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Une nouvelle chance ? (ft. Ayame)
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Une nouvelle chance ?

feat. @Sakurai Ayame


Il devenait difficile pour Riho d'être simplement claire à mesure que ses ressentis se brouillaient et que, comme toute personne hautement émotionnelle - elle cachait bien son jeu - ses sentiments s'agitaient en elle. Ces sentiments sauvages, ces colères homériques, ces grandes eaux tristes comme ces ascenseurs émotionnels incessants lui mettaient le plus souvent les nerfs en pelote et l'éloignaient des autres, jugées trop brutale, pas assez compatissante. Mais comment composer avec les ressentis des autres quand les vôtres vous débordent ? Elle préférait s'occuper de ses histoires, dans son coin, et ne rien demander à personne. Ses épaules avaient porté lourd toutes ces années et la jeune femme ne désirait aucun poids supplémentaire. Ayame était arrivée dans sa vie sans bruit, sans crier gare. Et tout aussi subtilement, Riho s'était attachée à cette fille mutique, discrète, qu'elle imaginait au début "un peu trop commune pour elle". Les gens étaient en général ternes, mais quelques uns cachaient les plus belles couleurs de la vie. Elle n'était simplement pas assez investie pour chercher chez les autres les nuances qui manquaient à sa palette. 

Rouge-colère, vert-envie, bleu-tristesse. De grands éclairs de couleurs brutales avaient toujours déchiré les vastes toiles de Riho à l'image du malaise Fauviste qui associait le rouge et le vert. Quand on observait ses tableaux, on pouvait deviner que Riho était une femme sans nuance : elle travaillait la couleur pure sans jamais la diluer, en la sortant directement du tube, et peignait à la truelle et souvent même au couteau. Parfois même, elle s'arrêtait dans un coin de rue pour peindre un peu de béton ou d'asphalte et repartait comme elle était venue, sans même signer. Elle créait et détruisait par plaisir de tout défaire ; elle créait et abandonnait sans se nommer. Sa relation avec Ayame était comme une de ses toiles, en définitive : inspirée mais un peu brutale, pleine de couleurs, laissée inachevée. La reprendre pour la peaufiner était un beau projet.

Le silence n'était pas pesant pour la jeune femme car il ressemblait à ces instant précieux, ces joyaux suspendus dans le cosmos, qui formaient les seuls souvenirs qui en valaient vraiment la peine. Après le contact physique, tout fut pareil que précédemment mais rien ne serait plus comme avant, basculant dans un paradoxe évident qui ne fit que valider les sentiments que la peintre avait pour Ayame. Focalisée sur le fait de ne pas partir dans tous les sens, Riho ne comprit - ou ne voulut pas comprendre - les sous entendus de son amie. Ayame tenait à elle, et elle tenait à Ayame ; c'était largement suffisant comme fondation de relation. Et Riho était bien trop dans le déni de sa propre sexualité pour assumer que d'autres personnes fussent comme elle... peut-être.

Jun était une contrariété distante pour Riho qui l'avait juste remisé dans un coin de sa tête pour continuer son chemin, sa colère relâchée sur ses propres toiles qu'elle avait lacéré de coups de couteaux jusqu'à ce qu'il n'en reste rien de regardable pour se tourner vers de nouvelles idées picturales, pleine de ce ressentiment à exprimer en rouge et noir. Mais cette colère avait fondu au soleil des tristes révélations de son amie qui lui confia finalement à l'écrit le secret où son énigmatique mutisme prenait sa source. Malheureusement habituée à ce genre de sujet, Riho n'eut peut-être pas la réaction la plus appropriée mais elle fut sincère, et garda la tête froide. C'était l'affreuse histoire d'être là au mauvais endroit, au mauvais moment et les traumatismes se moquent du degré de l'acte, qu'on soit victime directe d'un viol, d'attouchement ou même témoin. La souffrance n'était pas une chose qui se mesurait, elle en savait quelque chose.

Riho n'était ni quelqu'un de doux, ni de vraiment prévenant. Mais elle était franche et ne craignait pas les souffrances de la vie, capable de porter quelqu'un sur ses épaules quand elle s'en donnait la peine et l'envie. Retrouver Ayame dans ses bras fut à nouveau un électrochoc entre l'agréable et le terrifiant, faisant parcourir un long frisson le long de son échine. Le silence emplit à nouveau la pièce dans toute son éloquence et de la voir ainsi, rougissante et blottie contre elle, Ayame lui apparaissait comme la fille la plus adorable de la Terre. C'était affreusement gênant et libérateur à la fois. L'envie de l'embrasser se posa naturellement sur la bouche de Riho, le regard trouble, le teint un peu pâle. Ce fut la voix de son amie, difficile, chevrotante, qui lui donna la force de ravaler sa propre faiblesse. La jeune femme posa sur son amie un regard agité d'émotions contraire, à la fois surprise, énamourée, retenue, un peu effrayée... heureuse et résignée à la fois.

"Une place pour moi ?", elle demeura silencieuse, caressant aussi doucement qu'elle le pouvait le haut de la tête d'Ayame, "force pas, t'as fait beaucoup d'efforts ce soir."

Riho était touchée que son amie ait parlé deux fois pour elle, mais elle ne put le formuler correctement. Les élans de sa pudeur s'érigeaient toujours face à ce qui aurait du surgir de son cœur et laissait passer ce qui aurait plutôt du être modérer. L'émotion vraie qui la fit chavirer face aux efforts d'Ayame se fit dans l'éclat pudique de son regard, incapable de formuler cette fierté de la sentir combattre ses traumatismes, de la voir commencer à s'en sortir et celle, plus personnelles, d'avoir accepté de revenir et d'avoir été si bien accueillie en retour. Riho reprit un long moment son amie tout contre elle, tout contre elle. Mais cette étreinte... les amies ne se serrent pas comme ça. Elles ne s'aiment pas comme Riho aime Ayame. La peintre le sait, que ce n'est pas bien. Elle espère juste que rien ne sortirait d'elle, que rien ne changerait, qu'elles continueraient à agir comme toujours. Mais les amies ne s'étreignent pas aussi intensément, comme si elle craignait qu'Ayame disparaisse d'un coup.

Être amoureuse, ça compliquait la vie. Ça nouait aux tripes cette peur de perdre sa meilleure amie. Mais dans ce putain de maelstrom d'émotion, et l'idée qu'il fallait laisser Ayame se reposer, Riho peinait un peu à trouver le courage de partir sereinement.

"J'sais que j'suis bizarre", avoua Riho avant de reprendre en un souffle, "... dis rien, y'a rien à dire. Je vais te laisser t'reposer et d'main, je viendrais te chercher à ton baito... ça te va ?"

Elle lui avait dit ça en continuant de la serrer contre elle, sentant que la fin de l'étreinte serait comme une sorte de déchirement qu'elle avait besoin de retarder.

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Une nouvelle chance ?

feat. @Oshima Riho


Cet immense flot d’émotions apporté par cette soirée atypique et imprévue avait vraiment épuisé Ayame. Elle qui avait pour habitude de mener une vie banale et rythmée comme du papier à musique, elle n’était pas forcément préparée à vivre un tel ascenseur émotionnel. Pour être honnête, elle avait même cru devoir faire une croix sur son amitié avec Riho, depuis le temps. Presqu’un an s’était écoulé sans que les deux jeunes femmes ne s’adressent la parole, pendant lequel Riho rasait les murs pour ne pas croiser Ayame, pendant lequel cette dernière fixait son ancienne amie d’un œil triste et plein d’incompréhension à chaque fois qu’elle l’apercevait dans les couloirs de l’université ou à la résidence. Mais aujourd’hui, après tout ce qui venait de se dérouler en l’espace d’une fin de soirée éclairée par la lune brillante, pouvait-on encore parler d’amitié entre elles ? Ayame était totalement novice en matière de sentiments, mais elle avait tout de même compris que ce qui l’animait en présence de la jeune femme était différent de ce qu’elle pouvait ressentir en présence d’autres personnes. Une espèce de chaleur irradiait tout son corps en permanence, son cœur avait une cadence plus rapide que d’ordinaire, et à force de lire des romans et mangas à l’eau de rose, elle savait plus ou moins à quoi correspondaient ces symptômes. Mais elle, amoureuse ? De l’une de ses plus proches amies ? Aya ne s’était jamais vraiment questionnée sur le sujet, se pensant incapable d’aimer après avoir vu de telles horreurs se perpétrer sous ses yeux. Un homme, c’était tout bonnement impossible pour elle. Mais une femme … Elle n’y avait jamais vraiment pensé. Elle s’était rendu compte à plusieurs reprises qu’elle avait eu une espèce de courant électrique qui la traversait à l’époque, avec Yuzu, sa première amie à la résidence. Mais cela ne s’était jamais reproduit jusqu’à ce soir, avec Riho. Des tas de questions affluaient dans l’esprit de la jeune étudiante, en proie à ce tourbillon d’incompréhensions depuis quelques minutes désormais.

Des silences, des étreintes, des regards, des excuses, des mots posés là après des années de mutisme … Cette soirée était riche en émotion, tant pour l’une que pour l’autre visiblement. Car si Ayame n’avait pas le don de lire dans les pensées d’autrui, elle était loin d’être dupe et savait pertinemment que Riho était aussi bouleversée qu’elle, à sa manière. Leur lien était si délicat qu’il pouvait se rompre à tout moment, pour peur que l’une d’entre elle fasse un pas qui mène au déséquilibre de leur relation fragile. Mais pourtant, chacune sut conserver cet équilibre précaire, ne franchissant pas un cap duquel il serait impossible de revenir. Tout se déroulait dans la spontanéité et le respect mutuel. Après qu’Ayame a étreint sans réfléchir aux conséquences son amie lorsque cette dernière avait témoigné de la faiblesse, c’était au tour de Riho de prendre Aya dans ses bras après les révélations lourdes concernant son mutisme. Ses paroles avaient été lourdes de sens, elle ne la voyait pas à travers son handicap mais comme une personne à part entière. Elle avait tenté de la rassurer quant aux hommes. Au fond elle avait raison, tous n’étaient pas bons à jeter après tout. Sinon elle ne serait pas amie avec Jun, ou plus récemment avec Hanjiro. Elle fuirait tout contact masculin si elle estimait que les hommes étaient vraiment des déchets. Mais ce n’était pas le cas.
Riho avait reproduit ce signe qu’elle avait fait un peu plus tôt. Ayame pensait avoir décelé son sens mais ne voulait pas mettre la charrue avant les bœufs, elle irait donc vérifier le sens de ce geste avant d’interpréter quoi que ce soit.

Et lorsque Riho avait confié qu’elle resterait près d’elle pour la protéger, s’il y avait encore de la place, ces paroles avaient débloqué quelque chose en Ayame puisqu’elle réussit à lui dire à voix haute qu’il y aurait toujours de la place pour elle. C’était important qu’elle le sache. Son amie sembla surprise et traversées d’émotions complexes et contradictoire suite à cette promesse, et conclut qu’elle avait fait beaucoup d’efforts pour s’exprimer ce soir. C’était vrai, Aya était fière de ses progrès.
Puis Riho souffla qu’elle était bizarre, et qu’elle allait la laisser se reposer. Ayame aurait souhaité qu’elle reste, mais maintenant que c’était évoqué, elle ressentait l’épuisement dans chaque infime partie de son corps fatigué. Elles auraient tout le temps de rattraper le temps perdu désormais, non ? Lorsqu’elle proposa de la récupérer à son baito le lendemain, Aya acquiesça dans un sourire sincère mais discret, reconnaissante.
Finalement, l’étreinte s’était achevée dans la douceur, à contrecoeur. Mais il était temps de laisser place au repos si elle ne voulait pas rater son réveil le lendemain.
Ayame observa son amie s’éloigner en direction de l’entrée, récupérer ses chaussures et fermer doucement la porte derrière elle, laissant un immense vide dans son petit studio de la résidence. Elle ne savait pas comment se sentir après tout cela. Des envies avaient survolé son esprit mais il aurait été déraisonnable d’y céder, pas ce soir en tout cas. Chaque chose en son temps. Ayame voulait prendre le temps de digérer toutes ces informations, de comprendre ses propres ressentis et de décider ce qu’elle voulait en faire. La nuit portait conseil, paraît-il. Mais une chose était certaine, et elle s’en convainquit en se couchant, c’était qu’elle avait hâte de revoir Riho et de voir où tout cela les mèneraient.

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