La nouvelle était tombée depuis quelques jours, Yuzu allait faire partie des commentateurs de la célèbres émission Terrace House. C'était une toute nouvelle aventure et elle ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Quand son agence lui en avait parlé, il lui avait présenté ce nouveau défi comme une bonne opportunité de mettre en lumière son travail. Un peu comme une sorte de tremplin qui lui permettrait de peut être décrocher plus de contrat. Et si Yuzu ne rêvait pas forcément de gloire et de paillette, elle était déterminée à réussir dans la vie et dans la voix qu'elle avait choisie. C'est donc sans hésiter qu'elle avait accepter de tenter le coup. Et elle avait été choisie. Dans peu de temps, elle passerait donc sur les écrans. C'était bien loin d'une expérience de doublage, mais elle était persuadée qu'elle pourrait en apprendre beaucoup.

Malgré tout, la jeune fille était anxieuse. Se retrouver dans la lumière signifiait attirer l'attention de média grand public et également de voir sa vie exposée au grand jour. Et  la famille de Yuzu avait beaucoup de secret à cacher. C'était aussi une des raisons qui faisait que son grand père était contre tout ses projets. Mais d'un autre côté, elle ne voulait pas renoncer à ses rêves pour les erreurs que sa famille avait commise. Ceci dit, elle ne voulait pas non plus se retrouver mêlée à un scandale, c'est pourquoi elle gardait tout ses secrets pour elle depuis toujours. Elle n'avait jamais réussi à faire assez confiance à quelqu'un pour lui parler de tout ça.

Mais le jour était venu où elle ne pouvait plus avancer dans l'ombre. Pourrait-elle continuer à porter le fardeau que représentait les choix qu'avaient fait ses grand parents et sa mère ? Elle savait très bien comment ça fonctionnait dans le milieu et lorsque quelqu'un se retrouvait sous les projecteurs, toute sa vie était exposée au grand public. Alors oui, elle était un peu angoissée. Un curieux mélange d'angoisse et d’impatience à l'idée de commencer cette nouvelle aventure. Alors quoi de mieux que de partager tout celà avec quelqu'un en qui elle avait confiance ? Quelqu'un qui, elle le savait ne la jugerait pas pour tout ça.

C'est aujourd'hui que Yuzu et Ayame avaient prévu d'aller se balader. Et vu le sujet qu'elle voulait aborder, Yuzu avait volontairement choisi un endroit calme. Et en plus, ce n'était pas loin de la résidence. Sachant qu'elles allaient être dehors un moment et que la météo commençait à se rafraichir, Yuzu c'était habillée chaudement et était partie en avance. Pour une fois, elle ne serai pas en retard, elle qui avait toujours du mal pour s'organiser. Elle faisait des efforts là dessus d'ailleurs. Elle avait marché plusieurs minutes à travers les quartiers résidentiels et elle se trouvait à présent le long de la rivière Tama. Elle s'était posée sur un banc en attendant l'arrivée de son amie qui ne devrait pas tarder.

Ayame était un peu nerveuse. Un peu plus tôt dans la matinée, Yuzu lui avait proposé d’aller se balader dans l’après-midi, non loin de la résidence. Elle lui avait proposé d’aller du côté de la rivière Tama. Ayame était toute emballée, contente de troquer une après-midi de révisions mornes et ennuyeuses avec un moment privilégié avec sa précieuse nouvelle amie. Ce n’était pas du tout la même amitié qu’elle partageait avec Mia, mais c’était une amitié toute particulière et pleine de surprises qui faisait grandir la jeune fille, pour son plus grand plaisir. Cette Yuzu, qu’elle avait rencontrée par hasard dans la communication room environ six mois plus tôt, était devenue aujourd’hui une bouffée d’air frais qui faisait du bien à son quotidien. Elle n’avait pas encore eu le courage de lui expliquer les véritables raisons de son mutisme pesant, mais elle savait qu’un jour cela viendrait.

Et ce jour serait peut-être aujourd’hui, en fonction de ce que Yuzu lui révèlerait. Car après tout, si son amie se prêtait à des confidences de haut niveau de privé, peut-être qu’Ayame aussi se sentirait capable de franchir un cap avec elle. Car après tout, en dehors de ses parents, Mia et Anna, personne ne savait ce qui se cachait derrière ce blocage. Elle avait tellement pris l’habitude de raconter à tout le monde que c’était un accident, qu’elle retrouverait la voix un jour mais que cela prenait du temps, qu’elle avait presque fini par s’en convaincre elle-même. Mais bon, au fond d’elle, le traumatisme était toujours présent, et peut-être que de vider son sac auprès de quelqu’un qui ne partageait pas le même traumatisme qu’elle pourrait lui faire du bien. Puisqu’elle ne parlait pas, ce n’était pas toujours tâche aisée de consulter un spécialiste, mais une amie ?

Ayame avait tout de même pas mal progressé depuis la rentrée d’avril. Elle avait commencé à s’ouvrir un peu aux autres malgré son handicap, elle s’était bien accoutumée à la vie universitaire, s’était fait des camarades. Elle pêchait un peu dans certaines matières comme tous les étudiants mais ça allait. Elle cherchait toujours des opportunités pour travailler comme assistante de mangaka sur son temps libre, mais ce n’était pas une mince affaire.
Mais pour l’heure, Ayame était nerveuse. Les mots de son amie concernant le fait qu’elle voulait parler de quelque chose en particulier la taraudaient. Yuzu et elle étaient devenues proches avec le temps, mais elles ne s’étaient jamais fait de réelles confidences, n’ayant pas eu l’occasion pour. Cela signifiait-il que leur amitié était assez importante pour se confier ? Ayame en était plus que ravie. Elle avait toujours eu peur de s’ouvrir aux autres mais ce n’était finalement pas si terrible. Et avec Yuzu, c’était simple. Elle était naturelle, gentille, douce et mignonne …. Mignonne ! Ah la la … L’étudiante secoua la tête et acheva de se préparer. Elle s’était habillée de manière assez décontractée pour se promener.

A force de tergiverser dans sa chambre, elle allait finir par être en retard. Comme à son habitude, elle prévint par message Mia qu’elle sortait, avec Yuzu, et qu’il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter. Elle se saisit de son sac en bandoulière, enfila ses chaussures laissées dans l’entrée et sortit.
La résidence n’était pas bien loin de la rivière, et la vue de la nature en saison automnale ravissait vraiment la demoiselle dont c’était la saison préférée. Les lumières du soleil se reflétaient sur la surface de l’eau et formaient des formes envoûtantes.
Ayame tenta de ne pas se laisser distraire et se rapprocha du lieu de rendez-vous donné par Yuzu. Elle ne tarda pas à l’apercevoir, assise sur un banc, sa chevelure châtain ondulant au gré de la brise.
Aya’ se rapprocha d’elle, et quand elle fut à sa hauteur, se plaça devant elle pour capter son regard et la salua d’un geste de la main avant de la gratifier d’un sourire chaleureux. Elle se laissa tomber sur le banc à côté d’elle et dégaina son petit carnet. Alors qu’elle communiquait avec tout le monde sur son téléphone, il n’y avait qu’avec Yuzu qu’elle rédigeait à la main. Et c’était bête mais elle gardait précieusement ces notes adressées à son amie, et les relisait parfois quand elle avait un coup au moral. Elle rédigea :

Il fait beau aujourd’hui. Frais, mais beau. Et ce coin de Tama est vraiment trop agréable !

Posée sur son banc, Yuzu avait finit par se perdre dans ses pensées alors qu'elle regardait l'eau défiler devant elle. L'endroit était calme et il n'y avait pas l'ombre d'une personne. En somme, c'était parfait pour le genre de discussion qu'elle s’apprêtait à avoir avec son amie. D'ailleurs, cette dernière n'allait pas tarder à arriver. Et lorsque celle-ci apparu dans son champ de vision, Yuzu ne pu s’empêcher d'afficher un large sourire. Ayame avait ce don de la faire sourire rien que par sa présence. Est-ce qu'elle ressentait plus pour elle que de l'amitié ? Yuzu ne se posait pas la question pour le moment, mais une chose était certaine, c'est que la jeune fille avait quelque chose qui apaisait Yuzu, quelque chose qui la faisait se sentir en confiance. Et c'était assez rare pour qu'elle ait pris, depuis les quelques mois qu'elles se connaissaient, une place importante dans sa vie. Elle secoua la tête comme pour reprendre ses esprits et se concentra sur les mots que son amie venait de rédiger.

"Oui, j'aime beaucoup cet endroit, il est apaisant." Yuzu marqua un temps d'arrêt, elle avait des choses importantes à lui dire, mais elle ne savait pas par où commencer. "Et puis, c'est calme,... idéal pour discuter tranquillement." Elle eut un petit sourire gêné. On aurait pu penser qu'elle était mal à l'aise et c'était certainement un peu le cas. Mais ce n'était pas la présence d'Ayame qui la mettait dans cet état, loin de là. Seulement, elle s’apprêtait à lui faire des révélations sur sa vie et ce n'était pas rien. Il faut dire qu'elle cachait de lourds secrets concernant sa vie et sa famille. Secrets qu'elle n'avait jamais confiés à personne. Pas étonnant donc qu'elle soit un peu anxieuse dans une telle situation. Elle se mordit la lèvre, un geste qu'elle avait souvent lorsqu'elle était nerveuse.

Elle plongea ses yeux dans ceux d'Ayame. "Tu sais, je voulais qu'on se voit ici pour une raison particulière. J'ai reçu une nouvelle récemment. Tu connais l'émission Terrace House ?" Autant commencer par ça. Le sujet de sa famille viendrai bien assez tôt. Et puis, il valait mieux ne pas se lancer là dessus aussi directement et brusquement. D'autant que son amie n'aurait peut être compris pourquoi elle lui balançait tout ça comme ça. Nul doute qu'elle lui en aurai parlé un jour ou l'autre si leur amitié avait duré dans le temps. Parce que oui, Yuzu se sentait à l'aise et en confiance en sa compagnie, mais sans tout ce contexte particulier, elle n'était pas certaine qu'elle lui aurai raconté ça si rapidement. Après tout, elles ne se connaissaient que depuis quelques mois. "Et bien, je vais faire partie des commentateurs de l'émission." Elle reporta son attention sur la rivière, elle ne voulait pas fixer trop longtemps la jeune fille, c'était mal poli. Et puis, elle voulait lui laisser le temps de rédiger sa réponse.

Aux propos de son amie, Ayame se contenta de hocher la tête avec un sourire apaisé et sincère. Après tout, si elle commençait à commenter à l’écrit toutes les interventions de Yuzu, elles n’avaient pas fini. Mine de rien, ça prenait du temps de rédiger ses pensées, ce n’était pas aussi spontané qu’une véritable conversation et cela pouvait parfois altérer son rythme et même lasser les gens. Cela était souvent arrivé à Ayame et elle en avait été blessée au début, puis avait fini par accepter la situation. Ce n’était pas dramatique. Elle avait même songé à apprendre la langue des signes mais ça l’aurait limitée à communiquer seulement avec les gens qui pouvaient la comprendre. De plus aux yeux d’Ayame, apprendre la langue des signes était un peu comme se résigner à ne plus jamais reparler à nouveau, sombrer dans la facilité.

Yuzu semblait légèrement gênée et anxieuse. L’histoire qu’elle souhaitait lui raconter devait vraiment lui tenir à cœur pour la mettre dans un tel état. Attentive, Ayame regardait son amie dans le blanc des yeux pour ne pas rater des informations sur ses émotions. Lorsqu’on parlait, on pouvait en même temps analyser les visages et les émotions des gens, mais quand elle était concentrée à répondre à l’écrit, elle loupait toutes ces choses. Vraiment, elle n’avait qu’une hâte : retrouver sa voix et réussir à communiquer, même petit à petit, avec les gens.
Son amie se lança alors, lui avouant qu’elle était là pour une bonne raison, lui parler de quelque chose de spécial, et pas seulement pour admirer la nature et ses bienfaits, même si c’était agréable. La brise caressait les cheveux des deux jeunes femmes, les faisant onduler tranquillement sur leurs épaules. Il faisait frais mais ce n’était pas piquant ou désagréable. Au contraire. Une belle après-midi d’automne comme Ayame les appréciait.

Attentive, elle écouta Yuzu lui parler de Terrace House, cette émission qui faisait fureur au Japon depuis quelques années. Bien sûr qu’elle en avait entendu parler, il était difficile de rester étranger à ce phénomène, surtout que les Japonais étaient très fiers que cette série s’exporte aussi bien dans les autres pays, notamment aux Etats-Unis ou en France d’après ce qu’elle avait entendu. Attendant la suite des informations, Ayame hocha doucement la tête de haut en bas pour montrer à son amie qu’elle savait ce qu’était Terrace House, bien qu’elle n’ait jamais regardé un seul épisode. Ayame était plus livre que série. La nouvelle tomba rapidement : Yuzu avait été castée pour être l’une des nouvelles commentatrices.
A l’annonce de cette information, Ayame écarquilla d’abord les yeux, réellement surprise, ne s’attendant absolument pas à ce genre de révélation. Puis son visage s’illumina dans un sourire radieux et sincère à l’adresse de Yuzu. Elle aurait voulu crier quelque chose comme « Ouah, mais c’est super ! Félicitations !! » Mais évidemment, aucun son ne sortait de sa bouche aux lèvres fines et roses. A la place, pour témoigner de son enthousiasme, elle enlaça son amie d’une étreinte chaleureuse et amicale. A ce contact, son cœur s’accéléra quelque peu et elle tenta de ne pas y prêter attention, ce n’était pas le moment après tout. Elle se détacha après quelques instants, puis se concentra dans son carnet pour réagir davantage :

C’est vraiment une super nouvelle ! Je n’ai jamais regardé Terrace House mais je n’y manquerai pas si y participes. Ca va être super pour ta carrière de seiyuu, non ?

Ayame tendit le carnet à Yuzu pour la laisser le temps de lire, puis son visage s’assombrit légèrement. Pourquoi son amie avait-elle le visage aussi fermé et aussi soucieux alors qu’elle annonçait une si bonne nouvelle ? Quelque chose clochait forcément … Elle aurait pu reprendre le carnet pour rajouter une question mais elle jugea cela inutile, s’il y avait quelque chose de profond à dire, c’était sans doute pour ça que Yuzu l’avait conviée ici et elle prendrait le temps dont elle aurait besoin pour se confier.

Yuzu eut tout juste le temps de voir la surprise dans les yeux de son amie que son visage s'illuminait. Elle aurai voulu être aussi enthousiaste et elle l'aurait probablement été si les choses n'étaient pas aussi compliquées. Mais elle n'eut pas vraiment le temps de s'attarder sur cette pensée, en effet, Ayame venait de l’enlacer et c'est tout naturellement, sans même s'en rendre compte qu'elle lui rendit son étreinte chaleureuse. Pendant ces quelques instant, elle s'était sentie vraiment bien, comme si elle était à sa place au creux de ses bras. Troublée et le rouge aux joues, il lui fallu quelques secondes pour reprendre ses esprits. Aucun doute, Yuzu était attachée à Ayame, certainement plus qu'elle ne voulait bien se l'avouer pour l'instant. Elle ne savait pas trop quoi en penser. Après tout, c'était un geste innocent de la part de son amie. C'était pour mieux lui communiquer son enthousiasme à la nouvelle qu'elle venait de lui annoncer.

Elle porta alors son attention sur le carnet d'Ayame sur lequel elle venait d'écrire, et hocha la tête au fur et à mesure qu'elle lisait. Oui c'était une bonne nouvelle et oui c'était l'opportunité rêvée pour elle de booster sa carrière et de se faire connaître d'un plus large public, mais c'était également le risque de se retrouver mêlée à un scandale. Certes, c'était sa famille qui était responsable de la situation, mais il ne faisait aucun doute que si ça venait à se savoir, ça pourrai lui causer plus de tord que de bien. Mais de cela, Ayame n'était pas au courant. "Je serai contente si tu suis l'émission parce que je suis dedans." Il fallait qu'elle poursuive, elle avait besoin de lui dire ce qu'elle avait sur le cœur, elle était la seule à qui elle pouvait se confier. "Et oui, c'est une bonne nouvelle et c'est bien pour ma carrière, mais il y a des choses que tu ignores à propos de moi."

Yuzu marqua un temps d'arrêt, il lui fallait rassembler ses idées. Elle poussa un profond soupire."Ma famille cache beaucoup de secrets et si ça venait à se savoir, ça ferai certainement scandale. J'ai peur qu'en étant sous les projecteurs les médias viennent fouiller dans ma vie." Yuzu n'avait pas seulement peur pour elle et pour sa carrière, mais pour tout ceux qui l’entouraient. "Si je voulais qu'on se voit ici toute les deux, sans personne autour, c'était pour te raconter tout ça. Je ne sais pas si tu avais déjà entendu parler de ma famille avant qu'on se rencontre, mais tu sais que je viens d'une famille qui a beaucoup d'argent. Et dans ce milieu là, les apparences et les qu'en dirat-on priment sur tout le reste." En tout cas, c'était vrai pour sa famille, son grand père avait toujours placé sa réputation avant toute autre chose et c'était aussi ça qui était à la source de nombreux de leurs conflits.

La jeune fille était anxieuse, elle ne savait pas qu'elle allait être la réaction de son amie, mais maintenant qu'elle s'était lancée, elle ne pouvait plus faire marche arrière. "En réalité, mon père n'est pas mon père. Il est mon grand père. Je n'ai jamais connu mon véritable père, je ne sais même pas qui il est. Quant à ma mère, tu devines aisément que c'est celle qui est présentée comme étant ma sœur." Nouvelle pause. Yuzu plongea ses yeux dans ceux d'Ayame, comme si elle y cherchait un quelconque réconfort. "Ma mère m'a eut très jeune, elle n'avait que 16 ans, rien que ça aurai suffit à énerver mon grand père, mais en sachant qu'elle n'a jamais voulu lui révéler l'identité de mon père, s'en était trop pour lui. Ça aurai détruit sa réputation si son unique fille avait eu un enfant seule à cet âge là. Alors il a pris la décision de cacher sa grossesse aux yeux de tous et de me faire passer pour sa fille à ma naissance." C'était beaucoup d'informations, Yuzu en avait conscience, mais l'histoire ne s'arrêtait pas là. "De toute façon, je crois que ma mère ne voulait pas vraiment d'une enfant, je l'ai très peu connue puisque dès qu'elle l'a pu, elle est partie et n'est jamais revenue. Je n'étais encore qu'une petite fille à l'époque."

Sans même qu'elle s'en soit rendue compte, une larme avait coulé le long de la joue de Yuzu. Elle avait gardé le secret pendant toute sa vie et elle n'avait jamais pris conscience du poids que tout cela pesait sur ses épaules. "Depuis toute petite, je suis en conflit avec mon grand père, mais j'ai toujours gardé le secret. Il est aujourd'hui la seule famille qu'il me reste et même si nos rapports sont souvent tendus, je ne veux pas qu'il souffre encore de cette histoire." A nouveau, Yuzu posa son regard sur son amie, elle espérait que tout cela ne serait pas trop pour elle et qu'elle n'allait pas la faire fuir. Tout le monde avait des secrets, mais pas toujours aussi lourds que ceux-ci et Yuzu comprendrait si son amie préférait ne pas être mêlée à tout ça.

Le contact entre les deux amies fut plus électrisant qu’attendu, et cela troubla fortement Ayame, bien qu’elle choisit de ne pas y prêter attention pour le moment car il y avait plus important à gérer. Yuzu semblait avoir le cœur lourd et si son intégration à l’émission Terrace House n’avait été que source de bonheur et de joie intense, elle sautillerait partout à l’heure qu’il était, criant et hurlant qu’elle avait été prise et qu’elle était trop heureuse. Pourtant, elle affichait une mine contrariée comme si quelque chose la rongeait de l’intérieur.

Yuzu acquiesça quant au fait que cette émission était une superbe opportunité pour elle, mais ajouta à cet enthousiasme une phrase qui prit tout son sens dans les oreilles d’Ayame. « Il y a des choses sur moi que tu ignores ». Voilà, maintenant tous ses sens étaient en alerte. La nippone ne savait absolument pas à quoi s’attendre, quelle révélation son amie allait donc lui faire. Une partie d’elle voulait savoir ce qui se passait pour attrister autant Yuzu, une autre était elle-même attristée de réaliser qu’effectivement, il y avait des choses qu’elle ne savait pas sur elle. Et bizarrement, ça l’affectait. Pourtant des amies, aussi proches soient-elles, ne se disaient pas forcément tout, si ? Pourquoi voulait-elle absolument la connaitre et la protéger ?

Yuzu se lança enfin dans de longues explications pour lesquelles Ayame avait été particulièrement attentive. Elle ne l’interrompit pas une seule seconde, de toute façon elle ne l’aurait pas vraiment pu, sauf si elle avait usé de gestes. Il y avait beaucoup d’informations à assimiler, et la jeune fille ne savait pas vraiment comment réagir. Au fur et à mesure que l’histoire était dévoilée au grand jour, les yeux de l’étudiante s’embuaient de larmes qu’elle n’allait bientôt plus pouvoir retenir. C’était trop d’émotions. L’enfance et les relations familiales de son amie étaient vraiment tragiques. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il se cachait tout cela derrière tous ses sourires enjoués et sa bonne humeur contagieuse. Si seulement elle avait su …
Les larmes roulèrent sur sa joue quand Yuzu acheva de parler, révélant le point final sur son grand-père et le fait que même si leur relation n’était pas au beau fixe, elle ne voulait pas le faire souffrir. Voilà pourquoi elle n’était pas aussi enthousiaste qu’Ayame à l’entente de la nouvelle vis-à-vis de Terrace House. Elle qui avait tant souffert, qui avait beaucoup sacrifié pour vivre de ses rêves, pensait encore à sa famille égoïste avant même de penser à son propre bonheur ? Ayame aurait pu rétorquer que l’attitude de sa famille avait été vraiment déplacée, mais qui était-elle pour juger de la famille des autres ? Personne. Il fallait qu’elle rassemble ses idées mais …

« Yu … zu … ! »

Hein ? Ayame écarquilla les yeux. Un son venait de sortir de sa bouche, à l’instant présent. Un son. Un véritable son, pas un grognement ou un grommellement. Elle venait de prononcer le prénom de son amie. Là, comme ça. Sans doute que le choc d’entendre cette histoire terrible l’avait tellement secouée que ça avait débloqué quelque chose en elle ? Choquée, elle resta interdite un moment, avant de reprendre ses esprits. Il fallait qu’elle décrive son ressenti à son amie. Elle allait écrire, ne sachant pas si un autre son serait capable de sortir de sa bouche tout de suite.


Yuzu-chan, je suis vraiment désolée d’entendre cette histoire, c’est vraiment … tragique.
Je ne connais pas ta famille pour émettre un point de vue sur elle, mais je trouve que tu es vraiment courageuse d’avoir enduré tout ça pendant toutes ces années sans rien dire. Je ne savais pas que tu venais d’une famille aisée.

Elle marqua une pause dans son écriture, bien qu’elle essaye d’écrire le plus vite possible pour ne pas laisser son amie dans le silence le plus complet. Et elle reprit aussitôt :

En revanche, même si je comprends que tu veuilles protéger ton grand-père, tu as aussi le droit d’être heureuse et de vivre de ta passion, je crois. Après tout tu as accepté tout ce qu’on t’a imposé, mais toi aussi tu as des rêves à protéger et des ambitions à combler.
J’espère que tu ne refuseras pas cette opportunité pour ta famille ou que tu ne culpabiliseras pas si tu acceptes. Tu sais, si votre secret est resté bien gardé jusqu’à maintenant, il y a peu de chances qu’il soit dévoilé après, non ?

Ayame se relit rapidement pour vérifier que dans son immense pavé, elle n’avait pas écrit de faute, puis le tendit à son amie, en espérant paraître convaincante, ce qui n’était pas une mince tâche à l’écrit. Elle voulait que Yuzu comprenne que quel que soit son choix, Ayame serait la pour la soutenir, car c’est ce que ferait une amie. Elle n’était pas 100% sûre de ce qu’elle avait avancé à la fin, mais elle voulait y croire et rassurer la jeune fille qui avait l’air vraiment anéantie.