La rentrée scolaire s’annonçait prometteuse. Le doyen de l’université avait convié l’ensemble du corps professoral de la filière des arts à une réunion de pré-rentrée, le jeudi précédant celle-ci. Yûji n’était pas surpris, c’était important, mais au vu de la tournure de l’annonce, il lui semblait que ce dernier avait bien plus à annoncer que les formalités classiques d’une rentrée des classes : « cette année encore faites de votre mieux, encouragez vos élèves et partagez votre passion ». Un truc comme ça. Yûji avait beau être sérieux, il était humain : les grands discours finissaient toujours par l’assommer. L’année dernière, il avait légèrement piqué du nez pendant la réunion de rentrée. Le fait d’entendre parler japonais H24 alors qu’il venait de passer dix ans ou plus en Corée du Sud avait été difficile pour lui au début. Maintenant il était dans le bain et ça allait.
Maintenant qu’il y pensait, la réunion de l’année dernière avait concerné l’ensemble des filières réunies, et un petit meeting pour la filière des arts. Il y avait donc définitivement quelque chose à annoncer.

Le jeune homme était arrivée avec une trentaine de minutes d’avance avant la conférence qui aurait lieu à dix heures, dans le Crescent Hall. Ainsi, il pouvait passer par la boulangerie Flat et allait se prendre un thé. Il aurait pu le prendre chez lui, en lève-tôt qu’il était, sur son petit balcon avec vue sur la rivière Tamagawa. Mais il fallait croire qu’il avait besoin de s’imprégner de l’ambiance universitaire avant la rentrée officielle … Quelques étudiants l’avaient salué, il avait rendu la pareille poliment. Il devait avouer que les vacances scolaires avaient été … mouvementées. Surtout avec les cours particuliers pour la jeune Hoshino. Elle lui donnait du fil à retordre.

La conférence commença à l’heure, vive la ponctualité nippone. Yûji était installé au milieu de l’amphithéâtre en demi-cercle, familier avec ce genre de lieux. Il écoutait d’une oreille tout en jouant avec la touillette de son gobelet, inutile puisqu’il ne sucrait jamais son thé. Pensif, il se demandait s’il allait postuler au casting du drama qu’il avait repéré. Il fut sorti brutalement dans ses pensées quand le doyen annonça que la filière des arts allait être officiellement reconnue et que la résidence Tamadaira allait être remplacée par des locaux dédiés à leur secteur. Bah tiens, elle n’aurait pas fait long feu cette résidence … Un an … Pourtant elle semblait prometteuse. Mais ce n’était pas lui qui allait juger. C’était peut-être trop difficile de gérer des étudiants H24 sur le campus. D’ailleurs, ce n’était pas Hoshino qui vivait là-bas ? Que devenaient les résidents ? Mais pourquoi pensait-il à elle alors qu’on venait de leur apprendre que leur secteur était officiellement reconnu par l’université ? Qu’est-ce qui lui prenait ces derniers temps, à être dissipé ainsi ? Il soupira, un peu trop bruyamment par rapport à ce qu’il avait imaginé, si bien qu’il fit sursauter sa voisine de banc. Il tourna les yeux vers elle, et constata qu’il ne la connaissait pas. Une nouvelle prof ? Après, Yûji n’était pas physionomiste et ne retenait pas les visages, sauf ceux qui le marquaient. Mais elle était jeune aussi.

« Désolé pour le bruit. Vous êtes nouvelle ? »

Comme à son habitude : peu loquace et direct. Du Yûji tout craché.