Avril 2018 - il y a 1 an

C’était un soir comme un autre. Une douce brise printanière agitait l’atmosphère ambiante. Ken se sentait un peu seul en cette soirée : Ren était déjà aux Etats-Unis depuis quelques temps, et Hikaru avait choisi d’autres horizons. Si le célibat ne lui faisait ni chaud ni froid, la solitude en revanche était un sentiment tenance et dur à surmonter. Ken avait beau être quelqu’un de très jovial et sociable, il avait beaucoup de camarades, de connaissances, mais avait davantage de mal à se faire des amis. Peut-être était-ce dû à son adolescence chamboulée dans son ancien lycée, avec ces histoires de clans, de clubs de mecs influents et autres bêtises. Ce qu’on pouvait être con quand on était jeune.

Toujours est-il que ce soir-là, il décida d’aller se promener. De toute façon, il avait promis à Ren qu’il garderait un œil bienveillant sur son amie Sakura, qui l’avait brutalement rejeté peu avant qu’il ne parte pour les Etats-Unis, chasser ses rêves. Il ne savait pas réellement ce qui s’était passé, juste qu’elle s’était éloignée. A croire que les deux compères n’avaient pas de chance avec les filles. Bref, Ren ne pouvant pas s’empêcher de continuer à vouloir la protéger malgré tout, Ken s’était proposé pour la surveiller, savoir qu’elle allait bien. Lui-même ne la connaissait pas spécialement bien, n’ayant jamais été proche d’elle. Mais les deux autres étaient voisins et amis d’enfance, et ça crée des liens. Lui qui était fils unique et recevait la plupart de ses leçons via des précepteurs et tuteurs directement au domicile Anzai, il ne connaissait pas vraiment tout ça.

Les mains dans les poches, les écouteurs dans les oreilles, sa petite balade nocturne le menèrent donc jusqu’au domicile familial des Maeda. Ren lui avait laissé la dernière adresse à laquelle il avait vu Sakura, et Ken gardait toujours précieusement la note dans son portefeuille car il avait mauvaise mémoire.
Ne sachant pas si elle était chez elle ou non, il s’assit sur un banc non loin de la demeure. Assez proche pour l’apercevoir si elle sortait ou revenait, et assez éloigné pour qu’elle ne remarque pas sa présence.

Honnêtement, Ken ne savait pas combien de minutes ou d’heures passèrent avant de voir la porte d’entrée s’ouvrir sur une Sakura vêtue de vêtements amples et sombres. D’abord absorbé par ses pensées, il ne réagit pas immédiatement. Puis il fronça les sourcils et consulta sa montre. Il se faisait tard, où pouvait-elle bien aller comme ça ? Il s’attendait plutôt à la voir revenir chez elle que de partir, après une soirée au restaurant avec ses copines par exemple.
Intrigué, il lui emboîta le pas et la suivit en laissant assez de distance pour ne pas être vu.
Ils atterrirent ainsi dans une ruelle à l’éclairage défaillant, dans le quartier de Roppongi. Elle avait pris le train, il avait suivi. Après tout elle n’habitait pas dans un quartier comme ce dernier. Mais il commençait à se demander ce qu’elle venait y faire à une telle heure de la nuit. Il avait prié très fort pour qu’elle rentre dans le premier nightclub qui passe pour aller se défouler sur des musiques dynamiques, mais non. La ruelle sombre était la destination. Et elle y allait seule.

Il lui était désormais impossible de rebrousser chemin, et il ne savait pas quoi faire. Qu’aurait fait Ren dans cette situation ? Il n’en savait fichtrement rien. Ren était certainement en plein cours ou en pleine séance de mannequinat, ou en train de dormir. Il y avait tout de même un sacré décalage horaire entre les USA et le Japon, si bien qu’ils avaient du mal à se capter autrement que par messages interposés.
Ken s’approcha donc lentement de la demoiselle, et lâcha :

« Sakura. »

Il ne savait pas quoi dire d’autre, surtout qu’il ne la connaissait que peu après tout. Toujours les mains dans ses poches, son corps musclé caché sous un hoodie confortable, il avait retiré les écouteurs de ses oreilles.

Avril 2018 - il y a 1 an

Sakura était rentrée chez elle juste après la fin des cours au lycée. Elle ne rentrait jamais chez elle de gaieté de cœur, mais c’était là qu’était toutes ses affaires. Elle aurait limite envie d’emménager chez Peter pour éviter de subir les allers et venues incessants dans l’appartement, surtout le soir. Ce n’était pas vraiment une vie de fermer sa porte à clef dès qu’elle rentrait et jusqu’au petit matin, mais elle se méfiait des clients de sa mère et surtout des visites impromptues de son paternel. Elle avait rapidement jeté un œil au salon en entrant dans l’appartement pour vérifier que sa mère allait bien avant de finalement aller dans sa chambre. S’affalant sur son lit, elle resta un moment le regard fixé au plafond. Ses pensées se dirigèrent automatiquement vers Ren. Aussitôt de la colère, mais aussi de la tristesse apparaissent. Elle avait simplement voulu le protéger en l’éloignant d’elle, elle avait peut-être (sans doute) été un peu dure, mais de là à ce qu’il parte aux Etats-Unis, la laissant seule … Jamais elle ne lui pardonnerait. Les hommes ne faisaient que la décevoir … elle avait néanmoins foi en Peter.

Soupirant, la demoiselle se redressa et regarda rapidement ce qu’elle avait à faire pour les cours. Quand elle releva la tête, il était déjà tard et elle enleva son casque de ses oreilles. Ça lui permettait de s’isoler totalement, oubliant ce qui pouvait se passer dans la chambre à côté. Son téléphone vibra et Sakura délaissa ses devoirs pour regarder ses messages. Peter avait besoin qu’elle remplace quelqu’un pour vendre ce soir, près d’un night-club. Pas de problème, au moins ça la ferait sortir de cet appartement. Enfilant une tenue sombre, passe-partout et qui la rendait quasi-invisible, elle récupéra au fond de son placard, dans une petite boite ce qu’elle avait à vendre et songea à ne pas oublier de demander à Peter de l’approvisionner prochainement car il ne lui restait pratiquement rien. Fourrant les petits sachets dans ses grandes poches, elle prit son téléphone, ses écouteurs, sa carte de transport et sortie de l’appartement.

Quittant l’immeuble, elle envoya un message à Peter pour le prévenir qu’elle était en route et qu’elle n’oublierait pas de le contacter régulièrement pour le prévenir que tout allait bien (car c’était généralement le cas, ou alors elle se débrouillait), mais aussi à sa mère pour la prévenir qu’elle sortait et qu’elle ne savait pas quand elle rentrerait. Elle savait déjà qu’elle n’aurait pas de réponse à son message.

Sakura finit par atterrir à Roppongi, ses pieds passèrent le night-club jusqu’à finalement dévier dans une ruelle sombre adjacente. S’adossant au mur, son regard vient se poser sur une silhouette à l’entrée de la ruelle. Déjà un client ? C’était rapide. Il semblait hésitant et Sakura soupira en tournant la tête. Qu’il vienne quand il le veuille. La demoiselle regarda son téléphone avant de relever la tête en entendant une voix masculine. Bizarre, ça lui disait quelque chose. Elle reconnut assez rapidement Ken, le meilleur ami de Ren. Elle ne put retenir une grimace. Qu’est-ce qu’il fichait ici ? Il consommait ? Elle doutait, beaucoup.

« Tu fous quoi là ? » demanda-t-elle, légèrement agressive, ne s’attendant pas à tomber sur quelqu’un qu’elle connaissait. Et parce qu’elle fut prise d’un doute. « Tu m’as quand même pas suivi jusqu’ici ? » demanda-t-elle avant de rajouter : « Tu veux quoi ? » . Elle était sur ses gardes. Peter le lui avait conseillé.

Sakura était froide. Agressive, sur la défensive. On était bien loin de la demoiselle souriante que Ren lui avait présentée au lycée, quand lui-même sortait encore avec Hikaru. Ken savait que Sakura comptait énormément pour son ami, et il avait essayé d’apprendre à la connaître. Elle avait toujours été secrète, mais pas forcément froide comme la glace. Pourtant, c’était une tout autre personne qui lui faisait face : son regard était dénué d’émotions en dehors d’un regard de défi, de méfiance. Elle était renfrognée, le visage fermé et peu accueillant. Il ne l’aurait pas reconnue s’il ne l’avait pas suivie depuis chez elle.

Ken ne sut pas quoi dire, au début. Il ne savait pas comment répondre à ses interrogations agressives et déconcertantes. Il ne savait même pas ce qu’il foutait là. Son cerveau était embrumé. Lui qui avait toujours eu une vie assez facile grâce à la fortune familiale, il lui était parfois difficile de savoir appréhender la vraie vie. Cette qui était extérieure à la cage dorée dans laquelle il avait longtemps été élevé. Mais comment réagir face à une personne qui clairement, lui montrait à quel point il n’était pas le bienvenu ici ? Qui reniait les bons moments passé au lycée ensemble ?

« C’est comme ça que tu me salues après tout ce temps ? »

Ken n’avait rien trouvé de mieux à dire que cela. Ca risquait d’encore plus l’énerver au final, mais au bout d’un moment, il ne pouvait pas faire dans la dentelle vu comment la conversation avait débuté entre eux. Peut-être que Ren aurait su quoi faire, pas lui. Il improvisait donc. Et on verrait si ça lui réussirait. Devrait-il en parler à son meilleur ami ? La question était délicate, il serait capable de tout plaquer pour venir la secourir. Peut-être pour rien, vu la lueur de défiance qui brillait dans le regard de Sakura. Peut-être qu’il plaquerait tout pour se faire pourrir par la jeune femme, et Ken s’en mordrait les doigts d’avoir brisé ses rêves avant l’heure. En tant que meilleur ami que devait-il faire ? Faire cavalier seul, agir et essayer de venir en aide à la jeune femme à la place de Ren pour l’aider ? Tout lui dire ?

« C’est plutôt moi qui devrais te demande ce que tu fiches là, Sakura. »

Il soupira, avança un peu vers elle, prudemment, pour ne pas la braquer. Dieu sait ce qu’elle cachait sous ses fringues pour se défendre des pervers de la rue. Le regard sérieux, la mine contrariée, Ken poursuivit, peu sûr de lui :

« Que je t’aie suivie ou non, maintenant je suis là. Et je veux comprendre comment la lycéenne joviale que j’ai connu il y a quelques temps est devenue cette fille agressive en face de moi. »


HJ : désolée c'est un peu court !