dormir tranquille ou s'il passerait son temps à traquer le téléphone de Jun pour savoir où il serait en permanence et pouvoir intervenir au cas où. Ils se firent un nouveau calin, contact réconfortant pour ces deux êtres aux plaies béantes, puis Yoonie fut envoyé à la douche sans ménagement. Allant récupérer ses affaires, il suivit le propriétaire des lieux jusqu'à l'appartement et se dirigea directement vers la salle de bain, ayant appris à connaître les lieux au fil de ses visites.

L'eau était brûlante sur sa peau, tout juste ce qu'il fallait au jeune hacker pour évaporer la sueur qui perlait sur son torse et son dos. Il avait prévu des vêtements de rechange, comme toujours, et il ressorti en jeans et pull à capuche blanc, faisant ressortir ses mèches et lui donnant un air encore plus innocent. Il retrouva Jun dans le salon, qui sembla approuver sa nouvelle odeur aux senteurs de fleur de  cerisier. Yoonie hocha la tête quand l'autre sonna le départ, prêt à partir pour une nouvelle aventure. Se glissant sur le siège passager de la voiture flambant neuve, il se tourna vers Jun en bouclant sa ceinture, le regard hésitant.

Tu voudrais pas me faire visiter le Panthéon ? Je sais que je suis encore nulle part dans les entraînements et tout mais j'aimerais quand même voir à quoi ça ressemble...

Yoonie laissa le contrôle de la conduite à Jun, réalisant que c'était la première fois qu'il le voyait au volant d'une voiture. Les seules fois où ils avaient été ensemble dans une voiture, c'était lui qui avait pris le volant parce que le détective était blessé, et peut-être aurait-il du encore faire de même aujourd'hui, ne manquant aucune grimace dessinée par les lèvres de son ami.

Tu veux vraiment rien me dire ? Pour tes blessures ? Je veux pas insister mais... j'aimerais savoir...

Il aimerait que Jun se confie, qu'il lui dise ce qu'il s'était passé, qu'il voie en lui quelqu'un qui pourrait l'écouter et l'aider. Il savait bien qu'il cherchait à le protéger et ça le touchait, mais il allait plonger dans le merdier à pieds joints, il voulait être impliqué, savoir ce qui se passait, pourquoi, comment, où. Il voulait pas être juste le hacker à qui on demande ce qu'on a besoin, il voulait être plus que ça, au moins pour Jun, seulement pour lui. Les autres du Panthéon lui importaient peu, il ne les connaissait pas et ne les connaitrait jamais comme il connaissait le détective, alors il se fichait de leur être utile. Mais pas Jun.


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Se confier. Partager. Donner. Réapprendre à s’exposer. Sentiments partagés. Bouche qui s’ouvre pour mieux se refermer. Tête secouée avant de finalement soupirer. Tellement de contradiction en Jun qui le faisait hésiter. Silence nullement pesant, mais saturé de tristesse. Des mains qui se serraient soudainement contre le volant, ses jointures blanchissantes, la douleur coulant dans ses veines comme de l’adrénaline. Il se mordit l’intérieur de la joue assez fort pour sentir un goût métallique remplir sa bouche et se força à s’arrêter. Il jeta un bref coup d’œil à la personne à ses côtés. Il méritait. Méritait vraiment de connaitre toute la vérité. Mais c’était encore douloureux comme une plaie nullement pensée. Il se remettait à son rythme et même si c’était difficile, il ne pouvait pas simplement garder le silence. Pour Yoonie qui n’avait que des intentions sympathiques à son égard, il pouvait bien lui dire quelque chose. Rien qu’une chose. Démarrant la voiture, il prit une grande respiration tout en quittant son appartement pour la route du Panthéon à la demande de son cadet. Même s’il avait pensé l’amener ailleurs avant, surpris qu’il choisisse ce lieu parmi tant d’autres. Mais il se plia à sa demande. Pendant un ultime battement de cœur, il faillit éluder, mais à la dernière seconde, il laissa échapper quelques mots pour réconforter le plus jeune. Et peut-être lui-même.   


« Je ne peux pas encore. C’est trop tôt, mais tu sauras tout quand je me sentirai prêt. Tu n’es pas le seul, personne ne sait rien. Sache… Sache juste que ça ne concerne pas que mon travail. Mais merci d’être là, je me sens moins seul. » 


Il avait presque hésité à révéler une partie de l’histoire nébuleuse de son état après dix jours d’absences. Et dire qu’il avait peur était un euphémisme. Peur de quoi ? Lui seul le savait. Sa voix suintait l’appréhension et la sincérité. Une appréhension non pas d’être jugé, parce que ce n’était pas dans la nature de Jun de s’inquiéter des regards des autres. Non, c’était une appréhension bien plus profonde que cela, plus ancré en lui, au point de ne piper mot à personne. C’était un masque qu’il n’avait jamais montré jusqu’à aujourd’hui. Un être blessé, peu bavard et incertain. D’un regard qui s’emplissait de larme un instant, puis perdu dans les méandres de souvenirs la minute suivante. D’un sourire terne qui se soulevait parfois pour la bienséance. D’une froideur inconnue à un mutisme nouveau. D’une vérité brutale, sans taquinerie et non-dit. Mais d’une douceur commune en lui pour les personnes qui lui était proche. Roulant à une allure régulière, il refusa d’en dire davantage sur ce qui s’était passé. La boule à la gorge disparaissait lentement et il était désolé pour son comparse, mais c’était une demande trop hâtive pour la plaie encore à vif. Il lui promit néanmoins qu’à la seconde où il se sentirait prêt, il lui dirait. Même si cela consistait à l’appeler alors, qu’il était avec Shin en plein bécotage. Il esquissa un sourire à la pensée que son ami soit heureux avec ce petit con et se rendit compte que ce dernier avait dû lui raconter leur première rencontre. Il se redressa sur son siège et ne laissa jamais son regard déviait vers Yoonie.


« Ça va, je me suis excusé ! Je sais que j’ai été trop brute avec lui, mais tout va bien maintenant. T’as joué son infirmière, m’en veut pas, il a rien de grave. Moi je suis plus à plaindre que lui. C’était leur ann… Oh, on est arrivés. »


La devanture du Panthéon mélangée les aspérités japonaises pour moins être perçues par la foule et les plus indiscrets, mais avait quelques connotations très artistiques. De la Grèce antique, aux dieux jusqu’aux muses, il montrait des décorations sophistiquées, dissuadant certains passant d’y entrer. La devanture n'est donc pas à première vue celle qu'on repère le plus aisément, mais quelques curieux s’arrêtaient facilement, mais bien vite dérouter en voyant l'aspect de luxe qui s’y dégageait. Possédant plusieurs passages secrets, il s’étend en réalité sur plusieurs bâtiments en largeur comme en hauteur. Jun activa le clignotant et s’engouffra dans le parking souterrain après avoir laissé le temps à Yoonie d’observer son futur lieu de travail. Il trouva facilement une place parmi tant d’autres véhicules aussi beaux que le sien et après avoir éteint le moteur, tous deux descendirent. L’entrée s’ouvrait automatiquement puisque tout est très surveillé et protégé, le système de sécurité étant très discret et dont peu de personne arrivaient à apercevoir les caméras présentes autour d’eux. Il lui précisa qu’il pourra entrer lui aussi dans le bâtiment sans soucis, étant rentré dans la base du système de reconnaissance faciale.   


« Il n’y a pas cartes, pas de clés. Pas de connerie comme ça qu’on risque de se faire voler ou d’oublier. »  


Et enfin ils entrèrent. L'intérieur du bâtiment était plus lumineux, très spacieux, aux couleurs d'un Panthéon. Avec de la verdure et de l'eau, ce qui pouvait surprendre. Les couleurs étaient dispatchées selon les envies. Il ressemblait à un labyrinthe, avec des ascenseurs et escaliers, des portes dérobées pour que chacun ait son espace privé. Les couloirs et les salles étaient ornés de tableaux, de peintures, de bijoux ou même de fontaines, montrant les richesses acquises par le Panthéon au fil des années. Les gens déambulaient comme bon leur semblait. Ils se saluaient, se souriaient ou passaient leur chemin. Certains étaient très agréables avec eux, accueillant Yoonie comme s’il était déjà des leurs depuis des lustres. D’autres étaient plus grognons. Ils passèrent devant la salle de jeu, où il y avait baby-foot et arcades ainsi que devant les cuisines qui étaient très animés. Puis, Jun se dirigea vers un bureau en particulier et lui expliqua que c’était le sien désormais. Son propre espace privé avec bureau et ordinateurs, toutes les panoplies étaient à son actif. Il suffisait d’appeler pour avoir ce qu’il désirait. Il avait même droit à un frigo, une salle de bain et une chambre. Comme tous les autres. Exactement comme une deuxième maison. 


« Voilà ton nouveau chez toi, plutôt surprenant et plaisant n’est-ce pas ? Je suis content que tu sois là. On pourra se voir, autres que les entraînements. »


Passant la tête à travers l’entrebâillement de la porte, il repéra l’une de ses sœurs et une exclamation s’échappa de ses lèvres. Il attrapa la main de Yoonie et tous deux se mirent à courir pour échapper à la silhouette féminine. Sans avoir le temps de s’expliquer, Jun zigzaguait à travers les couloirs, à travers les différentes personnalités et personne ne semblait choquer. Tous avaient l’habitude de le voir courir pour s’enfuir. Ils s’arrêtèrent enfin aux escaliers. Le Ninomea s’asseyant sur les marches, reprenant son souffle entre plusieurs quintes de toux et ses explications.  


« C’était… Ma sœur… Vaux mieux la fuir… Elle fait…Tellement… Peur. Même Adonis… Se méfie. Tout le monde… En a peur. Evitons… d’autres… Traumatismes. Je tiens trop à ma vie. »


Du sang filtra de ses lèvres jusqu’à son gant. Grimaçant il secoua la tête devant l’air inquiet de son cadet, le dissuadant de faire quelque chose parce qu’il n’y avait rien à faire. Il soutenait ses cotes de son bras avant de se lever, jetant un regard dans le couloir. 


« La voie est libre, retournons à ton bureau. »

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Plus tard, quand il serait prêt. Pas si, mais quand. C'était un compromis acceptable et Yoonie hocha la tête, pouvant comprendre que Jun avait besoin de temps ; le remerciant d'avoir compris que lui avait besoin d'une promesse. S'il savait qu'il se confierait, qu'il lui expliquerait plus tard, alors le hacker pouvait bien accepter d'attendre un peu, le lui devait bien, lui qui lui offrait une nouvelle vie sans presque rien demander en retour. Il esquissa un sourire aux remerciements de Jun, heureux qu'il se sente moins seul avec lui, qu'ils ressentent la même amitié et le même besoin d'avoir l'autre dans sa vie. Aujourd'hui, si le détective disait à Yoonie qu'il devait partir et qu'ils ne se reverraient plus... il ne saurait pas supporter.

Ils partirent ensuite vers le Panthéon, le plus jeune étant impatient d'enfin visiter son nouveau lieu de travail. Il voulait commencer à être Léthé, à gagner sa vie plus facilement qu'en enchaînant les contrats pour des particuliers qui n'avaient pas toujours les moyens de payer. Il faisait des prix à ceux dont les finances étaient basses ou leur permettait de payer plus tard, ayant de toute façon la possibilité de vérifier qu'ils disaient vrai. Et ceux qui mentaient pour avoir une réduc finissaient par payer double, parce que personne ne se fout de la gueule de Fox sans conséquences, et personne n'oserait s'en prendre à Léthé quand il aurait prouvé être capable de tuer virtuellement ses ennemis, les privant de tout.

Yoonie plissa les yeux aux paroles de Jun, comprenant en cours de route qu'il parlait de Shin et de leur altercation. Ouais ça avait servi à les rapprocher et c'était à cause de ça que le Wolfy était venu chez son ami, mais quand même. Le voir blessé et abîmé n'avait pas plu au hacker qui fit quand même une moue, sachant pourtant que l'autre ne le regardait pas. Il allait répondre quand leur arrivée au Panthéon fut annoncée. Distrait, il se tordit le cou pour regarder la façade, lâchant une exclamation impressionnée en découvrant l'architecture riche et magnifique. Puis Jun rentra dans un parking et Yoonie se tourna vers lui.

Je suis pas fâché, même si je t'avoue que sur le moment si je t'avais eu sous la main t'aurais passé un sale quart d'heure. Évite juste de recommencer, d'accord ? Je l'aime et je veux pas avoir à choisir entre vous deux...

Parce que l'objet de son choix ne laissait pas de doute : il se tournerait vers Shin, l'élu de son coeur, son frère depuis plusieurs années. Ca le déchirerait de devoir un jour faire ce choix, parce qu'il ne voulait perdre ni l'un ni l'autre, mais la logique ainsi que les sentiments le poussaient vers celui qu'il aimait d'amour. Jun était en quelques jours devenu son meilleur ami, il était son âme soeur dans le sens platonique du terme, mais s'il faisait du mal à Shin, alors il ne laisserait pas le choix à Yoonie. Il devrait protéger celui qu'il aimait, quitte à sacrifier cette nouvelle vie pour s'assurer qu'il ne lui arriverait rien.

Descendant de la voiture, Yoonie suivit Jun vers l'entrée automatisée, l'écoutant parler de la technologie qui lui permettrait de rentrer par reconnaissance faciale. Impressionnant, comme tout le reste... Et très intelligent, car qui pouvait voler un visage ? C'était possible, oui, mais vachement moins que voler une clé ou faire réciter un mot de passe. Créer un masque super réaliste, voler le visage de quelqu'un ou simplement tromper les caméras et l'algorithme demandait bien plus de connaissance, de sang-froid et de détermination.

À l'intérieur, tout était encore plus beau que l'extérieur, lumineux, riche, verdoyant. La nouvelle recrue s'était imaginé un lieu austère, délabré et sombre, à l'image de son ancien QG chez Peter où il n'y avait qu'un lit pour eux cinq, des planches qui obstruaient les fenêtres et une Sakura qui faisait le ménage quand elle y pensait. Il avait l'impression de changer de monde, de laisser derrière lui le gamin des rues pour devenir un homme, pour entrer dans la vie d'adulte et pour enfin vivre une vie qu'il méritait. En quelques jours, il avait tout gagné. Shin, Jun, le Panthéon... Puis il fut conduit à son bureau. Son bureau. Il y avait tout le matériel dont il avait besoin, trois écrans, des tours dernier cri, des claviers pro... Un tableau accroché au mur était en fait un quatrième écran, permettant d'afficher devant lui tout ce qu'il trouverait et de voir les choses sous un autre angle. La déco était épurée et une petite plante verte était posée sur le bureau.

Wouah... J'adore, merci !

Yoonie se retourna pour prendre Jun dans ses bras, heureux de ce nouveau cadre de travail, mais son ami l'attrapa par le bras et le poussa à courir, fuyant quelque chose - ou quelqu'un - qu'il n'avait pas eu le temps de voir. Pensant brièvement que quelques jours plus tôt il en aurait été incapable, Yoonie suivit l'autre avec aisance jusqu'à s'arrêter dans une cage d'escaliers, s'asseyant côte à côte sur les marches. La respiration du renard était haletante, mais il était dans un moins pire état que Jun, le pauvre souffrant de ses blessures. Il lui expliqua que c'était sa soeur et le hacker comprit qu'elle était à éviter. Compris. Il faudrait juste qu'il voie sa tête.

Je note, d'accord.

Inquiet face au sang qui perlait sur les lèvres de Jun, Yoonie serra les poings, impuissant. Il ne pouvait rien faire pour l'aider et ça le tuait, lui qui voulait pouvoir le guérir en quelques mots, en quelques minutes, ou au moins le soulager de ses douleurs. Il le regarda se lever et le rejoignit quand il lui dit que la voie était libre.

J'aurais pas du te demander de m'emmener ici, je suis désolé... Elle t'a déjà fait du mal ?

Reprenant le chemin jusqu'au bureau de Yoonie, ils entrèrent et le nouveau propriétaire ferma la porte derrière eux. Ici, c'était son bureau, son chez lui, son territoire. Si quelqu'un voulait venir y faire du mal à son ami, ils feraient face à des conséquences informatiques plutôt fâcheuses... Parce que Léthé ne travaillait pas pour le Panthéon, il travaillait pour Éris. Se glissant derrière ses écrans, il en alluma un et appuya sur l'interrupteur d'une tour. L'ordinateur s'alluma en quelques secondes, hyper performant, et Yoonie commença par les vérifications d'usage.

Ah, ils m'ont mis un logiciel espion... S'ils pensent que je vais les laisser regarder par-dessus mon épaule quand je bosse... Oh-oh, intelligent ! Ils en ont caché un autre en pensant que je m'arrêterai au premier.

Relevant la tête pour regarder Jun, Yoonie plissa les yeux une seconde, faussement suspicieux.

Dis tu leur as dit quoi sur moi ? Clairement ils me prennent pour un amateur là, je suis vexé ! Oh et voilà qu'ils allument mes micros, y a une caméra plaquée dans le bureau, je parie. Ils veulent jouer hein...

Ouvrant Youtube en deux clics, il lança une musique de hardrock à fond, de quoi les faire regretter de lui avoir mis des haut-parleurs super performants. Puis il fit signe à Jun de venir s'asseoir sur sa chaise, refusant de le regarder rester debout pendant qu'il bossait. Concentré sur son clavier et son écran, il entreprit de désactiver tous les logiciels de surveillance installés dans ses systèmes, les enregistreurs de saisies, de son ou d'images. Il téléchargea ses propres programmes, glissant une clé USB dans la tour mère pour installer tout ce qu'il avait déjà craqué et qui lui prendrait trop de temps. Puis il fit une recherche inversée pour avoir l'image de la caméra cachée dans son bureau, deviner où elle était et briser la figurine en forme de renard dans laquelle elle était cachée. Enfin, il coupa la musique et soupira.

Bande d'amateurs. Les portes des bureaux sont automatisées aussi ? J'ai pas regardé si c'était une clé.

Se tournant vers Jun, il attendit sa réponse, prêt à pirater le système de sa porte pour que personne d'autre que lui ne puisse entrer. Pas même le détective, car il avait vu la terreur dans ses yeux et craignait qu'il n'obéisse à sa soeur si elle le menaçait. Et peut-être qu'elle menacerait de toucher à Yoonie pour atteindre l'autre, elle en semblait capable.

Du coup, ta frangine, elle s'appelle comment, que je voie sa tête ?


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• DON’T SHED ANY MORE TEAR  
–Even if the worst is coming.


« Adélaïde n’a jamais rien fait de mal, tout comme Antinéa, mais la première n’est pas violente, juste… Spécial. Très. Ce n’est pas pour rien que tout le monde les évite. S’il te plait, Yoonie, ne te méprend pas. Je suis très heureux de te faire partager mon monde. C’est juste que je t’évite des cauchemars supplémentaires. » 


Jun eut des frissons rien qu’à cette idée. Ses sœurs pouvaient avoir des tripes bizarres sur les gens et si son cadet tombait entre leurs griffes, il ne donnait pas cher de sa santé mentale. Déjà lui-même avait du mal après cinq ans à leurs côtés donc un inconnu ? Impensable. Il fit promettre au hacker de fuir dès qu’il voyait leurs visages. Visages qu’il montra sur l’un des écrans de son ordinateur afin qu’il soit en mesure de rapidement les identifier et de les semer si jamais leur route venait à se croiser. Ses sœurs adoptives étaient sacrément belles et dégageaient une aura particulière se distinguant par l’élégance et le charisme, ce qui permettait à quiconque de les reconnaître en un clin d’œil. Il parla également d’Adonis, lui stipulant que des trois moires, il était le plus… Amicale. Il passa sous silence le côté sanguin de ce dernier ne souhaitant pas effrayer Yoonie -surtout aux vues du passif de ce dernier, ni lui faire penser qu’il devait le protéger de son propre frère, sachant que celui-ci a déjà été plus d’une fois d’une violence exemplaire à son égard. Hormis les côtés très négatifs d’eux, il lui précisa qu’ils étaient toujours à l’écoute en cas de soucis. Il secoua la tête pour mettre en garde son ami sur autre point.


« Tu fais le travail qu’on te donne, sans te préoccuper du reste. C’est une autre sphère. Une sphère qui n’est pas à notre portée. Une sphère avec ses propres codes. Maintenant que tu es au Panthéon, tu fais partie d’une famille qui te protégera quoi qu’il arrive. Utilise le nom, juste le nom en cas de problème avec les hautes sociétés, cela te protégera, quoi qu’il se passe. Et avec ce petit test que tu as passé haut la main, ils savent que je n’ai pas menti sur tes capacités, mais quoi qu’il arrive, ils savent tout. Même notre discutions en ce moment même et tu ne peux rien faire pour y échapper. »


Sans en dévoiler les secrets véritables -parce que lui-même n’était pas au courant de tout, leur conversation était certainement enregistrée et Jun s’y était accommodé sans trop de problèmes. La nonchalance dans ses paroles mélangées à un sérieux était étrange et pourtant, elle donnait à son interlocuteur l’envie de faire de même. De se laisser apprivoiser par ce nouveau système même si elle pouvait les entraver d’une certaine liberté, sans vraiment le faire à la fois. L’ancien militaire posa son fessier sur le deuxième siège du bureau personnalisé de son camarade et soupira en laissant sa tête reposait contre l’appui-tête avec une fatigue à peine dissimulée. La musique forte plus tôt lui avait donné un mal de tête immense qu’il tentait de dissimuler, mais ses yeux un peu vitreux donnaient peu de consistance à son cinéma. C’est pourquoi il ne regardait pas Yoonie, mais laisser ses pupilles voguait sur les écrans jusqu’à son propre téléphone qu’il avait retourné pour ne pas que l’écran d’accueil soit visible, ainsi que le corps qui commencé à se muscler de son acolyte.  


« J’ai remarqué que tu parvenais à bien suivre ma course. Tu soufflais pas comme un bœuf. Les exercices te font plutôt du bien en si peu de temps. Je me demande si je devrais pas monter d’un level, du coup… »


Un ton badin avec un sourire fracturé. Une idée malicieuse en tête pour parvenir à cet objectif. Yoonie savait très bien que Jun pouvait devenir un véritable tyran quand il le souhaitait et s’il voulait que l’entraînement passe à un nouveau niveau, il n’aura pas le choix que de s’y adapter. Il lui fit donc part de son souhait de commencer à se battre réellement. Au corps à corps. En apprenant les premiers gestes de self-défense. Rien de compliqué, rien qui perturberait ses exercices quotidiens, mais qui augmenterait considérablement sa fatigue et ses courbatures. Il précisa qu’il n’avait pas l’intention de lui faire le moindre mal, mais de lui apprendre à s’en sortir si on lui voulait du mal.  Il balaya ses propos d’un revers de la main. 


« Pas maintenant rassure-toi, quand je serais en état physique de le faire. Je serais bien curieux de savoir comment tu t’en sors. »


Physique, pas mentale. Pendant un instant, il avait ouvert la bouche avant de la refermer tout en fronçant les sourcils. C’était comme s’il souhaitait dire quelque chose avant d’abandonner l’idée pour retrouver le courage après et ainsi de suite. Ses doigts qui jouaient, le temps d’un battement de cœur entres eux, étaient le parfait exemple d’une nervosité qui ne lui ressemblait pas. Puis expirant de l’air après une grande respiration, il rencontra le regard de son ami, une lueur larmoyante saisissante.  


« Est-ce…Est-ce que malgré le temps… Parce que… Parce que c’est l’anniversaire de leur… »


Jun s’arrêta subitement en entendant un brouhaha dans le couloir. Echangeant un regard interrogateur avec son interlocuteur, tous deux quittèrent le bureau pour se rapprocher des voix. Devant eux, un attroupement était présent avec en son centre une bagarre générale. Rien d’étonnant, cela arrivait parfois d’où une nonchalance pour beaucoup et d’autres qui participaient gaiement avec des cantonades donnant le sourire. Jun croisa les bras sur son torse et observa. Il fit signe à Yoonie de faire de même et haussa les épaules comme réponse. Seulement, l’ancien militaire étudia les mouvements avec précision, d’un regard acéré et son corps se tendit. Pendant un instant il ne fit que regarder et à la dernière seconde, il bougea. D’un seul coup, sans préavis, sans signe avant-coureur d’une intention de sa part d’intervenir. C’est ainsi que le Ninomea attrapa le poignet de l’un des bagarreurs pour le retourner avant de placer rapidement sa main derrière sa nuque et de l’assommer en y plaquant un coup sec contre le mur. L’homme s’écroula à terre dans un bruit mat, son torse se soulevant comme preuve qu’il était toujours vivant. Quant à l’autre gars… Il leva le poing, croisa le regard de Jun et celui-ci ne fit rien pour se défendre et accueillit donc le coup. Sa tête vrilla sur le côté, la douleur lancinante palpitant dans son corps et du sang perla aux coins de ses lèvres. Des jurons s’élevèrent autour d’eux. C’était évident que le Ninomea voulait qu’on le frappe. Si le deuxième type pouvait continuer, il l’aurait fait et il était même en position de recommencer, mais la voix glaciale et autoritaire de Jun dont l’intonation vibrait d'une menace certaine, le stopper en plein vol. 


« Si vous voulez pas que j’appelle Adonis, barrez-vous tous. »


Et en entendant la voix du dénommé Moire, les visages prirent un air grave et les gens prirent leurs jambes à leur cou. Jun porta la main au coin de ses lèvres qui lui faisait un mal de chien et se retourna vers Yoonie, attrapant son poignet -là où il y avait son vêtement- et tous deux repartirent vers une cage d’escalier où très peu circuler. Quelque peu à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes du Panthéon.

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