La vie seule n'était pas si déplaisante, ce qui était en revanche un peu plus compliqué était d'être si loin de ses parents. Sa mère lui envoyait des messages tous les jours depuis son départ et ça le faisait un peu sourire. Même s'il lui disait qu'elle n'était pas obligée, Noah appréciait de les lire. Malgré le décalage, ils parvenaient toujours à se parler par visio de temps en temps.

Les cours n'étaient pas simple à suivre pour ceux en Japonais, mais il faisait son possible pour étudier plus durement afin de ne pas perdre le fil. D'ailleurs, il sortait justement de l'un d'eux. Les bras chargés de livres pour approfondir ses bases et mieux comprendre la langue. Sans doute aurait il du attendre une année de plus, apprendre le Japonais avant de venir et ainsi, il s'en serait mieux sortit. Mais, dans le fond, il savait que rester en Australie n'était pas forcément une bonne idée. Les souvenirs ne revenaient toujours pas, ses migraines encore trop fréquentes et parfois, il avait l'impression d'un grand vide..

Quittant son bâtiment, perdu dans ses pensées et tenant aussi bien que possible ses bouquins contre lui, il ne vit pas le jeune homme qui arrivait face à lui. Ce n'est que lorsqu'il le percuta que Noah le vit. Chancelant un peu, faisant quelques pas en arrière, mais perdant les premiers livres de sa pile.

" Excusez moi, je ne vous avais pas vu.. "

Mince, il avait automatiquement parlé en Anglais, l'habitude. Se raclant un peu la gorge, il se mordilla la lèvre le temps de réfléchir à la phrase, avant de la redire en Japonais.

- Désolé, je vous avais pas vu..

Est ce que c'était bon comme ça ? Pas certains ne de pas avoir fait de faute dans sa phrase, il verrait bien ce que lui dirait l'autre étudiant. Se permettant de le détailler une seconde, avant de se baisser pour ramasser ses livres.

Quelle putain de journée de merde ! Si j’avais su, je serais resté chez moi sous ma couette. Quoique ce n’est pas l’endroit que je préfère. Autrefois, j’avais un refuge. Un groupe d’amis. Presqu’une famille. Ensemble tout était possible et rien ne pouvait nous arrêter. On en a fait des conneries et le mot est bien trop faible pour définir tout ce qu’on a fait ensemble. Malheureusement il faut croire que toutes les bonnes choses ont une fin. Il y a quelques semaines, on a décidé de ne plus se voir, de faire profil bas. L’un de nous a été repéré par la police et c’est peut-être mieux d’en rester là avant de finir en taule. Ça ne me fait pas peur mais je n’ai rien dit. J’ai fermé ma gueule parce que la vérité c’est que si j’ai des ennuis, mes parents feront tout pour me couvrir mais eux ? Qui les protégera ? Alors j’ai accepté la situation même si ça ne m’enchante pas. Au début j’étais triste, maintenant je suis juste en colère et je traine ma mauvaise humeur et ma solitude à longueur de journée.

Perdu dans mes pensées, un café à la main, je traverse la cour sans faire attention à ce qui m’entoure. Portant ma boisson à mes lèvres alors que j’approche d’un bâtiment, je recrache immédiatement le contenu de ma bouche lorsqu’on me rentre dedans. Je lâche également mon café qui tache mes nouvelles Nike blanche.

Lentement, je relève les yeux vers le gars qui a osé faire ça. Sans écouter ce qu’il me dit, je le dévisage longuement, gardant la mâchoire serrée avant de faire quelques pas dans sa direction. Je marche sur mon gobelet vide qui traine sur le sol et piétine ses boutiques avant de le prendre par le col.
« Putain, je vais te tuer. »
Je rapproche mon visage du sien, suffisamment pour qu’il sente mon souffle à chacun de mes mots.
« T’as cinq secondes pour me donner une raison de pas le faire. »
Resserrant mes doigts sur son vêtement, je lève une main libre et commence à compter silencieusement, abaissant un doigt à chaque seconde qui s’écoule.

Totalement happé par ses pensées, traversant la cours à la sortie de son bâtiment, Noah n'avait pas remarqué l'autre étudiant marchant dans sa direction. Ce n'est qu'en le percutant qu'il se rendit compte ne pas avoir prêté attention à son environnement. Ça n'allait pas aider son intégration si le jeune homme rentrait dans les autres.

Heureusement, ni l'un ni l'autre ne tomba. Mais une partie des bouquins de Noah se retrouvèrent par terre et le café de l'autre étudiant aussi. Aussitôt, il s'excusa en Anglais. Avant de se dire qu'il devrait faire l'effort de le faire en Japonais. Reprenant donc sa phrase plus ou moins correcte et un peu hésitante dans la langue du pays.

Cependant, cela ne sembla pas suffire à son vis à vis, qui lui attrapa le col tout en lui parlant. Il ne fut pas certain de comprendre sa première phrase et cru saisir le sens de la seconde. Sans doute que le décompte et la menace de son poing avait aidé d'ailleurs.. Noah avait relâché ses livres et était venu poser ses deux mains sur celle de l'autre étudiant pour éviter de de prendre un coup.

" Je ne parle pas très bien Japonais, désolé. Je ne voulais pas vous bousculer. "

Incapable de vraiment se concentrer sur les bons mots, il avait préféré reprendre avec son Anglais natal. Son regard s'attardant alors sur celui en face de lui. Des cheveux mi longs, décolorés comme lui et des yeux clairs. Noah se demandait s'il n'était pas venu de l'étranger lui aussi et alors sans doute qu'il le recomprendrait sans avoir besoin d'utiliser le Japonais..

" Je suis vraiment désolé pour votre café. Voulez vous que je vous en offre un autre ? "

Si cela pouvait aider à se faire pardonner, il lui en payerait même deux. Bon, il ne pourrait pas faire grand chose pour les vêtements tachés.. Sauf proposer de les emmener au pressing peut être ? Ou de les laver lui même ?

Il ne me répond pas en japonais mais en anglais. Un anglais si parfait qu’il éveille ma curiosité. Après tout, je ne suis pas un étudiant en langue pour rien. Cela dit, ce n’est pas ce qui le sauvera complètement car je suis toujours contrarié pour ne pas dire en colère alors disons qu’il a gagné un sursis. En plus il se propose de m’offrir un autre café. C’est un bon début. Qu’il continue comme ça et peut-être que j’épargnerais sa gueule d’ange. Cette pensée m’arrache un léger sourire car vu de près et si je n’avais pas été si énervé, je l’aurais presque trouvé à mon goût. Surtout avec ses taches de rousseur. Ce n’est pas très courant mais je dois dire que ça lui va plutôt bien. Ça lui donne même un certain charme.

Plutôt que de lui écraser mon poing dans la figure, je lui donne une légère tape sur la joue puis derrière la nuque. L’agrippant de cette manière alors que mon autre main relâche sa prise sur son t-shirt, je lui réponds en anglais :
« Ok. Va pour le café mais avant ça, tu vas devoir nettoyer mes pompes et je te préviens, elles ont intérêt à être nickel car elles étaient neuves. »
Je lui donne une petite tape derrière la nuque et m’écarte légèrement avant de reprendre tout en donnant un coup de pied dans un de ses bouquins :
« Dépêche-toi de ramasser tes affaires. On va dans les toilettes. »
En réalité je pourrais m’acheter autant de pair de Nike blanche que j’en ai envie. L’argent n’est et n’a jamais été un problème pour moi mais je n’aime pas qu’on abime ou qu’on touche à mes affaires. Ajoutez à cela ma mauvaise humeur initiale et voyez le résultat.

L'étudiant trop près de lui reste silencieux alors que Noah lui avait dit ne pas être doué pour le Japonais. Lui proposant également de lui offrir un nouveau café pour se faire pardonner. Observant une seconde son visage, son attention avait su mal à se défaire du poing qui menaçait de lui tomber sur le visage à tout instant. Il le voit esquisser un sourire, sans comprendre la raison de ce dernier.. Pourtant le jeune homme n'avait rien dit d'amusant.

Noah ne peut s'empêcher d'être surprit de voir le poing se desserrer et se prendre une petite claque sur la joue. Rien de très agressif ou douloureux finalement. Avant de s'en prendre une sur la nuque. Regardant à nouveau l'autre étudiant, qui reprit la parole en Anglais. Ah ! Ça c'était super pour lui ! Un petit sourire soulagé prit place sur ses lèvres.

Le plus jeune baisse les yeux vers les fameuses chaussures et remarque que en effet, du café avait coulé dessus. C'était donc pour ça cette colère ? Et pas pour avoir été bousculé.. Noah hocha aussitôt la tête, arrêtant lorsqu'il se prit une nouvelle tape dans la nuque.

" Je tacherais de bien les nettoyer, ne vous en faites pas. "

Bon il avait besoin des chaussures pour ça par contre et il n'en avait pas de rechange pour qu'il ne finisse pas en chaussettes.. Sauf s'il faisaient la même taille ? Mais, il n'eut pas besoin d'y réfléchir longtemps parce que l'autre étudiant lui disait de le suivre aux toilettes après avoir ramassé ses affaires. Ça ne lui plaisait pas tellement de voir ses bouquins malmenés, mais il ne dit rien sur le moment. Préférant ne pa envenimer les choses.

" Allons y, je vous suis. "

L'australien ramasse ses livres et fait un petit sourire à l'autre étudiant avant de faire demi tour. Retournant vers le bâtiment qu'il venait de quitter et passant la porte des toilettes une fois devant. Il posa soigneusement ses livres sur le bord d'un des éviers et prit su papier à disposition. Avant de tendre une main vers le jeune homme.

" Vos chaussures, s'il vous plaît. "

Pour les nettoyer ce serait plus simple de les avoir en mains tout de même. Noah se sentait un peu moins anxieux que quelques minutes plus tôt. Au moins son aîné ne l'avait pas frappé, il semblait accepter de lui pardonner et en plus, il parlait anglais. Que demander de plus ?

Il veillera à bien les nettoyer ?
« Vaut mieux pour toi. »
Mon ton est menaçant. Qu’il ne pense pas s’en tirer si facilement. Je le laisse ramasser ses affaires puis lui fais signe de me suivre jusqu’aux toilettes les plus proches. Quelle perte de temps ! D’un autre côté, je n’avais rien prévu alors je me dis que c’est l’occasion de me distraire d’une manière ou d’une autre à ses dépens.

Une fois dans les toilettes, je le regarde poser ses livres près de l’évier et je dois lutter contre l’envie de les faire tomber, surtout lorsqu’il me demande mes chaussures. Je laisse s’échapper un soupir et ravale ma méchanceté gratuite avant de me baisser pour défaire mes lacets et lui tendre la paire de droite. Je garde la gauche à mon pied pour le moment.
« Fait de ton mieux, sinon tu devras en payer les conséquences. »
Et je ne le frapperais pas forcément. Il y a bien des manières de rembourser une dette et je vais mettre à profit le temps qu’il mettra à nettoyer mes chaussures pour décider de son sort. Croisant les bras sur mon torse et m’appuyant contre l’un des lavabos, je le regarder s’affairer avant de lui demander :
« C’est quoi ton nom et t’es d’où ? »
Visiblement il est étranger puisqu’on doit parler en anglais pour se comprendre. D’ailleurs s’il fréquente l’université, il pourrait quand même faire un effort pour parler japonais. Il a de la chance que je sois étudiant en langue et que l’anglais soit l’une de mes langues préférées. Au moins, je peux pratiquer avec lui, c’est une bonne chose pour moi, pas forcément pour lui car ça veut dire que je ne suis pas près de le lâcher mais ça, il n’a pas besoin de le savoir tout de suite.

C'est assez étrange de regarder l'autre garçon, ayant un peu l'impression de se reconnaitre dans son apparence. Même si leurs caractères ne semblaient pas du tout se ressembler eux. Noah restait poli, continuant de le vouvoyer, alors que l'autre étudiant ne se gênait pas pour le tutoyer. Ce n'était pas bien grave en soit et il préférait ne pas relever, cela ne ferait que lui apporter des ennuis supplémentaires. Ce qu'il ne voulait évidemment pas.

Une fois arrivé aux toilettes, il pose ses livres sur le bord d'un lavabo avant de lui demander ses chaussures. Son vis à vis détache donc la première pour lui tendre, lui disant de faire de son mieux ou il en payerait les conséquences. Noah sortit un mouchoir en tissu de sa poche et l'humidifia avant de commencer à frotter la chaussure. Evitant de la mouiller totalement, ne sachant pas trop si elles supporteraient un tel traitement. La tâche semblait partir plutôt facilement en tout cas, sans doute parce qu'elle était encore bien fraiche.

" Je m'appelle Hwang Noah, un élève en échange International venu d'Australie. Et vous ? "

Etait il aussi un étranger comme lui ? Ou un Japonais ? Ses traits laissaient penser qu'il était métis, mais rien ne pouvait être sur après tout. Finissant de retirer la tâche, il essuie la chaussure avec quelques serviettes sèches, avant de lui rendre. Gardant la main tendu pour réceptionner la seconde. Plus vite il le ferait et plus vite il pourrait retourner tranquillement à ses occupations.

J’hausse un sourcil de surprise à sa réponse. Il vient d’Australie ? Ce n’est pas courant. Je pensais qu’il était plutôt coréen. D’un autre côté son nom de famille sonne comme ça. Il me retourne alors la question. Ce qui en soit est normal et sans faire de manière, je lui réponds :
« Je m’appelle Tanaka Yusuke. Je suis japonais par mon père et coréen par ma mère. Tu parles coréen ? »
Je n’y vais jamais par quatre chemins quand je questionne quelqu’un. Je ne prends pas non plus de gant. Pourquoi tourner autour du pot ? Il n’y a rien d’indiscret ni d’indélicat. D’ailleurs comme il a terminé avec ma chaussure, je la lui prends des mains avant de lui coller l’autre en lui faisant signe de s’activer. Après tout ce n’est pas parce qu’on a fait connaissance qu’il doit se croire sorti du pétrin.
« Quand tu auras fini de nettoyer mes chaussures, tu viendras avec moi. Je n’aime pas manger seul et j’ai faim. »
Posant un bras autour de ses épaules, je rapproche mon visage du sien avant d’ajouter, suffisamment près pour qu’il sente mon souffle contre sa joue :
« Et quand j’ai faim je n’ai pas de patience mais surtout je suis de très mauvaise humeur. »
Je m’ennuyais et ce gars est la distraction parfaite pour occuper mon temps libre. Hwang Noah tu es désormais à moi. Que tu le veuilles ou non. Ça lui apprendra à ne pas regarder où il va et à bousculer la mauvaise personne.

L'autre étudiant prend un petit air surprit après que Noah se soit présenté, mais il ne relève pas, ne sachant pas ce qui pouvait paraitre surprenant dans ce qu'il avait dit.. Il écoute la présentation de Yusuke, hochant un peu la tête et relevant les yeux vers lui à sa question.

" Oui, mes parents sont Coréens d'origine, donc nous le parlons à la maison. "

Lui rendant la première chaussure, qu'il se fait presque arracher des mains d'ailleurs, il prend la seconde pour essayer de nettoyer au plus vite. Mais, alors qu'il se disait qu'il pourrait reprendre ses activités une fois terminé, Yusuke lui fait comprendre que ce n'était pas fini..

" Pourquoi ne pas inviter vos amis si vous n'aimez pas manger seul..? "

Noah s'arrête une seconde en sentant le bras autour de ses épaules, mais il ne tourne pas la tête, sentant le souffle contre sa joue. Son coeur rate un battement à cette proximité soudaine, essayant de ne pas laisser paraitre son léger trouble.

" Ca tombe bien, je n'ai pas encore mangé non plus.. "

Bon, il avait pas tant faim que cela et n'avait pas prévu de déjeuner tout de suite.. Mais, plutôt que de contrarier l'autre étudiant, il préférait accepter de l'accompagner. Finissant tout juste de nettoyer la seconde chaussure et lui tendant alors pour qu'il puisse la remettre. Tournant un peu la tête pour le regarder du coin de l'oeil, avant de s'écarter un peu de lui. L'obligeant par cet éloignement à retirer son bras.

" Où voulez vous manger ? "

Noah reprend ses livres après avoir rangé son mouchoir, les tenant fermement contre lui en faisant maintenant face à Yusuke.

Il parle anglais et coréen. Il doit perfectionner son japonais qui laisse clairement à désirer. Autant dire qu’il est le candidat parfait pour un étudiant en langue comme moi. Le candidat pour quoi ? Pour m’aider à tuer mon temps libre, même s’il pose des questions indiscrètes et agaçantes. D’ailleurs je lui adresse un regard noir quand il me demande pourquoi je n’invite par mes amis pour ne pas avoir à manger seul. Il est stupide ou bien il le fait exprès ? Si j’en avais, je les aurais invités ! Malheureusement c’est compliqué et je n’ai pas envie de lui expliquer le pourquoi du comment. De toute façon ça ne le regarde pas. C’est lui qui est en tort. Il m’est rentré dedans, il a ruiné mes chaussures et m’a mis de mauvaise humeur. Il doit donc se faire pardonner, un point c’est tout.

Je récupère ma seconde chaussure et me détache de lui lorsqu’il esquisse un mouvement pour s’éloigner. Une fois chaussé, je réfléchis un instant avant de lui dire :
« Il y a plein d’endroit sympa où manger sur le campus. Viens, on verra bien ce qu’on trouve de bon à manger à cette heure-ci. »
Et parce que je ne suis pas égoïste au point de ne pas penser à lui, je lui demande :
« Y’a un truc que t’aime ou qui te ferait envie ? »
En espérant qu’il ait bon goût, sinon je choisirais pour nous.
« Au fait Noah, t’es ici depuis combien de temps et jusqu’à quand ? »
Que je sache combien de temps je pourrais l’utiliser pour me distraire.