Fin novembre 2021

J’étais de retour au Japon depuis à peine quelques jours. Avoir quitté cette terre dont j’étais tombée amoureuse pendant deux mois m’avait paru comme l’éternité. Bien sûr, j’avais pu revoir ma famille, passer du temps avec eux, leur raconter mes exploits, leur montrer mes photos. La photo … J’aimerais tant en vivre, mais ce n’était pas simple. Je m’étais posé beaucoup de questions pendant mon retour en France. J’avais aussi prié pour ne pas retomber sur mon ex pour éviter les malaises. Et pourtant, on s’était croisés. La discussion avait été malaisante au possible, sans grande surprise. Il pensait que le Japon serait une de mes nombreuses lubies et que ça me passerait une fois mon échange universitaire terminé. Pourtant, il avait été grandement choqué quand je lui avais annoncé que je n’étais là que de passage et que j’y retournais. En effet, juste avant que mon visa n’expire, j’avais finalement décroché un emploi en tant que modèle. C’était souvent comme ça que les étrangers débutaient à l’étranger. Modèle ou prof. Mais la pédagogie et moi ça faisait deux. Alors j’avais accepté de poser, me disant que ça me permettrait au moins d’avoir un visa de travail et recouvrer mon quotidien nippon. Et revoir Kannon, Yûna, Rei et tous ceux que j’avaient laissé derrière pendant mon absence. Ils m’avaient tous manqué et j’avais hâte de les voir.

J’étais un peu perdue, et le décalage horaire avait été particulièrement intense. J’avais passé les deux premiers jours à dormir à l’hôtel, sortant à peine pour aller me chercher de quoi grignoter brièvement au combini du coin. J’avais pris un hôtel à Fuchu, une ville voisine de Seiseki où il n’y avait pas d’hôtel. Comme ça j’étais près de cette ville où j’avais vécu et de mes amis. Yûna habitait toujours là-bas et était en train de monter un projet avec son frère retrouvé, Rei y avait sa pâtisserie et Kannon était là aussi. Pourquoi aller s’emmerder à Tokyo ?

Cet après-midi, après avoir dormi jusque tard, j’avais décidé d’aller prendre l’air. J’avais donc pris le train jusqu’à Seiseki pour aller me balader. Je n’avais encore annoncé à personne que j’étais de retour, pas même à Kannon. Je ne savais pas comment il allait prendre la nouvelle. Je sortis donc de la gare et me mis à marcher sans but précis. Je finis par emprunter la promenade le long de la rivière Tamagawa, longeant le parc Ichinomiya. Je finis par atterrir au niveau du Alicia Cafe, me disant qu’une boisson chaude ne me ferait pas de mal après cette marche. Après tout, nous étions en décembre  et même si j’avais la sensation qu’il faisait plus froid à Toulouse, il faisait quand même frais. J’aurais pu me mettre sur la terrassa, mais l’air frais me convainquit de rester à l’intérieur. Je pénétrai donc dans le café et me stoppai net : Aek ?! Mais que faisait-il ici ? Il était au Japon ? Pas étonnant que je ne l’aie plus croisé lors de mes périples à Bordeaux … Mais … depuis quand ?
Pour être sûre que ce soit lui, je m’approchai et confirmai. Il était avec des amis, mais ça ne me dérangeait pas trop de m’immiscer.

« Hey ! Aek … sérieusement, si je m’attendais à te voir ici, et encore plus à Seiseki ! Ca fait tellement longtemps, ça va ? »

J’espérais qu’il allait me remettre quand même. La petite blonde avec qui il avait fait ses meilleures soirées et les quatre cent coups.

Fin novembre 2021

Ce soir, tu as prévu d’aller au Alicia Cafe avec tes amis afin de boire plusieurs verres de bière avant l’examen de demain. Au lieu de réviser, comme à ton grand habitude tu préfères faire la fête. Ce n’est vraiment pas sérieux de ta part Aek. Mais tu fais avec, c’est devenu une habitude de toute façon, tu n’as jamais révisé quoi que ce soit. Tu n’aimes pas trop ça et tu l’assume entièrement, de toute façon tu sais que tu fais l’affaire il te suffit d’avoir une note correcte et c’est réussi, les cours tu les suis toujours de façon sérieuse et tu as tendance à bien enregistrer. Tu te dirige alors vers ta salle de bain et prends une douche bien chaude. Tu te coiffes de façon séducteur, sait-on jamais, tu trouveras peut-être la fille de tes rêves là-bas.

Vêtu d’une chemise blanche à manche longue, d’un jean skinny noir et de bottine noir tu arrive enfin sur le lieu dit. Tu rentres dans le Cafe où tu as l'habitude de travailler, salue tes collègues et t’installe à une table avec tes amis. La soirée peut enfin commencer, c’est alors que soudainement tu lance à tes amis « La prochaine fille qui rentre je l’aborde et lui offre un verre et je vous garanti que ce soir je rentre avec elle. » sans même savoir si cette fille sera canon ou pas. Si cela se trouve tu vas tomber sur une personne pas du tout à ton goût. Et tu seras dans l’obligation de relever le défis que tu as lancé auprès de tes amis après déjà trois verres de bières dans le nez. Pour éviter de te faire avoir, tu évites de regarder vers la porte et te concentre sur tes bières que tu peux enchaîner sans aucune interruption tout en gardant la conversation avec tes amis.

Soudainement un de tes amis te tapote le bras en te disant qu’une fille venait de rentrer mais tu refuses de regarder. Quand soudain tu entends ton prénom retentir dans tes oreilles. « Hey ! Aek … sérieusement, si je m’attendais à te voir ici, et encore plus à Seiseki ! Ça fait tellement longtemps, ça va ? » Comment une voix féminine peut te connaître hormis ta collègue de travail et ta responsable. Tu as toujours l’habitude de traîner avec tes amis qui ne sont que des garçons et pourtant cette voix t’es légèrement familière. Tu relève la tête en finissant ton verre cul sec. Les gros yeux apparaissent sur ton visage. Remy, une amie que tu connais de ta vie à Bordeaux, tu en as fait des soirées avec elle, buvant des bières et faisant les quatre cent coup avec elle.

« Remy ? »

Tu te lève soudainement de façon légèrement précipitée et la prends dans tes bras. Toujours le même parfum, la même odeur, elle n’a pas vraiment changé, tu reconnaîtrais le parfum de ton amie entre mille. Remy, ici, au Japon, tu ne t’y attendais vraiment pas.

« Je confirme ça fait longtemps, je vais bien, content de te revoir. »

Tu la serre de plus en plus fort dans tes bras quasiment comme si tu allais lui briser les os un à un.

« Et toi ? Comment vas-tu ? »

Tu libère cette étreinte qui te lie à elle comme un morceau de viande au palet d’un puma. Tu es tellement heureux de la revoir que tu en deviens fou comme avant. Tu regardes autour de la table et vois que toutes les chaises sont prises par tes amis. Mais tu trouveras bien une chaise supplémentaire ici au Alicia Cafe pour faire asseoir ton ami à ta table. Tu la regardes sourire aux lèvres.

« Vas-y assis toi avec nous. Je t’offre une bière. »

Tu te souviens soudainement de sa vitesse pour boire une bière, plus lent qu’un escargot en pleine course de vitesse. Tu ne peux t'empêcher de rire aux éclats avant de lui rappeler cet exploit.

« Espérant que cette fois tu arrive à me suivre. »

Tu commandes alors des bières pour tous tes amis et toi-même, ainsi que pour Remy. c’est ta tournée, pour fêter ces retrouvailles.

Je ne savais pas pourquoi j’avais poussé la porte d’un bar en solo, en me disant que j’allais y déguster une boisson chaude. Généralement, pour cela, on allait plutôt au Starbucks ou au Doutor Café, même si les boissons de là-bas étaient vraiment pas incroyables. Mais moi, Remy, vingt-deux ans, avais eu l’intelligence d’atterrir dans un petit bar posé de Seiseki pour me chercher un chocolat chaud ou autre. Mais je m’attendais à quoi au juste ? En plus, c’était très rare que j’aille dans un bar seule. La première pensée qui m’avait traversé l’esprit était que j’étais déjà venue ici avec Kannon plusieurs fois au début, quand on commençait les dates. C’était peut-être pour ça que j’avais poussé cette porte-ci et pas celle d’un véritable café ? Il me manquait, c’était ça ? Non mais Remy, ressaisis-toi un peu. Je savais pourtant qu’entre Kannon et moi, c’était purement de l’amitié avec bénéfices, et rien de plus. Qu’allais-je encore m’imaginer comme folie ? Qu’on pourrait être ensemble ? Mais il avait changé depuis que je le fréquentais. Quelque chose en lui s’était brisé. Il était toujours aussi lubrique et fou, comme je l’appréciais, mais il y avait un truc. Dont il ne m’avait pas encore parlé. Il avait pris ses distances aussi. Peut-être n’étais-je pas rentrée en France au bon moment …

Toujours est-il que j’étais dans ce bar et que je venais de tomber nez à nez avec une tête que je n’aurais jamais pensé croiser au Japon : Aek. Ce Français d’origine coréenne que j’avais rencontré à Bordeaux, lors d’un de mes périples en solitaire. J’étais revenue plusieurs fois là-bas, rien que pour le voir et passer de bons moments avec lui. On était comme chien et chat, ce mec et moi. On s’adorait mais uniquement en se chamaillant non stop. Nous devions être sacrément insupportables. Une chance qu’il m’ait reconnue, j’aurais eu l’air stupide s’il m’avait mis un vent ou que je m’étais trompée sur la personne.

Il se leva et m’enlaça soudainement. Je ne m’y attendais pas, je fus d’abord assez surprise puis me laissai aller à cette étreinte amicale dont il me gratifiait. Tout en restant serré contre moi, jusqu’à commencer à me mettre mal à l’aise, il me dit qu’il allait bien et qu’il était content de me voir. Et il me retourna la question. Je lui souris naturellement, même si je devais avoir la gueule enfarinée à cause du décalage horaire. Il finit par me libérer, et je repris peu à peu mes esprits. Même si j’adorais Aek, me faire enlacer ainsi m’avait fait un drôle de sentiment. Est-ce que j’aurais aimé que Kannon me gratifie d’une telle étreinte en me revoyant ? Allait-il seulement le faire ou me mettre un terrible vent ? Mais pourquoi je pensais à ce crétin alors que je venais de retrouver un ami de longue date ?

Il me proposa de m’offrir une bière, comme au bon vieux temps. Après qu’il ait récupéré une chaise, je pris place au milieu de ses amis et les saluai poliment. J’avais beau être sociable, j’avais l’impression d’avoir interrompu un truc et j’espérais rapidement me fondre dans la masse. Lorsqu’il me charria sur ma capacité à boire, je lui rétorquai du tac au tac, retrouvant aussitôt ma répartie :

« Non mais sérieux Aek, arrête de m’associer à cette vieille soirée où j’étais d’une humeur exécrable ! J’ai une bien meilleure descente que ce que tu crois ! »

Inconsciemment, je lui avais parlé en français, car nous avions toujours communiqué dans cette langue. Je me rendis compte que ce n’était pas cool pour les autres, et décidai de basculer en japonais par principe.

« Merci pour la bière. Ca fait longtemps que tu es au Japon ? »

Je sentis que ce début de soirée allait être totalement inédit. Mais c’étaient les soirées les plus improvisée qui étaient les meilleures.