Cela faisait seulement quelques jours qu'Azélia était arrivée au Japon, mais elle avait déjà un peu visité quelques coins pour se repérer plus facilement. Notamment autour de son auberge et avant de se lancer dans les recherches de travail, elle voulait voir son petit ami qui lui manquait beaucoup. Après tout, c'était pour lui qu'elle avait quitté son pays et ses amis. C'est donc muni d'un plan en train de chercher un endroit bien visible pour lui proposer un rendez vous, qu'elle se promenait dans les rues de Shibuya. Jusqu'à ce que son regard tombe sur une tour plus que voyante. Parfait !

Une fois de retour à l'auberge, l'Anglaise envoya un message à Kazuki :

'' Je t'attendrais au pied de la tour 109 à 17h.''

Ils s'étaient déjà parlé un peu plus tôt alors il n'était pas nécessaire de refaire les formalités, surtout qu'elle était assez pressée de le revoir très bientôt. La demoiselle avait proposé la fin d'après midi parce qu'elle devait aider à l'auberge en début d'après midi, puis il lui faudrait un peu de temps pour se préparer. Rangeant donc ses affaires et se mettant en tenue, elle redescendit avec la patronne pour travailler. C'était un arrangement entre elles, le temps qu'Azélia trouve un vrai travail. Après tout, rien était gratuit dans la vie et encore moins un logement avec nourriture incluse.

Son regard ne cessait d'aller vers l'horloge et lorsque son temps de travail fut terminé, elle ne tarda pas à remonter rapidement à sa chambre. Une bonne douche et la voilà devant le miroir à décider de sa tenue. Après quelques essais, son choix se porta sur une robe d'un blanc immaculé arrivant aux genoux. Des bottes hautes noires et une veste mi longue de la même couleur. Un foulard blanc pour cacher un peu son cou, bien qu'il n'efface pas totalement le décolleté de la robe et ne cache pas tout à fait le chapelet nacré qu'elle portait. Remontant ses cheveux en un chignon et laissant un peu de cheveux en tomber sur l'arrière, elle l'agrémenta d'une petite couronne d'argent assez discrète et enfin, un peu de maquillage. Bien, elle ne devrait pas trop se faire remarquer comme ça normalement.. N'est ce pas ?

La patronne la regarda une seconde avec insistance alors qu'elle descendait en tenant une pochette dans une main, dedans tout ce qu'il lui fallait pour payer ou ne pas se perdre ainsi que son portable. Un petit signe de tête et elle quittait l'auberge. Bon finalement, on la remarquait quand même, mais ce n'était pas comme si elle y prêtait plus d'attention que d'habitude. Même dans les transports, Azélia préférait faire attention à son arrêt plutôt qu'aux personnes qui l'entouraient.

C'est avec un peu d'avance qu'elle arriva au pied de la tour. S'installant dans un endroit bien visible peu importe d'où pourrait arriver Kazuki et commençant à regarder autour d'elle. L'excitation et l'impatience de le revoir montait un peu plus en elle, vivement qu'il arrive !

« Je t'attendrais au pied de la tour 109 à 17h. »

Cela faisait maintenant au moins vingt bonnes minutes que Kazuki fixait son téléphone portable, totalement interdit. Ce message venait d’arriver sur sa messagerie, de la part d’Azélia. Azélia qui était en Angleterre. Ou censée. Il ne savait plus. Il était perdu. Lui faisait-elle une blague ? Si oui, elle n’était pas drôle. Kazuki avait mal vécu la séparation et depuis son retour il s’enfermait un peu dans une bulle de solitude, ne sachant pas quoi faire de ses sentiments. Il s’était senti très seul à son retour en terre natale, entre sa sœur qui le fuyait comme la peste, les soirées mondaines de son père aussi ennuyeuses que fatigantes, les allers-retours à l’université pour récupérer de la paperasse ou encore l’entrevue avec Shirahata-san pour les formalités juridiques. Il avait eu tellement de choses à gérer en même temps, et au milieu de tout cela, ses sentiments, son couple. Il crevait d’envie de retourner en Angleterre, de reprendre sa vie là où il l’avait laissée. Et avec elle, sa relation était encore toute jeune, et pourtant il se sentait à l’aise avec elle, compris. Mais elle était restée en arrière alors qu’il partait, lui promettant de tout mettre en œuvre pour le rejoindre. Mais le pessimisme de Kazuki l’avait laissé croire que cela n’arriverait pas, et il s’était renfermé.

Pourtant, voilà qu’Azélia lui donnait rendez-vous à la tour 109. Et il n’était pas trop bête, c’était un bâtiment emblématique du quartier de Shibuya, et il n’y avait pas de tour 109 en Angleterre. Mais cela voulait-il dire qu’elle était au Japon ?
Il avait fini par lui répondre un truc décousu du genre « mais tu es au Japon ??! » avec des stickers et gifs choqués, ce à quoi elle n’avait jamais répondu. Il tenta de ne pas paniquer, de ne pas céder au stress. Si elle était vraiment ici, elle n’avait peut-être pas internet et utilisait des wifi publics, elle n’était donc pas libre de le contacter à sa guise. Bon. Que faire.

Malgré des tergiversions qui auraient pu durer des heures, il avait fini par sauter dans un métro à Iidabashi pour rejoindre le quartier animé de Shibuya. Il avait tellement d’avance et était tellement nerveux qu’il se rendit au premier starbucks en face de la gare pour aller prendre un bon thé à emporter, avant d’aller se balader dans les rayons de Tsutaya pour voir les dernières sorties musicales japonaises. Mais il n’arrivait pas à se calmer, à se changer les idées, il avait bu son thé d’une traite et avait failli se brûler la gorge. Il se sentait tout moite. Ne sachant pas à quoi s’attendre.
Et pourtant, l’heure continuait de tourner et il finit par réaliser qu’il était grand temps de se rendre au lieu de rendez-vous pour voir ce qui l’attendait. Il avait peur d’un canular, mais bon. Il ne le saurait pas s’il n’y allait pas.

Elle était là, dans sa jolie robe blanche, ses cheveux bleus électriques attachés en chignon. Comme d’habitude on la remarquait de loin, et lui n’était pas mieux avec ses cheveux colorés, ils faisaient la paire. Nerveux, il cligna des yeux et se pinça la joue pour vérifier qu’il ne rêvait pas. Il inspira un grand coup pour se donner de la contenance, et s’avança vers elle en bravant la foule. Lorsqu’il fut à sa hauteur, il dit simplement :

« Azélia. Que … Comment c’est possible ? »

Interdit, il n’était même pas capable d’amorcer un geste, encore choqué. Pourtant, il aurait dû la prendre dans ses bras, l’embrasser. Bon ok on était au Japon. Mais quelque chose. C’était quoi cette réaction nulle qu’il avait ? Elle avait traversé l’océan pour lui et il lui demandait comment elle pouvait être là ? Non mais … Il se secoua les neurones, et comme si son cerveau venait de se reconnecter à ses muscles, il la prit dans ses bras, laissant alors sa joie s’exprimer :

« Je suis vraiment trop content de te voir ici. Mais … Pourquoi tu ne m’as pas prévenu avant ? »

Si elle lui avait donné rendez-vous ici, c’était qu’elle était déjà installée. Elle n’avait pas de valise avec elle, rien. Il serait venu la chercher à l’aéroport …