La vie au Japon allait bien au teint de Yoon Min Ho. Il avait beau être Coréen, la vie à Séoul l’avait vraiment bouffé et repartir de zéro ailleurs lui avait fait le plus grand bien. Il s’épanouissait bien mieux à Tôkyô que dans son ancienne capitale. Même si dans les deux pays, l’image était très importante, surtout lorsqu’on était une célébrité, les conditions de travail du jeune homme n’étaient plus les mêmes ici, et il respirait un peu. Il avait intégré un groupe très sympa en musique. Il s’entendait bien avec la chanteuse, mais un peu moins avec le bassiste. C’était sans doute une question de temps.
Il devait toujours se camoufler quand il sortait, car KLUV avait aussi été connu au Japon et il y avait encore des fans qui le reconnaissait. D’ailleurs il avait même pris un nouveau nom de scène japonais pour repartir de zéro. Mais c’était moins oppressant qu’à Séoul. Les fans étaient moins hargneuses, plus douces. Heureusement pour lui et pour Ming Mi.

En parlant de Ming Mi, il voulait l’emmener tester une bonne adresse qu’il avait dégotée non loin de chez eux. Pendant son temps libre, le fin gastronome (ou surtout le grand gourmand) qu’il était aimait bien flâner en ville et découvrir des endroits sympas. Ce samedi-là, il n’avait aucune répétition ou rendez-vous, et Terrace House venait à peine de débuter son tournage donc son rôle de commentateur n’avait pas encore lieu d’être. C’était donc le matin idéal pour sortir.

Tandis que Ming Mi était sous la douche, Min Ho pour une fois était le premier prêt. D’habitude c’était toujours lui qu’on attendait. L’on sonna à la porte et il fila ouvrir : un colis pour Ming Mi ? Etrange. Il ne se souvenait pas qu’elle lui ait dit attendre du courrier pourtant. Il signa le récépissé et une fois le facteur parti, il se retrouva dans le salon de leur appartement cosy et la jeune fille ne tarda pas à arriver. Il n’eut pas le temps de répondre à sa première question qu’elle lui en posa une autre, puis son visage s’assombrit quelque peu et elle s’empressa de lui de demander de le poser sur la table au salon et de le dissuader de l’ouvrir. Trop tard, la curiosité de Min Ho était piquée à vif. Il n’écouta pas les recommandations de la jeune femme qui avait disparu dans la salle de bains et rappliqua aussitôt, un grand sourire aux lèvres, et, brandissant le colis, clama :

« C’est quoiiiiiiiii ? Pourquoi je ne peux pas l’ouvrir hein hein ? »

Depuis qu’ils vivaient au Japon, Min Ho avait retrouvé son tempérament d’antan, c’est-à-dire le jeune homme jovial, enfantin, blagueur. Et têtu aussi. Mais ça, Ming Mi le savait.

Min Ho était la curiosité personnifiée. De nature impatiente, il avait du mal à tenir en place lorsqu’il découvrait quelque chose dont il ne pouvait pas parler. Le seul domaine dans lequel il était un minimum capable de se tenir, c’était le travail. Mais en dehors de cela, laissez tomber franchement.
Le jeune homme avait donc tout naturellement voulu savoir ce que recelait ce colis, mais c’était sans compter de l’absence totale de coopération de Ming Mi qui s’était enfuie comme une voleuse dans la salle de bains. Elle ne s’en tirerait pas aussi facilement, foi de Yoon !
Il l’avait donc directement rejointe en lui demandant expressément ce que c’était et pourquoi il ne pouvait pas l’ouvrir. Au fond il n’était pas stupide et il se doutait fortement de quelque chose mais il voulait l’entendre le confirmer. Mais elle était têtue, et lui sortit du tact au tac que c’était un secret, et qu’il n’en saurait pas plus. Enfin c’était ce qu’il avait déduit. Il fit une moue déconfite et frustrée de Min Ho pas content et allait croiser les bras pour accentuer sa mine boudeuse, mais il ne pouvait pas car il portait toujours le colis dans les bras.

Puis la jeune femme se rapprocha de lui, leva le nez à sa hauteur avec ses yeux de biches qu’elle faisait quand elle souhaitait obtenir une faveur du jeune homme, et il fronça les sourcils. Elle lui demanda s’ils pouvaient aller manger. Elle était vicieuse la petite, elle savait très bien que le blondinet avait un mal fou à résister à l’appel de son estomac qui criait famine. Mais en même temps …. Aaaaah, que faire.

« C’est vrai que j’ai faim … »

Bon, de toute façon, Min Ho avait été interdit d’ouvrir le paquet, et même si ça l’énervait au plus haut point, il n’irait pas à l’encontre de l’intention de Ming Mi. Elle tenait à préserver la surprise, et il respecterait cela, en résistant le plus longtemps possible. Mais, et sans mauvais jeu de mots, ça ne l’empêcherait pas d’essayer de la cuisiner pour en savoir plus … Pendant tout le repas !

« Ok on va manger ! Let’s goooo ! »

Tout sourire, il retourna au salon en sifflotant et posa le colis sur la table comme demandé plus tôt. Allait-elle tomber dans le panneau et se féliciter d’avoir convaincu son petit ami si vite ou allait-elle le soupçonner de mijoter quelque chose parce qu’il capitulait bien trop vite qu’à l’ordinaire ? Qui vivra verra comme on dit ! Min Ho enfila sa veste, parfaite pour la mi-saison, et se plaça devant la porte, prêt à partir.

« Je t’attends, princesse ! »

Min Ho était loin d’être une personne complexe. Un bon repas, des moments d’humour, des câlins et de la musique. Voilà de quoi il se contentait. Aussi, après tout ce qu’ils avaient traversé Ming Mi et lui, le coréen avait décidé de ne se focaliser que sur le positif, et d’ignorer platement toutes les ondes négatives qui viendraient barrer sa route. Ou d’en faire une force. Comme ce Kaito qui semblait avoir du mal à accepter la présence du blondinet dans le nouveau groupe. Min Ho se contentait d’être lui-même, avec sa bonne humeur contagieuse, et peut-être que leur leader changeait d’avis.
C’était pareil pour Ming Mi. Pour le moment, elle lui refusait les informations qu’il quémandait avec pourtant une si jolie bouille d’amour, mais elle saurait changer d’avis tôt ou tard. Les surprises, ce n’était pas le fort du jeune homme, impatient qu’il était.

Il avait donc déposé le colis là où sa petite amie et future fiancée lui avait demandé de le placer, et il avait enfilé ses chaussures et sa veste de mi-saison, prêt à sortir. Il faisait beau aujourd’hui et c’était un plaisir car en cette période de typhons constants, tout le monde était ravi de pouvoir apprécier un rayon de soleil au milieu de tous ces jours de pluie.
Il avait appelée Ming Mi sa princesse, ce à quoi elle avait répondu en l’affublant du surnom de prince charmant, déclenchant un petit rire joyeux chez Min Ho. A une époque, la jeune fille aurait haussé les épaules ou ignoré les marques d’affection de son compagnon. Il se souvient que sortir avec elle avait été particulièrement difficile aux débuts. Elle était discrète, sauvage, renfermée et très peu démonstrative. Elle avait bien changé depuis, au grand plaisir du jeune homme.

Les voilà désormais partis pour le fameux restaurant. Min Ho était au volant de la voiture qu’il avait achetée en Corée du Sud il y a quelques années quand il avait commencé à travailler pour la White Entertainment, et qu’il avait fait venir par bateau au Japon, ce qui lui avait coûté un bras, mais tout de même moins que s’il avait dû en racheter une. Il voyait les efforts que déployait Ming Mi pour parler de tout autre chose que ce colis mystère, ce qui faisait doucement rire Min Ho de l’intérieur. Il attaquerait au moment voulu, comme prévu, et faisait pour le moment comme si de rien n’était.

Min Ho avait garé la voiture un peu loin par rapport au restaurant qui ne possédait pas de parking. Le nom était mignon et un petit jardin précédait le restaurant. Ils avaient un peu marché depuis la place de parking, discutant du quotidien, de leurs projets, de leur travail. La devanture était très sympathique, toute en bois. L’intérieur était tout aussi cosy, avec des tables dotées de sièges en bancs, une ambiance un peu chalet.

« Ravi que tu aimes le lieu, c’est un bon début ! » avait-il clamé, tout joyeux.

Ils pénétrèrent dans le restaurant, où une serveuse se précipita vers lui pour lui demander s’ils avaient une réservation. Le Japonais de Min Ho n’était pas encore parfait mais commander au restaurant, ça, il gérait ! La bouffe avant tout quoi. Une fois la réservation vérifiée, la serveuse les conduisit à leur table et leur tendit des menus une fois installés, avant de repartir à ses tâches.

« La spécialité d’ici c’est le curry ! Il y a toutes sortes de currys japonais traditionnels sous diverses formes ! J’espère que ça va te plaire. Ah et il y a des niveaux d’épices, mais comparé aux Coréens, les Japonais sont vraiment de petits joueurs ! »

Ming Mi ne savait pas encore l'interrogatoire qui l'attendait au tournant. Il faisait mine de s'être totalement désintéressé de ce colis mystère mais il mijotait son plan, et il savait qu'elle en était consciente. Et plus elle se mettrait à penser à autre chose, et plus fort serait l'impact.
Il savait pertinemment que ce colis était pour son anniversaire, qui était environ dans trois semaines. Mais bon il n'avait jamais été doué pour être patient lorsqu'on lui faisait des surprises. D'ordinaire, Ming Mi était très douée pour dissimuler ses commandes et que Min Ho ne se rende compte de rien, jusqu'à ce qu'il pense presque qu'elle l'avait oublié. Mais là visiblement elle ne s'attendait pas à recevoir le cadeau aussi tôt et elle avait été prise au dépourvu. Lui aussi.

Bref, pour l'heure ils étaient rendus dans un petit restaurant de Hachioji qu'il avait repéré au détour d'une balade, qui ne payait pas de mine vu de l'extérieur et qui pourtant attirait foule. Les gens amateurs de curry en tous genres aimaient venir ici pour redécouvrir de nouvelles saveurs. Min Ho n'avait jamais vraiment eu de souci avec la nourriture épicée, il aimait plutôt pas mal en manger d'ailleurs, mais il était vrai que sa petite amie avait un palais plus délicat que lui et elle semblait perplexe face au menu. Mais Min Ho était confiant, il savait qu'elle trouverait un plat qui lui conviendrait.

« Ne t'inquiète pas, il y a forcément une version peu épicée qui te conviendra ! »

Il lui sourit, et l'observa galérer avec le menu. Elle était trop mignonne quand elle avait sa bouille indécise. Il était réellement amoureux. Vraiment, il n'aurait jamais pu imaginer qu'elle et lui, ça puisse durer aussi longtemps. Cela faisait tout de même 8 ans qu'ils étaient ensemble et qu'ils avaient traversé monts et merveilles pour faire durer et fonctionner leur couple. Il était fier d'en être arrivé là où ils en étaient, là où d'autres avaient laissé tomber, et avaient baissé les bras. Souvent les couples de jeunes de l'époque moderne ne tenaient pas bien longtemps, et pourtant eux avaient surmonté les pires épreuves : les problèmes familiaux, les rumeurs, le travail, la distance, l'absence de nouvelles, la santé … Et de la voir, là, faisant une petite moue perplexe parce qu'elle ne savait pas quoi choisir au menu, lui faisait réaliser à quel points ils avaient parcouru du chemin ensemble.

Il fut extirpé de ses pensées assez brutalement par Ming Mi qui lui demandait s'il était en train de penser. Mais, pourquoi insistait-elle ainsi alors qu'elle voulait qu'il lâche l'affaire ? Elle n'était pas cohérente la fourbe ! Min Ho fit une moue boudeuse à son tour et lui tira la langue :

« Eh bien tu te trompes ma chère. Je te trouvais mignonne et je repensais à tout ce chemin qu'on avait parcouru ensemble. Déçue ? »

Il afficha une mine satisfaite et posa le menu sur la table en pointant un plat pas trop épicé, avec des petits légumes en accompagnement.

« Je pense que ça serait bien pour toi ! Moi je prends ça », dit-il en montrant son choix, plus relevé que le plat qu'il proposait à Ming Mi.

(Attention, c’est le midi, pas le soir )

Comme il venait de le souligner à l’instant alors que Ming Mi le soupçonnait de penser au colis, Min Ho était fier du chemin qu’ils avaient accompli ensemble. D’abord en tant que camarades, puis en tant que couple. Ils avaient surmonté les épreuves de la vie, jusqu’à celle où elle avait disparu du jour au lendemain sans laisser de trace, laissant le jeune homme complètement désemparé et brisé. Mais elle était revenue, plus forte que jamais, ayant coupé tous les liens avec son ignoble père. Et ils avaient continué de gravir les échelons ensemble. Elle aurait pu vouloir rester en Corée où il y avait une partie de sa vie lorsqu’il lui avait annoncé vouloir prendre un nouveau départ au Japon, mais elle avait décidé de le suivre jusqu’au pays du Soleil Levant, pour son plus grand bonheur. Et depuis qu’ils étaient à Tokyo, il économisait pour la demander en mariage et comme en son for intérieur il savait qu’elle dirait oui, il préparait aussi la cagnotte pour l’organisation de la cérémonie, même s’il ne savait pas quand ce serait. Il avait déjà gagné la peluche dans laquelle il glisserait subtilement la bague une fois achetée, et elle n’y avait vu que du feu. En parlant de feu, il avait fini par dénicher un plat pas trop épicé pour la jeune femme alors que lui prenait davantage de risques. Elle sembla satisfaite du choix proposé, et avoua qu’elle lui ferait confiance. Tout sourire, il appela le serveur pour pouvoir passer commande.

L’instant d’après, Min Mi se confia à lui et ses mots lui allèrent droit au cœur. Il était tout ému, de la voir s’épanouir à ses côtés, exprimer ses sentiments et être elle-même. Lui aussi était heureux d’être avec elle depuis tout ce temps. Elle poursuivit en répétant ce qu’il avait dit auparavant, qu’elle était contente du chemin parcouru ensemble. Il sourit, et lui avoua, avec toute la sincérité dont il était capable :

« Qui aurait cru quand on s’est rencontrés qu’on en serait là aujourd’hui ? C’est fou tout ce qu’on a traversé ensemble. Mais franchement, à un moment donné, j’ai vraiment cru t’avoir perdue. »

Ce n’était bien sûr pas sa faute, son père avait manigancé tout ça car il s’opposait fermement à sa relation avec le batteur, car il n’était pas issu d’une bonne famille. Le classique discours des hommes riches assoiffés de pouvoir.

« Je suis heureux que tu te sois battue pour revenir, que tu m’aies accepté dans ta vie malgré toutes les difficultés, et je te suis reconnaissant de m’avoir accompagné au Japon. Ce nouveau départ nous a fait du bien, je pense. »

Min Ho avait toujours eu plus de facilités à s’exprimer que Ming Mi, mais cela ne l’empêchait pas d’être toujours un peu gêné quand il exprimait ses sentiments profonds. Et comme si la gêne n’était pas assez intense, ce fut le moment que le serveur choisit pour apporter leurs plats fumants. Le Coréen huma le sien, satisfait.

« Allez, mangeons, on va finir sentimentaux sinon. Au moins si on pleure, on saura que c’est la faute du curry ! » plaisanta-t-il.

Encore une belle matinée passée aux côtés de celle qu’il aimait du fond du cœur, et il espérait que les suivantes seraient toujours aussi belles.