Souvent, je me déteste et je ne me comprends pas moi-même... Pourquoi me suis-je porté volontaire à l'animation du campus pour la période d'halloween ? Surtout que ce ne sont pas les occupations qui me manquent. Je suis bien trop gentil bordel, il faut que j'arrive à dire une bonne fois pour toutes : NON ! C'est cette fille aussi, avec ses tresses et son rouge à lèvres rose qui m'a perturbé. Elle avait l'air d'être en détresse avec cet événement. Elle m'a fait les yeux doux et je suis tombé dans le panneau comme un novice.

Pendant plusieurs jours, nous avons personnalisé de petits sacs de bonbons et inventés des mots. Aujourd'hui, en début de soirée, j'étais chargé de la distribution dans ma résidence. Nous étions que deux à faire le service, deux beaux pigeons.

Dans les couloirs, je poussais à bout de bras un petit chariot avec les différents sachets. Je les disposais au hasard sur chacune des poignets des portes. À chaque fois, je m'imaginais le mot qui était destiné au locataire. Peut-être qu'il s'agissait d'un mot d'amour ou une menace ! Je n'aurais pas l'air fin si c'était le cas, surtout que tout le monde n'était pas au courant de ce geste charitable venant de quelques clubs de l'université. Ils peuvent très bien penser que je m'amuse à distribuer les bonbons et des petits mots d'amour à chacun d'entre eux.

" Que je suis bête alors... " Dis-je après un long soupire en guise de démonstration de mon désespoir.

Un mot venait de tomber par terre et en voulant le récupérer, mon serre-tête chuta aussi. Une fille du groupe avait voulu me déguiser rapidement en chat. Elle m'avait fait de fausses moustaches sur les joues, un petit nez noir, quelques paillettes pour sublimer le tout et des oreilles de chat. Quelle... brillante idée. J'avais préféré la laisser faire, car essayer d'aller contre sa volonté m'aurait causé plus de soucis.

Agenouillé sur le sol pour tenter de remettre le morceau de papier autour du sachet de bonbons, quelqu'un vint à ouvrir la porte devant laquelle je me trouvais. Me sentant un peu gêné de part ma position et de ma présence ici, je me relevais rapidement, légèrement angoissé par la situation. " Euh... " Je n'osais guère regarder la personne dans les yeux comme si j'avais été pris en flagrant délit. Le sachet tendu de la main droite, je m'inclinais devant la personne. " Joyeux halloween. " Je restais quelques secondes, tête baissée avant de la relever en ayant pris un souffle de courage. Je décidais enfin de plonger mes yeux dans les siens avec un air quelque peu distant, mais qui se voulait sympathique. " L'université espère que vous garderez le sourire en cette période difficile. " Ils nous avaient dit de sortir ce genre de phrase pour faire comprendre de qui venait ce petit cadeau et que Chuo soutenait les habitants de la ville.

Lorsque la jeune femme prit le paquet, mes bras se balancèrent dans le vide comme un oisillon qui essaye de prendre le large. " Il y a un petit mot avec, ils sont tous différents. Peut-être qu'il vous dévoilera une bonne nouvelle. " Mes sourcils se haussèrent et mes lèvres se pincèrent pour exprimer cette idée peu certaine.

Je ne pouvais pas certifier que j'avais déjà vu ou non cette jeune femme. En fait, je ne connaissais pas grand monde dans cette résidence. Le matin, je partais tôt et le soir, j'avais tendance à rentrer tard. Je croisais que très peu de monde. Il fallait dire aussi que je n'étais pas le gars à toquer chez ses voisins pour faire connaissance. J'étais plutôt celui qui se disait : "on attend, peut-être que je les rencontrerai par mégarde dans les escaliers ou l'ascenseur..." Surtout qu'avec le typhon, des personnes non-résidentes étaient venues s'installer dans les deux résidences de l'université. Donc, il était d'autant plus compliqué de reconnaître quelqu'un que j'aurais pu rencontrer ou avoir déjà vu.

Les mots de la jeune femme étaient chaleureux et très polis. Tu ne t'attendais pas à autant de gentillesse, plutôt habitué à ce qu'on te dise juste un merci et qu'on ferme la porte aussitôt après. Ou même, que la porte ne s'ouvre simplement pas. Que du vent. Donc, un petit sourire sincère et agréable commença à s'incruster aux bords de tes lèvres. " Merci. " Disais-tu encore en inclinant légèrement ta tête une seconde fois.

Tu ne t'attendais pas à ce qu'elle poursuive la conversation. Ce fait ne t'a pas déplu puisque c'était la première personne qui daignait au moins te partager plus que deux mots. " Oh ?! Vous n'êtes pas étudiante ? Vous habitez en ville ? " Était-elle une des personnes qui avait emménagé pendant quelque temps dans les locaux de l'université le temps que certains travaux se fassent suite au tragique événement ? " Ravie de vous connaître Alice-san. " Disais-tu à nouveau en hochant un peu la tête.

Lorsqu'elle fit une remarque sur ton déguisement, tu fis un examen de ta tenue que tu oubliais presque à chaque fois son existence. " Ahah.. merci. " Une de tes mains venait à gratter l'arrière de ta tête, un peu gêné par ton accoutrement. " Et bien, il n'est pas trop tard pour le faire vous savez. " Tu lui souriais à nouveau de manière à créer une ambiance sympathique. C'était bien, cette fois-ci, tu gérais ton interaction sociale. " Moi, c'est Yamada Jun. " Après un échange de regard, tu scrutais le couloir, avant de revenir sur elle. " Si vous avez besoin d'aide, je suis placé au bout de ce couloir à la chambre numéro 11. " Il fallait que tu remontes les choses dans leur contexte parce que ta phrase pouvait ressembler à une invitation un peu bizarre. " Si vous ne connaissez personne dans la résidence ou que vous êtes perdues, je peux être... comme votre guide. " Ce n'était pas trop dans ton habitude de proposer de l'aide aux inconnus, mais Alice-san te paraissait être une bonne personne.

L'histoire de la jeune femme me fit comprendre plusieurs choses : elle n'était pas beaucoup plus âgée que moi, elle connaissait les lieux et qu'elle avait un commerce. Toutefois, comme beaucoup de personnes au Japon, elle a été victime du typhon qui a eu lieu il y a plusieurs jours maintenant. " Je vois. " Disais-je en hochant le visage pour lui faire comprendre que je l'écoutais et que je compatissais avec sa situation. " Et votre commerce a été touché ? " Son logement l'a été sinon elle ne serait pas dans cette résidence étudiante, mais qu'en était-il de son magasin ?

Face à ses remerciements, je me contentais de lui sourire de manière sympathique et toujours légèrement réservé. Je n'étais pas quelqu'un de timide, mais au début et même en général je dirais, je ne suis pas très plus expressif. Non pas que je ne ressentais rien, que je en compatissais pas avec la personne, c'était juste ma manière d'être.

Une chose inattendue, mademoiselle Alice se proposa de m'aider à la distribution. Je ne pensais pas que quelqu'un se proposerait à me filer un coup de main pour ce genre de tache. Je ne voulais pas la déranger, mais il est vrai que deux mains en plus ne seraient pas de refus. Il y avait encore deux étages à faire et juste après, j'avais rendez-vous avec Ren. Si je ne voulais pas être trop en retard, il fallait que j'avance un peu plus vite. Décidé, mon visage fit un mouvement de haut en bas pendant que mes yeux percèrent les siens. " D'accord. " En attendant qu'elle sorte, je pris deux sachets de bonbons pour les lui donner. " En premier, on frappe. On attend une réponse. Si quelqu'un ouvre, nous donnons le paquet. Nous devons préciser que cela vient de l'université et quelques mots doux pour rassurer les habitants. Dans le cas d'une absence, nous laissons le sachet près de la porte. " Tout en faisant les explications, je poussais le chariot à la prochaine porte.

Arrivant devant, je me tournais vers la nouvelle recrue, lui faisant signe de s'approcher. " À toi de jouer. "

Après l'interruption de la jeune femme et le cadeau donné, l'élève s'en est retourné dans sa chambre. Une fois la porte fermée, je me retourne également vers Alice qui me regardait, excitée par son premier essai. " Tu t'es débrouillée comme une pro. " Je lui fis un pouce en l'air avec un petit sourire accroché sur les lèvres. " Continuons, nous sommes sur une bonne lancée. " Je poussais à nouveau le chariot et ralenti un peu le pas pour revenir sur une discussion précédente. " Au fait, pour ton commerce. Si tu as besoin d'aide pour le nettoyage, je veux bien te donner un coup de main. " Après tout l'accident avait touché beaucoup de monde et deux bras supplémentaires ne seraient très certainement pas de trop pour tenter de remettre les choses dans l'ordre. " Je t'en dois bien une maintenant. " Mon sourire ne s'effaçait pas.
Alice prenait de son temps pour m'aider, alors qu'elle aurait pu faire autrement. Et même si, imaginons qu'elle prenait du plaisir à distribuer les sachets, cela restait aimable de sa part.

C'était à mon tour de m'occuper de la prochaine porte. Je frappais et fis le petit discours sollicité par l'école. Tout cet étage était terminé, il fallait prendre l'ascenseur pour descendre au prochain avec le chariot. Nous avons donc rejoins l'ascenseur et pendant ce temps, je revenais sur le métier de cette dernière. " Tu es boulangère et pâtissière depuis que tu as quitté l'université ? " Plus tard, il faudra que j'aille faire un tour à son  magasin. Je me demandais comme il était, quelle décoration avait-elle choisie et quelle bonne odeur il dégageait...

Devant l'ascenseur, j'appuyais sur le bouton afin de l'appeler. Il était au premier étage. Il arriva et nous avons pu y entrer. Une fois dedans, je pouvais sentir une odeur de cigarette. Je ne fumais pas, donc c'était une senteur que je pouvais tout de suite remarquer. Un élève devait peut-être avoir rejoint sa chambre après avoir était dans l'espace fumeur. Une sonnerie retentie. Nous sommes arrivés assez rapidement. Je poussais le chariot et je me dirigeais avec ma nouvelle acolyte près de la première porte. " À ton tour. "