Une course d’orientation ? Au Mont Takao ? Je dis oui ! Depuis que j’étais arrivée au Japon on n’avait de cesse de me vanter les mérites de cette montagne. Une sortie là-bas avait bien été organisée en automne dernier mais je l’avais loupée, comme une grosse nulle que j’étais. J’étais donc déterminée à prendre ma revanche, et si en plus il y avait de quoi gagner une récompense à la clé, j’étais encore plus motivée.
Sur un coup de tête, je m’étais inscrite seule. J’aurais pu proposer à Yûna ou Soren mais je voulais faire de nouvelles connaissances. J’étais toujours en pleines recherches d’un patron qui voudrait bien m’embaucher avec un visa de travail pour rester au Japon, vu que mon visa étudiant touchait à sa fin. En effet, le mois de juillet filait à une vitesse grand V et c’était aussi mon dernier mois de cours à Chûô. Je pouvais louer à Seiseki jusqu’à fin août, mi-septembre et après je devrais aussi me trouver un logement par mes propres moyens si je voulais rester au Japon. Je n’en avais pas encore parlé à Kannon qui était la personne dont j’étais le plus proche ces derniers temps.

En parlant de lui, quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur lui avec le tirage au sort de la course. Déjà, j’étais super étonnée qu’il participe à ce genre d’activités, lui qui fuyait ces événements collectifs. Quelle mouche le piquait ? Je l’aperçus au loin, à l’écart des autres participants, et me rapprochai de lui.

« Toi ici ? Je ne t’aurais jamais imaginé dans un tel événement !! Et en plus quel était le pourcentage de chance qu’on soit tirés au sort en vrai ? »

Je ris d’amusement, je trouvais la situation cocasse. Nous avions tiré le sentier 4, assez court, d’un kilomètre et demi. J’étais bonne marcheuse mais je ne savais pas pour Kannon, surtout qu’il était gros fumeur. Il fallait qu’on trouve le pont Miyama-Bashi et qu’on se prenne en selfie dessus avant d’atteindre le sommet. Ben, ça promettait !

« T’es prêt pour le selfie de l’année ? On fera nos meilleures grimaces moches ! »

Ca me ferait un bon souvenir. Consciente que mon séjour au Japon touchait à sa fin et que je n’avais pas encore trouvé de solution de repli, mon cœur se serra. Je n’avais pas envie de partir, j’étais bien ici, jusque là j’avais totalement nié l’éventualité de mon retour en France mais je devais me rendre à l’évidence : le temps passait vite. J’essayai de me ressaisir pour ne pas que Kannon voit ma mine triste, et m’élançai en espérant qu’il m’emboîterait le pas.

La journée s’annonçait atypique ! Kannon et moi, réunis pour le meilleur et pour le pire, grimpant une montagne avec pour but de faire un selfie dans un lieu précis. Ce serait une photo mémorable. Il ne fallait pas qu’il voie ma mine déconfite, hors de question ! Il rit à ma remarque et la sienne m’amusa tout autant.

« Merci Captain Obvious, c’est une montagne, le contraire m’aurait étonné ! »

Je lui tirai la langue, taquine, et m’élançai. Je marchais tranquillement, d’un pas assurée, équipée d’une tenue de sport et de bonnes chaussures de marche pour une fois, quand soudain, un mouvement au sol me fit m’arrêter. Et d’un coup, un serpent déboula d’un buisson et je ne pus retenir un cri de surprise, ne m’attendant pas à ce genre de bestiole ici. Pourtant c’était une forêt en montagne, j’aurais dû m’y attendre. Mais je n’aimais pas les rampants. Tétanisée, je reculai de quelques pas avant d’aller me cacher derrière Kannon, telle une enfant apeurée. Il ne m’avait jamais vue comme ça.

« J’aime pas les serpents. Fais quelque chose, dégage-le ! J’ai repéré la suite du sentier mais il est pile dans le chemin et je ne sais pas s’il est dangereux ou non …. ! »