Même si cette aventure n’avait pas été de tout repos, c’était maintenant terminé et ils pouvaient souffler. Et puis plus tard, ils pourraient en rire à gorge déployée en repensant à cette histoire. Pour l’heure, ils allaient reprendre ce qu’ils avaient prévu de faire avant cet interlude au cimetière. Mais ils n’étaient pas en quartier connu et il ne savait pas où aller. Le Starbucks qui se dressait en face d’eux semblait donc être la solution parfaite pour se poser sans réfléchir.
Pourquoi avait-il fallu que Hikaru relève la phrase qu’il avait criée un peu plus tôt pour réussir à se dépêtrer de la grand-mère sénile ? Il avait vraiment le don de mettre les pieds dans le plat, et Hikaru devait commencer à avoir l’habitude de cela puisque même à l’époque où ils étaient ensemble, il faisait déjà bourde sur bourde. Bref, il avait rougi et la seule réponse qu’il avait pu donner c’était « Joker ». Parfait, la réponse la plus nulle du monde, surtout qu’elle ne sembla pas convaincre la jeune femme. Non, ce n’était pas tout ce qu’il avait à dire, mais comme il lui avait demandé le soir des retrouvailles, il souhaitait y aller doucement, et lui déballer cash l’énorme flot de sentiments qu’il ressentait encore à son égard n’était peut-être pas la meilleure des idées. Il avait tenté tant bien que mal de détourner la conversation en utilisant le Starbucks repéré un peu plus tôt pour couper court. Hikaru sembla convaincu par ce lieu, et accepta qu’ils aillent se poser là-bas.
En chemin, Ken finit par lui répondre :
 
« Pour le moment, oui, c’est ma seule réponse. Un peu de suspens voyons !! » plaisanta-t-il.
 
Redevenir le Ken jovial et blagueur qu’il avait toujours été à ses côtés n’était pas la chose la plus simple tant il était nerveux, mais il fallait bien qu’il essaie de redevenir naturel après tout, sinon ça allait devenir compliqué par la suite. Ils arrivèrent au Starbucks et pénétrèrent à l’intérieur, s’approchant du comptoir.
 
« Hm, je vais prendre un frappuccino matcha, et toi ? J’ai hâte qu’ils sortent les boissons Sakura en avril ! »
 
Oui, Ken avait des goûts assez girly mais il se foutait totalement de l’avis des autres. Il espérait juste que son coach des Corsairs n’apprenne jamais tout le sucre qu’il ingurgitait sur ses temps de congés, parce qu’il se ferait tuer sur le champ sinon.

Bon visiblement, il n'avait pas envie de m'en dire plus, pas pour le moment en tout cas. Je ne voulais pas le mettre mal à l'aise, alors je n'insistais pas, mais je gardais cette réplique en tête, histoire de ressortir le sujet plus tard. Il plaisanta même en me disant qu'il fallait garder un peu de suspens. Je ne pu m’empêcher de rire. Je reconnaissais bien là le Ken que je connaissais. « D'accord, d'accord, un peu de suspens donc. »

Contrairement à la soirée de nos retrouvailles, les choses semblaient plus détendues. Nous dire ce que nous avions sur le cœur avait été difficile, mais ça nous avait aussi libéré, en quelque sorte. Non pas que tout soit devenu simple maintenant, mais c'était moins pesant. J'avais cogité un moment avant ce rendez-vous. En toute franchise, je ne savais pas comment ça allait se passer après la dernière fois. J'avais appréhendé de me retrouver une nouvelle fois seule avec lui et en même temps, j'avais été impatiente. « Mais ne le fait pas durer trop longtemps. » Certes, je ne voulais pas le brusquer, après tout, nous avions décidé d'y aller doucement et de prendre notre temps, mais rien ne m’empêchait de le titiller un peu. J'avais bien compris qu'il avait essayé de changer de sujet et pour le coup, ça aussi c'était du Ken tout craché.

Ça faisait du bien de le retrouver comme je le connaissais. J'imagine que les quelques jours écoulés depuis la dernière fois lui avait permis de digérer la nouvelle de mon retour. Et peut être aussi de faire un peu le tri parmi tout les sentiments qui avait dut le traverser ce jour là. Arrivés au Starbucks, je le suivais à l'intérieur. « Je vais prendre un caramel macchiato. » Je le regardais amusée. « Toujours aussi fan de sucre alors ? Il faudra que tu me donnes ton secret pour ne pas prendre un gramme avec tout ça. » Aussi loin que je me souvienne, Ken avait toujours été quelqu'un de plutôt gourmand. « J'imagine qu'on devra revenir en avril du coup ! » Voilà une façon subtil de prévoir un autre rendez-vous et surtout de lui faire comprendre que oui, j'étais bien décidée à continuer à le voir, s'il le voulait toujours.

Hikaru semblait presque frustrée que Ken refuse de lui en dire plus sur sa réaction spontanée la concernant au cimetière. Mais bon, il n’était pas encore prêt à avouer qu’elle restait son premier amour et que sa présence dans sa vie ne le laissait certainement pas indifférent. Il voulait d’abord passer du temps avec elle pour voir si malgré la rupture et les années d’éloignement, la complicité était toujours un tant soit peu présente. Hikaru accepta le fait de faire durer le suspense, mais elle lui intima de ne pas le faire durer trop longtemps. Il ne savait pas vraiment comment interpréter cela. Son côté fleur bleue lui disait qu’elle avait envie de connaître ses véritables sentiments qu’elle partageait et qu’elle voulait aussi lui exprimer, mais son côté prudent lui hurlait de rester calme et de laisser les choses se faire naturellement. Mais le ton de la jeune femme était un peu taquin, signe qu’elle cherchait à le provoquer un peu pour le déstabiliser. Décidément, elle avait pris en assurance en vivant en France, et ce n’était pas pour lui déplaire. Elle semblait avoir conservé ce côté sage et réfléchi qu’il lui avait toujours connu, mais elle paraissait plus sûre d’elle, plus taquine et plus affirmée. Après tout, le fait que les Français soient des gens ouverts et francs devait être vrai. Il n’était pas resté assez longtemps là-bas pour le confirmer.

Il était désormais temps de commander, elle avait opté pour un caramel macchiato. Elle sembla également amusée de voir qu’il consommait toujours autant de sucre, et Ken rit à sa remarque. Son secret ? Le sport voyons ! Mais bon, tout le monde n’était pas capable d’assumer son rythme sportif indécent, et le fait qu’il vienne d’accepter de devenir entraîneur de l’équipe de Basket n’allait pas réduire ce dernier !

« Le sucre, c’est la vie ! Le gras aussi. Mais c’est un secret, sinon mon coach me tuerait ! Mon secret … Beaucoup trop de sport ? Et sinon c’est mon talent naturel »

Il avait dit tout cela sur son ton habituel de plaisanterie, redevenant petit-à-petit lui-même en la présence d’Hikaru. La gêne constante avait disparu, le malaise s’était dissipé peu à peu. Ces derniers jours lui avaient permis de se vider la tête et de faire le point. Bien qu’il soit encore tout déboussolé, il pouvait à peu près se comporter normalement à ses côtés.
Hikaru réussit cependant à le déstabiliser à nouveau lorsqu’elle suggéra qu’il faudrait revenir en avril. Il tiqua, puis sourit et dit simplement :

« Oui, ça pourrait être cool ! Mais peut-être pas celui-ci, c’est quand même un peu loin de chez nous, et j’aurais trop peur de retomber sur la grand-mère folle si elle vit dans le quartier ! »

Il rit tout seul à sa boutade et s’occupa de régler les boissons. Ils patientèrent au bout du comptoir pour les récupérer puis partirent s’installer à une table libre. C’était une belle journée ensoleillée, et une fois qu’ils se seraient remis de leurs émotions, ils pourraient aller se balader.

« Que voudrais-tu faire après la pause boisson ? On n’avait rien décidé je crois. »

Ken n'avait pas relevé ma dernier remarque, ou s'il l'avait fait, il avait préféré ne pas répondre. Je décidais donc de ne pas plus insister. De toute façon, il n'aurai servi à rien de le brusquer, je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il me parlerait quand le moment serai venu. Et puis, nous avions décidé que les choses devraient aller doucement, histoire de voir ce que ça pourrait donner entre nous. Mais il était indéniable qu'il y avait toujours quelque chose. Je le voyais et au fond, il devait l'avoir vu lui aussi. Seulement, nous n'étions pas encore prêts à mettre des mots sur nos sentiments, je savais que s'il m'avait posé la question directement, j'aurai été comme lui à tenter de dévier la conversation. Alors autant ne pas forcer les choses, ça se ferai naturellement.

Ah Ken et le sport, je l'avais toujours connu passionné et déterminé à faire carrière le basket et je n'avais jamais douté de ses capacités. J'avais eu raison, il avait atteint ses objectifs en rejoignant une équipe professionnel. J'étais réellement contente pour lui qu'il ait réalisé son rêve. Une part de moi aurait souhaité être à ses côtés dans ces moments là, mais j'étais moi-même en train de réaliser mes rêves. Je souriais amusée lorsqu'il me dit que son coach le tuerait s'il le voyait consommer autant de sucre, mais comme il l'avait dit, avec tout le sport qu'il pratiquait, il ne devait pas avoir trop de soucis à se faire. « Ton talent naturel ? Rien que ça ? »

Lorsque j'avais évoqué le fait de revenir, laissant sous entendre que j'avais envie qu'on continue à se voir, il eu l'air d'hésiter. Je me demandais alors si c'était trop tôt pour se projeter ? Mais il avait finit par sourire et me répondre. Je rigolais alors à l'évocation de la grand mère. « Tu as raison, mieux vaut éviter de la recroiser, elle nous embarquerait encore dans une réunion de famille. » Je crois que ni lui, ni moi n'avions envie d'avoir une nouvelle fois à faire avec cette famille. Tous avaient sembler croire à l'histoire de la petite mamy jusqu'à l'arrivée du véritable petit fils. J'imagine que dans le futur, cette histoire nous fera rire, même si sur le coup c'était loin d'être amusant.

Il me demanda alors ce que je voulais faire après, il avait raison, nous n'avions rien prévu de particulier et les événements ne nous avaient pas vraiment laisser le temps d'y penser. Nous avions juste convenu de nous retrouver. « Bonne question, c'est vrai qu'on avait rien décidé et je n'y pas vraiment réfléchis. Je ne sais même pas ce qu'on peut faire dans le coin. »

Les sentiments étaient quelque chose de complexe, et s’il fallait savoir les écouter, il fallait aussi laisser le temps aux choses, et c’était une leçon que Ken avait bien apprise. A vouloir précipiter les choses, on risquait fortement de se heurter à un échec. Pourtant, avec Moana, il n’avait pas spécialement rushé, mais elle était spéciale. Elle était fragile, traumatisée, et au final ça n’aurait sans doute jamais abouti à quelque chose de concret. Avec le recul, ce n’était pas plus mal, car même s’il n’en avait pas l’air, Ken était quelqu’un d’assez sensible et fragile à sa manière, et il avait besoin de stabilité. Il avait eu son lot de personnes blessées dans sa vie et il serait toujours la main tendue pour les aider, mais au niveau sentimental, il avait besoin de se sentir soutenu et compris. Et pour lui, actuellement, la seule personne qui était à même de le soutenir était Hikaru. C’était pour cela qu’il ne voulait rien précipiter pour ne rien gâcher ; il était certain que des sentiments amoureux subsistaient entre eux, vu leurs réactions ces derniers jours, mais il ne fallait pas se brusquer pour autant. Ils avaient décidé d’un commun accord de se revoir, de s’accorder du temps et cela suffisait à comprendre leurs motivations respectives.
Pour l’heure, les deux anciens amoureux et peut-être le seraient-ils à nouveau incessamment sous peu, étaient au Starbucks pour prendre une pause bien méritée après leurs péripéties au cimetière. Il avait réussi à amuser Hikaru avec sa blague sur son talent naturel, et lorsqu’elle avait répété ces mots pour le taquiner, il avait juste ri de bon cœur. Ils avaient décidé d’un commun accord qu’ils ne reviendraient pas dans ce Starbucks pour les boissons d’avril, histoire de ne pas risquer de croiser la grand-mère foldingue, ce qui fit également rire la jeune femme. Bon sang, ce qu’elle pouvait avoir un beau sourire, ne pouvait s’empêcher de penser Ken. A quel moment avait-il pu la laisser partir ? Pourquoi n’avait-il pas tout plaqué pour la suivre en France ? Il aurait peut-être pu être heureux après tout ? Il n’en savait rien. Mais ce qu’il savait, c’était qu’elle était de retour, et visiblement pour un moment.

« Ah ouais, une réunion de famille, ce serait le pompon ! »

Répondre d’un air détaché sur une conversation banale avait pour le moment suffi à éloigner ses pensées trop sentimentales et aidé à se focaliser sur autre chose. Ils s’étaient installés tranquillement avec leurs boissons et Ken avait demandé à Hikaru ce qu’elle souhaitait faire ensuite. Elle ne savait pas quoi faire, et lui-même ne connaissait pas tant que ça le coin. Ils pouvaient aussi bouger.

« Il n’est pas tard, c’est pas la porte à côté mais ça te dirait de visiter Yokohama ? Je ne sais pas si tu y es déjà allée, je pense que si, vu que c’est pas si loin de Tokyo ! J’habite là-bas actuellement, mais je vais déménager bientôt. »

Il ne pouvait décemment plus vivre là où il avait été avec Moana, il voulait tourner la page. Mais il ne savait pas encore où il irait. Peut-être resterait-il à Yokohama pour le boulot ? Il aimait bien cette ville. Il ne savait pas encore de quoi demain serait fait, il se laissait un peu porter par les choses.