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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

La journée de Karu avait plutôt bien commencé. Elle s’était levée en entendant les derniers oiseaux chanter, toujours présents en cette fin d’octobre et se préparant à partir vers des contrées plus chaudes. Elle avait enfilé sa salopette en jeans préférées par-dessus un pull orange qui jurait avec ses mèches violettes relevées en deux chignons sur les côtés de sa tête. Elle chantonnait des airs de Noël, se réjouissant de voir cette fête arriver. Elle était de bonne humeur… jusqu’à ce qu’un texto n’illumine son écran. Expéditeur : Ma Banque. Contenu : il lui proposait de se retrouver après les cours pour qu’il la raccompagne à la résidence. Elle lui répondit ironiquement qu’elle avait hâte et se rendit en cours en ayant perdu toute trace de sourire sur son visage.

La journée fut longue, entre les cours interminables et cette appréhension du moment où elle devrait encore faire semblant. Au moins, ils étaient début décembre, elle recevrait probablement son chèque mensuel au cours de cette balade romantique. Youta n’y manquait jamais, et il avait plutôt intérêt. Pas de fric, pas de fausse copine. Elle, elle n’avait plus tellement besoin de lui, ça faisait un an et demi maintenant que sa réputation avait été salie et plus personne ne l’appelait par le mot en P. Elle ne restait avec lui que pour l’argent, qui commençait à s’accumuler sur son compte en banque. Alors s’il ne payait pas, elle le giflerait en public, hurlerait qu’il était gay et partirait en mode diva sur sa licorne magique.

Cette pensé était assez jouissive, en vrai. Elle aimerait tant voir sa tête si jamais elle révélait son secret au milieu du terrain de foot, voir la tête des autres. Ca serait une scène extrêmement réjouissante pour elle qui ne supportait pas son petit ami. Il était violent – pas avec elle heureusement – et se moquait des homosexuels pour cacher le fait qu’il en était un. Il était malhonnête, mentait à tout le monde, se cachait derrière son fric et son poste de joueur de foot. L’embrasser, le toucher, lui sourire, tout ça dégoûtait Karu au plus haut point, mais il la payait, alors elle se forçait.

Quand enfin les cours finirent, la jeune fille savait qu’elle retrouverait Youta devant son batiment. Aujourd’hui, il n’avait pas d’entrainement de foot et elle n’avait pas d’entrainement de cheerleader. Une belle après-midi romantique en perspective, n’est-ce pas ? Poussant la porte de la sortie, elle fit une grimace en croisant le regard de Youta, puis la remplaça rapidement par un sourire heureux et amoureux. Son chéri était venu la chercher, oh la la ! Courant vers lui, elle sauta dans ses bras pour lui faire un calin, murmurant dans son oreille ce que les gens prirent pour une déclaration d’amour.

T’as pas oublié mon chèque, j’espère, l’abruti ?

L’abruti. Son surnom préféré quand personne ne les entendait. Non pas qu’il soit bête ou quoi, mais elle considérait que quelqu’un qui n’assumait pas son orientation sexuelle et dénigrait les siens pour se cacher devait être diablement con. Elle pourrait l’appeler connard, aussi, mais elle était un minimum civilisée, et sa mère lui avait toujours dit de ne pas insulter ses banquiers.

Après quelques secondes, elle se recula et déposa un bref baiser sur les lèvres de Youta, pour donner le change. Elle savait que des gens les regardaient, eux le couple cliché du sportif et de la pom-pom girl, alors elle donnait tout ce qu’elle avait, révélant l’actrice en elle.

T’es trop mignon de venir me chercher, merci ! Tu me ramènes dans ma chambre ?

Clin d’œil aguicheur uniquement destiné aux spectateurs, puis elle tendit son sac à dos rose à son chéri pour qu’il le porte. Bah ! Quitte à se le coltiner jusqu’à sa chambre, autant qu’il serve à quelque chose, non ?

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

Chaque réveil était le même pour Youta. Un début de journée qui s'annonçait banal à en mourir d'ennui. Il le savait, tant qu'il ne fait pas ce qu'il a vraiment envie de faire de son temps, il se fait royalement chier. Suivre des études qui ne lui plaisent pas, être obligé de se montrer impeccable aux yeux des autres mais surtout à ceux de son père, respirer par procuration sans savoir de quoi sera fait demain, se demander à quel moment va exploser cette bombe sur son dos. Ce n'est pas une vie, il s'en doute bien, mais que peut-il contre ça? Son père peut se montrer bien pire que lui quand il est énervé et, pour rien au monde, il ne voudrait s'amuser avec le feu. Dans ce cas, il préfère créer la zizanie ailleurs, en prenant soin de ne pas se faire attraper ou balancer. Youta est catégorique quand il rend la vie difficile à quelqu'un, s'il ose dire quoi que ce soit, ça pourrait devenir pire encore. Des menaces, toujours des menaces.

Il ne sait pourquoi il a envoyé ce message ridicule à sa « petite amie », mais quelque chose lui dit que s'il ne fait rien avec elle avant que les fêtes n'arrivent, les gens vont se demander s'ils sont vraiment un beau couple. Beau, mon c*l. S'ils savaient tous à quel point ils se détestaient, elle et lui. Ce n'est même pas une amitié, rien qui ne tienne la route. Youta s'est servi d'elle quand mademoiselle était au plus bas de sa réputation et maintenant, il la tient uniquement avec de l'argent. Si Hikaru venait à péter un câble et révéler toute l'histoire, ça serait sûrement un désastre. à moins qu'il ne nie en bloc et réclame des preuves de ses accusations. Car il n'a jamais donné matière à traiter à cette peste quant à sa sexualité, aucun message soulignant qu'il préférait les hommes, aucune photo compromettante, rien. Ce serait sa parole d'ancienne refoulée contre la sienne, le bon élève -pour ceux qui ne sont pas ses victimes.

Une fois les cours terminés, Youta s'est rendu là où il doit l'attendre. Il ignore encore quoi lui dire, si jamais il a réellement envie d'entamer la conversation avec elle. Généralement ils font semblant de s'aimer, mais aussi de se supporter... Alors quand personne ne regarde, ils se dévoilent entièrement l'un à l'autre, dans leurs plus belles insultes. Quand son regard croise celui de sa belle, Youta n'affiche pas un sourire mais aborde une expression de sérénité. Encore une fois, Hikaru se fait entreprenante en s'approchant près de lui pour murmurer à son oreille.

« ▬ Tout dépend de toi. »

Il réplique, lui offrant enfin un sourire faux. Qu'elle le surnomme l'abruti l'affectait à peine, puis il se fichait pas mal de ce qu'elle pensait. Son père est un argument suffisant pour être un gros con, si elle le connaissait, elle comprendrait peut-être pourquoi il agit aussi bêtement. En tout cas, Youta n'use pas de gros mot pour le moment, gardant son calme et son envie de finir la journée sans contrariété. Son baiser n'avait rien d'agréable, c'était un supplice à chacun d'entre eux. Ravalant sa frustration, il pense qu'à une seule chose... Le moment où il abandonnerait cette fille devant le bâtiment du campus où elle loge.

Récupérant son sac à dos girly, Youta soupire discrètement en portant celui-ci à son épaule avec le sien. Pour se venger, il attrape la main d'Hikaru et lie leurs doigts sous le regard presque jubilant des quelques spectateurs curieux.

« ▬ Allons-y, chérie. »

Purement ironique, il se moque d'elle en employant ce surnom à faire vomir. La phrase de miss pom-pom girl pouvait être détournée de bien des façons et sûrement que plus d'un aurait sauté sur l'occasion pour tester la fiabilité de son lit... Mais pas lui. Youta ne mettrait même pas un pied à l'intérieur de cette fichue chambre, il ferait simplement genre avant de repartir aussi vite que l'illusion lui permet.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

L'abruti disait que ça dépendait d'elle, mais Karu trouvait plutôt que ça dépendait de lui. Elle n'avait plus grand chose à perdre, sa réputation étant restaurée et ses économies plutôt renflouées, alors qu'elle connaissait le honteux secret de son soi-disant petit ami. Qu'il oublie de prendre son chèque et elle révélait tout, qu'il apporte le précieux et elle se comportait en parfaite petite copine. Tout dépendait de lui, de sa régularité à la payer et du traitement qu'il lui réservait.

Elle savait bien que Youta n'était pas le plus tendre des garçons, qu'il se battait, qu'il harcelait, qu'il insultait, mais il n'avait pas intérêt à essayer avec elle. Elle supportait les insultes et les sous-entendus en privé, mais qu'il lui parle mal en public ou qu'il lève un jour la main sur elle et il le regretterait amèrement. Elle n'avait pas de preuve quant à son homosexualité, mais elle savait mieux que personne qu'une rumeur erronée était suffisante pour pourrir la vie de la plus appréciée des personnes.

Souriant, elle ne montra rien de son dégoût pour lui, l'embrassa brièvement et lui tendit son sac. Elle profitait de lui, clairement, se servait de son secret pour empocher du fric et l'utiliser autant qu'elle le voulait en public. De toute façon, lui aussi se servait d'elle, alors bon, elle ne culpabilisait pas trop. Elle tressailli quand les doigts de Youta s'enroulèrent aux siens, puis elle afficha un grand sourire et posa sa tête sur son épaule.

T'as passé une bonne journée ? T'as insulté combien de personnes aujourd'hui ? Trois, quatre ?

Elle parlait assez bas que pour que personne ne l'entende, affichant une mine ravie pour que personne ne se doute de rien. Ils devaient penser qu'elle s'intéressait à sa journée, qu'elle voulait savoir s'il avait bien mangé, s'il avait eu des bonnes notes à une éventuelle interrogation. En vérité, elle aurait bien aimé qu'il s'étouffe avec sa bouffe et qu'il se tape des résultats minables.

J'ai envie d'une glace...

De sa main libre, Karu désigna le vendeur de glace à quelques mètres d'eux, subtile façon de demander à son "chéri" de lui en payer une. Elle lui fit ensuite les yeux doux, simulant la petite copine qui demande un cadeau, qui supplie, qui minaude. Ca la répugnait, mais elle avait envie d'une glace, et abuser de sa fausse gentillesse était trop bon.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

Ce n'est qu'un chèque, que de l'argent. Une denrée qui ne manque pas au gosse de riches qu'est Youta. Il peut lui donner ce qu'elle souhaite quand elle le souhaite, ce n'est pas un souci pour lui. L'argent ne l'a jamais été, comparé à son secret, à son orientation sexuelle. Qui aurait cru que quelqu'un le saurait un jour et s'en servirait à son tour contre lui? Youta est parvenu à maîtriser Helio en l'intimidant, en faisant en sorte de le tenir sous silence, mais Hikaru n'est pas Helio. Elle est loin d'être comme lui. D'ailleurs, pourquoi cet enfoiré n'a jamais joué le jeu de cette garce? Après tout, il lui suffisait de répandre une rumeur sur son compte, une vérité qu'il s'entête à dissimuler. Hikaru est plus maligne, plus manipulatrice que sa parfaite victime aux allures de petit poucet. Pauvre, inutile et pathétique. C'est l'image qu'il a de ce garçon, celui qu'il aime malmener et torturer mentalement, pour qu'il se souvienne qui est le plus fort.

Youta n'a aucun intérêt à être un connard avec elle devant les autres, ça ne l'empêche pas d'être fidèle à lui-même quand ils sont seuls. Il ne cessera pas de mal parler, de l'insulter ou d'avoir parfois des gestes brusques à son encontre. Frapper une fille n'est pas son genre, par contre il peut la repousser ou retenir un quelconque mouvement brutal de sa part, si elle tente de le gifler. Youta n'est pas stupide, il n'a pas clairement dit pourquoi il avait besoin d'elle, ni qu'il était attiré par les hommes. Elle peut s'en douter, mais qu'est-ce que ça change pour lui? Si ce n'est qu'une rumeur, il pourra la démentir et prouver que ce n'est pas vrai, tant qu'il n'y a pas de témoin.

Une mauvaise réputation reste une faille, Hikaru devrait faire attention à ce qu'il ne cherche pas à jouer là-dessus pour faire pencher la balance. Car il est gentil, il accepte de porter son sac et d'être son portefeuille, mais il ne faudrait pas abuser non plus. Tant qu'elle ne tente rien contre lui, Youta s'en tiendra à leur plan. Aussi doux et amical que puisse être un petit ami. Main dans la main, sa tête sur l'épaule du blond.

« ▬ Qui te dit que j'ai insulté qui que ce soit? J'ai été sage aujourd'hui. »

Certes, insulter est ce qu'il sait faire de mieux dans sa petite vie, mais cela ne veut pas dire qu'il le fait sans arrêt. Manque de chance pour elle, il a bien mangé aujourd'hui et ses notes sont toujours parfaites. Si ce n'était pas le cas pour ce dernier point, son père se ferait une joie de lui rappeler à quelle famille il appartient et quel rôle il doit tenir. Contre son gré, pour le plaisir de son géniteur. Une glace? Youta se retient de soupirer, hochant sa tête en signe d'approbation. Hikaru en fait toujours trop, c'est elle l'actrice dans ce couple factice, car Youta ne change pas vraiment de tête. C'est juste qu'il évite de laisser sa véritable personnalité pointer le bout de son nez.

« ▬ Prends ce que tu veux. »

Une glace ou deux, même dix si ça lui chante. Ce n'est pas lui qui va tout prendre dans les hanches.

« ▬ Fais attention de ne pas grossir. Les kilos viennent plus vite qu'ils ne repartent. »

Se moque-t-il en désignant la fine silhouette de la demoiselle. Pour le moment elle n'a rien à perdre, mais il ne faut jamais prendre les choses pour acquit. D'un mouvement de tête, il lui fait signe de choisir pendant qu'il récupère de quoi payer dans son sac.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

A la réponse de Youta, Karu leva un sourcil amusé. Qui lui disait qu’il avait insulté quelqu’un ? L’habitude, tout simplement. C’était quasi quotidien pour lui de lâcher une insulte ou de frapper les autres, d’être violent. Il l’avait été envers elle, oralement plus que physiquement, et elle savait avec les rumeurs de quoi il était capable. Elle le constatait aussi sur le terrain, quand il taclait ses adversaires alors qu’il aurait pu s’en passer. Mais il avait apparemment été sage aujourd’hui, et Karu lui tapota le bras pour le féliciter.

Wahou tu m’impressionnes ! Peut-être qu’un jour tu sauras te tenir correctement.

Lui pinçant la joue pour le taquiner, elle continua à marcher à son côté, sa main dans la sienne, jusqu’à apercevoir un marchand de glace et avoir une soudaine envie de s’en acheter une. Ou, plutôt, de s’en faire offrir une… Elle fit les yeux doux à Youta, lui demandant un petit cadeau comme une petite amie le ferait normalement. Il accepta, visiblement à contrecoeur, et Karu sourit de toutes ses dents.

Pour le remercier, elle lui déposa un bisou sur la joue avant de le lâcher pour courir vers le marchand de glace. Se glissant dans la file, elle lui jeta un regard mauvais quand il lui dit de faire attention, qu’elle risquait de grossir. Elle savait bien qu’elle n’était pas la plus fine de Chûô, voyait bien que ses cuisses étaient plus épaisses que celles des autres cheerleaders, mais et alors ?

Je perds mes kilos quand je veux, contrairement à toi qui devras vivre avec ce caractère de cochon toute ta vie.

Lui tirant la langue, elle se tourna vers le marchand quand son tout arriva, commandant un cornet avec deux boules de vanille. Elle ne demanda pas à Youta s’il voulait quelque chose, il n’avait qu’à le demander lui-même. Sautillant sur place d’excitation, elle récupéra sa friandise pendant que son chéri payait, donnant un coup de langue dans le sucre qu’il lui offrait si généreusement.

Tenant son cornet à deux mains, Karu leur évita ainsi la corvée d’encore se tenir la main tandis qu’ils allaient vers la sortie de l’université. Elle était venue en voiture et supposait qu’ils iraient à la résidence avec. Mais elle avait les mains pleines et ne pourrait pas conduite… Laisserait-elle Youta conduire son précieux véhicule ?

J’oublie toujours si t’as le permis ou pas ? Tu te sens de conduire jusqu’à la résidence sans détruire ma voiture ?

Le trajet n’était pas long, dix minutes tout au plus, mais elle se méfiait tout de même. Si jamais il ne faisait qu’une rayure dans la peinture métallisée, il l’entendrait crier comme jamais elle n’avait crié de sa vie. Fouillant son sac accroché au dos de Youta, elle en sorti ses clés et les lui tendit avec un dernier regard d’avertissement alors qu’ils arrivaient à sa voiture.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

Hikaru connaît que trop bien les mauvaises habitudes de son faux petit ami, mais cela ne veut pas dire qu'il l'a fait aujourd'hui aussi. La journée n'est pas terminée, de toute façon. Il a encore le temps de se rattraper et de faire ce qu'elle pense qu'il ferait en temps normal. Envers elle ou sur n'importe qui d'autre. Hikaru lui parlait comme à une sorte d'animal sauvage sur la voie de l'éducation, la sociabilisation. Est-il un gorille? Youta ne répond rien à cela, mais il tape sèchement sur sa main quand elle vient lui pincer la joue. Il sait être calme quand il le souhaite, mais il ne faut pas abuser de cette gentillesse passagère. Obligé de se tenir la main, Hikaru s'arrête devant un marchand de glaces en amorçant un début de caprice que le garçon apaise aussitôt en acquiesçant. Il connaît la jeune fille, s'il refusait de lui acheter ce qu'elle voulait, elle était capable de crier ou de se rouler par terre comme une enfant. Le bisou fit grimacer légèrement le blond qui se pince les lèvres pour ne pas craquer et la traiter de guenon. Youta l'accompagne quand même dans la file, étant son portefeuille sur pattes. La moquerie est gratuite chez lui, surtout quand il s'agit de s'attaquer au physique de la jeune fille.

« ▬ J'en ai que le caractère, moi. »

Sourit-il, lançant un regard à ses cuisses. Elle peut les perdre comme les reprendre et ça se voit, comparé à son caractère qu'il peut cacher sous des airs de bons samaritains. Devant le vendeur, Hikaru commande sa glace pendant que Youta sort l'argent et règle la gourmandise de sa petite amie. Le sucre, ce n'est pas son truc. S'il s'écoutait, la nourriture ne serait pas faite pour lui. En tout cas, elle semble heureuse juste avec sa glace. Des fois il se demande pourquoi il est sympa avec elle au point de céder à ce genre de caprice. Au moins, il n'a pas besoin de lui tenir la main pendant qu'elle lèche sa glace à la vanille. Il ne fera aucun commentaire déplacé dessus pour la rabaisser, même si ça lui brûle la langue.

Conduire n'est pas une passion pour le futur héritier, pourtant il a son permis depuis qu'il est officiellement majeur. Il a même sa propre voiture, un modèle luxueux payé avec l'argent de son père, juste pour montrer à quel point sa famille est fortunée. Youta déteste particulièrement ce besoin d'être remarqué et classé au-dessus des autres pour le plaisir de cet homme. S'il devait se la péter, ça serait avec son argent, son pouvoir, pas celui de quelqu'un d'autre. La proposition d'Hikaru est assez folle, d'où son coup d'oeil sceptique.

« ▬ Tu me laisserais conduire ton épave? »

Qu'importe le modèle de sa voiture, pour lui ça sera toujours une atrocité tant qu'elle appartient à l'étudiante. ça serait tentant de ne pas la jeter dans un ravin ou sur un poteau, même si elle venait à hurler dans la rue. Hikaru a beau être le style de fille à ne pas se laisser faire, Youta a toujours envie de la pousser doucement à bout. Les clés tendues sous son nez, il les récupère avec une fine esquisse.

« ▬ Très bien madame, je ferais attention à ne pas l'accidenter. »

Promesse qui n'est pas faite sur le coeur, mais tout de même. Ouvrant la portière arrière, il jette leurs sacs sur les sièges et va s'installer derrière le volant. Il a vraiment confiance en lui pour passer ses clés. Aussi chiant et con soit-il, il ne s'amuserait pas à abîmer intentionnellement sa voiture au risque d'avoir un litige ennuyeux avec la miss. Youta attend qu'elle soit assise pour démarrer le moteur, quittant la place où était stationné le véhicule pour s'engager sur la route menant directement à son campus.

« ▬ La prochaine fois je viendrais te chercher là-bas avec la mienne, ça m'évitera de prendre le bus pour revenir au bahut. »

Faut pas oublier qu'il a sa voiture et qu'elle est toujours à l'école.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

Karu s'efforça de ne pas réagir à la pique de Youta, accompagnée d'un regard vers ses cuisses. Depuis le temps, il avait compris que c'était là un de ses seuls complexes, la seule partie de son physique qui la dérangeait vraiment, qu'elle tâchait de cacher même si, avec la mini-jupe de son uniforme de cheerleader, c'était un peu foiré. Elle ne montra pas la colère qui bouillonnait en elle, n'exprima pas sa rage, ne verbalisa pas toutes les insultes qu'elle avait envie de lui cracher au visage. Elle voulait le frapper, lui hurler dessus, le démolir, mais elle sourit comme s'il venait de la complimenter et récupéra sa glace comme une gentille petite fille.

Marchant en silence et sans plus avoir à se tenir la main, Karu prit cette petite balade comme une pause dans la comédie qu'était leur couple. Ils croisaient des gens, certains qui ne les calculaient pas, d'autres qui les saluaient, le footballer et la cheerleader formant le couple parfait. Ils étaient reconnus d'une bonne partie de l'université, ceux qui soutenaient l'équipe, mais d'autres se fichaient d'eux et Karu les remerciait mentalement, un peu lassée d'avoir toute l'attention sur elle.

Ils arrivèrent enfin au parking et elle proposa à Youta de conduire sa voiture, n'ayant pas envie d'attendre d'avoir fini sa glace pour pouvoir rentrer. À son commentaire sur son véhicule, Karu fusilla le jeune homme du regard, tenant à cette épave comme à la prunelle de ses yeux. Elle hésita finalement mais il lui prit ses clés et promis de ne pas la casser. Si toutefois une promesse sortant de sa bouche avait une quelconque valeur...

T'as bien intérêt sinon t'imagines même pas ce que je peux faire à la tienne...

Elle ne lui péterait pas les vitres, non, ni ne rayerait ses portières, c'était trop barbare. Non, Karu était une fille de style et, n'oublions pas, mécanicienne amatrice. En deux coups de clés à molette, elle pouvait desserrer les boulons de ses roues, bidouiller la direction, couper les câbles de ses freins. Elle pouvait même faire passer ça pour de l'usure, un mauvais entretien, un accident. Qu'il essaie seulement de dévier une seule seconde de sa route et elle le lui ferait payer amèrement.

Grimpant dans la voiture, elle grimaça à ses paroles. La prochaine fois, disait-il, il viendrait la chercher le matin avec sa bagnole de luxe pour ne pas avoir à revenir la chercher après. Quel râleur ! Levant les yeux au ciel, elle attacha sa ceinture d'une main pendant qu'il mettait le contact.

Abruti, je te rappelle que c'est toi qui a proposé de me ramener, alors arrête de râler pour tes conneries. Si tu t'imaginais que j'allais prendre le train ce matin pour t'éviter un trajet inutile, c'est que tu es tombé sur la tête.

Se penchant un peu, elle tendit le bras pour allumer la radio, montant le volume assez fort pour ne pas entendre son éventuelle réponse. Elle avait pas envie de lui causer et supposait que la chose était réciproque. Dégustant sa glace, elle se tourna vers la fenêtre pour regarder dehors, jetant de temps en temps un coup d'oeil vers Youta pour vérifier qu'il conduisait correctement.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

C'est facile de découvrir le point faible sur le corps d'une personne quand on ose la critiquer ouvertement dessus. Youta ne vise pas toujours juste, mais généralement il s'attaque si facilement aux gens qu'il finit souvent par trouver où viser précisément. Hikaru a un souci avec ses cuisses, il l'a compris à force de jouer sur cette partie de son physique qui la met plus à fleur de peau que le reste. De toute évidence, les filles ont presque toutes un problème avec leurs cuisses ou leurs fesses, avec leur poitrine ou leur ventre aussi. Hikaru ne peut pas exploser contre lui en public, elle fait sa gentille petite fille en souriant mais Youta voit dans ses yeux qu'elle aimerait bien lui foutre sa glace dans la figure en le traitant de toutes sortes de noms d'oiseaux. Qui sait, si elle s'en souvient d'ici qu'ils rentrent, peut-être ne se gênerait-elle pas pour se rattraper.

Le trajet à pied est beaucoup plus ennuyant qu'en véhicule, faut faire attention aux gens, ne pas paraître trop distant et étranger l'un envers l'autre. C'est le point faible de Youta, même en étant bon acteur et très convaincant, il a parfois envie de ne pas donner du sien. Ceux qui le remarquent et le connaissent de près ou de loin lui font toujours un signe quelconque pour le saluer. Ce serait étrange qu'il se comporte mal avec la jeune fille, aux yeux de ces gens-là surtout. Passé ce tronçon de route où ils font semblant de bien s'entendre, les deux adolescents arrivent sur le parking où sont garées leurs voitures. Sauf qu'aujourd'hui, Hikaru semble d'humeur à confier son volant à son copain. Quelle ironie, pense-t-il en faisant semblant.

Les clés entre ses doigts, le blond promet de ne pas abîmer sa voiture et peut-être de faire attention en conduisant. Sa parole n'a aucune valeur, mais est-ce qu'elle laisse vraiment le choix au garçon de se défiler et de prendre sa propre voiture pour rentrer chez lui. Il aurait dû mettre des limites plus tôt, juste dire qu'il la ramenait à sa voiture et au revoir, à la prochaine. Youta regrette, malheureusement c'est trop tard pour revenir sur ses mots. La sienne? Elle n'oserait pas s'en prendre à lui de cette façon, si? Il l'a toisé, attendant davantage de menace de sa part. Hikaru serait capable de causer sa mort par accident avec toutes les idées qui germent sournoisement dans son crâne. Une voiture rayée ou pétée se répare facilement et rapidement avec de l'argent, ce qu'il possède malgré lui. ça n'aurait pas grand impact si ça ne touche pas le conducteur directement.

Youta se plaint en pensant au chemin de retour en bus ou en taxi, juste pour revenir à l'école récupérer sa propre voiture. De luxe, oui. Car elle vaut sûrement plus cher que ses études, cette voiture. Hikaru devrait se sentir honorée que son copain vienne la récupérer dans un bolide de marque, juste devant la porte de son bâtiment, mais non. L'un comme l'autre, ils sont bien égoïstes.

« ▬ Je n'avais pas pensé à ce détail-là, excuse moi. »

Loin d'être désolé, il est plutôt sarcastique. Un trajet en train serait plus simple que conduire à chaque fois jusqu'ici. Surtout que le campus n'est pas à trois heures de la faq, comparé à son domicile qui n'est pas à côté.

« ▬ La prochaine fois, je te propose de te ramener à ta voiture seulement. »

Rectification qu'il assume, les mains sur le volant tandis qu'il quitte la place de parking où elle s'est garée ce matin en arrivant. Hikaru a eu le temps de mettre la radio et monter le son de façon à ne pas l'entendre répondre, mais il l'a quand même fait, plus pour râler qu'être écouté. Concentré sur la route, il n'en dit pas plus à la sourde oreille à côté de lui, si bien que le trajet commence dans le rythme musical se déversant dans les enceintes de la voiture. Youta est peut-être un gros con, mais il fait vraiment attention en conduisant. Ce n'est pas tant pour la voiture, mais plutôt pour éviter tout accident qui pourrait se faire entendre au bahut, à travers les étudiants ou pire, jusqu'aux professeurs et parents. Il n'est juste pas à l'abri des autres sur la route, dont ceux qui lui grillent la priorité ou font n'importe quoi sous son nez. Youta sent l'agacement lui monter au nez et titiller son calme.

« ▬ Ces fils de p*** me casse les c*****. »

Lâche-t-il après un énième imbécile qui lui coupe la route pour s'engager devant lui, frôlant de trop près le véhicule. Il s'en moque de la voiture d'Hikaru, il n'aime tout bonnement pas être provoqué et dérangé quand il conduit.

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

Se désintéressant une seconde de sa glace, Karu se tourna vers Youta, choquée de ce qu'elle venait d'entendre. Des excuses ? De lui ? Bon clairement, elles étaient ironiques, hein, elle se faisait pas de films, mais elle ignorait que ces mots puissent sortir de sa bouche, qu'il savait même qu'ils existaient et savait les prononcer. En un an et demi avec lui, c'était la première fois qu'elle l'entendait s'excuser et, choquée, plaça une main sur sa poitrine.

Wouah je pense que je vais noter ça dans mon agenda, je suis trop choquée. Nishino Youta m'a présenté des excuses, quel journée exceptionnelle !

Elle se foutait de sa gueule, clairement. Et c'était pas un bon plan vu qu'elle venait de lui confier sa bagnole, mais Karu n'avait pas pu s'en empêcher. Elle ramassait tellement avec lui que, pour une fois, elle avait envie de se venger, de se foutre de sa gueule. Elle haussa les épaules à sa remarque sur la prochaine fois, trouvant également que ce serait plus judicieux qu'il ne fasse que la ramener à sa voiture et la laisse rentrer chez elle. Puis elle augmenta le volume pour ne plus l'entendre.

D'abord concentrée sur sa fenêtre, Karu se tourna bien vite vers la route en entendant son chauffeur jurer comme un camionneur, insultant les autres conducteurs. Elle voyait bien que c'était pas lui qui manquait de faire déclasser sa voiture à chaque tournant, mais elle regretta tout de même de ne pas avoir pris le volant, persuadée qu'elle maîtriserait beaucoup mieux la conduite. Se dépêchant de finir sa glace, une main serrée autour de la poignée de sa porte, elle finit par montrer le bas côté en avalant la pointe de son cornet.

Gare-toi là mec, tu vas nous tuer. Plus jamais je te laisse conduire ma voiture.

Espérant qu'il accepte de mettre son ego de côté et la laisse reprendre le volant, Karu se retint de crier quand ils croisèrent une voiture qui frôla presque son rétroviseur. Elle avait fait sa requête calmement, ne voulant pas l'énerver encore plus et risquer qu'il envoie sa voiture dans un pilonne exprès pour l'emmerder. Il en serait capable, saurait gérer pour bousiller le véhicule sans qu'ils soient blessés. Et putain si il faisait un truc con, elle le lui ferait payer bien plus cher que tout ce qu'il lui avait déjà donné comme fric...

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Kimura Hikaru  ϟ  Nishino Youta

Des excuses, il devrait s'en présenter à lui-même. Pour être ce qu'il est, pour faire ce qu'il fait. S'il avait meilleure conscience, il se demanderait pardon pour avoir ainsi viré sur la mauvaise voie. Être un enfoiré, faire du mal aux gens, aimer les hommes plutôt que des femmes, jeter toute sa frustration sur autrui. Bref, il s'excuserait en premier lieu pour le mal qu'il s'inflige à lui avant celui qu'il donne aux autres. Youta a toujours tendance à croire que personne ne peut le comprendre, ni se mettre à sa place. Hikaru ne peut pas savoir ce que cela fait d'être un fils "de" et de n'avoir aucune liberté, d'être condamné à vivre une vie qui ne nous appartient pas, qui ne nous plaît pas. Le pire, c'est d'être différent des attentes de ses parents. Être « bizarre », être « anormal », ne pas entrer dans le moule que l'on s'entête à lui confectionner sans demander son avis. Toute cette situation entraîne une grande dose de frustration qui le pousse à se venger sur plus faible que lui, mais aussi sur ceux qui pourraient lui ressembler. Hikaru rit de ses fausses excuses, pensant sûrement qu'il n'a pas de coeur pour être honnête. Elle n'a peut-être pas tort ou alors son coeur est si glacial qu'il pourrait être presque inexistant. Youta est humain, il comprend le sens du pardon mais ça ne veut pas qu'il le pratique ou l'affectionne pour autant.

« ▬ Si tu ne t'arrêtes qu'à ça. »

Façon de dire qu'elle a plus à découvrir qu'elle ne le croit, mais qu'elle n'aura jamais les occasions de le faire puisqu'ils ne s'entendent pas du tout. Hikaru devrait se méfier de ce qu'elle dit quand il tient le volant de sa voiture, sait-on jamais s'il venait à se vexer et à déraper par inadvertance. La prochaine fois, elle ira surtout se faire voir. Il ne le formule pas ainsi, mais il le pense fortement. Il n'y aura pas de prochaine fois, tant pis pour les apparences et les attentes de leurs admirateurs. Youta n'aura qu'à prétexter des entraînements tardifs pour le club de foot et ainsi ne pas croiser la demoiselle au détour d'un couloir.

Le volume de la radio à fond, le brun se concentre sur la route en lâchant des chapelets de jurons contre les autres conducteurs. Ce n'est pas lui qui conduit comme un pied, mais eux qui s'évertuent à lui courir sur le haricot. Sa vitesse est régulière mais basse, il ne compte pas avoir un accident à cette allure. Si c'était sa voiture, il n'irait pas au rythme des escargots. ça n'empêche pas les autres d'en profiter et de le rendre agressif, bien que sa copine soit la seule témoin. Cette dernière manque de péter un câble en terminant sa glace, lui désignant le bas côté. Quoi? Qu'a-t-il fait de mal pour qu'elle change d'avis en route?

« ▬ Et me laisser sur le bas côté en même temps? Rêve pas. »

Il refuse, lançant un regard en biais à l'étudiante qui est à deux doigts de fusionner avec son siège. De quoi a-t-elle peur? Les gens ne sont pas assez débile pour lui foncer dedans, même si l'un d'entre eux a failli emporter le rétro avec lui. Youta hausse les épaules, gardant ses mains sur le volant.

« ▬ As-tu si peu confiance en moi? Je te rappelle que c'est toi seul qui a voulu me confier ta voiture parce que madame avait les mains occupées. Maintenant c'est moi qui suis occupé. »

Chiant? Elle n'a pas fini de prier pour sa vie. Youta s'en amuse, prenant le bon côté de la chose. Hikaru n'est plus si sereine et arrogante qu'avant de prendre place à ses côtés dans son propre véhicule. Le fourbe serait prêt à prendre le bolide en otage et réclamer des avantages pour ne pas finir en prison, sans passer par la case départ et sans recevoir les vingt milles.