Gabriel est un homme calme et patient. Ici, au Japon, on associe souvent son statut d’Américain avec beaucoup de bruit inutile. On s’attend à ce qu’il prenne de la place, à ce qu’il soit expansif et parfois même peu respectueux. Mais ce n’est pas le cas. Au contraire, il se fait toujours un point d’honneur à respecter son prochain et à essayer d’être le plus ouvert d’esprit possible, même si parfois il n’y arrive tout simplement pas parce que ses valeurs sont trop heurtées par la situation. D’ailleurs, il tient très fort à ces valeurs. Il a pris conscience de ce fait lorsqu’il a eu son premier enfant, un petit garçon prénommé Mathias. Ça venait de pair avec l’envie de lui offrir une bonne éducation et d’être un bon père. Il ne fait pas beaucoup de bruit et, du haut de son mètre soixante-treize, on l’oublie souvent dans un coin. De toute façon, Gabriel n’aime pas être le centre de l’attention. Ça le rend mal à l’aise.

C’est néanmoins un plutôt bon orateur lorsqu’il parle de quelque chose qu’il maîtrise. Les premières classes d’une année ne seront pas les meilleures. Il sera très nerveux, ses mains trembleront et sa voix en fera de même de façon perceptible. Mais, il prend de la confiance au fil des cours et devient toujours un bon professeur que les élèves aiment habituellement non seulement parce qu’il est de toute évidence passionné, mais aussi parce qu’il est certes strict, mais juste. Il ne perd jamais le contrôle d’une classe. Sûrement parce qu’il a l’habitude d’être père ! Mais aussi parce qu’à l’Université en général, les étudiants sont moins difficiles… Il n’en reste pas moins qu’il croit être un relativement bon professeur. Peut-être moyen à la limite. C’est que Gabriel a un peu de mal à voir sa véritable valeur. Il n’en fait jamais une obsession, mais si on lui demande quelque chose à son sujet, il sera toujours modeste malgré tout.

C’est un homme très protecteur, même si à première vue on n’en croirait pas autant. Il sera porté à protéger ceux qu’il aime, mais aussi ceux qui semblent, à ses yeux, en avoir besoin. L’injustice le fait bondir hors de lui, de toute façon ! Parfois il se plante et couve un peu trop une personne qui n’en veut pas ou n’en a pas besoin. Et même s’il s’en sent toujours un peu mal, il ne peut pas s’empêcher d’avoir envie de continuer…! Ironique quand on sait qu’il sera assez passif envers les injustices qui lui arrivent personnellement, à moins que ce soit vraiment poussé très, très loin.

C’est un papa aimant qui passe beaucoup de temps avec ses enfants. Autant que possible, disons. Étant père monoparental, c’est difficile parfois de trouver le temps, mais il réussit toujours à le faire. Il a beaucoup de tendresse pour ses petits et n’hausse le ton que quand c’est absolument nécessaire. Mais habituellement, il expliquera plutôt gravement la situation à ses enfants, plutôt que de crier. Il refuse de croire comme trop d’adultes que les enfants sont trop stupides pour comprendre quand on leur explique. Il les élève de façon assez libérale, sans les forcer à un rôle de genre, ce qui choque parfois au Japon, mais beaucoup moins aux États-Unis depuis quelques années. Donc oui, Mathias, 6 ans, a quelques poupées parce qu’il les trouve trop belles et aime leur coiffer les cheveux, tout comme Cassandra, 2 ans et demi, ne porte pas que du rose et des froufrous !

C’est un homme qui se résigne facilement dans la vie. Il pense que quand on se bat contre des moulins à vent, on oublie de regarder à l’essentiel et on perd beaucoup d’énergie pour rien. C’est une des raisons pour lesquelles il est non seulement divorcé, mais a aussi la garde exclusive de ses enfants. Il n’en regrette rien. D’ailleurs, malgré son caractère doux et peut-être souvent assez passif, il y a peu de choses que Gabriel regrette. Il a appris à faire ses choix soigneusement et à les assumer. Oh et il est peut-être bon d'ajouter qu'il sait cuisiner. Qui n'aime pas un homme qui cuisine ?? Ok, ok... Il est célibataire, il sait. Ça ne doit pas fonctionner si bien que ça...!

Gabriel vient d’une famille on ne peut plus multiculturelle, ce qui a parfois posé des problèmes, mais est généralement très intéressant. Disons qu’on s’ennuie rarement quand maman est purement Japonaise et que papa est un précaire équilibre entre les États-Unis et la Corée du Sud ! Il ne porte que son prénom américain : Gabriel. Une inspiration biblique plus francophone qu’autre chose, mais qu’il aime bien porter, même si ça donne quelques maux de tête aux Japonais. D’ailleurs, déjà tout petit, il allait souvent au Japon et beaucoup moins en Corée puisque son père est déjà, comme lui, né en sol Américains. Ce qui n’est toutefois pas le cas de sa petite maman, raison pour laquelle il est plus lié au pays du soleil levant qu’à celui du matin calme. Il parle toutefois les deux langues couramment, un souhait que ses parents avaient pour lui. Il aurait dû avoir de forces lacunes en Coréen, mais ses parents étant très religieux, ils avaient intégré une église catholique principalement composée de Coréens à Chicago. Alors il a eu de quoi se pratiquer.

Il a lui-même conservé sa religion, même s’il n’est pas un fervent et qu’il est capable se faire ses propres idées au-delà de ce que les hommes d’église pas toujours très nets « suggèrent ». De fait, lorsqu’à l’adolescence il découvre sa bisexualité, Gabriel ne s’en veut pas outre mesure. De toute façon, il l’explorera peu puisqu’il rencontre celle qui deviendra sa femme très tôt. Probablement trop. D’ailleurs, ils se marient et emménagent ensemble à 19 ans, alors qu’il est encore en train d’étudier la photographie à l’université et qu’elle en fait de même en école professionnelle pour devenir esthéticienne. Leur couple n’est pas idyllique. Elle a un fort caractère et si ça aurait pu être équilibré entre eux pour le coup, elle préférait plutôt lui reprocher souvent ce qu’elle considérait comme de l’apathie. Gabriel n’a jamais été d’accord avec cette appellation de son caractère !

Ils ont 25 ans quand ils ont leur premier enfant. Un bébé-surprise pas vraiment désiré, à dire vrai, mais Gabriel insiste pour qu’ils le gardent. D’ailleurs, être papa le comble rapidement de bonheur alors que sa femme, pour sa part, commence de plus en plus à rêvasser en regardant par la fenêtre. Elle fait une petite dépression après l’accouchement et ne semble jamais beaucoup s’attacher au petit. Vers sa 3e année, les choses débloquent un peu et Gabriel est soulagé. C’est à ce moment qu’il se sent assez confiant en sa femme pour reprendre des études et ajouter une corde à son arc : il va chercher une licence en pédagogie pour devenir enseignant. Ce sera plus facile que les contrats de photographie très irréguliers et parfois payés à coup de lance-pierre. À ce stade, sa femme fait bien plus d’argent que lui et il est vrai que parfois, il en est complexé.

C’est encore un accident quand elle retombe enceinte. Un oubli de pilule, un préservatif qui craque… Cette fois, c’est la crise. C’est ce qui scellera pour de bon le destin entre la relation de Mathias et de sa mère, d’ailleurs. Elle se désintéresse à nouveau de lui. Ils ne parlent même pas de ce qu’ils doivent faire entre garder le nouveau à venir ou opter pour l’avortement. À cette époque, Gabriel est juste triste… Il la laisse un peu aller, suppose qu’elle fera le mieux pour elle-même. C’est probablement une erreur et ils auraient dû en parler. Au 7e mois, elle vient lui expliquer très sérieusement qu’elle lui donne ce second enfant, puis qu’elle part. Le choc est grand. Gabriel n’avait pas réalisé que c’était grave à ce point et il se sent ridicule et inconscient. Mais elle avait toujours été une femme de parole… Alors elle demande le divorce et fait ses bagages. Lui, par contre, dans le but de se protéger et de protéger ses enfants, lui demande de signer des papiers pour renoncer à sa maternité. Un geste un peu extrême qu’il n’arrive pas à regretter. Il sent que dans les prochaines années, il va pouvoir se féliciter de ce choix…

Gabriel ne va pas très bien après ça. Au pays, une vieille tante décède et sa mère hérite de la maison traditionnelle à Seiseki. Elle propose à Gabriel de prendre les clés et de changer d’air. Il hésite longuement. C’est un gros changement pour Mathias. À ce moment, Cassandra n’a qu’un an et demi. Mais son fils est déjà bien Américain… Pourtant, il décide que c’est le mieux à faire. Que lui aussi a besoin de changer d’air. Qu’au pire ce sera seulement pour quelques temps. Mais finalement, tout le monde semble bien s’adapter au Japon depuis un an et demi et son emploi à Chuo plaît beaucoup à Gabriel. Alors peut-être que le Japon est une bonne option pour changer de vie et retrouver un peu d’équilibre.

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