On raconte qu'il n'est pas normal, Hoshi. On dit qu'il est bizarre, différent.

Hoshi, c'est le type qui fait un bruit monstre pour ouvrir un paquet de chips. C'est lui aussi qui met dix minutes à l'ouvrir, ce paquet. C'est le type qui a souvent une fine esquisse aux lèvres, le regard un brin pétillant. De quoi ? D'un peu tout, d'un peu rien. De malice, parfois. D'amusement, d'autres. De peur, aussi. Il a un côté gamin, Hoshi. Il ne veut pas grandir, il subit, il n'a pas le choix. Si on l'écoute, il aurait préféré rester un bambin d'à peine cinq ans. Parce qu'il stresse un peu trop vite, Hoshi. C'est dur, la vie de « grands ». Il est incapable de gérer une situation imprévue.  Il a du mal à prendre une décision, aussi. C'est compliqué, non, d'être sûr de son choix ? De savoir ce qu'on fait et d'avoir l'assurance. Indécis ? Oui, peut-être. Incertain ? Oui, peut-être aussi. Mais qui ne l'est pas ? Qui ne doute pas, au moins une fois dans sa vie ?
Il remet pas mal de choses en questions, Hoshi. Il se méfie. De tout. De rien. Des autres. Surtout des autres. Il ne donne pas sa confiance facilement. La confiance, elle doit se mériter. Et sa confiance, on en a trop souvent abusé. Aujourd'hui il veut plus la donner à quelqu'un qui pourrait la salir – encore. Même s'il peut être froid, et distant, il n'est pas quelqu'un de méchant. Une fois qu'on le connaît, il est plutôt souriant et compréhensif. Il essaie d'aider ses proches au maximum. Il est empathique, Hoshi. Un peu trop, parfois. Pas assez, d'autres.
Hoshi, il fait n'importe quoi parfois. Il dit n'importe quoi, aussi. Il rit pour un rien, quelques fois. Il fait des erreurs, il essaie de les corriger. Il est sérieux, organisé. Il est râleur, un brin boudeur. Il adore l'attention ; il adore surtout les câlins. Il peut en réclamer à ceux qu'il apprécie. Il est tactile, Hoshi, mais pas avec n'importe qui. Il rougit vite. Il bafouille, il s'embrouille. Mais il se débrouille. Il essaie, du moins.

On raconte qu'il n'est pas normal, Hoshi. Qu'il est bizarre, différent.
Pourtant, Hoshi, il est juste humain.

++ Petites infos supplémentaires : Il écoute beaucoup de musique ce n'est donc pas rare de le voir avec des écouteurs + Cela dit, parfois il n'écoute rien mais il met ses écouteurs juste pour qu'on le laisse tranquille + Les petits vieux et les petites vieilles du quartier ont tendance à lui raconter leurs vies. Il ne sait pas pourquoi mais apparemment il a une « bouille attendrissante » d'après sa sœur +  Emi a la tendance de lui pincer les joues. Tout le temps + Il cultive un petit côté asocial... qu'il définit plutôt par de la timidité mais chacun son point de vue + Il aime les jeux de mots stupides + Il adore les Minions + On ne dirait pas mais il réfléchit souvent avant de parler + Hoshi, c'est le type qui se demande, à 4 h du matin, si les pingouins ont des genoux ; et oui, ils en ont + Il se promène souvent à Ikebukuro. C'est un quartier qu'il affectionne ; la Sunshine City est son repère. Il se perd surtout au Disney Store ou au Pokemon Center. Il est aussi du genre à passer quelques heures de ses soirées à jouer aux grappins ; Emi s'arrache les cheveux à chaque fois qu'il rentre avec une nouvelle peluche

1. Hoshi avait grandi avec la même bande d'amis. Ils se connaissaient tous depuis la maternelle, si ce n'était avant. Quand on en cherchait, on trouvait généralement les autres planqués quelque part. Ils étaient comme des frères pour lui. Les frères qu'il n'avait pas. Il avait une sœur, Hoshi. Mais ce n'était pas pareil. Ils n'étaient pas liées par le sang, mais ils étaient sa famille. Son cocon.
2. Et puis il y avait Hiro. Hiro, c'était le dernier venu dans la bande. Il était arrivé quand ils entraient tous dans leur deuxième année de collège. Et ils devinrent tous rapidement amis – Hiro habitait à côté de Hoshi, cela aida à créer un lien. Il s'entendait bien avec Hiro. Ils partageaient une passion commune pour la lecture et les étoiles. Ils en discutaient souvent, tous les deux. Ils passaient pas mal de temps ensemble, tous les deux. On associait les gamins de la petite bande les uns aux autres mais on associait surtout Hiro et Hoshi. Et, évidemment, il tomba amoureux, Hoshi.
3. Quelle stupide décision cela avait été de l'avouer. Il n'avait pas voulu, au début, préférant leur amitié à quelque chose de plus fort – surtout qu'il avait bien compris que Hiro aimait les filles. Surtout qu'il avait compris que quelque chose clochait chez lui. Mais il l'avoua malgré tout. Quelques jours après que Hiro lui ait annoncé qu'ils allaient déménager, en Australie. C'était maintenant ou jamais, pas vrai ? Hoshi avait saisi sa chance : grossière erreur. Le jour où il lui confia ce secret, Hiro lui avoua qu'ils n'allaient finalement pas déménager. Le jour où il lui confia ce secret fut le jour où leur amitié prit fin, le jour où Hiro lui tourna le dos pour la première fois, le jour où il lui lança un regard dégoûté. Ce jour-là fut le premier jour où Hiro l'insulta – mais Hoshi se réconforta en se disant que c'était à cause de la surprise. Il ne le pensait pas, pas vrai ?
4. Hoshi ne savait pas comment, ni pourquoi mais quelques jours plus tard toute l'école le savait. Toute l'école savait qu'il aimait les hommes. Tous ses camarades de classe lui lançaient des regards haineux, des regards surpris ou des airs gênés. Tout le monde le savait, au lycée. Si certain.e.s ne se dérangeaient pas plus que ça, d'autres s'activaient un peu trop joyeusement pour le rabaisser. Rien de bien méchant, au début... avant que cela ne dégénère, passant par insultes, coups, objets lancés. Il retrouvait parfois des mots sur sa table lui demandant d'aller sauter du premier pont qu'il croisait. On lui criait parfois dans les couloirs qu'il n'était pas normal, qu'il devrait se faire soigner. On lui disait que ses parents devaient avoir honte, qu'il devrait avoir honte. On lui susurrait qu'il ne devrait plus sortir de chez lui, qu'il était un monstre. Sa bande d'amis ? C'était fini, tout ça. C'était dans le passé, tout ça. Ils ne le regardaient plus et s'ils lui adressaient un regard, c'en était plein de haine et de dégoût. Et Hiro ? Soit il évitait Hoshi comme la peste, soit il s'alliait aux autres pour le rabaisser. Encore. Et encore. « Ca devait te faire plaisir quand je dormais chez toi hein ? Enflure », et c'étaient là des mots encore bien doux comparés à ceux qu'il avait pu balancer au fil des jours.
5. Tout le monde savait. Les professeurs aussi. Ils avaient conscience de la rumeur qui courait sur Hoshi et ils avaient aussi conscience de ce que les autres lui faisaient. Mais aucun ne réagissait vraiment. Le seul vers qui il se tourna pour lui demander de l'aide lui accorda... à condition qu'il aille voir un médecin parce que, vraiment, « ce n'est pas normal d'aimer les hommes, Hoshi »
6. Les choses prirent une telle ampleur que la rumeur s'éparpilla jusqu'aux oreilles de ses parents. Quand il rentra d'une autre horrible journée au lycée ce jour-là, son père lui donna la raclée de sa vie sans aucune vraie explication. Il fut contraint de subir, le visage humide sous le regard désolé de sa mère. Et enfin, quand son père fut assez calme, il répéta tout ce qu'on lui disait tous les jours. Il n'était pas normal. Il était horrible. Il était malade. Il devait se faire soigner. Il était qu'un raté. Il en avait honte, son père. Il ne voulait plus le voir. Il ne voulait plus l'entendre. Il ne voulait même pas savoir ce qu'il se passait à l'école. Et quand Hoshi lui demanda s'il s'en fichait que son fils soit frappé par d'autres camarades, il répondit avec une sérénité violente que, peut-être, un bon sens lui rentrerait dans le crâne, comme ça. Sa mère, douce maman, fut incapable de dire ou faire quoi que ce soit, observant en silence son mari punir leur fils. Écoutant en silence les pleurs de son fils la même nuit.
7. La seule à ne pas avoir changé fut sa sœur. Emi. Son comportement envers lui ne changea pas. Enfin, pas négativement. Elle sa montra soudainement plus protectrice, plus tendre, et beaucoup plus à l'écoute. Elle était l'épaule sur laquelle il allait pleurer, se plaindre. Il était celle à qui il allait poser des questions, celle chez qui il allait chercher le réconfort.
8. Le lycée fut une période qu'il voudrait oublier. La fin arriva un peu trop lentement à son goût, mais elle arriva. Et avec elle, il voyait une sorte de liberté nouvelle. Son père ne voulait pas qu'il reste à la maison répétant qu'il ne faisait qu'apporter la honte sur leur famille. Sa mère voulait qu'il reste mais n'osait pas aller contre son mari. Et sa sœur voulait qu'il parte, qu'il sorte de cette « baraque pourrie ». Elle était déjà à l'université, Emi. Elle étudiait le droit, à Chuô. Et elle ne voulait qu'une seule chose : éloigner Hoshi de ses parents, des autres. C'est pour cette raison qu'il habite avec elle maintenant. C'est aussi par peur des autres qu'il n'a pas osé vivre en résidence – elle lui avait laissé le choix, Emi, mais il avait tellement peur que tout recommence qu'il voudrait avoir au moins un lieu sûr. Et ce lieu sûr, c'était l'appartement qu'il partageait avec son aînée.
Et il suit ses pas, Hoshi. C'est pour cette raison qu'il est allé dans la même université qu'elle. Il espère être comme elle, un jour. Il espère lui ressembler, s'affirmer, s'assumer et vivre.