Ce n’est pas parce que Natsuki est né une cuillère en argent dans la bouche entre un père charismatique doué en affaire et une mère talentueuse dans les domaines artistiques qu’il a été lui aussi frappé par un talent quelconque dont il peut tirer avantage professionnellement… Contrairement à son frère jumeau qui outre ses bêtises de jeunesse a su trouver sa voie, Natsuki est ce qu’on pourrait appeler « un paumé » à quelques détails près.

Il n’est pas doué en maths, n’aime pas spécialement lire, n’entend rien à l’art de manière générale… Il n’a pas fait de grandes études et n’a jamais envisagé de reprendre les affaires familiales d’une façon ou d’une autre, au grand damne de son père. En fait, Natsuki n’a jamais su ce qu’il voulait faire de sa vie. Ça ne fait pas de lui quelqu’un de paresseux car il est plutôt du genre à d’investir énormément dans tout ce qu’il fait, même si ça lui déplaît… Mais clairement, Natsuki est incapable de garder un boulot très longtemps, se sentant à la fois trop à l’étroit dans une routine « boulot-métro-dodo » et sentant la passion mourir très rapidement. Qui plus est, sans hautes-études, difficile d’ambitionner à grand-chose, comme ne cesse de le lui répéter son père !

Il y a une colère latente chez lui liée aux attentes parentales, particulièrement paternelles. Il a eu quelques engueulades avec ce dernier sans que ça dépasse le respect qu’il a pour lui du fait de son éducation. Son père semble avoir de moins en moins de scrupules avec le temps et bien qu'un amour filiale existe, leur relation est totalement désaccordée et ils ne se voient et ne se parlent presque plus.

Natsuki a plusieurs hobbies. Par exemple, et bien qu’il ne sache pas chanter donc il ne faudrait pas tout relier, Natsuki est un excellent danseur. Il prenait des cours lorsqu’il était plus jeune, malgré une petite désapprobation paternelle. Sa mère l’y a encouragé et aujourd’hui encore, il pratique. D’ailleurs, lorsque la fin du mois s’annonce compliquée et qu’il en a un peu marre de squatter chez son frère, Natsuki donne quelques cours dans une petite salle. Il n’en a toutefois jamais fait son métier car la philosophie de Natsuki a toujours voulu séparer le travail du plaisir. Il ne croit pas en l’adage qui dit « qui aime ce qu’il faut ne travaillera jamais de toute sa vie ». Lui pense que le travail empoisonne la passion puisqu’il la cloisonne.

Il manque parfois de confiance en lui… Mais ça se remarque peu parce qu’il a malgré tout beaucoup de présence. C’est une grande gueule, un râleur comme un grand déconneur ! Il aime goûter à tout ce que la vie a de meilleur et c’est un miracle qu’il ait su éviter la plupart des excès.

Natsuki a toujours eu un côté un peu « rebelle » au sein de la famille. Il est le vilain petit canard, celui dont on n’aime pas trop donner des nouvelles en famille ou entre amis parce qu’on préfère éviter de raconter qu’il a pris des travaux d’intérêt généraux, qu’il s’est fait arrêter pour s’être battu, pour avoir piqué un truc inutile… Natsuki a toujours eu un rapport de force avec son père. Il a parfois pu être autant coupable que lui de la dissonance de leur relation.

Médicalement il est un cas d’école et ça le rend un peu grognon que d’aller chez le médecin. Il a un situs inversus. C’est-à-dire que la plupart de ses organes sont « du mauvais côté ». C’est un phénomène assez rare et encore plus en cas de vraie gémellité. Ca les a souvent fait rire avec son frère mais s’il devait être opéré un jour, ce serait sans doute un vrai casse-tête et il déteste l’idée d’être un sujet d’étude ! Avec son frère, c’est plutôt un franc sujet de plaisanterie !

Il aime le bon alcool, les jolies filles… Et les garçons délicats quoi qu’il n’ait pas dépassé le cap du flirt avec ces derniers. On pourrait le qualifier de bicurieux si ce n’est donc qu’il n’a jamais réellement eu de relation avec un autre homme.

Son père lui a coupé les vivres, ce qui fait qu’il n’a pas, comme son jumeau, un côté « street » et un côté « business ». Il est « street » tout le temps ! Et ses difficultés à garder un job font qu’il change souvent d’adresse selon le bon gré de ses logeurs. Son frère lui laisse toujours sa porte ouverte mais bon, plus les années avancent et plus c’est délicat. Quoi qu’il en soit, ces déménagements fréquents, même s’il revient parfois dans des chambres à louer qu’il a déjà fréquentées, font de lui quelqu’un de très peu matérialistes dont les affaires tiennent toutes dans un grand sac de sport.

Natsuki a bon cœur, c’est une personne joviale et chaleureuse… Mais qui reste facilement bougonne et qu’une colère enfouit peut rendre violent pour peu qu’on titille trop son amour propre ou les choses auxquelles il tient. Pour évacuer un peu, il profite de l’abonnement en salle que son frère lui offre à tous les noëls !
+ info

Natsuki était étendu sur son lit. Sous lui, pour peu qu’il fasse le moindre mouvement, les ressorts du lit grinçaient et gémissaient comme s’ils avaient peinés à supporter son poids pourtant loin d’être un problème ! Mais il avait l’habitude… Parce qu’il louait souvent cette chambre, que la logeuse n’était pas très regardante, voir même conciliante… Et parce qu’il était de toute façon un insomniaque chronique que quelques grincements n’incommodaient donc pas.

D’une main il attrape le paquet de cigarettes sur la table de chevet. Il tire un des bâtons de nicotine du paquet, l’observe… Vient la sentir… Il avait arrêté de fumer le mois dernier mais parfois son corps réclamait un peu, disons. Ce paquet était là depuis tout ce temps, il en manquait trois. Les dernières qu’il avait fumées… La vraie dernière, ça avait été en présence de son frère, lorsque ce dernier, moqueur, lui avait dit qu’il ne pourrait jamais arrêter, qu’il en fumait beaucoup trop pour y parvenir. Et puis voilà. C’était comme lorsqu’ils étaient gosses et qu’ils se mettaient au défis. Comme quoi dans son cas arrêter de fumer ça avait tenu à pas grand-chose… Et il soupçonnait son frère d’en avoir parfaitement conscience !

Il faut dire que Natsuki avait toujours partagé une relation très fusionnelle avec Kazuaki. Et si Aki aimait parfois taquiner sur « son droit d’aînesse », pour Natsu il n’y avait pas vraiment d’aîné. Ils étaient nés le même jour et les quelques minutes d’écart n’existaient pas dans son esprit. Ils étaient le double de l’autre, une copie conforme qui avait évolué dans le même œuf. Conforme à 100%... Ou presque. Dès la naissance, pendant les premiers examens natals, son cas avait laissé les médecins perplexes… Du moins jusqu’à ce que son situs inversus soit diagnostiqué. « Totalis » de son côté, lui laissant le cœur à droite. Une drôle de particularité invisible de l’extérieur et qui, malgré les risques de complications, s’est révélé parfaitement inoffensif pour lui à ce détail près qu’une opération serait compliquée, son système sanguin lui-même étant « à l’envers » et les médecins ayant besoin d’une préparation sérieuse préalable ! Le pire de sa situation : quelques bronchites a répétition et, paraît-il, le risque fort qu'il soit stérile. Aucun risque mortel en sommes. Le bon côté de cette particularité, c’est ce nom presque poétique de « jumeau en miroir » qui résume à lui seul sa relation avec son frère : ils sont inséparables… Physiquement identiques… Mais au final à l’opposé l’un de l’autre en dehors de ça.

Natsuki vient poser la cigarette au coin de ses lèvres avant de croiser les bras derrière sa tête, observant le plafond de manière songeuse, sa langue goûtant parfois du filtre par habitude. Kazuaki avait toujours été son meilleur ami, les bêtises perpétrées ensembles ne se comptaient plus, pas plus que les fois où ils s’étaient « remplacés » mutuellement pour profiter des atouts de l’autre. Evidemment, c’était souvent Kazuaki qui prenait sa place… Parce que le talent de la famille, le fils adoré, c’était lui.

D’accord, c’était injuste de le dire comme ça. Leur mère avait une grande tendresse pour eux deux. Leur père… Disons qu’il vivait Natsuki comme une grande déception. Ce fils incapable de faire des études, de tenir un boulot, d’en choisir seulement un ! Il était souvent jugé comme le responsable des bêtises pourtant communes de son frère et lui. La « mauvaise influence ». Encore aujourd’hui et malgré le fait qu’ils aient tous les deux niés, c’est toujours à lui que leur père reproche cette passion pour les tatouages !

Bref.

Il a été un enfant turbulent, énergique… Qui avait toujours besoin de courir, de crier, d’aller dehors même quand il pleut… Voir « surtout » quand il pleut. Ses parents lui en ont fait prendre, des douches froides, des vraies, pour essayer de le calmer, l’apaiser. Conseil du médecin de famille resté pour autant sans effet. Au moins ne l’ont-ils jamais bourré de médicaments. Ses parents étaient désemparés, un peu rudes, très « traditions »… Mais ils n’étaient pas des monstres.

A l’école il a eu du mal pour tout : apprendre à lire, à écrire, à compter. Plus lent que les autres enfants parce qu’incapable de se concentrer plusieurs heures durant sur ses leçons, pourtant pas plus con qu’un autre. Il n’a d’ailleurs jamais été le polyglotte que son frère peut se révéler être. Lui, parler anglais ? Faut pas rêver. Le coréen ? Le sien est imparfait au possible, blindé de nippo-coréen indigeste. Mais son frère a toujours compris lui… C’était suffisant non ?

Décevant dans un système éducatif inadapté pour lui, Natsuki avait quitté les bancs de l’école à 16 ans, dès que ça lui avait été possible, n’obtenant même pas le si sacré diplôme de fin d’étude. A la place il part bourlinguer dans tout le Japon, s’engueule avec son père, commence à couper les ponts, n’appelle plus que sa mère, ne visite plus que son frère. Il fait sa vie « en dehors » de la bulle familiale et s’il n’a aucun regret quant à son mode de vie, s’il est sincèrement heureux dans sa « misère », il éprouve néanmoins un petit pincement dans son petit cœur mal placé : celui de n’avoir pas été un fils à la hauteur, méritant ainsi le même amour filial que celui auquel Kazuaki a eu droit. Sa chance au moins : ça n’a jamais entaché sa relation avec son jumeau.

Natsuki récupère à nouveau la cigarette pour la reposer sur la table de chevet, près du paquet. Il éteint la lampe au passage mais le lettrage écarlate d’une enseigne lumineuse passe par le carreau sans rideau de la chambre, l’inondant de ses lueurs rousses. Il passe une main sur son ventre nu, grimace en sentant les contractures dues au gym comme à la danse… Et finalement il soupire, fermant les yeux pour essayer de trouver un peu le sommeil, grappiller les quatre ou exceptionnellement cinq heures de sommeil qu’il parvenait parfois à tirer de ces nuits où son cerveau n’arrêtait pas de courir, même quand son corps était pour sa part trop épuisé pour ça !

Il avait un p’tit boulot en cuisine d’un bouiboui qui servait des ramens qui commençait demain. Le genre de taff qu’il lâcherait dans une semaine sans regard en arrière. De toute façon dans ce milieu la recherche était constante… Il pouvait revenir tant qu’il le voulait, le gérant était sympa et à force, il était habitué.

Sa respiration diminue, s’allonge… Les battements de son cœur se calquent dessus… Et bientôt il dort enfin. Ouais c’était la misère du point de vue de son père… N’empêche que si on y regardait mieux, dans les nuages rouges du néon, sur ses lèvres, c’était bien un sourire qu’on pouvait deviner !
(: