Me tenir devant mon premier amour après la rupture que nous avions vécu et après tout ce temps qui c'était écoulé semblait surréaliste. Une histoire digne d'un film. Mais il s'agissait bel et bien de la réalité, de notre histoire. Je le sentais perdu, je ne pouvais pas savoir ce qu'il ressentait précisément même si ça ne devait pas être très loin de mes propres sentiments. J'essayais tant bien que mal d'aborder le sujet de notre séparation, j'avais bien compris que Ken ne le ferai pas. Il n'était pas prêt, je l'avais pris par surprise. Je crois qu'au fond, j'étais un peu plus préparée que lui à ces retrouvailles, inconsciemment, j'avais voulu le revoir, j'avais espérer pouvoir avoir cette discussion avec lui.

Il me confirme alors que ça n'a pas été facile pour lui, je le savais déjà, mais l'entendre de sa bouche me fait un pincement au cœur. « J'ai toujours su que tu irais mieux, tu es fort. » Ne dit-on pas que le temps guéri toutes les blessures ? Mais comment tourner vraiment la pages lorsque comme nous, on ne s'est pas tout dit ? Me tenir à ses côtés me fait brusquement prendre conscience que j'ai encore bien trop de sentiments pour lui. Des sentiments que j'ai enfouit au fond de mon cœur pendant toutes ses années. Ken est mon premier amour, le premier et le seul que j'ai vraiment aimé. J'ai bien eu des relations en France, mais rien de comparable à notre histoire.

« Je voulais juste que tu le saches. Nous n'avons pas vraiment pu en parler. Et puis, je voulais que tu vives ta vie, rester avec toi aurai été égoïste de ma part. » Je savais qu'il ne m'aurai jamais quitté même si la situation le faisait souffrir, c'est pour cette raison que j'avais pris la décision pour nous deux. Je voyais bien que parler de ça le blessait, je le voyais sur son visage. J'avais terriblement envie de le serrer dans mes bras, mais rien ne me disait qu'il me laisserait faire, je pense que la situation est déjà assez compliquée, alors je réprimais ce sentiment.

Il change alors complètement de sujet de conversation, me demandant pourquoi je suis rentrée au Japon. Son ton a complètement changer, je ne saurai dire s'il regrette que je sois de retour ou non. « Je voulais revenir au prêt de mes parents et puis j'imagine que j'avais un peu le mal du pays. » Je marque une pause, prenant le temps de l'observer, essayant de lire sur son visage. « Je n'avais pas prévu de te revoir, en tout cas pas comme ça... » Autant être totalement honnête. Je ne sais pas si j'aurai entrepris de le retrouver sans cette rencontre inattendue. « Mais je suis contente d'être tombée sur toi aujourd'hui. »

La situation était on ne peut plus délicate entre les deux anciens amoureux, et la tension était palpable entre eux. Pourtant, ils étaient là, à discuter d’abord du cours de leur vie, pour finalement entrer dans le vif du sujet tout en marchant. Ken ne savait absolument pas comment se sentir face à cette situation totalement imprévue. Il allait donc improviser, comme il le faisait bien souvent. Et puis Hikaru semblait bien mener les rênes de la discussion, il n’y avait donc qu’à se laisser porter. Depuis son séjour en France, elle semblait avoir pris en assurance alors que lui en avait perdu. Mais bon, il faisait de son mieux pour garder une certaine consistance parce que s’il s’était laissé aller à ses émotions, il serait déjà effondré. Il fallait rester digne tout de même, il n’avait aucune envie qu’Hikaru pense qu’il était devenu une loque depuis leur rupture.
 
Elle avait toujours su qu’il irait mieux ? Venant d’une autre personne, Ken aurait pu trouver cette réplique particulièrement ironique ou sarcastique. Pourtant, quand c’était elle qui disait ce genre de choses, on ne pouvait qu’éprouver la sincérité de ses mots. Hikaru, malgré leurs débuts complexes, lui avait toujours fait confiance et avait toujours cru en lui, quelles que soient les situations. C’était quelque chose qui avait toujours plu à Ken, en sachant que ses propres parents ne croyaient pas plus que ça en son potentiel, ne voyant chez lui qu’un simple héritier potentiel à l’entreprise familiale. A tel point que lorsqu’ils avaient su qu’il était devenu basketteur pro, plutôt que de le féliciter, ils avaient coupé les ponts et les vivres avec lui.
 
« Merci de continuer de croire en moi après toutes ces années. »
 
Il était sincère lorsqu’il la remerciait, même si c’était terminé entre eux, ils ne s’étaient jamais détestés et avoir son soutien était quelque chose d’inestimable pour le jeune homme. Lui qui avait perdu énormément de repères ces dernières années, étrangement, le retour d’Hikaru apportait à nouveau un sentiment familier dans son quotidien, même si cela ne faisait même pas une journée qu’elle était réapparue dans sa vie.
Pour Hikaru, être sincère avec lui sur ce passé récent semblait être essentiel, et il comprenait. Se dire les choses avait toujours été quelque chose d’important pour eux afin que les choses soient équilibrées. Egoïste … Ca ne l’aurait pas dérangé qu’elle soit égoïste mais il en aurait sans doute souffert, incapable de mettre un terme à tout cela. Elle avait été la voix de la sagesse lorsqu’il n’avait pas pu prendre de décision.
 
« Je … Je sais bien tout ça. Je n’ai pas été capable d’agir de mon côté. Heureusement que tu l’as fait. »
 
Ca l’écorchait de dire ce genre de choses mais au fond c’était vrai. Leur situation était tout sauf viable et il fallait cesser de se voiler la face. Ken avait fini par remonter un peu la pente pour mieux se jeter dans le vide. Hikaru ne pouvait pas le soupçonner mais depuis quelques semaines, il était bouleversé, en proie à un épisode dépressif assez particulier, et ne sachant que faire de sa vie. S’il était heureux d’avoir réalisé son rêve professionnel, il ne se sentait pas épanoui. Il se sentait seul, perdu. C’était aussi pour cela que plutôt que de chercher à tout prix à déménager, il avait tenté de trouver un colocataire pour remplacer Moana. Sauf que l’appartement lui rappelait trop de souvenirs douloureux, et il avait proposé au jeune homme de faire une colocation ailleurs, dans un endroit plus proche de Chûô puisque le jeune homme y étudiait. Il ne savait pas encore qu’il allait retourner travailler à la fac en tant qu’entraîneur de l’équipe de Basket d’ailleurs.
 
Il avait changé de sujet en lui demandant pourquoi ce retour au Japon, en étant plus froid qu’il ne l’aurait voulu. Sa maladresse naturelle. Elle voulait donc revenir auprès de ses parents, et le Japon lui manquait. Elle ajouta aussi qu’elle n’avait pas prévu de le revoir. La réponse eut l’effet d’un choc sur Ken. S’ils ne s’étaient pas croisés à cette rencontre lycéenne, elle n’aurait jamais repris contact avec lui et aurait repris le cours de sa vie ici comme si de rien n’était ? Il fut assommé par cette révélation, mais ne réagit pas plus que cela. Même si elle ajouta qu’elle était heureuse d’être tombé sur lui, il resta dans le même mood.
 
« Je comprends. Ca ne pouvait être que pour ta famille. »
 
Ken était un peu déçu, même s’il comprenait. Il avait l’espoir qu’elle soit revenue pour lui en quelque sorte, mais il s’était fourvoyé. Elle avait tourné la page et il était temps qu’il fasse de même.
 
« Et du coup, tu as eu des copains français là-bas ? Ils sont comment par rapport aux Japonais ? »
 
Dans le genre question malaisante, Ken n’aurait pas pu faire mieux. Surtout qu’Hikaru risquait de lui renvoyer l’ascenseur et il n’avait pas envie de lui parler de Moana.

Il me remerciait de continuer à croire en lui, pourtant, ça me paraissait être une évidence. S'il ne devait y avoir qu'une seule personne en qui je pouvais croire, c'était bien lui. Je secouais la tête, il n'avait pas besoin de me remercier, je ne l'avais pas dis pour ça. Je le pensais, c'était aussi simple que ça. « Tu sais bien que je croirais toujours en toi. » Pour autant, si j'avais su qu'il s'en remettrait, j'étais bien obligée de constater qu'il n'allait pas aussi bien qu'il voulait bien le laisser paraître. Mais ça pouvait très bien venir du fait de ma présence. Je venais de débouler dans son quotidien de façon un peu brutal. Je n'avais pas l'intention de rouvrir de vieille blessure.

Il me confia ensuite qu'il savait pourquoi je l'avais quitté, avouant qu'il aurait été incapable de le faire lui même. Une fois de plus ça me brisait le cœur. Je voyais à quel point ça lui avait fait du mal et je m'en voulais pour ça. Rien n'était plus horrible que de faire souffrir la personne à qui on tient le plus. Même après  toutes ces années, je ne voulais pas le voir malheureux. « Je n'ai jamais voulu te faire souffrir... » Je voyais bien que quelque chose n'allait pas, qu'il ne me disait pas tout. Mais pouvais-je le lui reprocher ? Je ne pouvais pas débarquer du jour au lendemain et attendre qu'il me confie tout. J'aurai voulu lui faire comprendre qu'il pouvait tout me dire, mais je ne pouvais pas, c'était trop tôt.

Quand il aborda le sujet de mon retour, je vis sur son visage que la réponse l'avait ébranlé. Si je ne le connaissait pas si bien, j'aurai pu ne rien remarquer. Il ne voulait pas me montrer à quel point ça le touchait. Depuis quand me cachait-il autant ses émotions ? Ça me faisait mal de voir à quel point le temps nous avait éloigné l'un de l'autre. Pourtant c'est que j'avais souhaité, qu'il se détache de moi et qu'il fasse sa vie sans moi. Mais à l'époque, je ne pensais pas le revoir un jour. Lorsqu'il répondit, ce fut avec ce même ton, un peu froid et distant, comme si au fond, ça ne le touchait pas plus que ça. Pourquoi agissait-il ainsi ? Finalement, j'accordais peut être trop d'importance à tout ça. Peut être que c'était seulement moi qui espérais qu'il reste ne serait-ce qu'une infime partie de notre relation. Ken semblait bel et bien avoir fait le deuil quand moi je restais bloquée sur ce passé entre nous. « Je suis désolée, je ne voulais pas gâcher cette soirée, mais quand je t'ai vu dans le restaurant, je... Je ne sais pas, il fallait que je te parle... » Je n'avais pas pu m'en empêcher et Ken, comme toujours, trop gentil n'avait pas pu me dire non.

Comme pour confirmer mes pensées, il me demanda alors si j'avais eu d'autres relations en France, ajoutant même une question qui me figea sur place. Vraiment ? Comment pouvait-il me demander ça ? « Tu ? Je... » Comment répondre à une question comme celle-là dans un moment pareil. J'aurai voulu lui mentir, lui dire que moi aussi j'étais passée à autre chose, mais je ne pouvais pas. « J'ai eu des relations, mais ça n'a jamais marché... Ils n'étaient pas... » Il fallait que je reprenne mon souffle. « Ils n'étaient pas toi. » Inconsciemment j'avais baissé la voix avec l'espoir que peut être il ne m'entendrait pas. Je ne savais pas si c'était une bonne chose de lui faire ce genre de confidence, mais je m'étais promis d'être honnête avec lui. Et maintenant que je lui avais dit ça, il fallait que je sache moi aussi, même si la réponse devait me faire du mal, il fallait que je lui pose la question. « Et pour toi ? Où en es-tu ? Tu as trouvé quelqu'un ? »

Des étapes douloureuses, il en avait traversé, mais Ken n’aurait jamais imaginé que les retrouvailles avec Hikaru soient aussi difficiles à gérer. Il savait que la revoir n’aurait jamais été complètement joyeux, il y avait beaucoup de choses non avouées, mais il n’aurait pas pensé que ce soit ainsi. Elle avait souligné qu’elle croirait toujours en lui. La réciproque était également vraie, et il crut important de le préciser :
 
« C’est pareil pour moi. »
 
La suite, il la connaissait par cœur. Hikaru lui disait qu’elle n’avait jamais voulu le faire souffrir, et il en était conscient. Une rupture n’était simple pour personne de toute façon. Elle semblait sentir qu’il y avait plus que ce qu’il disait tout haut, mais elle eut le respect de ne pas lui demander. Ce qui soulageait Ken car il avait du mal à lui résister et si elle lui avait demandé s’il était heureux aujourd’hui, il n’était pas sûr qu’il serait capable de mentir.
 
« Je sais tout ça, Hikaru. Vraiment. Mais de toute façon, on ne peut pas changer le passé. »
 
Le Ken jovial, glouton et foufou avait disparu pour la soirée. Il avait dévoré ses nikuman depuis un moment mais ça lui restait sur l’estomac. Il avait rangé le melon pan dans son sac, l’appétit coupé par cette boule au ventre. Il avait du mal à encaisser le flux de sentiments complexes et contraires qui le traversaient depuis qu’il l’avait vue entrer dans le restaurant. Son cœur battait à tout rompre de se tenir à côté de son premier amour, celle qu’il n’avait jamais oublié. Il était heureux de la revoir, de sentir l’odeur de son parfum. De la voir vivante, en forme. Il était triste des conditions de leurs retrouvailles, de la lourdeur de leurs propos, de la douleur que cela éveillait en lui. Pas de colère, pas de ressentiment, juste des sentiments complexes et lui faisant vivre un véritable ascenseur émotionnel.
Mais il avait été obligé d’être froid pour ne pas craquer. Cela ne lui ressemblait absolument pas, lui qui était toujours gentil avec tout le monde. Hikaru avait senti que le ton avait changé, qu’il s’efforçait à être plus abrupt. Mais le fait qu’elle lui dise aussi aisément qu’elle était rentrée pour sa famille et le mal du pays, et qu’elle ait cru bon de préciser qu’elle n’avait pas eu l’intention de le revoir avait été bien trop douloureux à entendre. Lui qui avait attendu son retour des années durant avant de se faire une raison. Et c’était quand il avait laissé tomber et décidé de refaire sa vie qu’elle revenait. Superbe timing. Elle s’excusa d’avoir gâché la soirée. Elle expliqua qu’elle avait ressenti le besoin de lui parler.
 
« A aucun moment en décidant de rentrer en France tu t’es dit que tu aurais voulu reprendre contact avec moi ? »
 
Il avait ignoré ses excuses concernant le restaurant. Il se fichait éperdument qu’elle ait interrompu ses retrouvailles avec Nobuo. Ce dernier n’était pas né de la dernière pluie, il saurait comprendre la situation et ils se reverraient dans un meilleur contexte, il l’espérait.  Mais bon, la chose la plus importante pour lui était de savoir si elle l’avait totalement rayé de sa vie.
 
« S’il n’y avait pas eu cette foutue rencontre lycéenne, nos routes ne se seraient jamais recroisées ? C’est ça que tu me dis ? »
 
Ken s’énervait rarement, sauf quand il souffrait. C’était arrivé dernièrement avec Moana, quand celle-ci, au bout d’un an à se fréquenter sans mettre un nom sur leur relation, n’avait jamais réussi à lui faire confiance, à lui parler. Il avait fini par craquer, ayant été plus que patient, et s’éloigner de lui-même pour se protéger. Et elle était retournée à Hawaï. Il faisait fuir les personnes à qui il s’attachait de toute façon. Serrant les poings et persuadé que Hikaru avait définitivement tourné leur page, il avait lancé le sujet des relations en France pour se convaincre que c’était terminé. Mais la réponse de la jeune femme ne l’aida pas à se remettre. « Ils n’étaient pas toi ». Que voulait-elle qu’il comprenne ou ressente avec de tels mots ? Il était abasourdi, perdu, perturbé. Et évidemment, elle lui avait retourné la question. Il n’était pas prêt à mettre les mots sur ça. Surtout qu’au final il n’avait jamais su comment définir sa dernière relation. Mais il lui devait la vérité comme elle venait de lui dire la sienne.
 
« Après toi j’ai eu des relations pansements. Je n’ai jamais rien ressenti, et j’ai presque regretté de m’être lancé là-dedans. C’était superficiel. Fin 2019, j’ai rencontré une fille à qui je me suis attaché, mais elle n’était pas claire dans ce qu’elle voulait et au final elle a piétiné mes sentiments. Et elle est sorti brutalement de ma vie. Et puis … Elle n’était pas toi. »
 
Ken n’avait pas pu s’empêcher de conclure comme Hikaru, pour qu’elle sache qu’elle était toujours importante à ses yeux, malgré les apparences. Cette conversation était en train de l’achever, il suffoquait de l’intérieur.

Il avait raison, on aurai beau se torturer, le passé était passé, on ne pourrai plus rien y changer. Je m’efforçais simplement d'être la plus honnête possible avec lui. C'était une situation difficile à vivre. Mais je commençais à me dire que si nous en souffrions autant, c'était peut être parce que justement notre histoire n'était pas tout à fait terminé. Si nous avions réellement tourné la page, pourquoi étions-nous bouleversé à ce point ? Je ne pouvais pas prétendre savoir ce qu'il avait au fond de lui, mais je savais que je ne l'avais jamais vraiment oublié. J'avais pourtant essayé et je m'étais voilé la face en pensant que c'était possible. Il était toujours resté présent dans mon cœur, que je le veuille ou non.

Ces paroles eurent l'effet d'un douche froide sur moi. Je comprenais un peu mieux sa réaction si froide, si distante. Il pensait que je n'avais pas voulu le revoir. J'avais du mal m'exprimer, ou il ne m'avait comprise, à moins que ça ne soit un peu des deux. Bien sûr que j'avais pensé à lui quand j'avais pris la décision de rentrer. Comment ne pas envisager de ne pas vouloir le revoir ? J'avais conscience que je laissais toutes mes émotions s'afficher sur mon visage, je n'avais pas à me cacher devant lui. Je devais avoir une mine dépitée et certainement un peu triste aussi. Mais n'était-il pas lui même trop perdu avec ses propres sentiments pour voir ce que je ressentais ? « Ken... Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. »

Comment lui expliquer ? J'aurai voulu qu'il me comprenne. Je ne m'étais pas préparée à nos retrouvailles, ça avait été brutale. J'aurais simplement souhaité que ça se passe différemment, dans un autre contexte plutôt que de me donner en spectacle devant tous nos anciens camarades de lycée. « Bien sûr que je voulais te revoir. » Plus que tout même, je ne pouvais pas lui dire à quel point. « Mais je m'étais simplement dit que je n'avais pas le droit de revenir dans ta vie après t'avoir demandé de m'oublier. » J'avais terriblement mal au cœur. Le voir dans cet état était tout ce que j'avais redouté, il était en colère. Jamais il n'avait été comme ça avec moi et je ne savais pas vraiment comment le gérer.

Vint ensuite le sujet de nos relations passées. Pourquoi avait-il fallu que je lui retourne sa question ? Sur le moment, j'avais voulu savoir, je me pensais prête en tout entendre. Lorsqu'il commença a parlé, je compris qu'il était passé par les mêmes étapes que moi. Mais lui, au contraire de moi avait finalement rencontré quelqu'un a qui s'attacher. Sans que je l'ai vu venir, je me sentais à présent submergée par une vague de jalousie envers cette fille que je ne connaissais même pas. Et en même temps je la détestais, elle l'avait fait souffrir. Pourtant, c'est ce que j'avais voulu. Qu'il fasse sa vie et qu'il m'oublie. Je ne pouvais pas lui en vouloir d'avoir réussi là ou j'avais moi-même échoué. J'étais bel et bien la seule de nous deux à rester bloquer dans le passé. Et je ne supportais pas l'idée qu'il ait dut traverser une nouvelle déception. Ce n'est pas ce que j'avais voulu.

Et tout d'un coup, il me retourna ma phrase, mot pour mot. Elle n'était pas moi. Est-ce qu'enfin de compte, il tenait toujours à moi ? Je ne comprenais plus, je ne savais plus quoi penser. Il m'aurait suffit d'une seule question pour répondre à toutes ces questions, mais je n'étais pas certaine de vouloir entendre la réponse. Cette conversation me faisait déjà assez de mal, pourtant il fallait bien que je le lui demande. « Ken, dis-moi, est-ce que tu veux que je sorte de ta vie ? Que je te laisse tranquille ? » Pourquoi fallait-il que ma voix tremble à ce point ? Je redoutais d'entendre sa réponse, mais si c'était réellement ce qu'il souhaitait, alors je devais l'entendre.

Le passé restait au passé, comme Ken venait de le souligner. Même si ça l’écorchait de dire ce genre de choses, il fallait pourtant avancer. C’était ce qu’Hikaru avait souhaité à l’époque où elle avait mis fin à leur couple, afin qu’ils puissent avancer sans se blesser. Car ce n’était pas juste un an à l’étranger, mais à l’origine elle comptait y construire sa vie, et lui ne se serait pas vu la suivre, ne connaissant rien du pays. Depuis le collège, il nourrissait son rêve de devenir basketteur pro, il se battait pour ça depuis tant d’années, allant même à l’encontre de ses propres parents. Et il avait réussi. Mais il n’aurait pas pu accomplir tout cela s’il était parti en France repartir de zéro. Il n’était même pas sûr que des équipes françaises de basket auraient pu l’accepter, malgré son bon niveau.
 
Visiblement, il avait mal interprété les propos de Hikaru, et elle avoua avoir voulu le revoir à son retour en France. Ken fronça les sourcils, perdu. Pourtant elle avait dit un peu plus tôt qu’elle était rentrée pour sa famille et le mal du pays. Bon ok, elle n’était pas rentrée pour lui mais ça ne l’empêchait pas de vouloir le voir à nouveau. Elle développa sa pensée en expliquant qu’elle estimait ne pas avoir le droit de remettre les pieds dans sa vie comme si de rien n’était après avoir coupé les ponts. Vu comme ça, il comprenait mieux son point de vue. Cela lui ressemblait davantage, elle qui s’était toujours souciée des autres avant d’elle. Sa décision de rompre faisait partie de ces choses : si elle avait pensé à elle d’abord, elle n’aurait peut-être pas mis un terme à leur relation en sachant que Ken serait incapable de le faire. Pourtant elle avait pris son courage à deux mains et avait pris cette décision douloureuse. Il soupira, pas d’ennui mais comme pour exprimer une sorte de soulagement.
 
« Oh. Je suis désolé d’avoir mal compris tes propos. Je comprends mieux, maintenant. »
 
Ken avait par la suite eu la mauvaise idée d’aborder les relations après eux. Quitte à faire table rase sur le passé et à faire le point sur les choses, autant tout évoquer et comme ça l’abcès serait crevé et ils pourraient passer à autre chose. Visiblement, Hikaru ne s’était jamais vraiment attaché à personne depuis lui, et il se sentit presque coupable d’avoir eu des sentiments pour Moana. Elle ne sembla d’ailleurs pas apprécier l’évocation de leur « histoire ». Il ne s’attendait cependant pas à la réponse qu’elle lui donna, qui était en fait une question. Elle lui demandait s’il souhaitait qu’elle sorte de sa vie. C’était peut-être la question la plus délicate qu’on lui avait jamais posée. Il se sentait perdu, et ne savait pas ce qu’il fallait répondre pour être apaisé. Il avait tellement souhaité la revoir et pourtant ça ne se passait absolument pas comme il l’aurait imaginé. Il aurait imaginé des retrouvailles façon film, mais non, la vie réelle n’était pas un film. Pourtant, il ne pouvait pas se résoudre à la perdre encore une fois. Il prit une grande inspiration et répondit :
 
« Non. Je n’ai pas envie de te perdre une nouvelle fois. Pas maintenant que tu es de retour. Par contre j’ai besoin de temps, d’y aller doucement. »
 
Il marqua une pause, réfléchissant à comment aborder la suite.
 
« Je pense que le mieux est de continuer à se voir à notre rythme, rattraper un peu le temps perdu, passer du temps ensemble tranquillement pour voir comment évoluent les choses, non ? »
 
Ken n’était pas prêt à ce qu’elle disparaisse de sa vie. Mais précipiter les choses entre eux ne ferait que tout piétiner. On ne pouvait pas faire comme si ces dernières années n’avaient pas existé et reprendre là où ils s’étaient arrêtés, l’air de rien. Il fallait réparer les douleurs, retrouver la confiance. Au final, peut-être qu’ils ne resteraient qu’amis. Mais au fond de lui, Ken savait qu’il aimait encore profondément Hikaru et il avait le sentiment que c’était réciproque.

Quatre longues années sans aucune nouvelle l'un de l'autre et nous voilà aujourd'hui face à face. Rien n'avait jamais été vraiment simple entre nous. Pourtant nous avions été attiré l'un vers l'autre tel des aimants. A l'époque, il avait été la seule personne a prendre soin de moi et j'étais persuadée que notre amour pourrait surmonter toutes les épreuves. Lorsque j'avais pris la décision de partir en France, j'avais bien été obligée de me rendre à l'évidence. Nous nous serions détruit, il ne m'aurai jamais suivie, il n'aurait pas été heureux et je ne pouvais pas rester. La meilleure chose a faire avait été de nous libérer pour que chacun puisse poursuivre ces rêves. Tout l'amour du monde n'aurai pas suffit.

Aujourd'hui, tout avaient changé, je n'avais plus l'intention de partir à nouveau. Cependant, les choses ne pouvaient pas reprendre là où elles s'étaient arrêtée. Nous avions tout les deux changé depuis cette époque et je me demandais si nous arriverions à rattraper ce temps perdu. Il sembla soulagé alors que je lui expliquais mes propos. « Ce n'est rien, c'est moi qui me suis mal exprimée. » Je lui fis un léger sourire rassurant. Je sentais que sa colère retombait peu à peu. Il était évident qu'il y avait trop de sentiments qui nous traversaient tout les deux. Je ne pouvais m’empêcher de me demander à quoi tout cela allait nous mener.

J'avais posé ma question, attendant nerveusement qu'il y réponde. Je savais que c'était compliqué pour lui, je le savais parce que ça l'était pour moi aussi. Lorsqu'il me dit qu'il ne voulait pas que je sorte de sa vie, qu'il ne voulait pas me perdre une nouvelle fois, je sentis le poids sur mon estomac s'alléger. J'avais eu tellement peur qu'il me repousse, pourtant j'aurai respecté son choix s'il avait décidé qu'il ne voulait pas me revoir. Il avait toutefois précisé qu'il avait besoin d'y aller doucement. « Je comprends et tu as raison, nous avons beaucoup de choses à rattraper. » Je n'avais pas l'intention de le brusquer, je le sentais toujours perturbé de nos retrouvailles, je l'étais moi aussi et nous allions devoir réapprendre à faire partie de la vie de l'autre. « Alors on prendra tout le temps qu'il nous faudra. » Je ne savais pas où tout cela allait nous mener, mais je savais que quoi qu'il arrive, d'une façon ou d'une autre, Ken ferai toujours partie de ma vie.

La soirée était déjà bien avancée, certes, en nous rendant à ces retrouvailles avec nos anciens camarades de lycée, nous n'avions pas imaginé la tournure que prendraient les événements, mais quelque part, j'avais l'impression qu'être tombée sur Ken avait été bien mieux que de passer la soirée avec ces gens qui étaient devenus des inconnus et avec qui je n'avais jamais réellement eu de vraie connexion. Il est vrai que je m'y étais rendue sans trop savoir ce que j'attendais de tout ça, mais je ne regrettais pas d'y être allé. Finalement retrouver Ken dans ce restaurant avait donné tout son sens à cette soirée. Nous décidions donc de rester en contact. Convenant que nous nous reverrions bientôt. A présent, j'étais en chemin vers chez moi avec l'impression que j'allais dormir pendant deux jours pour me remettre de mes émotions et malgré tout ces sentiments qui m'avaient traversé, j'avais ce sourire qui ne voulait plus quitter mon visage.