♡ Comme un éclat de colère, une lueur de fureur. Morgan c’est une rancœur envers la vie, envers son père, une haine féroce, submergé par des accès de rage. Un père absent, à la recherche de la perfection. Une pression incessante de prendre la relève, de toujours être à la hauteur. Morgan c’est une force de la nature dévorée par les souvenirs et l’absence d’amour, d’affection. Elevée par les nourrices, par une mère trop fragile. Morgan c’est un caractère forgé par une enfance dévastée. Une envie de vivre intarissable. Un entêtement agaçant, une obstination sans limite. Morgan c’est foncer dans un mur à pleine vitesse et sans ceinture. C’est assumer ses erreurs peu importe ce qu’elles coûtent, même l’amour de ses parents. C’est quitter la maison pour vivre dans un pays étranger. Un besoin de liberté inexplicable. C’est un air dur qui dissimule la crainte d’être abandonné, la peur d’être différent. Morgan c’est de la tendresse bien masquée et un rire reconnaissable parmi des milliers. C’est une douceur ébranlée par de vieux complexes jamais réellement enterrés. Morgan c’est un secret, une attirance pour les hommes non assumée. Une attirance dévastatrice pour son cœur déjà abimé. C’est une loyauté inébranlable, un ami fidèle, quelqu’un sur qui l’on peut compter, quelqu’un qui donne sans rien attendre en retour. Morgan c’est un côté pile et un côté face Délicat, attachant, brusque et maladroit. Juste un gamin en mal d’amour.

Il avait ça en lui, cette façon de rester calme dans la tourmente, d’être maître de toutes ces choses qui rendaient les autres à moitié fous. Il était d’un sérieux passionné. D’un calme électrique. Les prémices d’une tempête.

 « Je te faisais confiance Shane… »

« C’est 150 000 bébé, ou je diffuse la vidéo. »

Il avait été stupide Morgan, de croire que ce qu’ils partageaient était de l’amour. Il était tombé dans le piège, sous l’emprise totale de ce garçon qui l’avait abordé dans un bar quelques mois plus tôt. Il se souvenait de son regard brillant, de son parfum, de cette façon qu’il avait eu de le frôler, sans jamais réellement le toucher pour éveiller son désir, sa curiosité. Lui si fermé en ce qui concernait sa sexualité, il avait foncé. Oui, il avait eu l’audace de croire que cette relation pourrait rester dissimulée. Que leur rendez-vous dans cette chambre d’hôtel était leur petit secret. Puis, il était tombé amoureux.

Fils de sénateur, il ne pouvait pas se permettre qu’une vidéo de leurs ébats soit diffusée. Elle ferait le tour du web et sûrement même des chaines d’information. Et son père ne lui pardonnerait jamais. Lui l’enfant adopté qui lui servait d’étendard, il n’avait pas le droit à l’erreur. Jamais. Et il venait de commettre la pire de sa vie. Il avait du demander de l’argent, il avait du avouer pourquoi. Oh que oui, il l’avait lu dans son regard, ce dégoût. Celui qu’il redoutait tant. Celui qui le poussait à se montrer aux bras de filles de son âge pour faire joli. Pour ne pas éveiller les soupçons. Il avait payé. Pour gagner les élections, et il avait expédié son fils à l’autre bout du monde.

« Mais tu parles même pas japonais Morgan ! »

« Ça sera l’occasion d’apprendre. »

Il s’était résigné à quitter ses amis, ses habitudes, son université. Tant qu’il restait loin de son père et de ses remarques homophobes, il irait bien. Il irait mieux. Un échange universitaire, une belle couverture pour se débarrasser de lui. Est-ce qu’il allait adopter un autre gosse pour gagner des voix ? Et sa mère qu’est-ce qu’elle pouvait y faire ? Si souvent bourrée de cachets, elle avait à peine la force de se lever pour diner. Sa famille était défaillante. Il avait besoin d’espace, de liberté. Loin des obligations imposées par son père.

 « Je m’appelle Morgan, j’ai 21 ans et je viens de Los Angeles »

Voilà ce qu’il avait appris à dire en japonais lors des premiers cours. D’abord discret, presque timide, il avait eu du mal à se faire à cette nouvelle vie, à une culture si différente de la sienne. En revanche, il avait retenu la leçon, il ne pouvait pas se permettre d’exposer ses préférences. Parce que ce pays, il était encore plus fermé que le sien, et il avait déjà assez souffert du rejet et de l’abandon. Du temps. Voilà ce dont il avait besoin. Du temps pour cicatriser. Du temps pour apprendre à faire confiance à nouveau. Du temps pour s’accepter au sein de cette résidence qui lui donnait un peu d'espoir. Son père avait refusé de lui payer un appartement. Alors il se retrouvait au milieu des autres élèves. Ce qui en soit, lui avait permis de ne pas trop souffrir de la solitude.