Remi s’ennuie plus ou moins comme un rat mort derrière son bureau à la bibliothèque universitaire. Faire acte de présence à l’accueil ne la gène d’habitude pas, pas quand elle sait que cela lui rapporte un peu d’argent pour vraiment pas d’effort, mais aujourd’hui c’est différent : elle est fatiguée de quelques nuits blanches passée à travailler puis étudier (un pic d’angoisse qui la pousse à s’occuper constamment pour ne pas se laisser le temps de penser à l’état actuel de sa vie).
Elle s’endormirait presque sur son fauteuil, son cerveau trop épuisé pour penser à quoique ce soit alors qu’elle fait défiler sa
timeline twitter sans même lire quoique ce soit, déplorant l’interdiction stricte de boire dans la bibliothèque : un double expresso ne serait pas de refus, là tout de suite.
Un étudiant s’approche du bureau et Remi, et la brune s’empresse de cacher son téléphone derrière une pile de paperasse à l’intention d’un.e quelconque professeur dont elle ne reconnait pas le nom. Elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille et sourit poliment, priant pour quelque chose à faire : « Besoin d’aide, peut-être ? »
L’étudiant lui dépose une pile de livres qu’il retourne (en retard) et Remi fait de son mieux pour ne pas avoir l’air ravie à l’idée d’avoir une bonne raison de quitter son fauteuil pour aller ranger tout ça là où il faut. Elle s’empresse de remplir les tickets de retour sur son ordinateur et regarde autour d’elle pour vérifier que personne n’a l’air d’avoir besoin d’elle avant de se lever pour remettre les livres à leurs places, peut-être un peu trop rapidement pour une personne aussi fatiguée.
Sa tête tourne, et elle serre le poing contre le bureau pour se stabiliser un peu, yeux fermés le temps de refouler sa nausée : elle voit des points blancs danser devant elle (
ça faisait longtemps, pense t-elle), et en y pensant, c’est sûrement parce qu’elle n’a pas mangé depuis hier midi, mais ce n’est pas comme si elle avait particulièrement faim. Elle tiendra jusqu’à la fin de ses heures de travail. Les points blancs, elle a l’habitude.
Elle attrape donc les six livres à ranger, force ses bras à ne pas trembler alors qu’elle se dirige vers les allées désignées par le code sur la tranche. La plupart des étudiants sont assis autours de tables jonchées de livres et de manuels, concentrés sur leurs révisions de telle manière qu’elle ne croise personne dans les allées.
Il ne lui reste que deux livres à replacer quand Remi sent un vertige s’emparer d’elle. De sa main libre, elle attrape le bord d’une étagère pour s’y rattraper avant de s’écrouler au sol, jambes flageolantes, mais d’un coup, son corps la lache et tout devient
noir.