« Hello, professeur. »  

Jun avait employé son accent californien tandis que ses pupilles rencontrèrent ceux de Si An. Un lent sourire fleurit sur ses lèvres. Depuis peu, ce dernier était devenu son professeur de danse, une rencontre fortuite après que le Ninoméa ait vu son aîné à l’œuvre. Sans aucune timidité, il était venu à lui, demandant conseil et apprentissage. A sa grande surprise, il avait accepté sans une quelconque résistance. Même si Jun savait qu’il avait une grande gueule et savait user l’art de la parole pour obtenir ce qu’il souhaitait, cela avait été bien trop facile. Puis, il avait appris à connaître Si An et la vérité éclata au grand jour. Devenu son élève, il avait tout le loisir de l’observer et comme un grand enfant, le brunet ne cachait pas vraiment ses airs effarouchés et bambin dans l’âme, c’était comme si deux gamins venaient de se retrouver dans le même bac à sable. Jun avait donc aperçu les réactions amusantes de son aîné devant ses taquineries à son encontre et encore plus lorsqu’il devint tactile avec lui. A cet instant, il comprit et Si An lui avait tous avoués la seconde d’après. C’est ainsi que le brunet était devenu son professeur particulier.


Le Ninomea s’avança donc nonchalamment, jetant un regard circulaire à la pièce désormais vide, les élèves étant partis depuis quelques minutes à peine. Cela l’étonnait encore parfois qu’il soit professeur, mais il était vrai qu’il était sérieux et professionnel quand il était question de danse. Contrairement aux restes. Jun affichait un sourire des plus espiègle, offrant un clin d’œil à son interlocuteur avant de rire. Il se positionna à ses côtés et entreprit de s’échauffer un peu afin de ne pas trop souffrir le lendemain vu l’effort intense qu’il allait avoir en ces heures d’entraînement.

« Alors, de nouveaux crush ? »

C’était devenu un rituel. A chaque heure de cours, Jun demandait quel était les nouveaux coups de cœurs de Si An. Ce dernier tombait « amoureux » comme on changeait de chemises, son intérêt pouvait aller sur l’un puis sur une autre le jour suivant. Il n’avait aucune préférence pour un sexe en particulier, tout se jouait sur l’apparence pour le professeur. Après tout, ce n’était que des crush. C’était donc des aventures dignes des feux de l’amour et à mourir de rire pour celui qui l’entendait. A plusieurs reprises Jun riait à gorge déployée, consolant son ami avec des câlins pour qu’il arrête de bouder. Comme en ce moment même.

« Boude paaaaaaaas, aller. Continue de me raconter, tu sais que j’adore t’écouter. »

Il l’empêcha de s’échapper en enroulant son bras autour de sa taille. Il retenait un autre rire et resserra son emprise autour de lui afin de titiller Si An avant de finalement le relâcher une fois qu’il eut terminé toute son histoire, jamais avant, empiétant comme toujours dans son espace personnel. Il s’étira quelques minutes de plus avant de faire face à son professeur, un sourire taquin aux lèvres.

« Qu’est-ce que tu as préparé pour moi aujourd’hui, Si An ? »

Ce dernier lui montra l’enchaînement en question et au début, Jun exagéra ses gestes. Le mouvement de ses hanches était plus suggestif, son regard plus appuyé tandis qu’il terminait son manège par un petit papillonnement des yeux. Il savait qu’il n’avait plus de crush sur lui maintenant qu’il en avait trouvé d’autres, mais c’était tellement tentant de continuer à attirer son attention. Ce n’était pas uniquement pour le mettre mal à l’aise, c’est juste que l’ancien militaire adorait voir l’air effarouché sur le faciès du brunet. D’où ses gesticulations audacieuses. Plus que d’habitude en tout cas. Il se reprit néanmoins, offrant cette fois-ci, quelque chose de plus sérieux. Jun répéta les mouvements de son mentor avec précisions, se faisant rectifier par ce dernier quand il le fallait. Ses séances avec Min-Ho l’aidaient grandement, vu la grâce de ce dernier, ses pas reflétaient ce qu’il avait vu des jours plus tôt. Tous deux pouvaient passer de conneries enfantines à un sérieux professionnel en l’espace d’un battement de cœur. Ou presque.

« Tu étais aussi proche de ton crush pour lui apprendre ce que tu m’apprends là ? »

Ne sachant pas réellement mentir, il savait qu’il obtiendrait tout de Si An et c’était bien ce qu’il comptait avoir.  

 

Si An était un véritable numéro digne d’un épisode des feux de l’amour. Chaque jour, il y avait de nouvelles péripéties qui ne manquait pas de faire mourir de rire Jun. Et comme toujours, il réconfortait son professeur par des câlins, oubliant vite ses semblants de moqueries face au comportement de son aîné. Il s’interrogea brièvement sur la personne auquel Si An avait jeté son dévolu, désolé pour cette personne avant de vite passer à autre chose de plus sérieux. Parce que oui, il était là avant tout pour danser. Il écouta donc attentivement les consignes de son prof’ et exécuta les mouvements avec un sérieux qui ne lui ressemblait pas, laissant de côté l’amusement pour plus tard. Ce plus tard arriva bien trop vite, ce qui ne l’étonna qu’à moitié quand on avait un Si An à ses côtés. Il posa une main sur son cœur, offrant un clin d’œil au brunet.
 

« Je suis ton danseur privilégié pour qui tu as eu un crush. Mon cœur est rempli de joie à cette nouvelle. »  


Il éclata de rire devant l’air de son ami, le serrant contre lui pour le réconforter comme un grand enfant. Il ne le lâcha sous aucun prétexte sauf pour lui répondre et encore, ses mains restaient entourées autour de la taille de son interlocuteur. Un éclat malicieux brillait dans son regard. Pour d’autres, c’était le signe que le Ninomea diabolique était de sortie et qu’ils avaient intérêt à se méfier de ce qui allait sortir de sa bouche. Pour Si An ? C’était le signe de précieux conseils de sa part. L’innocence et la naïveté de ce dernier ne se rendant pas du tout compte des sous-entendus et de la véritable nature de ses paroles.


« Si An, mon doux Si An. S’il n’aime pas danser, montre-lui tes talents et il tombera directement sous tes charmes de professeur et ne voudra que toi et uniquement toi. Qui ne voudrait pas de toi ? T’es fou. Tu es un excellent professeur et t’es mignon, bien sûr qu’il voudra de toi. OH ! A moins qu’il aime se faire désirer ? Tu peux courir après lui ? A mon avis, tu aimeras quelqu’un d’autre avant. »


Pour les autres questions de Si An, Jun se figea le temps d’un battement de cœur, prenant le temps d’un moment de réflexion avant de secouer la tête. Avec son professeur c’était inutile de parler de sentiment, il ne comprendrait pas. Ainsi, il le regarda droit dans les yeux sans ciller avant d’afficher une moue boudeuse, s’écartant de lui et tournant la tête vers les miroirs autour d’eux.  


« Tu me vexes. Je pensais que tu pouvais tout me dire et tu hésites ? Mon cœur est peiné. »


Comme le comédien qu’il était, il lui tourna le dos, sachant que son aîné réagirait en conséquence. Il retenait très fortement un sourire sur ses lèvres, ne voulant pas trahir son jeu d’acteur. Quand il sentait le brunet s’approchait de lui, il s’écartait d’un pas en se retournant face à lui, une main sur le cœur et tandis qu’une flopée de mots s’échappaient de ses lèvres, il continuait de reculer.  


« J’ai déjà eu des crushs, j’en ai eu un récemment. Mais je pourrai jamais être avec lui. Tu vois Roméo et Juliette ? Sauf que là, aucun des deux ne meurent, mais vit sa vie de son côté. Tu ferais quoi toi ? Et pour ton crush à toi… Ne le lâche pas. Fais-lui voir que tu as de l’intérêt pour lui, même s’il ne veut pas de toi. »


Que de terribles conseils, mais pour Si An cela ne posera pas de problème. D’ici l’heure suivante il pourrait avoir trouvé quelqu’un d’autre en oubliant l’autre. C’était consternant surtout vu l’âge de son professeur, mais c’était terrible adorable en même temps. Jun arrêta de reculer et ouvrit grand les bras pour accueillir son ami, comme s’il lui pardonnait.  


« T’as intérêt à te faire pardonner correctement. Montre-toi une danse inédite et apprends là moi. Et raconte-moi un de tes meilleurs rendez-vous avec l’un de tes crush passés. T’as eu quelque chose de sérieux ? Une amourette qui a duré combien de temps ? »


Il le taquinait tellement, mais c’était trop tentant. Il referma ses bras autour de son ami pour l’empêcher de s’échapper, soufflant parfois dans son cou, sachant qu’il réagirait tel l’effarouché qu’il était. Et même s’il voulait s’écarter, Jun ne le lâchait sous aucun prétexte, geignant comme un bébé dès qu’il essayait.

 
• DANCE CRUSH ET SUPERFICIALITE – Cette frivolité digne des feux de l’amour en réalité.

Toujours le même rire. Toujours la même histoire, mais dont les protagonistes sont différents à chaque fois. Toujours un brin d’amusement avec ce jeune homme qu’est Si An. Une bouffée retrouvée, une pause bien méritée, un besoin d’innocence que lui offrait son aîné. C’était tellement plaisant et facile d’être à ses côtés en oubliant sa propre vie parfois. De ne plus penser aux choses difficiles à voir, de ne plus entendre ses mots, ses paroles si dures. C’était si facile de sombrer dans un monde à part quand il dansait avec son professeur. Parce que l’enfant qu’il était renaissait pleinement avec le brunet qui l’accompagnait. Comme un grand frère qu’il n’était pas, comme un conseiller qu’il ne devrait pas être, il pouvait être honnête. Sans filtre et sans détour. Parce que Si An ne comprendrait pas, ne chercherait pas, son monde ne pouvant comprendre les conflits qui se bataillaient en Jun incessamment. C’est pourquoi il arborait un sourire sur ses lèvres, qu’il ne retenait pas son rire, qu’il s’oubliait un instant pour le moment présent. Devant les myriades de questions toujours aussi bêtes les unes que les autres. Devant le comportement de cet individu si bienheureux que c’en était communicatif. Alors, non, le Ninomea ne pouvait éclater cette bulle dans laquelle il baignait pleinement avec son ami. A la place, il exécutait ce qu’il apprenait, les pas de danse toujours aussi mouvementé devant les paroles des plus véridiques avec lui. Sans méchanceté, sans arrière-pensée, il l’aidait simplement à rattraper ses lacunes et devant tant d’honnêteté et de bienveillance à son égard, Jun ne pouvait qu’essayer de rendre fier son professeur. Ce n’était pas toujours facile, mais il essayait et ses efforts payaient. Peut-être pas aujourd’hui, mais dans peu de temps vu l’acharnement et l’amour qu’il y mettait quand il s’agissait de danse.  


« Je suis pas parfait, mais tu peux voir que c’est largement mieux qu’avant, donc j’ai bien le droit à une pause racontage d’amour passée non ? En retour, je t’en raconte une sur moi. »  


Il lui sourit grandement, sa proposition semblable à celle d’un enfant. Bien entendu avec un câlin et un sourire enjôleur, suivit d’un clin d’œil manipulateur et il obtenait tout ce qu’il souhaitait de son aîné. Ayant gagné, il s’asseyait à même le sol sans sourciller, croisant les jambes pour mieux se positionnait et prêt à écouter. Il était étonnamment silencieux, vraiment entraîné par l’histoire que Si An lui racontait sur l’un de ses amours passés. Connaissant le personnage, c’était presque surprenant et donc très intriguant d’où le comportement de Jun à son égard. Très curieux, il posait de temps à autre des questions pour en savoir davantage, mais en abandonna certaines sachant que le brunet ne serait pas capable d’y répondre. Effarouché, certains termes lui échappaient. Certains ressentis lui échappaient. C’était même surprenant qu’il ait vraiment eu des histoires sérieuses. Ce n’était pas méchant, mais vu la frivolité de son cœur, il n’imaginait pas Si An avec quelqu’un aussi tôt. Il oubliait presque parfois qu’il était plus jeune que lui. Ainsi, une fois le premier récit terminé, c’était au tour de l’ancien militaire de se confier. Voulant faire perdurer le mystère, il balbutia des propos n’ayant aucun rapport avant de rire et de s’y mettre sérieusement quand il vit que son interlocuteur allait le bouder.


« Celui que j’ai là actuellement… Je n’ai jamais ressenti ça et pourtant je ne sais pas ce qui va advenir de nous. Je ne sais pas dans quoi je m’embarque, mais je ne peux pas m’empêcher d’y aller, tu vois. C’est plus fort que moi. Je dois y aller. J’ai eu quelques relations passées, mais rien d’aussi fort qu’aujourd’hui…. Oh ! J’avais un crush sur mon meilleur ami et je lui ai dit. Le lendemain il est sorti avec une fille. Je crois que je lui ai fait peur. S’il n’y avait pas Min-Ho et qu’il serait de retour, je suis sûr que j’aurai pu tomber amoureux de lui. »


Jun riait pleinement, lâchant le nom de son blondinet sans un détour. Il avait fait exprès, sachant que Si An le connaissait. Il lui intima le secret, que cela reste entre eux deux, le plaçant dans une confidence que lui seul avait. Même Yoonie ne le savait pas. Il s’amusait de ses propres amours de jeunesse. Calix était du passé, il n’aurait jamais imaginé le revoir un jour. Min-Ho avait capté quelque chose en lui d’indéfinissable et cela l’excitait, autant cela l’effrayait.  


« Sisi, tu veux vraiment pas avoir de petit copain ou de petite copine ? Je resterai ton confident hein ? Tu m’oublieras pas ? Je t’en voudrais tellement si je venais après. »


Jun fit semblant de bouder, baissant la tête comme un enfant puni, le regard sur la bouteille qu’il tenait devant lui. Il attendait une réaction de son aîné. Un câlin ou des paroles qui le ferait encore plus rire. C’était incroyable à quel point il aimait la bonne humeur que renvoyait Si An. Une énergie douce et innocente, voir naïve qu’il n’avait plus l’habitude et dont il respirait chaque bouffée avec plaisir.