Je ne sens plus mon corps. Non je ne le sens que trop bien. Tout n'est plus que douleur, je ne veux pas ouvrir les yeux. Je n'ai pas envie de me lever.  Peur d'affronter la réalité. Je compte jusqu'à trois. Un, le souffle du vent vient me griffer les joues. Deux, le parfum de la pluie envahit mes sens, j'aime cette odeur, elle me réconforte. Trois, je soulève un peu les paupières de peur que la lumière m'agresse mais cela n'est pas le cas et j'en suis surpris, il fait encore nuit et les faibles rayons du réverbère transpercent les restes de mes songes. Je ne me rendormirais plus. Le mal à disparut, je ressens de nouveau plus rien. Je n'ai toujours pas envie de me lever. J'allume ma lampe de chevet et attrape le premier livre qui se trouve sur le haut de la pile la plus proche moi. Les livres remplissent mon être mais aussi l'espace. Mes yeux suivent les enchaînements de mots de lignes mais cela ne m'atteint pas, tout est mécanique. Je suis loin, mais où je ne sais pas, nul part.

Le réveil sonne.

Seuls mes yeux ont lu. Je repose l'ouvrage sur sa pile. Je sort du cocon duveteux, le froid me mord, je m'en aperçoit à peine, ça m'importe peu. La pièce est devenue opaque, l'eau martyrise ma peau la rendant rouge. Mes jambes commencent à flancher.

Je ferme le robinet.

Je les surplombe, à ma table je les regarde du 4e étage, ils sont là au sol à fourmiller, se frôlant, se touchant, se mêlant. Ils sont ridiculement minuscules. Du haut de ma tour je suis seul et tout petit. Ils sont éphémères. Déjà ils ne sont plus.
Le livre transcende le temps, demain il sera encore là.
Je me lève prends mes affaires.
Le décors défile, s'efface, s'étale. Il reprend forme. Je descends.

J'aime le train.

Le casque sur les oreilles brancher dans le vide j'erre. Personne ne me dérangera. Personne ne fait attention à moi. Je marche sans voir. Je ne vois plus comme si la vapeur ne s'était toujours pas dissipé, dans mon monde.

Tanaka.

J'entre. Une tenue traditionnelle, féminin. Oui une fille, elle se courbe, je baisse la tête. Je la dépasse. J'humes l'air, l'odeur de vieux livres emplie mes narines, j'en suis presque stone. C'est charmant. Des recueils, des manuscrits calligraphiés, tout est là. Tout est là. Je suis au paradis, je ne sais où poser mes yeux. Je suis stone. Je touche, caresse, respire. J'ai peur d'abîmer, je suis délicat dans mes gestes.

Plus rien n'existe.