play with meSamedi soir, j’avais prévu une petite heure pour passer du temps à la salle d’arcade. J’avais passé ma matinée aux répétitions et à l’organisation du cercle de musique à l’université. Ensuite, en début d’après-midi, j’avais révisé deux heures et commencé le début d’un devoir que je devais rendre dans une semaine. Après, j’étais allé au cercle des arts pour ranger et réaménager le matériel. Enfin, j’avais quatre heures à faire à la maison d’édition cette après-midi pour quitter le soir. Je faisais la fermeture du magasin. J’avais prévu de manger après mon petit tour aux jeux.

Le patron me connaissait un peu, j’étais un client habituel du soir. Je venais rarement en journée, profitant de faire mes diverses activités plutôt, et garder la nuit pour le divertissement et les révisions. En général, j’étais plus à l’aise une fois le soleil tombé. Les gens étaient moins nombreux et je trouvais l’univers plus inspirant. J’étais un oiseau de nuit, assez discret, mais qui par sa maladresse avait tendance à se faire remarquer.

Avalant quelques vitamines pour tenir le coup, je mettais une pièce dans la première machine sur laquelle je trônais. Mes doigts pianotaient machinalement à vive allure sur le plateau. L’attention figée et aucunement déstabilisée, je faisais grimper mon score de la dernière fois en restant plus d’un quart d’heure sur la même attraction. Infatigable et compétitif, je ne lâchais pas l’affaire. Je jouais à un jeu comme Tekken, un truc de combat assez populaire ces derniers temps. J’étais classé premier sur la machine. J’y jouais très souvent et mes doigts fins et rapides m’aidaient à taper plus vite que l’éclair sur les boutons. J’avais de l’entraînement derrière moi. Les jeux vidéo, j’y jouais depuis gamin. Et les salles d’arcade, je les fréquentais depuis ma première année à Chûô, car elles étaient trop loin quand j’étais chez mes parents. En quelque sorte, j’avais dégagé toute ma frustration du manque de salle durant ces quatre dernières années. Les autres gamins du quartier pouvaient s’y rendre de temps en temps. Moi, j’étais trop préoccupé par les cours de piano ou de peinture.
Finissant par augmenter mon ancien score, je changeais de machine, satisfait de mon jeu. Cette fois-ci, je passais à quelque chose de plus tranquille. Un simple petit jeu d’aventure comme le gameplay d’un mario. Sur celle-ci, je ne cherchais pas à battre des records. Il y en avait un qui datait de plusieurs mois de cela et personne n’était parvenu à le dépasser. Une légende.

Ma partie dura approximativement douze minutes. La soif me fit arrêter de jouer pour aller commander un coca. La paille coincée entre les dents, je passais devant la machine sur laquelle j’étais toute à l’heure et je remarquais en chose horrible. Le classement avait changé ! Je n’étais plus premier. Quelqu’un avait eu le temps de faire mieux que moi lors des dernières minutes.

Alors, le regard plus affiné qu’un couteau de cuisine, je cherchais le responsable. Ce n’était pas bien compliqué de trouver le responsable de ce crime puisqu’on était que deux (trois avec le responsable de la boutique) ici.
Il m’était impossible de laisser ça passer. Était-il si doué ? Plus fort que moi ? Je devais m’en assurer et pour ce faire, j’allais le défier !

Discrètement, je me plaçais derrière lui, la paille coincée sur le côté de la bouche. “Je te défie.” Aussi puissant que Yu Gi Oh qui venait de lancer un combat contre son prochain ennemi, j’étais prêt à sortir mon dragon blanc aux yeux bleus pour récupérer la première place.

play with meLa passion de Yoo Chan pour les jeux vidéos ne datait pas d'hier. Depuis qu'il était gamin, il enchaînait les consoles et ses parents se faisaient un plaisir de le laisser scotché devant son écran de télévision ou d'ordinateur puisque cela signifiait qu'il n'était pas à l'extérieur à corrompre sa jeunesse. Bien sûr, avec les années, ces derniers ont bien remarqué que son obsession pour les jeux vidéos devenaient quelque peu malsaine et c'est à ce moment qu'ils ont mis en place des limites strictes. Blasé, Yoo Chan s'était tourné vers des groupes de racailles à idolâtrer des vedettes hip-hop comme Ash. C'est aussi à ce moment qu'il avait commencé à prendre part aux combats de rue illégaux qui lui permettait de ramasser un peu d'argent qu'il n'hésitait pas à dépenser dans les arcades et les cafés internet à l'insu de ses parents.

Maintenant qu'il était au Japon, il pouvait reprendre ses mauvaises habitudes sans aucun contrôle parental et passait donc la majorité de son temps libre cette salle d'arcade tenue par un homme d'un certain âge qui ne connaissait rien aux jeux vidéos mais qui était assez agréable pour saluer et féliciter Yoo Chan chaque fois qu'il faisait une apparition. Ces apparitions s'étendaient souvent sur de nombreuses heures et il lui arrivait même d'attirer une petite foule de gamins qui aimaient l'observer battre les records de ses prédécesseurs.

Ce jour-là, la salle était plutôt tranquille. Un seul autre client, un autre jeune homme d'environ son âge, qui occupait le jeu qui l'intéressait; Tekken. C'était son jeu favori, sans grande surprise, et celui auquel il excellait. Lorsque l'autre client quitte finalement pour se diriger vers un autre écran, Yoo Chan s'élance vers la machine dans laquelle il insère quelques jetons et enfin, la partie est lancée. Ses pupilles se dilate, il sent l'adrénaline faire battre son coeur un peu plus rapidement et ses doigts s'activent avec un automatisme d'expert. Le score précédent était excellent, son regard lançait des éclairs alors qu'il n'avait qu'un but bien précis; le surpasser. À sa grande surprise, il y arrive assez rapidement et un sourire satisfait étire ses lèvres. Il en profite pour s'étirer et faire le tour des autres jeux, voir s'il n'y aurait pas un autre record à battre. C'est à ce moment qu'il entend une voix derrière lui et il se retourne vers le jeune homme qui lui donne l'impression d'être tout droit sortie d'un manga. Un nouveau sourire, moqueur cette fois-ci, apparaît sur son visage.

Si tu veux.

Il avait confiance en ses chances. Sans un seul mot de plus, il se dirige vers le jeu qu'il venait de quitter, faisant un léger signe de main à l'inconnu.

Comme tu m'as défié, à toi de mettre les jetons.

play with me Quelques secondes venaient de s’écouler depuis que j’avais défié le garçon qui avait foutu en l’air mon score sur Tekken. Avec un sourire qui me semblait signer une assurance démesurée, il accepta mon challenge. Satisfait de sa réponse, un gain d’énergie parcourait l’ensemble de mon corps, comme si l’excitation et la recherche de la victoire coulaient dans mes veines.
Suivant du regard le garçon en premier, je finis par le suivre en second. “D’accord !” Disais-je plein d’entrain.

“Mh.” Un hochement déterminé accepta sa demande. Je mis un jeton pour faire commencer le jeu. Les machines étaient disposées de manière à jouer à deux. C’était une arcade faite de base pour deux joueurs. Ce jeu populaire dans le monde entier regroupait de nombreux joueurs et surtout, certains très entraînés. J’avais pris comme personnage Ling Xiaoyu, car généralement, je me penchais vers les femmes plus que les hommes, préférant leurs capacités.

Les doigts tendus au-dessus des boutons, je regardais un instant mon adversaire. “Que le meilleur gagne.” Sourcils froncés, mon attention se centrait dorénavant sur l’écran uniquement. Il était temps de lui montrer qui était le plus entraîné d’entre vous deux.

Le jeu commençait et la musique me fit plonger aussitôt dans l’univers de combat propre à Tekken. Dès les premières secondes après le décompte, mes doigts pianotèrent à une vitesse folle contre les touches de la machine. Tel un habitué, je n’avais guère le besoin de regarder celles-ci pour m’y retrouver. Elles étaient en mémoire grâce au temps passé dessus.

Dans les jeux, je n'étais pas forcément un mauvais joueur. Disons, que je voulais jouer avec quelqu’un qui était aussi fort que moi pour l’amusement plus que l’envie de la victoire même. Mise à part récemment Jiyeong que j’avais amené à la salle d’arcade, je n’avais personne pour y passer quelques heures avec moi. Alors, trouver un gars comme ce jeune, qui ne me semblait pas trop éloigné de mon âge, ça m’excitait un peu.

Pour ce premier round, j’étais le vainqueur. Toutefois, il y en avait deux ou trois si également au deuxième round pour définir qui sera le champion du combat. Un petit sourire satisfait se soulignait sur mes lèvres, mais la concentration ne s’éloignait guère, car il y avait encore un tour à réaliser.

Forcément, c’était mon adversaire qui emporta le second. Le match était tendu.

play with meYoo Chan ne doutait aucunement de ses capacités à battre cet inconnu qui, visiblement, n’était pas satisfait de voir un concurrent voler son score record. Évidemment, il n’avait pas l’intention de débourser le moindre jetons puisque c’était l’autre jeune homme qui l’avait défié. S’il avait envie de retrouver son statut de vainqueur, il allait devoir en payer le prix. Il lui fait donc signe d’insérer son jeton puis étire ses bras au-dessus de sa tête, réchauffant ses doigts comme s’il s’agissait d’un athlète de haut niveau se préparant pour la course de sa vie. Il le faisait toutefois avec une sorte de nonchalance pour laisser savoir à son rival qu’il ne s’agissait que d’une petite partie sans importance pour lui.

Enfin, il se positionne au-dessus des boutons qu’il contrôle toujours avec une expertise bien mesurée, ne pouvant s’empêcher de répondre à l’autre garçon avec un clin d’œil provocateur :

Exact, le meilleur gagnera.

Lorsque la musique familière se met à jouer, Yoo Chan repose son attention sur l’écran et c’est partie. Ses doigts se déplacent avec une vitesse phénoménale que même un regard expert aurait du mal à suivre. L’étudiant était plutôt mauvais perdant alors heureusement, il ne perdait que très rarement. Surtout lorsqu’il est question de Tekken, plus personne n’ose le défier, sachant pertinemment que la victoire sera impossible pour eux. C’est ce qu’allait réaliser cet inconnu.

Surpris, Yoo Chan fronce légèrement les sourcils en constatant qu’il avait perdu le premier round. Avait-il sous-estimé son adversaire? Il inspire longuement lorsque le deuxième round commence, essayant de se détendre. Aller Yoo Chan, c’est dans la poche. Et comme de fait, il est vainqueur de ce deuxième round. Le troisième sera déterminant. Malheureusement, c’est l’autre jeune homme qui gagne et le coréen grogne de mécontentement, donnant un coup de poing contrôlé sur la console.

Putain je rêve !

play with me Nous étions tous deux très concentrés sur notre jeu et le garçon à côté de moi, je le sentais moins détendu qu’au début après ma première victoire. Pour la seconde manche, la victoire alla pour lui. Et enfin, le dernier round détermina le grand gagnant de ce premier jeu. Plus déterminé que jamais, mes doigts pianotaient sur le tableau de bord comme si je jouais du piano, aussi rapide qu’une composition de Chopin. De peu, je remportais la première place. Content, je tournais sur moi-même, les bras pliés et serrés contre mon torse. La tête levée vers le ciel, je souriais de joie et de soulagement.

Après avoir fêté rapidement ma place, je me retournais vers le garçon et je lui tendais un autre jeton. “Tu veux prendre une revanche avec un autre jeu ?” Je haussais les sourcils avec un léger sourire sympathique. Ce jeune homme, je ne le connaissais pas, mais on avait quelque chose en commun, l’amour pour les jeux d’arcades. Je passais devant lui pour rejoindre une nouvelle arcade connue pour son niveau de difficulté assez élevé : maimai MURASAKI. L’objectif est de taper en rythme sur les différents points disposés autour du cercle. Un jeu distrayant qui demande de la rigueur et une forte concentration pour ne pas louper un seul élément. Prenant place devant la machine, je mis au bord le jeton, prêt à être avalé. Avant de commencer, mon haut du corps pivota en arrière pour regarder ce que faisait le garçon. “Alors, tu viens ?” La partie pouvait se commencer sans lui puisque c’était un jeu individuel. Toutefois, je trouvais plus amusant de tapoter ensemble sur l’arcade en forme de machine à laver.

Dès qu’il accéda à la sienne, j’insérais le jeton pour commencer la partie. Pour ce jeu, je devais être rapide, me concentrer sur un point sur l’écran et ne pas trop bouger les yeux tout en gardant un champ de vision assez vaste pour calculer tous les éléments arrivant à chaque recoin. Excité par le jeu et la musique, je me mettais à rebondir sur mes pieds entraînés par le rythme. Quelques mots comme “Yes !”, “Ah!”, “Non !” sortaient par moment de manière assez imprévue de ma bouche souvent entrouverte. À la fin, mon score n’était pas si mauvais. L’adrénaline créée grâce à la partie de Tekken a dû me booster.
Des gouttes de sueur perlaient sur mon front. Je bougeais tellement et j’étais si concentré pendant mes parties que cela me faisait transpirer. Pour moi, jouer, c’était du sport. J’y mettais beaucoup d’énergie et généralement. Mon état à la fin de chaque séance à la salle d'arcade, je finissais trempé. J’étais bon à aller sous la douche et à mettre toutes mes fringues à laver.

Maintenant que nous avions tous les deux terminés notre partie, je me tournais face à mon partenaire de jeu et en évitant de croiser son regard à cause d’une soudaine timidité, je lui proposais : “Est-ce que tu veux boire un truc ?” Personnellement, je mourrais de soif. Toute cette agitation m’avait déshydraté.
Soudainement, j’étais devenu plus distant et moins rentre dedans qu’au moment où je lui avais demandé une revanche. En fait, toute à l’heure, j’étais sous le coup d’un choc. Je n’avais pas réellement réalisé la manière dont je l’avais abordé plus tôt et c’était peut-être agressif. Je voulais donc m’en excuser en lui payant un verre, mais encore une fois, toute cette réflexion resta secrète.

play with meYPlus l'autre jeune homme montrait sa joie d'avoir remporté la partie, plus Yoo Chan avait envie de tout claquer et ne plus jamais remettre les pieds dans cette arcade. Mauvais perdant vous dites? Il grogne discrètement de frustration avant de reposer son regard sur son adversaire qui lui tendait un jeton. Une revanche? L'idée était alléchante et pourrait lui permettre de retrouver son statut de grand vainqueur pour un autre jeu. Mais lequel? Il semble que le garçon ait déjà une idée précise alors que l'étudiant l'observe se diriger vers un jeu qu'il connait suffisament pour savoir se débrouiller un minimum. Il craignait néanmoins ne pas pouvoir battre l'inconnu qui pourrait certainement avoir beaucoup plus d'entraînement sous la ceinture que lui.

J'arrive.

Trop fier pour refuser, Yoo Chan le rejoint et se place devant la machine, observant le cercle familier avant de finalement insérer un jeton à son tour. Il étire ensuite ses bras en entrelaçant ses doigts qu'il fait craquer, fixant son regard sur l'écran avec une concentration inébranlable. C'est à croire qu'il prenait ces jeux vidéos bien plus au sérieux que ses combats. Il s'efforçait de ne pas prêter attention à son adversaire et ses exclamations, enchaînant les mouvements avec une précision renouvelée.

Une fois la partie terminée, Yoo Chan esquisse un sourire, satisfait du résultat. C'est finalement la voix de l'inconnu qui le ramène sur Terre et il se retourne vers ce dernier dont l'attitude est complètement différente de celle avec laquelle il l'avait abordé un peu plus tôt. Surpris par son invitation, le coréen hésite un instant avant de finalement acquiescer.

Ouais ok.

Après tout, c'était un bon joueur, il méritait un peu de temps en sa compagnie. Glissant une main dans ses cheveux, Yoo Chan finit par lui demander:

Au fait, t'es qui? Moi c'est Yoo Chan.

Leur rencontre n'était pas des plus conventionnelles mais il N'était jamais trop tard pour se ratrapper n'est-ce pas?

play with me Sans attendre, mon concurrent accepte que je lui offre à boire. Ravie de sa réponse, je tourne sur moi-même pour aller vers l’espace restauration avec lui. Sur le chemin, il se présente et je fais pareil avec un sourire discret. “Moi, c’est Yamada Jun.” Et j’attends pour poursuivre les présentations puisque nous sommes au comptoir où nous commandons chacun notre tour une boisson et j’achète des chips pour grignoter. L’homme qui s'occupe à la fois de la salle d’arcade et de l’espace restauration s’en occupe aussitôt. Pendant l’attente, je me retourne vers le garçon et poursuis ce que j’avais commencé. “Je suis étudiant en Art à l'université de Chûô.” Avant, il m’était plus compliqué de m’introduire comparé à maintenant. Je ne peux pas dire que je suis un grand sociable, doué et expert en la matière, mais je suis un peu plus doué qu’autrefois. “Tu viens souvent ici ?” Clairement, ce gars est un joueur expert. Toutefois, il a peut-être l’habitude de jouer dans une autre salle d’arcade que celle de Seiseki. En tout cas, c’était la première fois que je le rencontrais.

Notre commande est prête, donc je la paye. Je prends ma boisson et le panier de chips. L’autre boisson, je la laisse être prise par Yoo Chan. Les mains occupées, je prends place à une table disposée dans un espace un peu retro en face des jeux. Au milieu de celle-ci, j’y met les chips et je prends place sur la chaise la plus proche du mur. Dès que mes fesses se sont posées, j’engorge ma bouche de la boisson pétillante pour ensuite venir croquer une poignée de chips. *Aaah..* Un soupir satisfait s’échappe lentement et chaudement de ma bouche souriante.

Au fond du siège, j’écoute la musique de fond. Ils passent des musiques de jeux très plaisantes à écouter qui me rappellent des souvenirs. Depuis gamin, je joue à des jeux vidéo sur différents supports. Jouer m’aidait déjà à déstresser et à développer mon imaginaire. Cela me changeait de la lecture ou du dessin. “Tu joues depuis longtemps ?” Je veux savoir combien de temps ça lui a pris d’avoir ce niveau. Poser la question est sûrement dangereux pour mon ego, mais je prends le risque.

play with meYoo Chan n'hésite pas à le suivre, ne refusant jamais une invitation à boire ou à manger et ce, même s'il ne connaissait pas la personne. Il n'était pas du genre timide et savait se défendre au besoin donc ça ne lui avait jamais causé de réels problèmes.

Yamada-Kun...

Il répète le nom du jeune homme suite aux présensation pour aider à le retenir avant de s'appuyer contre le comptoir où ils passent leur commande respective. Pendant que l'homme prépare le tout, le japonais se retourne et lui annonce qu'il est, lui aussi, étudiant à l'université de Chûô. En art tiens, ils ont de plus en plus de points en commun on dirait.

Ah! Je suis aussi étudiant, en arts visuels.

Yoo Chan démontre peut-être un peu trop d'enthousiasme suite à cette déclaration mais il décèle une forme d'inconfort chez son vis-à-vis qui lui fait agir de la sorte. Vaine tentative de percer le malaise alors qu'il ne fait peut-être qur l'accentuer. Un sourire en coin se dessine sur son visage en entendant la prochaine question alors qu'il peut déjà deviner la réponse du jeune homme s'il la lui retourne.

Ici, depuis peu. En Corée, je fréquentais les arcades trop souvent. J'aimerais devenir concepteur de jeux vidéos... Un jour.

Enfin, leur commande est prête et Yoo Chan prend sa boisson avant de suivre Jun jusqu'à une table libre. Une fois installé, il coince la paille entre ses lèvres et sirote tranquillement le liquide qui le désaltère un minimum suite à leur petite compétition. Il ne la retire que pour répondre à son interlocuteur.

Je suis né avec une manette dans les mains. Toi aussi j'imagine?

Il espérait intérieurement que Jun ne soit pas l'une de ses créatures qui s'est découvert une passion pour les jeux il y a quelques années de ça et qui parvient à battre les joueurs les plus expérimentés sans trop d'effort.

play with me Une fois à notre table, je reprends notre discussion du début. Il m’est plus pratique d’échanger avec lui en tête-à-tête, sans avoir le serveur et le gérant en face de nous. “Cool. Tu es en quelle année ?” Voilà qui est surprenant. Une nouvelle chose que nous avons en commun en plus de fréquenter les salles d’arcades, c’était notre penchant pour l’art.
Par contre, en y réfléchissant, je ne me rappelle pas l’avoir déjà vu dans les couloirs de notre bâtiment. Bon, je ne suis pas le gars qui fait attention aux autres lorsqu’il longe les lieux. J’ai plutôt tendance à avoir la tête bien droite, le regard fixe ou le visage baissé à contempler le magnifique sol de l’université. Il m’arrive encore de faire connaissance avec des élèves de ma classe qui suivent le même cursus que moi depuis quatre ans…

Je hoche le visage, suite aux paroles de ce dernier que j’écoute attentivement, la paille coincée entre les dents. Puis, je grandis les orbites. “Oh ? Tu es coréen ?” Je n’avais pas fait le rapprochement avec l’annonce de son prénom toute à l’heure. Maintenant que j’y pense, il est vrai qu’il sonne coréen. “Je l’espère pour toi. Fight !” Je serre le poing dans sa direction, juste au-dessus de la table en guise d’encouragement. Voir que quelqu’un savait ce qu’il voulait faire me faisait l’envier à chaque fois. À mon propos, je suis toujours aussi perdu concernant ma future vie professionnelle. Contrairement à Yoo Chan, je ne sais toujours pas ce que j’ai envie d'exercer comme métier.

Poursuivant d’ingurgiter de ma boisson gazeuse, je pousse un petit son avant d’avaler et de reprendre ma réponse. “Ouais, ma mère m’engueulait à chaque fois parce que je jouais en cachette au lieu de faire mes devoirs d’art.” Depuis l’enfance, je fais du dessin, de la peinture et toute forme d’art qui m’était possible de découvrir. Sauf que je voulais aussi jouer comme les autres enfants et faire autre chose que de réviser et de travailler. Ma mère me disait que c’était pour mon bien et que j’avais du talent. Moi, je voulais juste m’épanouir autrement.

“Tu parles bien japonais.” C’est l’une des raisons aussi pourquoi je n’avais pas remarqué qu’il n’était pas du pays. Il a une bonne prononciation. “Tu es dans le coin depuis longtemps ?” Je me demande s’il est comme Huan, un étudiant qui fait souvent la demande de VISA pour venir au Japon ou s’il est plutôt comme Soren, de passage uniquement.

play with meYoo Chan coince la paille entre ses lèvres en entendant la question du jeune homme, essayant de déterminer l’âge de ce dernier. Le même que le sien, fort probablement, ou très près. Il avait un air juvénile mais ses manières trahissaient l’adulte qu’il était. Après l’avoir fait patienter un instant, il répond enfin.

En deuxième, toi?

Malgré la similarité de leur cursus, ils ne semblaient pas s’être croisés par le passé. Ou alors, aucun d’eux n’y avait fait attention. Il faut dire que le coréen avait souvent le nez plongé sur l’écran de son téléphone à jouer à des jeux et qu’il n’était pas le plus assidu en présentiel. Un sourire amusé se dessine sur le visage de Yoo Chan lorsque Jun semble surpris d’apprendre qu’il est coréen. Ça lui confirme donc qu’il maîtrise assez bien le japonais pour flouer un natif. Il se contente d’acquiescer, reprenant une gorgée de sa boisson alors que les encouragements le rendent plutôt inconfortables. Malgré ses espoirs, il se doute que les chances d’atteindre son but sont limitées et il n’a pas besoin de la pression de son entourage qui espère qu’un jour il parvienne à faire autre chose de sa vie que de créer des ennuis.

Un nouveau sourire nait sur le visage du coréen en constatant que lui et l’autre jeune homme ont bien plus qu’un point en commun. Lui aussi s’était attiré les foudres de ses parents pour prioriser ses jeux vidéo plutôt que ses devoirs. Il secoue légèrement la tête suite au compliment de Jun sur son japonais, baissant le regard pour cacher ses rougeurs.

Bientôt deux ans mais j’ai pris des cours avant et… Je suis fan des jeux japonais.

Et de sa culture en général mais il garde ce dernier détail pour lui-même. Il décide finalement de se confier davantage à ce japonais qui, pour une raison qui lui échappe, le met en confiance. Peut-être parce qu’il semble être discret, malgré ses premières impressions…

Je me suis attiré trop d’ennuis en Corée alors on m’a envoyé ici mais… Je me plais bien. Je pense avoir plus d’avenir ici qu’en Corée du Sud.