Il est plus de vingt heures. Assis en haut de la colline de Tama, je reproduis le paysage en face de moi. Le club de dessin s’est donné rendez-vous ici pour reproduire les effets de la lumière et de la perspective la nuit. Un bon entraînement et qui permet aussi de passer du temps ensemble en dehors de l’université.
Il fait un peu froid, alors j’avais pensé à mettre une écharpe et un bonnet. De temps à autre, je m’arrête pour souffler de l’air chaud entre mes mains. Elles se congèlent à force.
Je travaille mon dessin avec de l’aquarelle. À côté de moi, j’ai une bouteille d’eau, ma palette de couleurs, mes pinceaux, un chiffon et une tasse.

Cela fait trente minutes que je dessine sur ma feuille. Soudain, je me mets à bailler ce qui me fait perdre l’équilibre. Mon bras cogne contre ma tasse et coule sur le sol. Le liquide se déverse sur le pantalon de mon voisin, celui qui se trouve juste en dessous de moi, sur la colline.
*Zut*, je me lève rapidement pour m'excuser. “ Je… je… “ Quelque chose me gratte le nez et j’éternue si fort que je perds à nouveau l’équilibre. La violence de mon éternuement me fait tomber sur le garçon.
Nos corps collés l’un contre l’autre, je sens mes joues rougir lorsque je sens l’objet précieux de l’entrejambe du garçon contre ma jambe.

S’il y a bien une chose qui arrive à apaiser cette colère qui ne me quitte jamais, c’est bien le dessin. Lorsque je laisse le crayon courir sur le papier, je ne pense à rien et je reste concentré sur mon objectif. L’espace d’un instant mon visage semble moins tourmenté, c’est en tout cas ce qu’on m’a dit un jour. Dans tous les cas, je me sens bien. C’est pour ça que je suis là, à me les geler alors que je pourrais être au chaud devant Netflix ou en train d’embêter Aki. Mais il faut bien avouer que la vue n’est pas mal et que j’aime assez ce que je fais pour le moment avec mon aquarelle. J’étais justement en train de me dire que je passais un bon moment quand je sens quelque chose s’écouler sur mon jeans au niveau de mes fesses. Je sursaute à cause du froid mais surtout du contact humide lâchant par la même occasion un juron mais également mon pinceau. Alors que je me retourne pour en coller une à celui qui s’amuser à faire ce genre de blague à la con, je me retrouve avec ce gars dans les bras. Il me tombe littéralement dessus, me faisant perdre par la même occasion l’équilibre et nous voilà allongés sur l’herbe mais si ce n’était que ça ! Je lui ai littéralement servi de matelas pour amortir sa chute. Ai-je précisé que je me suis violement cogné l’arrière de la tête sur le sol et que j’ai poussé un sonore gémissement alors que mes doigts se crispent sur la taille de ce gars qui ne sait pas encore ce qui l’attend.

Je me cambre sous la douleur frottant sans le vouloir mon entrejambe contre sa jambe alors que mes doigts serrent un peu plus ses vêtements.
« Putain ! »
C’est le premier mot qui traverse mes lèvres alors que j’entrouvre enfin les yeux pour voir qui à oser faire ça. Je reconnais alors ce gars… Yamada ou un nom comme ça et même si je sais qu’il n’est pas du genre à faire des blagues à la con et même si je me doute que c’est un accident, je ne peux pas m’empêcher de lui grogner avec colère :
« J’espère pour toi que c’est ta façon de me draguer parce que sinon je te jure que tu vas passer un sale quart d’heure. »
Je ne sais pas s’il connait ma mauvaise réputation mais le regard que je lui lance doit clairement lui faire comprendre que je suis sérieux.

Je sens les doigts de la tête blonde se crisper contre ma taille et me serrer de plus en plus. Ses gémissements, sa courbure, l’ensemble de son comportement me font bondir le cœur. Je déglutis face à la scène qui se jouait entre nous. Je peux sentir le regard des autres sur nous. Il fait sombre, donc soit ça empire le spectacle, soit ça l’atténue. Bien évidemment, j'espère que c’est la seconde option.

À mon tour, je reconnais le garçon en question. C’est la troisième année que je suis dans le cercle de dessin. Donc, je commence à me rappeler de certains visages. Et, il est assez connu pour gueuler et sortir les poings aisément. Du moins, c’est ce qu’on m’a dit. Tanaka Yusuke, un élève perturbateur.

Cette position ne peut pas durer plus longtemps. Je me redresse, mais je me positionne sur mes genoux me tenant face à lui. Son “sale quart d’heure” fait entrouvrir la bouche. Je n’ai vraiment pas de chance. D’un rythme accéléré, je tente de lui expliquer la situation, agité et apeuré de ce qu’il peut éventuellement me faire. “ C’était un accident, désolé. “ Mes mains s’agitent devant mon visage et je reprends la course : “ En fait, j’étais en train de dessiner, j’ai baillé et j’ai perdu l’équilibre et je suis tombé et j’ai cogné dans ma tasse d’eau et… “ Je n’ai presque plus de souffle. Je m’arrête pour prendre une grande inspiration, le visage inquiet. Puis, après quelques secondes le regard perdu dans le vide, ma manière de parler se fait plus lente et hésitante. “ Et l’eau a coulé sur toi.... “ Mes dents se serrent et ma bouche se tord sur le côté. “ C’est de ma faute, je suis désolé Tanaka. “ Je regarde son pantalon et ma main se dirige vers celui-ci. J’allais pour lui tapoter le derrière, comme si tapoter allait enlever le problème. Toutefois, je me suis retenu de le faire, peur de me prendre en pêche.

Une douleur à la tête me fait grimacer et je relâche mon étreinte sur ses hanches pour passer une main derrière mon crâne particulièrement douloureux. Bon sang… il a vraiment intérêt à avoir une bonne excuse pour ce qu’il a fait sinon je sens que je vais péter un câble. Je me connais… je me retiens là mais un rien suffirait pour que je lui en colle une.

Il finit par se redresser et me sort tout un tas de connerie comme quoi c’était juste un accident et qu’il est juste maladroit. Je me redresse à mon tour et coupe court à son monologue dont je n’ai écouté que la moitié :
« Et donc ? Tu vas te faire pardonner comment, hein ? »
Je l’attrape par le haut de son vêtement et le rapproche de moi tout en grognant ces paroles.
« Parce que je ne sais pas si t’as remarqué mais je suis trempé à cause de toi et qu’il fait un froid de canard. Je suis sensé finir mon dessin comment hein ? Tu veux que je chope la crève c’est ça ? »
Je sens bien les regards des autres autour de nous et des murmures commençaient à s’élever. Sans lâcher ma proie, je me tourne vers tous ces hypocrites et leur aboie dessus :
« Fermez-là et mêlez-vous de ce qui vous regarde, sinon je vous en colle une à vous aussi. »
Parce que vous croyez franchement qu’il y en a un qui sera assez courageux pour me tenir tête ? Une fois qu’ils se sont tous remis à dessiner je reporte mon attention sur Yamada qui va certainement passer un sale quart d’heure.
« Bon, accident ou pas ça ne change rien au résultat. Tu vas faire quoi pour te faire pardonner hein ? »

À peine mes explications terminées que je me fais choper par le col de mon pull. Telle une marionnette, je me laisse manipuler par la force de ce dernier très arrangé par l’accident. Je le regarde un instant tout en mordant ma lèvre inférieure. Je réfléchissais à ce que je pouvais bien troquer avec lui pour éviter de me faire défigurer.
Mon regard se détourna quelques secondes vers les autres, au cas où s’il y avait quelqu’un pour venir m’aider. J’avais trop d’espérance en eux… Bien évidemment, personne ne se souciait de moi après la mise en garde de Yusuke. J’étais vraiment dans le caca.

Je décidais alors d’enlever mon manteau et de le mettre sur lui pour que lui-même puisse le disposer. “ Mets le autour de ta taille. “ Je réfléchissais encore un instant, le regardant de haut en bas. Était-ce la meilleure idée ? Je regardais ensuite mon pantalon, puis le sien. “ Tu veux qu’on échange nos pantalons ? “ L’accident était de ma faute. Je devais réparer mon erreur du mieux que je le pouvais.

Son bas de vêtement était mouillé et il faisait très froid. Peut-être qu’il allait tomber malade par ma faute. Tout à coup, à cette idée, mon regard se perdait quelque part. En fait, il s’était perdu vers la braguette de Yusuke, mais je n'en avais pas conscience. Là, tout un scénario se tramait dans mon cerveau.

Et si Yusuke terminait à l'hôpital ? Par ma faute ? Cela me prendrait trop la tête et je me sentirai fautif. Et si cela devenait encore plus grave ? Si cela engendrait une autre maladie ? Soudain, mes mains attrapèrent ses épaules fermement. “ Non ! Ça ne va pas arriver ! “ J’enlevais mon écharpe pour l’enrouler autour de son cou… un peu trop serrée d’ailleurs. J'ôtais aussi mon bonnet pour le lui mettre sur la tête, lui qui descendait jusqu’à ses yeux. “ Ne tombe pas malade OK ? “ Je le secouais en avant et en arrière rapidement, pensant le rassurer alors que c’était moi que je voulais rassurer.

Je le regarde retirer son manteau avec une certaine incrédulité mais force est de constater qu’il l’enlève vraiment pour me le donner. Si je pensais que j’étais au bout de mes surprises, je n’avais encore rien vu ni entendu car il me propose même d’échanger nos pantalons. Je laisse échapper un rire mauvais histoire de calmer ses ardeurs. Après tout on ne va pas s’échanger nos pantalons ici et comme ça, devant tout le monde. Non mais ce mec… Je ne sais pas s’il le fait exprès pour m’énerver ou s’il est juste maladroit dans tous les sens du terme mais vraiment alors que je pensais qu’il ne pouvait rien me sortir de pire, voilà qu’il se met à m’attraper les épaules en me disant quelque chose que je ne comprends pas puis il me met son échappe autour du cou. Putain ! Il ne se rend pas compte que ça commence à devenir franchement embarrassant là ? Il ne voit pas les regards que les autres nous lancent ? Eux… le premier qui rit, je jure que je lui fais sa fête à lui aussi.

Quand il me met son bonnet jusqu’aux yeux, je crois que c’est le truc de trop… même si ce qu’il me dit juste après est… mignon ? Seulement s’il ne se fiche pas de ma gueule et là franchement je suis partagé entre lui en mettre une ou laisser courir.
« Mais putain arrête ça ! »
Je le repousse un peu, fatigué qu’il me refile ses fringues comme ça mais surtout qu’il me secoue comme ça ! C’est pénible !
« Bon, t’habite loin ? Parce que même si tu me refiles tes fringues, c’est mort pour continuer de dessiner. Je me les gèle et puis reprend tes fringues c’est bon. Je vais juste me changer chez toi. Tu me fileras un de tes jeans et je te le ramènerais plus tard. »
Je retire son bonnet, son échappe et son manteau pour les lui refiler dans les mains avant de ramasser mes affaires.
« Allé ! Bouge-toi le cul ! Ramasse tes affaires ! Merde ! T’attends quand même pas que je le fasse pour toi ? »
En fait, je ne lui laisse pas vraiment le choix. Et j’espère pour lui qu’il habite tout près parce que c’est pas mon cas.

J'avais encore trop agis ? J'en avais encore trop fait une nouvelle fois ? C'était facile à s'en rendre compte en vue de sa réaction. J'ai merdé, alors que je voulais l'aider. Je ne pouvais pas lui en vouloir de m'engueuler.
Le regard baissé, un peu triste de ne pas avoir bien fait les choses, il me demanda si j'habitais dans le coin. Après avoir repris l'équilibre parce qu'il m'avait écarté un peu plus de lui, je pointais du doigt la direction de mon logement. " La résidence Seiseki. Je suis à vélo, donc dans cinq minutes environ on y est. " Au vol d'oiseau, nous étions vraiment pas loin, c'était surtout de la descente. Je ne savais pas son moyen de transport, mais il pouvait monter sur mon vélo derrière moi. De cette manière, nous y arriverons plus vite.

Les affaires dans les mains, je me rhabillais silencieusement. Puis, j'accélérais le processus lorsque celui-ci se plaignit encore. " J'arrive. " Je remontais la colline pour regrouper mes affaires et saluer les autres élèves discrètement. En faisant attention de ne pas tomber, je retrouvais le garçon à la chevelure décolorée. " Voilà. Mon vélo se trouve en bas. " Mon sac aplati contre mon torse, je descendais avec Yusuke près de moi. Une fois l'engin devant nous, je me positionnais devant après avoir placé mon sac dans mon dos. " Accroche toi bien. " Je tapotais une hanche avec un petit sourire sympathique pendant que je tenais le guidon.
Pourquoi j'étais toujours aussi ouvert après ses remarques désobligeantes ?

Cinq minutes ? Parfait parce que je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir rester comme ça avant d’attraper mal. D’ailleurs, j’espère pour lui qu’il ne me raconte pas n’importe quoi sinon je lui ferais passer l’envie de me raconter des conneries. Un frisson parcourt mon corps mais ça va aller si ce n’est qu’une question de minute, surtout qu’il accélère un peu le mouvement comme s’il avait enfin compris que j’étais pressé de ne plus avoir le cul gelé.

Nous quittons les autres sans que je ne leur adresse ni salue, ni regard, manquerait plus que ça ! Je risquerais d’en voir un se moquer de moi et je n’ai pas envie de perdre plus de temps en lui cassant la figure. Alors à la place, je le suis jusqu’à son vélo et grimpe derrière lui lorsqu’il me le demande. Je m’accroche et lui dit :
« Vas-y fonce avant que mon cul ne se transforme en glaçon. »
Je resserre mes bras autour de lui avant de poser mon front contre son sac, fatigués par toute ces conneries et surtout impatient de pouvoir me changer, quoique je rêve aussi d’une douche brûlante pour me réchauffer alors je vais clairement en prendre une chez lui, qu’il le veuille ou non. De toute façon c’est sa faute tout ce qui arrive alors qu’il prenne ses responsabilités et qu’il assume ce qui lui arrive. La prochaine fois, il sera moins maladroit, c’est tout. Il devrait presque me remercier pour cette leçon de vie mais déjà s’il me ramène rapidement chez lui ça sera un bon début.

Les minutes me paraissent être une éternité avant que nous n’arrivions à la résidence où il vit. Je suis gelé mais pas mécontent d’être enfin à destination. D’ailleurs la première chose que je ferais une fois dans son appartement, c’est retirer mes fringues et squatter sa salle de bain.

Sa répartie me faisait doucement rire. La manière dont il parlait ne m’était pas habituelle, mais ça lui donnait un certain charme quand même. Le côté brut, tel un cristal flamboyant.
Je sentais ses mains autour de ma taille et une légère pression contre mon dos. J’espérais qu’il n’était pas en train de tomber malade à cause de l’accident.
Alors, je pédalais encore plus vite, plus que d’habitude pour éviter qu’il attrape trop froid. Par chance, nous n’avions pas été retardés et le trajet fut sans encombre.

Une fois arrivés au niveau de la résidence, je rangeais mon vélo dans le parc à vélo et tout en nous dirigeant vers les logements, je l'informais de quelques détails. “ Ne fais pas trop de bruits, et il faut que tu écrives ton nom sur le bouquin de l’entrée. ” C’était le problème de la résidence étudiante, il y avait des règles plus strictes à respecter qu’un logement en ville. Toutefois, le loyer était un peu moins cher et j’étais un peu plus proche de l’université.

Une fois chose faite, nous sommes allés ensemble vers mon logement. À l’intérieur, j’enlevais mes chaussures à l’entrée et je posais mon sac au niveau du bureau. “ La salle de bain est par ici.” Je pointais du doigt la porte en question. J’avais une petite baignoire, un lavabo et un WC. Le minimum, très épuré avec parfois, quelques photos et dessins accrochés par-ci par-là sur les murs. “Les serviettes sont sur l’étagère. Je vais te préparer de nouveaux vêtements.” Je me tournais vers la commode pour y sortir un sous-vêtement, un jean, un t-shirt gris et un pull bleu marine. Je pensais à prendre une nouvelle paire de chaussettes, au cas où, si les siennes étaient trempées. Je posais le tout sur un coin du lit et sans m’attarder sur ce qu’il faisait, je profitais de sortir les affaires de mon sac pour les ranger et préparer mon sac pour demain.

Je pousse un profond soupir de soulagement lorsqu’il s’arrête devant une résidence étudiante. J’imagine que c’est ici qu’il vit et il n’a pas menti, on n’a pas mis longtemps à arriver même si j’ai le cul complètement gelé. Je grimace légèrement lorsqu’il me dit de ne pas faire de bruit et d’inscrire mon nom dans un livre. Ce que c’est chiant de vivre en résidence étudiante. Je suis bien content de pouvoir jouir de la tranquillité de l’appart de mes parents même si paradoxalement je déteste y vivre.

Je le suis jusque chez lui et me déchausse avant d’entrer, laissant mes baskets trainer devant sa porte tant je suis pressé de me réchauffer à l’intérieur. D’ailleurs sans plus de formalité je commence à retirer mes vêtements, m’effeuillant petit à petit tout en me dirigeant vers la salle de bain lorsqu’il me l’indique. Il ne prête pas vraiment attention à moi et de mon côté j’écoute à peine ce qu’il me dit. J’ai trop hâte de me réchauffer avec une bonne douche bien chaude.

Trop pressé, je laisse la porte ouverte derrière moi et me glisse sous l’eau brulante tout en poussant un profond soupir de bien-être et surtout de soulagement. Vraiment, ça me fait un bien fou même si je trouve cette situation un peu bizarre quand même mais Jun n’a pas l’air du genre à préméditer ce genre de coup pour ramener un gars chez lui.

Je reste sous l’eau jusqu’à ce que mon corps soit parfaitement réchauffé puis la coupe l’eau et cherche du regard une serviette avant de m’écrier :
« Je te pique une serviette. »
J’attrape la première que je trouve et commence à m’éponger rapidement le corps avant de m’occuper de mes cheveux tout en quittant la salle de bain, complètement nu mais réchauffé.
« Il va falloir que tu me prêtes de fringue. »