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Les vieux démons ont la peau dure - ft. Teerawat
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Les vieux démons ont la peau dure - ft. Teerawat
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C’était bientôt la rentrée. Six mois s’étaient déjà écoulés depuis sa décision de vivre seule – avec Mia pas loin-, et de réintégrer le système scolaire. Que le temps passait vite ! Et elle ne regrettait nullement sa décision. Bien sûr, ce n’était pas rose tous les jours, c’était même parfois très stressant pour elle d’être entourée d’autant de monde, surtout des garçons. Mais petit à petit, elle commençait à se réhabituer à leur présence, à condition qu’ils n’agissent pas de façon louche, auquel cas elle était toujours capable de s’enfuir en courant sans crier gare. Elle arrivait de temps en temps à passer quelques heures dans le lobby de la résidence en présence d’autres gens, à condition que Mia soit là. Petit pas par petit pas, Ayame prenait son indépendance et luttait contre ses démons.

Bien que l’automne approche d’ici quelques jours, les températures étaient encore relativement estivales. Il faisait beau, le soleil était au rendez-vous et la jeune fille n’avait pas tenu à rester enfermée. Elle avait entendu parler d’une exposition temporaire tout en haut de Roppongi Hills, sur les jeux vidéos les plus populaires des dernières décennies au Japon. Elle aurait adoré s’y rendre avec Yuzu qui était passionnée de jeux vidéo elle aussi, mais cette dernière n’était malheureusement pas disponible à cause de son emploi. Cela lui fit penser qu’elle-même n’avait toujours pas trouvé de réel baito. Ce n’était pas comme si elle avait cherché non plus. Heureusement pour elle, ses parents n’étaient pas en difficulté financière et pour le moment c’est eux qui payaient son loyer et avaient avancé ses frais de scolarité. Cependant, tout ça était très cher et il avait fallu prendre un crédit à la banque et Ayame devrait trouver un job pour aider à rembourser. Pour la première année, ses parents la laissaient faire ses expériences, retrouver ses marques dans le monde scolaire. Mais malgré leur bienveillance, Ayame était décidé de se lancer dans ses recherches dès la rentrée. Mais après l’expo.

Elle était donc sortie seule, chose qu’elle faisait encore très occasionnellement. Généralement, c’est une sortie mûrement réfléchie, calculée et analysée sous tous ses angles. Elle se préparait toujours mentalement à qui elle pouvait rencontrer, quels chemins elle devait emprunter pour éviter les recoins sombres, etc.
Pourtant cette sortie à Roppongi, pas vraiment réputé pour être le quartier le plus safe de Tôkyô, avait été faite sous une impulsion. Aya’ avait tout de même prévenu Mia par message de son absence afin que s’il y avait un problème, elle puisse intervenir. Les deux jeunes filles s’écrivaient à longueur de journée, donc si Aya’ restait silencieuse trop longtemps, Mia s’inquièterait.
Tout au long de l’expo, qu’elle trouva fascinante, Aya’ prit donc soin de donner des nouvelles. Elle était un peu frustrée de ne pas pouvoir prendre de photos pour Yuzu, mais réussit à voler un clicher en attendant que le vigile ait le dos tourné. Voyou la jeune fille !

Lorsqu’elle se décida à quitter les lieux, après avoir acheté une petite figurine souvenir à son amie, Ayame réalisa avec effarement qu’il faisait nuit. Ses yeux s’écarquillèrent et son cœur s’accéléra. Depuis l’incident, elle ne rentrait jamais de nuit. Elle n’en était pas capable. Et pourtant, elle se l’était naturellement imposé. Il était donc temps de faire l’expérience, mais elle se promit que ce serait bref. Sortir du bâtiment, traverser le passage piéton, marcher tout droit jusqu’à la station et s’engouffrer dans les quelques trains qui la ramèneraient à Seiseki. Elle avait prévenu Mia « je gère. Si ça va pas, j’appelle. »
Le premier pas fut fait. Elle était sortie du building. Elle s’approcha prudemment du passage clouté, serrant fort la lanière de son sac comme si ça la protégeait, les yeux balayant partout autour d’elle. Et là, le drame se produisit : un quartier nocturne, de la foule, des jeunes, et … des hosts. Qui venaient racoler. Chanceuse comme elle l’était, elle était certaine que l’un d’entre eux viendrait l’aborder, et ce serait la panique générale. Elle aurait voulu fermer les yeux, mais cela aurait été encore plus effrayant. La foule. Dans le noir. Elle inspira un grand coup, et continua d’avancer, fermement, essayant de se frayer un chemin dans la foule. En vain.

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Encore une longue soirée en prévision… Tee, adossé au mur d’un bâtiment, observe la foule d’un air las. Forcément, figurant parmi le top cinq des hosts les plus attirants physiquement du club, c’est lui qu’on a chargé, parmi d’autre, d’aller racoler dans la rue pour ramener des clientes. Le genre de truc que Tee déteste faire, déjà qu’il n’en peut plus de ce boulot, alors en plus devoir racoler… Si ce n’était pas pour sa mère, il aurait déjà tout arrêté depuis longtemps. Mais les frais de soin pour sa mère sont bien trop élevés pour qu’il puisse se permettre de prendre un job avec une paie plus basse. Alors il prend sur lui. Son regard observe la foule, cherchant une potentielle cliente alors qu’au final, son esprit est ailleurs. Il est à nouveau au club, lors de ce soir là, ce fameux soir où son demi frère s’est pointé sans prévenir et que Tee a finit par l’embrasser pour se débarrasser de sa cliente un peu trop collante. S’il avait su dans quel état ça le mettrait plus tard, il ne l’aurait sans doute pas fait! Il a beau faire comme si tout allait bien, ce baiser l’obsède clairement, au point qu’il en vient à faire des rêves qui ne comportent pas que des baisers…

Le jeune métissé secoue la tête pour effacer ces images de son esprit. Pourquoi se sent-il aussi perturbé à cause d’un simple baiser? Après tout, ce n’était rien, rien qu’une façon de faire taire cette bonne femme! Autant dire qu’il nie clairement la vérité. En même temps, lorsque ça concerne Kiran, il nie beaucoup de choses… Une main se pose sur son épaule avant de le secouer. L’un de ses collègues, plus âgés. Clairement, le message est clair. “Bouge toi”. Tee soupire, il aimerait clairement être ailleurs que dans cette rue à observer la foule comme un animal avec sa proie… Mais il n’a pas vraiment le choix, une nouvelle secousse et un doigt qui pointe une jeune fille, visiblement pas très à l’aise. Aux yeux de son collègue, sa façon d’agir signifie sans doute “je suis une fille à papa qui sort seule pour la première fois” alors que pour Tee, cette fille a surtout l’air pas rassurée. Pas étonnant vu l’endroit, ça grouille de monde au point qu’il est difficile de se frayer un passage parmi la foule. Un énième soupir et Tee délaisse son coin de glandage pour se diriger vers la jeune fille, avec bien du mal vu que d’autres filles lui sautent dessus. Non vraiment, si son physique et sa belle gueule lui ont permis d’avoir ce boulot, au final il se dit qu’être juste banal doit être vraiment pas mal… Il finit par arriver près de la jeune fille mais franchement, vu comment elle n’a pas l’air rassurée, il n’est pas sûr que la technique habituelle marche. Un énième soupir qui passe inaperçu dans le brouhaha de la foule.

-Salut! déclare-t-il avec un sourire qu’il tente à la fois rassurant et charmeur.

Non vraiment, s’il pouvait trouver un job aussi bien payé mais plus adapté pour lui, il sauterait sur l’occasion!

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Et le drame arriva. Un homme venait tout juste de l’interpeller, là, au milieu de la foule pressée, mélange de salarymen qui quittaient le travail pour aller boire un verre ou rentrer à la maison, et jeunes en quête d’ivresse et de défoulement. Et au milieu, il y avait Ayame, jeune femme tétanisée à l’idée du contact avec le sexe opposé, paralysée depuis son incident, se refusant à sortir de nuit depuis l’âge de 14 ans. Aujourd’hui elle en avait vingt. Rien n’avait changé. Ce simple « salut », lancé par un inconnu à la volée dans une rue bondée de Roppongi eut l’effet d’une bombe sur elle. Son inconscient la renvoya à la soirée de l’incident. Cette soirée terrifiante où elle avait été témoin d’une horrible agression, et avait failli être la victime suivante. Cette nuit où une partie d’elle était morte dans les événements.

Paniquée, le cerveau tournant en ébullitant, Ayame ne savait pas quoi faire. Instinctivement, elle avait baissé la tête. Elle serrait les poings au fond de ses poches, sa carte de train en main. Elle voulait simplement rentrer chez elle, à la résidence. Elle se voyait mal dégainer son téléphone pour prévenir Mia. Après tout, il aurait pu le lui voler, c’était peut-être un voyou, elle n’en savait rien. Elle ne savait pas quoi faire, alors elle restait silencieuse.
Et puis, dans un élan d’adrénaline, Ayame prit la fuite ; elle ne sait pas comment elle réussit à se frayer un chemin parmi les gens de la foule, mais ses jambes l’emmenèrent loin de ce qu’elle pensait être un possible ravisseur. La paranoïa ne s’arrangeait réellement pas dans son cas.

Elle s’arrêta une fois qu’elle était sûre d’avoir mis assez de distance avec le jeune homme, dont elle n’avait même pas vu le visage. Si c’était un type normal, elle avait très certainement été bien malpolie. Mais bon. La peur avait pris les devants.
Elle était bientôt à hauteur de la gare, et elle esquissa un léger sourire satisfait de « je m’en suis sortie toute seule ». D’un pas plus léger qu’avant, elle s’approcha des guichets de la gare et plongea la main dans sa poche à la recherche de sa carte : rien. Son visage pâlit : dans sa course effrenée, elle avait dû laisser tomber la carte par terre ! Elle venait tout juste de la recharger avec 5000 yens ! Comment allait-elle expliquer ça à ses parents ? Elle les savait compréhensifs mais ils étaient loin d’être riches et elle ne pouvait pas se permettre de perdre autant d’argent.

Complètement dépitée, elle décida de revenir sur ses pas, en espérant trouver la carte par terre, et qu’elle ne soit pas trop endommagée. Elle avançait lentement et prudemment, les yeux rivés au sol, évitant soigneusement tout contact avec autrui. Et petit à petit, elle se rapprochait à nouveau du passage piéton où elle avait fui l’inconnu l’ayant salué de façon banale et insouciante. Peut-être la lui avait-il volée ? Mais dans ce cas, c’en était fini pour elle. Il allait falloir qu’elle contacte Mia, car elle n’était même pas sûre d’avoir assez de liquide sur elle pour se prendre un ticket retour. Il y avait toujours les banques, mais elle ne savait pas où en trouver et elle voulait fuir le plus vite possible d’ici. Mais pour l’heure, elle devait retrouver sa carte ….

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Visiblement, la première impression de Tee en voyant la jeune fille était la bonne, à peine avait-il ouvert la bouche que quelques secondes plus tard, elle prenait la fuite. Non vraiment, il n’a pas de chance ce soir, il préférerait largement être avec sa petite bande ou alors dans son bar préféré plutôt qu’ici. Bah, pourquoi insister? De toute façon la demoiselle a déjà pris la fuite! Alors que Tee s’apprête à retourner à son coin de glandage, quelque chose au sol attire son attention. Il ne manquait plus que ça, l’inconnue a fait tomber sa carte de transport! Tee pourrait très bien la laisser mais ce n’est clairement pas son genre. Il songe à la ramener aux objets perdus mais il n’est même pas sûr qu’elle aurait l’idée d’aller voir… Vu la fille, il pense plutôt qu’elle serait du genre à penser qu’on lui a volé… Un énième soupir traverse les lèvres du jeune métissé. Pas le choix, il doit se mettre à sa recherche pour la lui rendre. C’est comme ça que sa mère l’a élevé, il aurait fait pareil avec un portefeuille ou un téléphone…

Le voilà donc en quête de la jeune fille sans même être sûr de savoir où il peut la trouver, alors qu’il est censé être en plein boulot. Mais bon, il se voit mal la garder et finir son boulot pour ensuite se mettre à sa recherche, il aurait déjà oublié son visage à coup sûr! Tee avance d’un pas rapide, observant les visages en ayant du mal à se frayer un chemin parmi la foule. Au final, il se dit que ça ne sert à rien, vu la vitesse à laquelle elle a fuit, elle doit sûrement être loin maintenant et il ne sait même pas dans quelle direction elle allait alors… Tandis qu’il est sûr le point d’abandonner, il remarque un visage parmi la foule qui a diminuée depuis, observant le sol. Il l’observe quelques minutes avant de s’approcher d’elle. Pas de doute, c’est bien l’inconnue de tout à l’heure! Il finit par arriver à sa hauteur tandis qu’elle ne l’a même pas encore remarqué. Il sort de sa poche la carte de transport avant de la lui tendre.

-C’est ça que tu cherches? Tu devrais faire plus attention à tes affaires…

Mais vu comment elle a déguerpi tout à l’heure, Tee se dit qu’elle risque de faire la même. Non pas qu’il compte toujours la faire venir au club d’host, vu la fille, c’est pas vraiment ce qu’il y a de mieux à faire…

-T’as pas à être aussi effrayé tu sais? Je vais pas te faire de mal. Je voulais juste te rendre ta carte, de toute façon j’ai mieux à faire, comme travailler par exemple…

Un travail qu’il apprécie de moins en moins mais qu’il ne peut tout simplement pas se permettre de quitter, malheureusement...

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Ayame était revenue à hauteur du passage piéton où elle avait laissé l’inconnu. Si c’était une personne normale, il devait vraiment penser qu’elle était folle. Quand on ne connaissait pas le passé et le traumatisme de la jeune fille, de l’extérieur, elle pouvait vraiment apparaître comme froide ou vraiment insolente par moments. Mais c’était tout sauf la description de sa mentalité, fort heureusement. Pourtant, que pouvait-elle faire de plus lorsqu’elle se trouvait face à une situation qui la dépassait et l’effrayait ? Elle ne pouvait toujours pas s’exprimer, elle n’avait donc que son corps pour agir. Et son corps l’avait sommée de fuir. Tout comme il la sommait de revenir sur ses pas au lieu de se pointer au premier poste des objets perdus de la gare. En effet, au Japon, les gens étaient très honnêtes et n’hésitaient pas à ramener une carte ou un portefeuille égaré. Mia avait raconté une fois à Ayame qu’en France ce n’était pas du tout comme ça, qu’une perte de portefeuille ne garantissait pas qu’il soit retrouvé ou ramené, ou alors il serait ramené vide. Cela lui avait froid dans le dos, et depuis lors elle faisait encore plus attention à ses affaires que d’ordinaire.

Une voix masculine s’éleva et retentit jusque dans ses oreilles alors qu’elle avait toujours les yeux rivés au sol. C’était le type de tout à l’heure, elle en était certaine. Depuis qu’elle était condamnée au mutisme, elle était réellement attentive aux sons des voix des autres, et elle avait imprimé celle de l’inconnu, même avec un simple « salut ». Question d’habitude, en 5 ans.
Elle releva doucement la tête, juste à temps pour voir le jeune homme sortir la carte de transport de sa poche. Il la lui avait donc dérobée ?? Non, Ayame, arrête donc de voir le mal partout, rien à qu’à ses paroles il était évident qu’il l’avait retrouvée par terre et l’avait gardée dans l’intention de la lui rendre.
Elle s’inclina quasiment à 90 degrés pour le remercier de lui avoir rendu sa carte et la rangea aussitôt dans la poche de sa veste. Son autre main serrait son téléphone : il fallait qu’elle lui rédige un message de remerciement et même d’explications, puisqu’au final c’était une gentille personne.

Le jeune homme reprit d’ailleurs la parole, lui expliquant qu’il voulait juste lui rendre sa carte et qu’il était inutile d’être effrayée. Facile à dire quand on se trouvait face à sa plus grande peur, et que le métier de cet inconnu semblait être celui d’host, à en juger par son attitude. Un homme qui vend des services à des femmes, tout ce qui terrifiait Aya’.
Elle se décida donc à sortir son téléphone et rédigea un message le plus rapidement possible pour ne pas que le jeune homme la trouve impolie :

Merci beaucoup pour ma carte, c’était important pour moi. Je ne peux pas vous expliquer maintenant, mais je ne suis pas à l’aise dans la foule et avec les hommes. Je vous prie d’excuser mon attitude déroutante. J’espère ne pas vous avoir trop dérangé dans votre travail.
Si je peux faire quelque chose pour vous remercier, dites le moi.

Il était inutile de préciser « je ne peux pas parler », il le déduirait de lui-même en voyant qu’elle était obligée de lui écrire pour communiquer. Elle leva l’écran du téléphone à hauteur de ses yeux afin qu’il puisse lire. C’était toujours un peu compliqué avec les inconnus, ce type de communication.

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La jeune femme ne semble réellement pas à l’aise et Tee ne comprend pas pourquoi, certes elle est peut être un peu agoraphobe mais la foule s’est dissipée maintenant. Quant à lui, il ne pense pas faire si peur que ça mais bon, visiblement cette fille est facilement effrayée… Enfin, au final ça ne le regarde pas, il voulait juste lui rendre sa carte, maintenant il doit retourner travailler s’il veut être payer. Plutôt que de le remercier de vive voix, l’inconnue tapote rapidement sur son téléphone, Tee se dit qu’elle doit juste envoyer un message mais non. Elle finit par lui mettre l’écran de son téléphone sous le nez comme pour l’inciter à lire, ce qu’il finit par faire. Il comprend en lisant le message que la fille doit être muette. Ben tiens, c’est bien sa veine va! Elle le remercie et lui explique qu’elle n’est pas à l’aise dans la foule et encore moins avec les hommes. Ca, le jeune métissé l’avait bien compris. Elle finit par lui demander si elle peut faire quelque chose pour lui, pour le remercier. Mais Tee ne voit pas quoi, vu qu’elle est effrayée par les mecs, il ne peut clairement pas l’amener au club. Il finit par reprendre la parole.

-Non c’est bon, t’es effrayée par les hommes alors je ne me vois pas te demander de venir au club. Enfin… si t’as des amies que ça peut intéresser à la limite… mais bon, laisse tomber, je n’ai pas fait ça pour avoir quelque chose en échange. C’est juste normal pour moi de rendre un objet à son propriétaire.

Normal, oui. Après tout, sa mère l’a élevé ainsi et même si ses actions ne sont pas toujours légales, comme de dealer, ce qui est interdit, surtout qu’il a commencé il était encore mineur, ou de travailler dans un club d’host où il se fait passer pour plus âgé qu’il ne l’est réellement. Mais bon, tout ça c’est pour le bien de sa mère, il ferait tout pour elle alors… il n’a guère le choix. Mais une fois diplômé, il cherchera un job plus adapté mais avec une bonne paye et il arrêtera de dealer. Mais pour l’instant, il n’a guère le choix alors il fait avec...

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Le jeune homme semblait vraiment dépité de la situation. Ayame et ses problèmes devaient l’ennuyer fortement, et il devait avoir l’impression de cruellement perdre son temps. La jeune femme n’était vraiment pas douée avec les relations humaines, et encore moins dans ce genre de situation. Pourtant, elle voulait se racheter, et c’était précisément ce qu’elle lui avait dit. Mais l’inconnu n’avait pas besoin d’aider, à moins qu’elle ait des amies intéressées par les services d’un host. Car il ne l’avait pas ouvertement avoué, mais même si elle était un brin naïve, elle n’était pas non plus stupide et avait deviné son travail. C’était dommage d’en arriver là si jeune …

Ayame eu soudain une idée : puisqu’elle lui avait fait perdre du temps, et donc de l’argent, elle allait donc le dédommager. C’était la moindre des choses. Elle ne roulait pas sur l’or mais ses parents n’en sauraient rien, et elle allait activement se mettre à la recherche d’un baito une fois la rentrée passée et son emploi du temps complété. Elle se remit alors à pianoter sur son clavier et lui tendit à nouveau le cellulaire pour lui faire lire :

Je sais peut-être comment vous remercier. Et il faudra accepter, s’il vous plaît, c’est la moindre des choses. Aussi, si vous me laissez la carte de votre club, je pourrai faire passer le message à des filles de ma fac. Je suis certaine qu’il y en a qui apprécieraient de passer une soirée ou deux en votre compagnie. Ne vous inquiétez pas, je serai discrète bien sûr.

Il pouvait être mal vu à l’université de parler de services de ce genre, et Ayame pourrait avoir des ennuis, mais elle ne savait même pas si elle le ferait vraiment, elle bluffait plus que ce qu’elle assumait. Ce n’était pas son genre d’être aussi téméraire dans ses idées, mais elle se dit que comme ça le jeune homme se sentirait peut-être un peu moins perdant. De toute façon, il ne devait plus fréquenter les bancs de l’école depuis un moment s’il était host … C’était ce qu’elle pensait en tout cas, sans savoir qu’ils fréquentaient en fait le même établissement.

Puis elle sortit un billet de 2000 yens (environ 18 euros) de son portefeuille, soigneusement plié, et le lui tendit des deux mains, les bras tendus, de la façon qu’avaient les Japonais d’offrir un cadeau qu’il fallait aussi accepter des deux mains. Ca lui faisait un peu mal de donner de l’argent à un inconnu comme ça mais sa mère l’avait éduquée de manière à remercier les gens qui lui venaient en aide. Ce type aurait pu laisser sa carte par terre ou la mettre à la poubelle mais ne l’avait pas fait. Qui plus est, il prenait sur son temps de travail pour communiquer avec elle, il perdait donc des clientes et de l’argent. Le seul service qu’elle pouvait réellement lui rendre était donc de le dédommager financièrement.

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Tee se dit qu’il devrait simplement saluer la jeune femme et retourner à son travail. Il perdu du temps et par conséquent, de l’argent. Mais sa mère lui a apprit la politesse et la jeune femme ne semble visiblement pas décidée à partir tant qu’elle ne l’aura pas remercié. La voilà donc de nouveau à tapoter sur son portable pour ensuite diriger l’écran vers Tee pour qu’il puisse lire. Elle lui dit qu’elle sait peut être comment le remercier mais qu’il devra accepter. Elle lui propose aussi de lui donner la carte de son club, ainsi elle pourra en parler à des filles de sa fac. Donc elle est bien à la fac. Tee n’est pas sûr que parler de son club à la fac soit une bonne idée, il ignore de quelle fac elle vient et s’il s’agit de la même que lui, il vaut mieux éviter d’ébruiter le fait qu’il soit host. Il n’a pas non plus envie de se retrouver avec les filles de la fac sur le dos. Il observe la jeune femme sortir un billet avant de le lui tendre des deux mains. Visiblement, elle tient vraiment à le remercier et sans doute à le dédommager pour le temps qu’elle lui a fait perdre. Le jeune métissé soupire intérieurement, il n’a pas vraiment le choix, alors il accepte le billet, le prenant également des deux mains avant de se baisser légèrement, façon polie de la remercier.

-Je pense… il vaut mieux éviter de parler du club où je travaille à ta fac… je ne sais pas de quelle fac tu viens mais… je préfère ne pas prendre de risque, surtout si… c’est celle où je vais également. Mais merci pour ta proposition.

De toute façon, il ne risque pas grand chose, il l’a aidé, elle ne risque pas d’aller crier à la direction qu’il est host. S’il avait vraiment le choix, il aurait pris un autre job mais c’est le job le mieux payé qu’il peut avoir pour l’instant, alors il n’a pas vraiment le choix. Et il ne peut pas abandonner les études, ça rendrait sa mère triste et ce n’est pas ce qu’il souhaite. Elle le serait déjà bien assez s’il savait qu’il deal alors… Mais il fait ça pour elle, une fois que sa situation financière sera meilleure, alors il arrêtera...


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Finalement, le jeune homme accepta l’argent qu’elle lui tendait, même s’il n’avait pas l’air tout à fait enthousiaste à cette idée. Mais c’était la moindre des choses après tout ce qui venait de se passer, Ayame en était convaincue. En revanche, elle était un peu moins convaincue que son idée de diffuser les informations professionnelles du jeune homme dans son université en soit une bonne, et les propos du concerné vinrent confirmer ce doute. Et c’est la dernière information qui retint l’attention de la jeune femme. Hein ? Il allait à la fac ? elle avait arqué un sourcil, interloquée. Elle pensait qu’il faisait partie de ces jeunes qui avaient abandonné l’école après le lycée pour s’adonner pleinement à des emplois douteux afin de gagner de l’argent et de se sortir de la misère. Ouais, le cliché des films un peu surcotés et des dramas aux scénarios parfois peu crédibles … Ayame consommait bien trop ce genre de divertissements, malheureusement pour le jeune homme. Mais maintenant qu’elle savait qu’il allait encore à l’université, elle le voyait sous un autre angle. C’était vraiment quelqu’un qui voulait réussir dans la vie et peut-être avait-il été contraint à faire ce genre de travail. Peut-être n’avait-il pas le choix que d’exercer ce métier pas forcément bien réputé aux yeux de la société. Peut-être n’avait-il pas la chance d’avoir, comme elle, deux parents aimants qui se serraient les coudes pour que leur petite famille vive décemment … Ayame se mordit la lèvre inférieure, se sentant gênée d’avoir jugé ce garçon trop vite. Elle rédigea rapidement un message sur son téléphone :

Je ne pensais pas que tu étais à la fac. Moi je suis à Chûô Daigaku. Excuse-moi si je suis indiscrète mais fais-tu ce boulot par choix ou par obligation ? Parce que ça doit être dur à combiner avec la fac … Peut-être que je peux t’aider à trouver autre chose ? Je vais chercher un baito à la rentrée moi aussi.

Et elle lui fit lire. Inconsciemment, à l’instant où elle avait su qu’il fréquentait l’université, elle s’était détendue dans ses tournures de phrases, allant jusqu’à un tutoiement poli. Si Ayame s’était doutée que celui qui l’avait partir en courant était finalement un jeune étudiant qui faisait de son mieux et n’avait rien d’un prédateur comme dans ses souvenirs … Mais elle abusait de son temps, alors elle se décida de conclure en reprenant possession de son téléphone :

Je ne vais pas te déranger davantage, tu vas avoir des ennuis à cause de moi. Je m’appelle Sakurai Ayame, je te laisse mon Line si tu veux communiquer, ou chercher un autre boulot … Ayachan_
Merci encore pour ma carte Suica !

Ayame avait cette fois ponctué son texte de quelques emoji enjoués. Elle était si innocente, comme si cet inconnu allait accepter son aide. Il avait déjà l’air si exaspéré de la situation. Et c’était bien la première fois qu’elle donnait ses coordonnées à un homme sans y être obligée, depuis l’incident cinq ans plus tôt. Elle sourit poliment au jeune host, s’assura qu’il avait eu le temps de mémoriser ses coordonnées, puis récupéra son téléphone avant de s’incliner poliment. Et finalement, elle tourna les talons, en direction de la gare, son sourire s’étant déjà effacé de son visage car elle savait qu’elle allait maintenant devoir affronter le train bondé du soir.

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