Avoir un boulot n'était pas une nécessité pour Hotaru, après tout, il avait décroché une bourse en se donnant à fond quand il le fallait. Une bourse qu'il a toujours peur de voir disparaître si jamais ses efforts se relâche. Tous les jours, la petite luciole tente de s'améliorer, de faire mieux que les fois précédentes. Il n'est pas si bête, il sait qu'il peut y arriver. ça, c'est quand il ne doute pas de lui et quand il veut réussir, car certains jours ne sont pas si lumineux, si motivant. Surtout à l'arrivée des notes! Généralement, c'est la période où il déchante le plus, où il angoisse comme un malade alors que malgré lui, il reste dans la moyenne. Hotaru déteste parfois cette façon d'être systématique au milieu, entre le médiocre et l'acceptable. Jamais dans sa vie il n'est parvenu à décrocher un parfait, un très bien. Comme sa bourse, il craint de perdre son année si jamais il ne parvient pas à passer le cap de l'éternel secondaire. Rarement vers le bas, jamais vers le haut, toujours au centre.

Pour en revenir à cette histoire de mi-temps, Hotaru cherche surtout pour s'occuper et pour avoir un peu plus d'argent que celui refilé occasionnellement par ses parents. Ils ne sont pas riche, à peine modestes, mais ils parviennent à partager avec leur fiston qui donne tout ce qu'il a pour ses études. S'il n'était pas aussi moyen, il serait si heureux d'avoir les encouragements de ses parents. Quoique, ça ne l'empêche pas de recevoir une bonne dose de bonheur dès qu'il entend leurs voix ou dès qu'il va les voir. Hotaru est et restera le fils de son papa et de sa maman. Enfin bref! Pour la seconde fois, nous en revenons au point important de cette journée. Hotaru a trouvé un boulot! Une place dans un konbini qu'il fréquente régulièrement, pour s'acheter à manger, mais aussi pour rendre visite à son ami. Jusque-là, il n'a rien dit sur son embauche, pour garder l'effet de surprise. Parce qu'il adore ça, les surprises! Surtout quand c'est lui qui en est à l'origine.

L'enseigne sous les yeux, le bleuté s'approche des portes automatiques et entre dans le petit commerce, saluant respectueusement les employés et la clientèle. Son sourire en dit long sur sa joie d'avoir enfin un travail, même si ça consiste à ranger les rayons ou à faire la caisse. Il pourrait ramasser les poubelles ou distribuer le journal tous les matins, que son niveau de bonheur serait identique. En s'avançant un peu, il parvient à distinguer Hoshi et n'hésite pas une seconde à lui sauter sur le dos.

« ▬ Hoooooshi ! Comment vas-tu?! »

Sa voix porte un peu, tandis qu'il crie à l'oreille du jeune homme en lâchant un rire amusé. Quand il le lâche enfin, c'est pour faire une révérence digne d'un film historique.

« ▬ Je me présente, je suis Shima Hotaru et je viens pour le poste libre. »

Qu'il dit à son aîné, pouffant de rire une seconde fois. Il ne devait sûrement pas s'attendre à voir la petite tête de groseille débarque et prendre le poste à promouvoir! Bah, Surprise! Hotaru est au rendez-vous, prêt à commencer sa première journée -ou soirée- de travail en compagnie de son ami.

Un paquet de chips en mains, son regard ne quittait pas la vieille dame face à lui. Elle semblait avoir des tas de choses à dire. Elle avait toujours des tas de choses à dire. Le coin de ses lèvres haussait, il remit discrètement le paquet à sa place, l'écoutant toujours d'une oreille attentive, hochant la tête ici et là, souriant un peu plus parfois. Quand elle venait, elle semblait prise d'une inspiration soudaine. Peu importait ce qu'elle avait en mains, elle trouvait une petite anecdote. Et l'anecdote s'élargissait en grande anecdote qui finissait par devenir un récit détaillé d'un bout de sa vie. C'était mignon, dans un sens. Elle partageait son histoire avec lui alors qu'ils ne se connaissaient pas vraiment. Il était juste la caissier dans ce konbini. Elle y passait régulièrement cela dit. Elle avait toujours le sourire, elle était toujours de bonne humeur. Elle bavardait tout le temps. Il avait déjà remarqué que, parfois, elle faisait exprès le tour une deuxième fois pour laisser la file à la caisse avancer. Juste pour être la dernière. Juste pour pouvoir parler. Il n'avait jamais rien contre. Elle était attendrissante, et drôle, cette vieille dame. Il supposait qu'elle cherchait un peu de compagnie. De ce qu'il avait compris, elle n'avait pas énormément de visites de sa famille. Alors s'il pouvait lui offrir un petit peu de joie le temps d'un récit... il n'allait pas lui dire non.

Et en l'écoutant, en la regardant, en lui souriant, il se demandait comment il allait être, à cet âge-là. Serait-il identique ? Serait-il bavard, toujours en train de raconter une anecdote ici ou là. Chercherait-il la compagnie ? D'une manière ou d'une autre. Comme elle, avec le caissier d'un konbini ou au contraire préférerait-il être seul ? Il avait un côté asocial, Hoshi, et il supposait que cela n'allait pas s'améliorer avec le temps. Ou peut-être que si. Peut-être qu'en vieillissant il verrait les choses autrement. Ou peut-être pas. Il se demandait, aussi, s'il allait avoir une vie aussi palpitante que la sienne. Des anecdotes farfelues, drôles ou même tristes plein les manches. Verrait-il un peu plus ses parents d'ici là ? Il ne se faisait pas d'illusions.

Accompagnant la femme jusqu'à la caisse, il laissa son autre collègue s'en charger et jeta un regard sur l'heure. Un nouveau allait arriver et... il n'en savait pas plus. C'était tout ce qu'on lui avait dit. Il n'eut pas le temps d'y penser un peu plus qu'un poids se fit sentir sur son dos, un léger son surpris lui échappant alors qu'il essayait de ne pas se vautrer majestueusement. Un rire ronronna faiblement dans sa gorge et il tourna le visage pour voir Hotaru. « Ca va bien et toi ? », il se redressa et observa son ami, un sourire satisfait aux lèvres.
Sourire qui se transforma en une petite moue perplexe. « Le poste libre ? », il cligna des paupières, penaud. « C'est toi le nouveau ? », il désigna de l'index, la mine de plus en plus paumée. « Genre... pour travailler ici ? », non non dans le café pas loin... Un petit « Oh » quitta ses lèvres. Il venait de réaliser. « On va travailler ensemble ? », le coin de ses lèvres se leva de plus en plus. « C'est génial », qu'il ajouta, tapant doucement dans ses mains avant de les poser sur les épaules de son vis-à-vis. « Ca va être dément. Je vais te chercher un petit tablier, comme le mien. Il ira bien avec tes cheveux en plus »

C'est son premier vrai boulot, avant celui-ci il n'a jamais cherché à se dégoter quoi que ce soit, parce qu'il n'en avait pas besoin. Ses parents lui payent ce qu'il veut, quand il le veut. Ils ne sont pas dans le besoin, ni radin avec leur fils. étant l'enfant unique de la famille depuis la perte de son petit frère, il est même le plus gâté des mômes dans cette ville. Pourtant il n'en profite pas énormément, il n'est pas très capricieux non plus. Du moins, beaucoup moins qu'en étant petit et inconscient de la valeur de l'argent. Aujourd'hui et à son âge, il sait ce que cela représente dans une vie, pour les gens, alors il fait moins le malin. S'il se cherche un travail à mi-temps, c'est plus par envie que nécessité. Pour passer le temps, pour se faire de l'expérience, pour voir autre chose que l'école. Cette annonce tombait à pique! Il ne pouvait pas rêver mieux qu'être dans le même konbini que son ami, Hoshi. Bien que ce dernier ne sache pas encore l'identité du nouvel employé, identité qu'il tenait à garder secrète jusqu'à ce jour. Maintenant qu'il est là, il a hâte de le voir et de lui faire la surprise. Quand il arrive sur place, le bleuté cherche aussitôt le brun sur qui il se jette, tandis qu'il a le dos tourné. Hoshi manque de se vautrer sous le poids de l'adolescent surexcité, avant de le regarder et constater à quel point il est heureux.

« ▬ ça va toujours! »

L'enthousiasme d'être là, mais surtout de se présenter à lui comme son nouveau collègue de travail. Son changement d'expression le fait jubiler, gardant son grand sourire amusé pendant que l'autre analyse ses paroles. Quand il pige enfin le sens caché de sa déclaration, Hotaru s'incline dans une petite courbette comme pour faire croire qu'il est à son service.

« ▬ Oui, c'est bien moi ! Shima Hotaru, à votre écoute! »

Un rire lui échappe, à présent redressé et incapable de tenir sur ses deux pieds, immobile. Il danse à moitié, piétinant sur place comme s'il voulait se rendre aux toilettes. Son « oh » lui fit faire un petit ascenseur émotionnel. Est-il déçu? Peut-être qu'il souhaitait quelqu'un d'autre? C'est seulement quand il dit que c'est génial, que le cadet reprend son expression euphorique. Hotaru s'est contenté d'un hochement de tête pour répondre à sa question, mais il n'avait pas besoin de plus pour se faire comprendre. Dément? à qui le dit-il! à son commentaire, le garçon tire une mèche de ses cheveux en faisant une moue. Un tablier bleu? C'est une couleur qu'il affectionne dernièrement.

« ▬ Je t'attends là? »

Qu'il demande, incertain. Ce serait mieux pour lui de le suivre et ainsi de savoir où poser ses affaires. Hotaru n'envisage pas de garder ses poches pleines, ni d'avoir son portable sur lui pendant ses heures de service. l'appareil est déjà sur silencieux, par précaution.