C.alme || S.ociable || M.éticuleux ❖ C'est ce qui ressort au premier abord et il ne s'agit pas seulement d'une apparence. Wu Jo est un jeune homme réfléchi, qui peut paraître un peu réservé au départ car, malgré son "tempérament invisible", il sait être mesuré et maniéré face aux personnes envers qui il doit le respect ou qu'il ne connaît simplement pas. Se méfier des étrangers n'est-elle pas l'une des premières leçons que nos parents cherchent à nous enseigner étant enfant ? Cependant, chez Wu Jo, c'est à la fois une question d'éducation et une question de prudence. Dans le sens où cela permet de ne pas se faire une opinion trop hâtive de quelqu'un, en gardant une certaine part de distance entre deux individus. Mais Wu Jo n'en est pas moins un garçon ouvert et souriant qui aime le contact avec les gens. La solitude n'est pas sa tasse de thé. Même appliqué et concentré dans la création de ses chocolats, ça ne le dérange pas une seule seconde que l'on vienne lui chercher compagnie et bavardage dans son atelier. Wu Jo est ce genre de patron à la personnalité tolérante et attentionnée envers ses employés, ce genre d'ami loyal qui aime voir ses proches à tout instant de la journée. Ça fait du bien d'être entouré de visages familiers quand on est surbookés. Pause salvatrice en perspective, olééé !

S.portif || I.ntrépide || C.ompétiteur ❖ On ne le devine pas sans le connaître un minimum mais Wu Jo est un adepte des défis et des sensations fortes qui font, selon lui, le piment de la vie. Il a besoin de sa dose de sport et d'aventure hebdomadaire. Chaque dimanche est ainsi différent car ses activités il aime les varier et, avec le surf, le vélo-cross, le roller ou la randonnée, ce qui l'exalte le plus c'est... l'urbex de groupe. On ne le soupçonnerait guère être un fan de cette pratique et, pourtant, il en fait depuis l'âge de 12 ans. Wu Jo était alors encore plus tête-brûlée qu'aujourd'hui. Sur place, la bande ne se contentait pas de faire de l'exploration, ils s'inventaient également des challenges qui pouvaient parfois se révéler dangereux. Preuves en est son corps marqué de quelques cicatrices. Le sud-coréen n'aime pas perdre mais c'est (généralement) un bon joueur tant qu'il n'a pas affaire à des affreux tricheurs. Lui-même fera preuve de malice et d'astuce pour gagner car il est de nature à aimer s'amuser ou à faire quelques petites farces pas bien méchantes pour rigoler. Ne le prenez juste pas pour le pigeon du mois. Personne n'aime être royalement roulé dans la farine et il n'est pas dépourvu de rancune tenace en son for intérieur.


Il est accro aux loukoums, il y en a même toujours un petit sachet gourmand dissimulé derrière le comptoir de son bar ❖❖❖ Wu Jo est percé des deux oreilles. Un trou au lobe droit, trois à gauche. Son style de bijouterie varie mais il aime les mini chaînes, les croix, les hélix, les griffes, tout ce qui est un peu rock'n'roll. ❖❖❖ Son premier piercing, il a voulu se le faire lui-même... sauf que le trou était trop petit et que ça lui a fait un mal fou lorsqu'il a voulu forcer la tige de sa boucle-d'oreille à rentrer. Résultat, il a attendu que ça cicatrise et a filé chez un pro' pour rattraper sa boulette. ❖❖❖ Sa première chaîne YouTube, JoJumpDay, consacrée à ses passe-temps "de l'extrême" est désormais sur la voie de l'abandon car son propriétaire a beaucoup moins de temps à accorder à ses prouesses sportives depuis l'ouverture de sa chocolaterie et n'a pas toujours le loisir de passer ses dimanches à pratiquer ses vieux hobbies. ❖❖❖ Autrefois, ses vidéos lui ont servi à réussir quelques auditions en tant que cascadeur pour des films d'action, de science-fiction et d'aventure. Honnêtement, Wu Jo ne pensait pas être pris mais, contre toute attente, ses figures ont suffisamment fait bonne impression pour lui permettre de tourner des scènes à risque. C'était cool à vivre ! ❖❖❖ Lors d'un de ces castings on lui a, en revanche, plutôt proposé un rôle mineur qui consistait à interpréter un jeune voleur d'artéfact magique qui se fait tuer peu après avoir accomplie sa mission mais le script était court et il n'est apparu que dans un seul épisode. ❖❖❖ Son parcours d'urbexeur l'a mené en des endroits abandonnés divers tels qu'une école, une prison, un orphelinat, un hôpital, un château et d'autres. Il les a tous filmés pour les poster sur sa chaîne principale de l'époque. L’intrépide n’a jamais fait de prison mais il a déjà terminé en garde-à-vue avec des potes pour s’être fait attraper par la police sur ces lieux interdits au public. ❖❖❖ Wu Jo croit au paranormal et se montre moins sceptique que la plupart des personnes étant indirectement témoins de phénomènes surnaturels. Il prétend lui-même avoir vécues quelques manifestations étranges mais, évidemment, il n'y en a pas un pour le prendre au sérieux. ❖❖❖ Wu Jo a une sainte horreur des planches Ouija. A ses yeux, ça a le don d'attirer les esprits les plus malveillants sur nos têtes. S'il a vu un peu trop de films d'épouvantes ? Hm... Qui sait ? Il est peut-être doté d'un sixième sens... ou pas. ❖❖❖ Une de ses exs l'a largué à cause de cette peur car elle possédait elle-même une de ces fameuses planches et s'amusait avec comme s'il s'agissait d'un jeu de société ordinaire. Wu Jo a beau ne pas être spécialement violent de nature, il a tout de même fini par avoir une réaction excessive en aspergeant l'objet d'eau bénite fraichement volée à l'église du coin avant de le fracasser en deux et de le jeter dans la cheminée crépitante (non sans traiter sa petite-amie de folle, en prime). ❖❖❖ Quand il était tout petit, il rêvait de devenir une geisha et aimait se tartiner le visage de poudre blanche assortie d'un kimono pour se déguiser. Les photos-dossiers qui le prouvent ? Elles sont à l’abri chez papa maman. Mais en grandissant son rêve a changé. Sa nouvelle lubie c'est de s'imaginer épouser une de ces admirables femmes, un jour. Oui, il vit dans un monde fantasque quand ça lui prend ~ ❖❖❖ La marque de mode favorite de Wu Jo est très coûteuse et il doit prendre garde à ses économies pour s'acheter des bijoux chez nul autre que la célèbre société de haute couture française : Chanel. Le chocolatier a un style vestimentaire assez varié, il peut aussi bien se montrer rocky et anticonformiste qu'élégant et discipliné. ❖❖❖ Il est arrivé qu'on l’intercepte dans la rue pour lui demander s'il était un homme... ou une femme. Une question qui a le don d'offenser ses fins traits faciaux mais on ne peut nier le côté parfois androgyne de son physique charismatique et de son regard cacaoté souligné de Khôl. ❖❖❖ C'est à l'âge de 16 ans qu'il s'est fait tatoué ce dessin à l'allure gothique en fond noir sur le pectoral droit. Il n'est pas rare que le jeune homme s'observe dans le miroir en se demandant s'il regrette son choix ou non. Ça arrive, en fait... Mais au bout du compte, c'est un style qui lui correspond et qui lui colle à la peau. ❖❖❖ Wu Jo a fait son service militaire dès sa sortie du lycée, à 18 ans. Là-bas, on le surnommait DarkCrescent en référence à son tatouage mais aussi Moon's Roar depuis le jour où son rap rugissant a marqué les esprits de ses camarades. C'est dans cette enceinte surveillée (croyez-le ou non) qu'il a expérimenté sa première véritable relation charnelle avec un homme. Mais chut, ceci est secret défense ! ❖❖❖ Vers 22 ans, Monsieur s'est fait faire un second tatouage situé sur la face intérieure de son poignet gauche. Celui-ci a, comme le premier, la particularité de mêler encre noire et encre blanche qui, cette fois, est directement aiguillée sur sa peau pâle au lieu de ressortir sur fond obscure. ❖❖❖ En ouvrant son commerce, il a eue l'idée de créer sa seconde chaîne YouTube, dédiée à son enseigne et destinée à lui faire de la publicité. Ce nouveau compte porte le même nom que son bar-chocolaterie : Unruly Flavor. Dessus, il y présente les lieux, les événements qu'il y organise avec son équipe, dévoile quelques secrets de fabrication cacaotée et +. Chez eux, on entre en disant bonjour en coréen et les clients fidèles s'appellent les Hot Chocolates ou Hot Flavors. Ces habitués clament haut et fort le fier slogan des fidélisés : I Love Hot Chocolate ! Ainsi, même ceux qui ont horreur du chocolat chaud proclament le contraire ! Malin, n'est-ce pas ?

→ Mais Unruly Flavor a également une "petite" particularité d'ordre musicale, autre raison pour laquelle Wu Jo a l'intention de participer à la nouvelle saison de Terrace House cette année. En croisant les doigts pour être sélectionné !

Wu Jo fixait pensivement les étoiles, allongé sur son lit d'herbe légèrement humide. Tout le monde dormait dans les tentes derrière lui, quelques manifestations nasales sonores s'élevaient tout juste à quelques pas d'où il se tenait. Au début, ça l'avait fait sourire avec un doux amusement et une tendre affection. A présent, il n'y faisait simplement plus attention. De ses doigts, il avait nouées trois-quatre brindilles ensemble pour s'occuper et triturait distraitement son assemblage en gardant obstinément les yeux rivés vers le ciel parsemé de nuages. Le sommeil planait dans son esprit et incitait parfois ses paupières à se fermer l'espace de deux secondes ou plus, luttant contre un chocolatier fatigué qui refusait de se reposer "si tôt". Wu Jo avait besoin de mener ses réflexions personnelles plus loin ce soir et de s'approcher, au moins, des réponses aux questions qu'il se posait depuis plusieurs dizaines de minutes avant de s'autoriser à s'endormir dans les bras régénérant de Morphée.

Sans crier gare il se mit à retracer tout le parcours qui l'avait mené jusqu'ici. Se remémorant chaque choix, chaque acte important qu'il avait fait dans sa vie.

Pourquoi était-il venu vivre au Japon ? Pourquoi avait-il décidé de s'installer à Hachioji et de quitter tout ce qu'il avait connu pour s'établir au pays des sushis au lieu de rester à Incheon, en Corée du Sud, sa ville natale, sa patrie, sa maison originelle ? Pourquoi était-il devenu chocolatier et pas... cascadeur professionnel, par-exemple ? Pourquoi s'était-il tourné dans cette direction et pas dans une autre ? Un fait était clair : il ne s'était jamais senti aussi épanoui en tant qu'homme, en tant que personne, qu'aujourd'hui. C'était sûrement la preuve que la voie qu'il s'était construite si bravement, durant toutes ces années, avait un sens et qu'elle n'était pas vaine. Ses nombreux efforts avaient portés leurs fruits.

Mais, à seulement 24 ans, il était loin d'avoir terminé de consacrer son énergie à la bataille acharnée que représentait la nécessité fondamentale d’exister, de vivre et de garder sa place dans le monde une fois qu’on l’a trouvée.


A Incheon, chaque jour, de son enfance à son adolescence, la vie c'était de se réveiller à l'alléchante odeur de chocolat qui s'élevait de la cuisine et d'entamer sa journée sous les cris des mouettes, inlassablement accompagnés de l'appel de la mer au large. Wu Jo est né avec une nature curieuse, intrépide et avait toujours été un petit garçon énergique, ce qui n'était pas de tout repos pour sa famille car il aimait énormément faire des escapades inattendues, grimper partout, faire ceci, essayer ça, aller voir là-bas. N'essayez même pas de le priver de sa liberté de mouvement, vous preniez le risque de le rendre malheureux et morose. Combien de fois s'était-il fait ramener auprès de ses parents par des inconnus qui s'étaient solidairement portés volontaires pour retrouver le petit évadé du parc ? La police aussi avait commencé à prendre l'habitude de le ramener à la maison, par la main ou par la peau du cou. Quand le petit coupable se faisait réprimander, il baissait les yeux et s'excusait poliment... pour ensuite très vite se mettre à raconter toutes ses passionnantes péripéties à son papa et à sa maman. Il avait vu des oiseaux marins faire leurs nids près des côtes au parfum de sel, observé des adultes faire du surf sur de grandes vagues hautes comme des montagnes ou du jet-ski aussi vite que des fusées lancées sur l'eau, une dame l'avait disputé parce qu'il se baladait tout seul puis lui avait montré les produits de la mer dont elle faisait le marché, il s'était fait des copains de son âge vers le Busan Aquarium et il y avait une jolie fille qui lui avait fait un bisou sur la joue, etc.. Vous pouvez le croire, il lui en est arrivé des aventures !

C'était rythmé à la maison. Il ne se passait pas une semaine, voire un jour, où la fratrie de trois garnements ne se chamaillait pas bruyamment. C'était lourd d'avoir une grande-soeur. Ça l'était aussi d'avoir un petit-frère. Et le trio infernal avait pour habitude de se disputer pour savoir lequel assisterait maman à sa chocolaterie le week-end suivant. Généralement, c'était chacun son tour mais attendre trois semaines complètes avant d'avoir le droit de remettre les doigts dans le cacao fondant et sucré... c'était super dur ! Un jour, mini Wu Jo a sorti qu'il n'était pas Sainte Patience, ça a fait éclater de rire tout le monde. Il faut dire que c'était magique de passer du temps à la boutique. Il y avait plein de délicieuses sucreries partout derrière les vitrines et sur les étagères. Les clients n'étaient pas que coréens, il y avait aussi des japonais, des américains, même des français et des italiens parfois ! Jo se faisait un devoir d'honneur d'occuper les enfants qui s'ennuyaient pendant les emplettes des adultes et les clientes fondaient devant son joli minois avenant. Mais le meilleur c'était dans l'atelier lui-même que ça se passait. Là où toutes les sucreries étaient créées, fondues, pétries, moulées, gravées. C'était là que maman mettait sa magie en œuvre. Wu Jo était fier d'être dans les coulisses et de connaître tous les secrets de fabrication du chocolat. Il y avait les méthodes simples où il pouvait mettre la main à la pâte et... les méthodes très difficiles qui demandaient un certain savoir et une certaine dextérité. Le petit chocolatier en herbe était alors obligé de laisser faire les grandes personnes. Pff, comme d'habitude, c'est toujours elles qui font le plus intéressant !

Le garçon de 10 ans avait deux rêves très différents : devenir chocolatier et cascadeur professionnel. Il voulait pratiquer ces deux métiers en même temps mais, en grandissant, se rendra compte que c'était impossible. Ce qui le mènera à devoir en abandonner un, le plus risqué, celui qui donnait des sueurs froides à ses parents, à ses grands-parents et au reste de la famille Kho. Le jeune Wu Jo était un sportif dans l'âme et tout son entourage le savait à l'époque, même ceux qui ne le côtoyaient pas. Un jour il déambulait dans les rues avec des rollers aux pieds, le lendemain il avait une planche de surf sous le bras et deux jours après c'était son vélo-cross qu'il sortait en balade. Tous les soirs, il faisait son jogging nocturne, parfois même quand il avait la crève parce que c'était un enfer pour quelqu'un de son tempérament de rester des jours alité à se tourner les pouces sous la couette en fixant le plafond immuable de sa chambre à coucher. JoJumpDay, sa première chaîne YouTube, est née plusieurs années plus tard durant son adolescence mais ses parents avaient déjà commencé à filmer ses exploits avant ça. Elle répertorie donc également de nombreuses vidéos de son enfance, toutes portant sur le même sujet : l'extrême. Parapente avec papa, épique montagne russe avec grande-soeur, figures acrobatiques dans le skatepark avec les copains, assaut des vagues sur la plage d'Incheon, de Busan ou d'Adélaïde en Australie, accrobranches de la peur avec maman qui en a perdus ses chocolats en route, virages et rebonds féroces sur vélo-cross, saut à l'élastique vertigineux, etc... Avec toutes ces expériences, il pouvait bien les réussir ses castings de cascadeur !

Sinon, qu'est-ce que vous pensez des lieux anciens ? Avoir l'impression de marcher directement dans le passé, ça ne vous a jamais donné le frisson ? Wu Jo, lui, a toujours été attiré par ce genre d'endroit car il y a souvent une atmosphère plus ou moins mystique qui s'en dégage et ça lui donne l'impression de se rapprocher d'un univers à l'existence dissimulée. Tout ce qui est sur terre depuis longtemps, ce qui a un certain âge, a une histoire... et une âme. Là se situent ses croyances et ses pensées. Wu Jo ne parle pas de ses croyances mystiques sans qu'on ne lui pose la question. Lorsque le sujet est abordé, il aime faire des allusions, donner le doute aux sceptiques parce que c'est amusant de les voir prendre un air troublé et confus l'espace d'un instant avant que leur esprit cartésien ne reprenne le dessus. Personne ne se doute vraiment qu'il les arbore pour ces raisons mais, parfois, les pierres ou les symboles qu'il porte en bijou sont censées avoir des propriétés magiques. Il en met en particulier quand il entre dans sa peau d'urbexeur et s'aventure de nuit dans des lieux abandonnés, délabrés, réputés (ou ignorés) pour être soit-disant hantés. Et il lui est arrivé d'avoir l'impression de percevoir des choses. Ressentir des sensations étranges, entendre des sons inhumains ou entrevoir des silhouettes pâles dans le noir. C'est ce qui lui donne envie de savoir si il se fait de idées ou si c'est réel. Pourquoi les esprits, les fantômes, les entités démoniaques ou même bienveillantes ne pourraient-elles pas être parmi nous, après-tout ? Pour percevoir, il faut s'ouvrir, se sensibiliser... ne pas réfléchir mais simplement croire !

La maturité venant avec l'âge, Wu Jo commença à calmer ses ardeurs pour se consacrer plus sérieusement à ses études et à son avenir. Ainsi ses hobbies de l'extrême passèrent progressivement à la trappe et la confection de chocolats devint sa priorité numéro 1. Dès son retour de service militaire, sans doute était-ce cette phase inévitable de la vie en Corée du Sud qui lui avait ré-agencée l'horloge et l'avait rendu plus responsable, l'apprenti confiseur pris une décision cruciale en décidant de lever les voiles pour parfaire ses études mais aussi sa maîtrise de la langue maternelle vers une destination lointaine, située hors de son continent natal, par-delà l'océan : au Japon, pays du soleil levant. Chaque fois qu'il mettait les pieds là-bas, il était émerveillé par la culture, les bâtiments d'époques, les traditions ancestrales, etc... C'était de là que venait sa mère. Là qu'elle était née, avait grandi, c'était ce pays-ci qui l'avait forgée et c'était ce dernier qui allait l'accueillir, lui, les prochaines années de sa vie. Un sacré changement pour un jeune homme de 20 ans ! Pour autant, il ne se sentait pas énormément déboussolé car chaque année, lors des vacances scolaires, les Kho avaient fait "escale" par Kyôto où vivaient les grands-parents maternels. Le Japon ne lui était pas inconnu, c'était une seconde maison où il avait juste moins mis les pieds, un autre havre qu'il avait l'intention de connaître plus en profondeur, un univers dont il allait s'imprégner l'essence au point qu'elle s’insufflerait en lui comme une encre indélébile... Pour se faire, il n'avait rien de moins décidé que de s'y établir pour les décennies à venir !

Unruly Flavor est le résultat de longues années de réflexions et l'assemblage de maints projets communs en un seul. Pour ouvrir ce commerce avec deux ans d'avance sur son programme scolaire, Wu Jo a dû s'associer à des amis chocolatiers mais aussi cuisiniers qui, eux, avaient été jusqu'au bout de leur formation contrairement à Jo l'empressé. Toutefois, lui, il était parti avec quelques longueurs d'avance puisque sa mère était du métier et qu'il baignait dedans depuis son enfance. En sommes, il considérait que ses deux années restantes lui étaient déjà acquises et leur chiffre d'affaire positif semble en fournir des preuves. Unruly Flavor n'est pas seulement une chocolaterie-confiserie où l'on vend des chocolats de toutes sortes, ce n'est pas seulement un bar-restaurant où l'on prend son repas en étant sûr d'avoir une note chocolaté quelque part dans son assiette, c'est également un lieu où se produisent des artistes méconnus de la musique. L'un des buts d'Unruly Flavor est de faire la promotion de ces musiciens, chanteurs, rappeurs, etc... qui font leurs premiers pas dans le monde de la scène ou qui ont du mal à percer. Ceux qui ne trouvent pas d'agence pour les produire ou qui désirent rester indépendants. Voilà à qui ils veulent tendre la main. Il existe des individus aux talents insoupçonnés qui demeurent dans l'ombre. N'est-ce pas une perte pour la société qu'ils se fassent injustement écraser par la concurrence ? Par l'effet de mode ou de sur-popularité ? Unruly Flavor n'a qu'un an. Ce commerce n'est encore que naissant. Mais il a son petit succès caractéristique dans le quartier de Roppongi. Il faut s'accrocher pour s'épanouir, s’élever, se métamorphoser !


Plic. Ploc. Une petite bruine le réveilla lentement. Mince... Ses réflexions existentielles avaient eu l'effet d'un somnifère, apparemment. La conscience dans les vapes, il se redressa avec la demi sensation d'être hors de son corps, vaguement conscient de la pluie fine qui lui piquetait le visage et se passa une main sur les yeux en espérant rendre sa vision un peu plus nette. Unruly Flavor... Rien dans ce nom ne laissait entendre le lien de l'enseigne avec le chocolat ou la musique mais c'était volontaire. Un stratagème pour inciter les curieux à creuser, chercher, venir directement sur place pour satisfaire leur intérêt émoustillé par le secret sensoriel qui entoure l’appellation. Demain, le lundi, aucune performance musicale professionnelle n'était prévue au programme, ni même pour les deux jours qui suivraient. Alors, à 20h tapante, ce serait Wu Jo et d'autres amis amateurs de chant, de guitare et de danse qui animeraient la soirée. Lui, son truc, c'était le rap. Il n'a jamais pris de cours, c'était juste un passe-temps comme un autre, rappant à son envie, peu importe où et quand. Bien sûr, il n'atteignait pas le niveau des vrais rappeurs, ceux qui en faisaient leur raison de vivre mais son style était assez dynamique et rythmique pour divertir un public occasionnel. Accompagné d'autres artistes amateurs, le son résultait bien et tout le monde s'amusait. C'était le principal. D'ailleurs, il avait invités ses correspondants japonais de l'université de Chuo à passer profiter de la fête s'ils en étaient tentés et espérait bien que quelques-uns seraient volontiers au rendez-vous.

S'étirant à la manière d'un chat, il entreprit de se hâter de retourner dans la tente qu'il partageait avec un autre urbexeur avant d'avoir la malchance de prendre bêtement froid et de ruiner son opportunité d'animer Unruly le lendemain. Mais un frisson soudain lui parcourut la longueur de l'échine et Wu Jo s'arrêta net devant l'entrée de la toile en scrutant l'obscurité autour de lui... Il ne saurait dire si, cette fois-là, c'était la fatigue qui lui avait projetée une illusion d'optique ou s'il avait réellement vu cette silhouette blanche apparaître à plusieurs mètres de là. Toujours est-il qu'en quelques fractions de secondes, elle s'était déjà volatilisée... Le chocolatier ne bougea pas. Resta immobile pendant plus d'une minute à essayer de percevoir si cette forêt était réellement hantée... mais abandonna rapidement pour filer à l'abri des eaux. « Wu Jo ?... C'est toi ? Qu'est-ce que tu faisais dehors ?... » L'interpellé secoua légèrement ses cheveux, vérifia qu'il n'était pas trop mouillé et se glissa dans son sac de couchage. « Rien, je faisais fuir le type avec une hache qui essayait de nous décapiter pendant notre sommeil. » Il y eu un instant de flottement... avant qu'il ne se reçoive un sweat-shirt roulé en boule dans la figure. « Espèce de débile ! Pendant deux secondes, je t'ai presque cru... me fais pas des frayeurs comme ça ! » « Ahahah !! T'aurais dû voir ta tête, mec ! Tout ton sang était parti de ton visage, un vrai drap de lit ! » Le fameux débile se mit à rire et ferma les yeux en souhaitant une bonne nuit un peu sadique à son partenaire de couchage... qui reprit la parole quelques minutes plus tard. « Eh, Jo ?... » « Hmm... ? » « Tu sais que Terrace House se déroulera à Tokyo, cette année ? »  « Je suis au courant, oui... »  « Tu disais que si l'opportunité se présentait, tu aimerais bien t'y inscrire pour aider Unruly Flavor à se faire connaître... Tu comptes franchir le pas, alors ? » « ... J'y réfléchis. Ce serait une super opportunité mais, en même temps, si je suis sélectionné je vais montrer mon quotidien à des milliers de personnes. C'est assez stressant... Mais je pense que je vais envoyer ma candidature, ouais, on verra bien ce que ça donne. » Il se pinçait nerveusement les lèvres en prononçant ces mots d'un air qu'il voulait détaché et dédramatisant mais, en réalité, il accordait plus d'importance à sa potentielle intégration dans l'émission qu'il ne s'en donnait l'air. « Je ne serai pas le seul à postuler, en fait. On en a discuté plusieurs fois entre nous. Pour augmenter les chances de faire parler de notre enseigne, on va être deux-trois à envoyer nos profils à Terrace House. On ne s'est pas encore tous décidés, en vrai, mais... dans tous les cas, on croise les doigts. » « Okay... Je souhaite sincèrement que l'un de vous soit pris, en tout cas. Unruly Flavor mérite d'être  mieux connu, c'est franchement cool chez vous. » « Merci, mon pote, ça me touche ce que tu me dis... » « Ça vient du coeur, héhé ! Tiens, pourquoi tu porterais pas une de tes pierres magiques là, pour te porter chance ? » Wu Jo ouvrit de grands yeux. « … Attends mais t’as raison ! Pourquoi j'y ai pas pensé plus tôt ?... » L'autre éclata de rire.  « Sérieusement, si ça marche, je ne sais pas si je vais me taper le fou rire du siècle ou définitivement me dire que tu sors d'une autre planète ! Et je t’appellerai "le sorcier" jusqu'à la fin de ta vie ! » « Au pire, t'auras qu'à simplement te dire que c'était juste un bon gros coup de bol, rien de plus ! Si ça peut te rassurer et te faire dormir sur tes deux oreilles. » Et ils partirent en un long fou rire avant de s'endormir comme des souches. Même la petite bourrasque qui s'éleva peu après 4h du matin ne leur fit pas soulever les paupières d'un millimètre.