Jun se mit à rire, tellement qu’il en eut les larmes aux yeux. Il se doutait que Yoonie dût être confus à ses côtés, ne comprenant pas son amusement soudain. Pour le brunet c’était limpide et il garda pour lui ses nombreuses pensées à la suite des phrases de son partenaire de crime. Rencontrer ses frangins ? Pour son bien-être et le sien il ne valait mieux pas. Pour Jun, Adonis était un véritable grand frère malgré son côté brutal, mais ses sœurs… C’était une autre histoire et comme Yoonie était déjà traumatisé, il ne voulait pas lui rajouter des chocs supplémentaires. Avec ces femmes-là, il ne s’en remettrait jamais. L’une le prendra pour une peluche et l’autre… Il eut presque un frisson d’effroi. Ceci l’aida à se calmer doucement avant de secouer la tête, se relevant pour observer les jeux sur les étagères ainsi que d’autres petits détails insignifiants, histoire d’occuper ses yeux. Il affichait un sourire amusé sur ses lèvres, sourire que son cadet ne pouvait pas voir puisqu’il lui tournait le dos.   

« Un entretien ? T’en fais pas pour ça. Je suis le second des Moires, je ne ramène pas n’importe qui au Panthéon. Et puis, je suis un peu comme le chouchou. Donc là-bas, tu auras tout ce que tu voudras. Ton propre local si tu le désires, tes propres ordinateurs… Tout. Suffis simplement de demander et tu auras, mon enfant. »  

Avec ses derniers mots autant dire que Jun avait adopté son nom de divinité avec grand amusement. Fille d’Eris. S’il savait dans quoi il s’embarquait réellement, Yoonie aurait mi plus de réserve avant d’accepter. Cependant, le brunet n’allait pas s’en plaindre et n’allait surtout pas révéler ce qu’il se tramait réellement au Panthéon. Il fallait préserver la naïveté et la trop grande gentillesse du hacker, dans le cas contraire, il le perdrait et ceci, c’était hors de question. Le Ninomea laissa ses doigts glissaient sur les CD et tout ce qui était à porté de main sans réellement y toucher. C’était histoire de faire stresser son camarade allongé sur le lit. Ses petites choses étaient comme ses trésors, il se devait donc de le titiller en bon et due forme. Jun attrapa donc un jeu au hasard et fit exprès de le lâcher avant de le rattraper à la dernière seconde, croisant le regard de son interlocuteur l’instant d’après, ne retenant même pas son sourire aux lèvres. Ainsi, il avait des airs diaboliques.

« Quel maladroit je fais, dit donc. Heureusement que j’ai des bons réflexes. Ça me sera bien utile si tu gesticules à côté de moi pendant la nuit, je vais devoir te serrer contre moi comme un gros panda. »

En somme, c’était un sous-entendu pour lui dire qu’il n’a pas besoin de s’inquiéter parce qu’il fera de son mieux pour le réconforter. Il ne le dira pas à voix haute, mais Yoonie pouvait le comprendre, il n’en doutait pas. Il recommença ensuite son petit manège avec d’autres jeux, levant le bras quand le plus jeune voulut récupérer son bien. Il bougeait à droite, puis à gauche, reculer, échapper à l’emprise de son camarade, jouant toujours plus avec le jeu entre ses mains. Une étincelle brilla dans son regard et Yoonie avait tout intérêt à se méfier de cette lueur bien trop éclatante. Cela ne présageait rien de bon pour lui.

« J’ai aussi pensé à Hébé. Fille de Zeus, c’est la déesse de la jeunesse, la vitalité et la vigueur. Et… Elle protège les jeunes mariées aussi. »

Jun éclata de rire devant l’expression de son cadet, lui remettant le jeu entre ses mains après l’avoir baladé aussi longtemps. Il enroula ses bras autour de sa taille, son menton sur son épaule pour éviter qu’il le fuie. Maintenant qu’il savait, il prenait toutes les opportunités pour l’emmerder, tellement c’était facile de le mettre dans tous ses états. Mais ce n’était qu’une pure plaisanterie, ayant adopté Léthé à peine le nom s’échappa de ses lèvres. Ils se balancèrent tous deux dangereusement d’un côté et d’un autre, Jun dirigea le groupe dans la pièce, tournant sur eux-mêmes avant qu’il ne s’arrête juste en face du lit. Il poussa gentiment Yoonie contre le matelas, le faisant s’asseoir dessus avant de s’accroupir face à lui, un genou à terre. Il posa son coude dessus et ancra son regard dans le sien. Il ne voulait vraiment pas partir. Il s’amusait bien en sa compagnie et il oubliait ses propres problèmes le temps d’un battement de cœur. Seulement, il avait une vie et il ne pouvait pas la mettre entre parenthèses aussi facilement. Même si Yoonie pensait avoir gagné grâce au message et au comportement de Jun, la réalité le frappa de plein fouet, à sa grande tristesse.

« Ecoute, je dois m’absenter. J’ai un travail à terminer. Je dois aussi prévenir que je n’irai peut-être pas à la danse ce soir non plus. J’ai le champ libre pour le Panthéon, mais mon autre travail m’attend encore. Rien de bien long, mais le client est roi. Donne ton téléphone, tu auras mon numéro. »

Aussi vite qu’il avait parlé, on lui avait donné le téléphone et les numéros de chacun ont été désormais échangés. Cela sera plus facile pour communiquer. De plus, Jun avait le permis et une voiture donc faire les trajets ne lui demandait pas beaucoup de temps. Il sourit doucement devant le faciès de Yoonie et secoua la tête, lui relevant le menton pour que leurs regards se croisent de nouveau.

« Je peux revenir ici tout à l’heure, si tu le veux bien. Je reste dans le secteur, à quelques minutes à peine d’ici. Ou je peux partir simplement. Ton choix. »

   

« T’inquiète pas, j’avais pas l’intention de le faire. Je sais que je n’ai aucune chance et mon égo ne pourra pas se remettre du refus brutal que tu vas me donner. »  

Jun avait éclaté de rire, ne s’attendant pas à ce que Yoonie fasse une remarque de ce genre parce qu’il avait posé un genou à terre par instinct. Il secoua ensuite la tête. Il plaisantait dessus, mais tous deux savaient qu’il n’y avait de la place que pour Nao dans le cœur de Yoonie et cela convenait très bien à Jun. Il espérait sincèrement que tous les deux finiraient ensemble avant que l’hiver prochain n’arrive. Vu comment son cadet hésitait à faire le premier pas tout comme son crush, il y avait de quoi se poser des questions. Mise à part tout cela, le détective privé avait hoché la tête pour la suite des propos énoncés par son petite protégé et n’avait pas attendu longtemps pour filer juste après. A la dernière minute pourtant, il s’arrêta et cria sur le pas de la porte des mots destinés à Yoonie.

« Je reviendrai. Après tout, tu vas rêver de moi, il faut bien que j’apparaisse en cher et en os comme un ange tombé du ciel pour te retrouver. »

Il lâcha un petit rire avant de fermer la porte derrière lui. Il avait bien fait attention à récupérer sa veste ainsi que son portable qu’il avait toujours eu dans sa poche. Il dévala les escaliers à grand pas avec un semblant de sourire aux lèvres. En arrivant à sa voiture, il s’apprêta à la déverrouiller quand il repéra une silhouette dans le rétroviseur. Cette dernière était ornée d’une casquette qui dissimulait son visage et surtout d’un poing américain. Jun eut à peine le réflexe de se jeter sur le côté -remerciant intérieurement les cessions à la base pour être aussi réactif- que celui-ci s’abattit contre sa vitre, la brisant en mille morceaux. S’il n’avait été qu’une personne lambda, il aurait été mis K.O en un battement de cœur. Il sentit qu’on l’attrapait par le cou, mais n’eut pas le temps de réagir et sa tête se retrouva bientôt plaquée contre la voiture avec une violence qui le fit voir des étoiles. La personne qui lui voulait du mal mettait tout en œuvre pour lui faire perdre connaissance le plus rapidement possible. Malheureusement, l’alarme de sa voiture se déclencha l’instant d’après, provoquant un brouhaha incessant autour d’eux. Un peu sonné, avec du sang qui perlait sur sa tempe face au choc et aux brisures de verres, l’ancien militaire puisa sur ses forces pour ne pas sombrer dans les ténèbres. Comme on le lui avait appris, Il encercla la cheville de son assaillant, son coude se positionnant vers la trachée de ce dernier et d’un mouvement fluide, le fit tomber à la renverse, lui administrant un coup brutal par la même occasion. C’était la meilleure technique qu’il eut en tête vu la situation. Le dos de l’inconnu rencontra le bitume et Jun prit rapidement position au-dessus de lui pour l’immobiliser. Il entendit à peine son cadet descendre les escaliers à son tour, sûrement alerté par les bruits sourds juste en bas de chez lui. Son attaquant avait eu le souffle coupé et semblait récupérer de ce coup vicieux auquel il ne s’était pas attendu. Quant à Jun, tes tâches noires dansaient devant maintenant devant ses iris, mais il fit de son mieux pour se concentrer.

« Rentre Yoonie ! Qu’est-ce… »

Il ne termina jamais sa phrase. L’homme avait repris ses esprits bien plus rapidement que le Ninomea avait pensé, preuve qu’il avait l’habitude. Ce qui n’était pas bon signe pour lui. Il prêta à peine attention à Yoonie puisqu’il se retrouva à terre à son tour. Son agresseur lâcha prise sur lui pour une raison inconnue et se précipita vers le plus jeune, son poing dressait en avant, prêt à s’abattre sur lui. Il voulait certainement s’en prendre à lui et l’utiliser ensuite comme bouclier afin de mettre le brunet dans une position délicate. Ne souhaitant pas que cela arrive, Jun lui attrapa la cheville au dernier moment et fit en sorte de le faire tomber une nouvelle fois. Le corps s’écrasa comme il l’avait voulu et avec difficulté, il serra sa prise et tira vers sa personne, l’éloignant légèrement de son protégé.

« Va-t’en, Yoonie. »

Sa voix était légèrement enrayée, mais il était encore cohérent, ce qui était une bonne chose. L’inconnu essaya de lui donner un coup de pied pour s’enlever de son emprise, mais Jun s’en doutait, c’était assez prévisible pour vouloir se libérer. Par contre, il ne vit pas le deuxième coup de pied venir. Le changement de décision avait été trop rapide et avec ses sens amoindris, son temps de réaction lui faisait également défaut. Le brunet reçut frontalement un deuxième choc, les ténèbres menaçant de l’engloutir d’un instant à l’autre, mais il refusait de s’y soumettre. S’il perdait connaissance, rien de bon n’arriverait. Avec violence, il leva la tête et remarqua que l’agresseur était prêt à se jeter sur Yoonie d’un moment à l’autre. C’est ainsi, qu’avec maestra, Jun attrapa la cheville du gars plus fermement et le tourna dans un sens qui dépassait l’entendement, usant de toute sa force pour y parvenir. Il ne fallait surtout pas qu’il lui échappe et qu’il fasse du mal autour de lui. Les hurlements du type prouvèrent son effet rapidement, emplissant l’air et alertant le voisinage encore plus rapidement.  

« T’occupes pas de moi et rentre. »

C’était un ordre. Autoritaire et sans appel. Il attrapa la tête de l’inconnu, la soulevant légèrement avant de la plaquer au sol férocement, laissant l’autre personne s’évanouir sur le bitume. Il jura en anglais, des propos qui en ferait pâlir plus d’un. La douleur tambourinait dans son corps et il rencontra le regard de Yoonie qui était encore là malgré ses paroles. Sa tête lui tournait et il sentait sa conscience le quittait peu à peu. Mais il ne pouvait pas. Ne devait pas.

« Le client…Il… Se… Venger. Pars. »

Il se releva, retenant un gémissement de douleur in extremis. Son corps tremblait et il savait qu’il devait avoir des éclats de verre sur lui, mais ce n’était pas le plus important. Il attrapa le hacker par les épaules et le poussa doucement en arrière, vers l’appartement de ce dernier.

« Protège-toi. »

C’était un événement qu’il n’avait pas pris en compte. Jamais il n’aurait dû se faire agresser de la sorte. Les pièces du puzzle lui manquaient encore et son cerveau refusait de fonctionner correctement tandis qu’il titubait vers sa voiture. Il n’avait pas vu le visage de l’agresseur, mais aux vues de sa tenue vestimentaire, il en avait déduit que c’était la personne qu’il avait due stalker pour son client. C’était évident qu’il voulait éviter à son cadet d’être sous les feux des projecteurs, préférant qu’il reste chez lui et en sécurité plutôt que de faire face à deux hommes en train de se battre. C’était encore plus évident qu’il voulait le protéger de tout danger, prenant toutes les responsabilités. Il savait qu’en ayant usé de violence devant lui, il ne voudrait sûrement pas l’avoir à ses côtés pour le moment. Il devait dégager de là avant que la police ou autres individus ne débarquent. Il se devait de rester dans l’ombre. Incognito. Sa vie en dépendait.

 
A peine Yoonie l’avait rejoint à ses côtés qu’il s’abandonna un instant dans ses bras. Son corps tremblait et sa vision devenait de plus en plus flou au fil des minutes. Il sentait les ténèbres le tirait au plus bas et lutter était presque devenu aussi difficile que de respirer. Il donna volontiers les clés à son ami sans même chercher à se battre, sachant que c’était la meilleure solution et il s’engouffra dans le véhicule, s’allongeant sur la banquette arrière, une main sur son front. Puis, il ferma les yeux. Il laissa son cadet s’occuper de reste, indiquant simplement le GPS d’un mouvement de la main. Il murmura de petits mots comme « à la maison » ou « suis le GPS » avant de grimacer, retenant ses gémissements de douleur. Il ne savait pas s’il était tout à fait conscient, parce que certains épisodes manquaient à l’appel dans sa mémoire, remplacé par des trous noirs. Il ne vit, pas plus qu’il n’entendit son ami démarrait le véhicule et partir. Il revenait à lui par intermittence et un silence pensant habitait l’habitacle. Il comprenait plus ou moins la colère de son ami. Il ne lui avait pas fait confiance et voulait qu’il parte. Pour ce dernier, cela sonnait comme une manipulation de sa part. Il avait osé dire qu’il le trouvait fort et l’envoyer paître chez lui dès la première difficulté. Comment l’en blâmer ? Contre toute attente, c’était Jun qui reprit la parole avec des propos bien trop révélateur sur lui, son timbre de voix bancal et ruisselant de peur.   

« Quand… Ce type s’est approché de toi… J-je… J’ai cru qu’il allait te tirer dessus comme les autres autrefois. Ça n’avait pas de sens, je sais… Mais je…J’ai cru qu’il allait vraiment tirer… J’ai cru que l’un deux étaient de retour… Je revoyais mes amis au sol, baignant dans leur propre sang et les autres… Ils continuaient de tirer sans discontinuer. J’entendais les cris, les hurlements… Puis le silence. Je pensais que ça recommencerait Yoonie. Il était bien trop agile, trop rapide. Il avait l’habitude qu’on le frappe. J’ai... Eu peur. Ce n’était pas normal. Il fonçait vers toi… Il était trop déterminé. Il n’avait pas peur. Il voulait faire du mal, comme eux. J’ai cru que ce jour recommençait, que j’allais te perdre. Cru que j’allais encore perdre un de mes proches. Je... J’ai pas réfléchi. Tu devais fuir et pas finir comme eux. C’était déjà trop tard pour moi, mais pas toi. »  

Passé et présent s’était entremêlait de façon brutale pour Jun. Il savait que ce n’était pas possible ici et pourtant une peur soudaine s’était emparée de son corps, figeant son esprit pour une réflexion illogique. La seule solution qu’il voyait c’était la fuite. Fuir des balles inexistantes plutôt que d’affronter la mort en face. Il retenait des larmes brûlantes de couler sur ses joues. Il ne devait pas, ne pouvait simplement pas. Il n’était plus à la base. Il ne vivait plus ce genre d’attaque. Et pourtant, son cerveau avait enregistré la scène et l’avait assimilé à un événement connu de son passé. Pendant ses pertes de conscience, Jun avait murmuré d’autres détails, d’autres propos sur les corps inanimés de ses anciens amis, sur les assaillants, ses mots donnaient froid dans le dos par moment. Un autre silence s’invita entre eux, plus long que la première fois, seule la respiration lourde du Ninomea animait l’ambiance. Puis, soudainement, quand le brunet reprit conscience et il prit la parole avant que son interlocuteur ne le fasse.

« Quand je t’ai vu arrivé, je voulais que tu partes. Que tu retournes te protéger parce que mes amis ne l’avaient pas fait. J-je n’aurai pas pu supporter s’il t’aurais fait quelque chose. Je pensais pas qu’il y avait d’autres solutions. Et j’ai eu tort. Je t’ai vu te battre en retour et on a immobilisé ce type ensemble. Seul, je n’aurai pas pu.  Je… Désolé, Yoonie. J’ai été con et téméraire. »

Il dû perdre connaissance encore une fois parce que lorsqu’il rouvrit les yeux, la voiture s’était arrêtée. Il tenta de se relever et n’y était parvenu que grâce à son protégé. Ensemble, ils marchèrent comme un seul homme jusqu’à l’appartement de Jun. Il lui donna ses clés et ils pénétrèrent chez lui. En allumant les lumières, Yoonie pouvait remarquer un endroit chaleureux où il régnait une ambiance plus américaine que japonaise. Il n’y avait aucune photo personnelle, mais des plantes, des décorations ornaient l’appartement pour quelque chose de sympathique, loin d’un sentiment spartiate de militaire. Seul le côté propreté et le rangement impeccable sentait le maniaque en lui. Pour le reste, c’était un appartement des plus banals. Les deux comparses finirent sur le canapé en cuir, Jun s’y lâchement mollement. Il indiqua la salle de bain d’un signe de main, là où tout produits de soins y était entreposés. Salle de bain où une armoire était bien trop équipée en tout soins différents. Comme un hôpital, il ne manquait de rien et Yoonie pouvait prendre tout ce qu’il souhaitait sans se poser de questions. Le brunet sursauta lorsqu’il revit son cadet revenir vers sa personne, ses mains ayant protégé son corps d’un quelconque choc avant de se détendre, reconnaissant un ami. Il avait encore une fois sombré dans l’inconscience sans s’en rendre compte. Il jura tout bas en posa sa main sur le poignet de Yoonie.

« Si tu veux me frapper attends demain, je pourrais encaisser et tu pourras te défouler. Je pense aussi que tu voudrais partir, vu comment j’ai agi comme un con et je ne t’en voudrais pas pour ça. »

Jun n’allait pas le cacher, il avait vu le visage de son ami et rien de bon ne s’y reflétait. Il pinça ses lèvres et ferma les yeux. Merde. Quel merdier. Il soupira avant de jeter un coup d’œil vers les différents pansements, désinfectants et autres babioles dont il avait besoin pour des soins low-cost. Hors de question de foutre un pied à l’hôpital. Il relâcha le poignet de son protégé et fut soulagé de se rendre compte que son corps ne tremblait plus. Il avait froncé les sourcils et maintenant que l’adrénaline ne courait plus dans ses veines, il prenait conscience de la situation. Ne croisant pas le regard de Yoonie, il reprit la parole, beaucoup moins confiant qu’avant.

« Je pensais en avoir fini avec ses conneries d’attaques et d’attentats, mais apparemment non. Mais ça ne change rien. J’ai merdé. Tout simplement… merdé. »

 
Yoonie ne partait pas. Cette nouvelle rassura grandement Jun qui ne se pensait pas capable de rester seul dans l’état où il était. Il ne crut que très moyennement à certains de ses propos surtout sur le fait qu’il ne lui en voulait pas. Son sourire ne prenait pas avec lui. Même dans son état pitoyable il savait encore observer. Il ne cacha pas le fait qu’il ne le croyait pas sur ce dernier point. Au moins, son cadet avait avoué qu’il était blessé par ses paroles et ne voulant plus aller en arrière, il se devait d’aller de l’avant. De faire un minimum confiance à cette personne qui se dressait devant lui, à celui qui ne l’avait pas abandonné, qui était resté malgré ce qu’il lui avait dit. Lentement, il hocha la tête, le remerciant une énième pour les soins prodigués sur sa personne. Il se leva, titubant au départ avant de retrouver un semblant d’équilibre. Il partit à la recherche de l’ordinateur d’Eris et non le sien qu’il donna à Jaeyoon sans aucun problème. Puis, il fit demi-tour et se dirigea vers la cuisine. Il sortit des paquets de bonbons d’un tiroir ainsi que d’autres trucs loin d’être sains afin de se requinquer lui-même, même si la nourriture le dégoûtait un peu pour le moment. Il se laissa choir sur le canapé, le meuble encaissant son poids sans crier et il donna le tout à son protégé. Il avait mal au crâne, mais heureux de ne pas avoir de fièvre. Il prit quelques linguettes afin d’essuyer le sang sur lui ainsi que sur la peau de Yoonie qu’il avait marquée. Avec de très lents gestes, d’une douceur peu commune venant de Jun, il s’appliquait à la tâche comme un véritable infirmier.
 

« Mange autant que tu veux et dès que tu as retrouvé le type, je te passe un portable jetable avec le numéro d’Adonis enregistré dessus et tu balances cet enfoiré. »  


C’était une marque de confiance qu’il lui donnait. Il n’avait jamais rechigné, jamais dégradé, jamais rien dit dès l’instant où Yoonie l’avait soigné, le laissant la manœuvre de tout. Il croyait en ses capacités et le fait de n’avoir dit non à rien en était la preuve vivante. Il n’avait même pas pipé mot quand Yoonie se mit au travail, le laissant simplement faire. Jun s’était bougé pour donner plus d’espace à son soigneur d’un temps et pendant que son cadet pianotait sur les touches, le Ninomea quant à lui, pansait et nettoyer le reste de ses blessures. Il lâcha quelques jurons par moment tout en jetant des bouts de verres dans la poubelle et indiqua d’un doigt menaçant envers son interlocuteur de retourner sur l’ordi plutôt que de s’occuper de lui. Il en avait déjà fait beaucoup. C’était dur pour lui de s’en remettre à quelqu’un, surtout depuis qu’il était entré au sein de la famille Ninomea. C’était chacun pour soi, qu’importe l’état de l’autre. Le seul point positif c’était que ce connard allait avoir tout le Panthéon sur le dos, une satisfaction était lisible sur le faciès du brunet à cette simple pensée. Mais son semblant de sourire fana l’instant d’après en pensant au reste. Il jeta un coup d’œil vers Yoonie et soupira d’avance. Il devait le remercier. Même s’il était un enfoiré finit, il avait un minimum d’éducation.  


« Merci de m’avoir emmené jusqu’ici et de m’avoir soigné. »


Il laissa un léger silence puis une soudaine colère s’empara de lui. Ses émotions étaient sens dessus dessous et il souffla à plusieurs reprises pour se calmer et reprendre le contrôle. Maintenant, il était en sécurité et ne craignait plus rien. Les démons intérieurs dans sa tête devaient partir. Il ferma les yeux un instant, repoussant ce qu’il venait de se passer puis les rouvrit en les posant sur son protégé. Depuis sa plus tendre enfance, Jun avait pour habitude de dire ce qu’il avait sur le cœur, ses parents l’écoutaient et l’obligeait à parler quand des choses terribles se passaient ou simplement pour écouter le récit de ses journées. C’était donc tout naturellement qu’il se confia et c’était beaucoup plus facile puisqu’il ne le regardait pas, mais regardait son écran de pc. Sa voix était douce et calme, ses mots sans filtre, malgré son poing serré.  


« C’était une connerie de ma part d’avoir insisté pour que tu partes, mais je ne le regrette pas pour autant. Je ne vais pas te mentir, je suis content que tu m’ai aidé, j’ai flippé aussi, mais dans le fond, je comprends pas pourquoi tu es autant blessé. Je n’ai pas dit une seule fois que tu étais lâche si c’est ça le problème. Je ne t’ai vu qu’une fois dans une situation où il fallait être courageux et tu l’as été. Tu peux pas me reprocher d’avoir pensé à ta sécurité. Si les rôles étaient inversés, tu aurais fait pareil. Donc, oui, je préférais te savoir en sécurité plutôt que d’être blessé par un enfoiré comme lui. Mais j’ai compris que c’était inutile, que je n’avais pas besoin de te surprotéger pour autant. Tu n’es pas un bébé. Malgré ta gentillesse, tu sais te défendre. Il en aura les marques comme preuve. Je ne recommencerai pas, mais tu ne pourras pas m’empêcher d’être inquiet. Si quelque chose de similaire venait à se reproduire, sache que mon premier instinct sera de te dire de partir, de te protéger comme toute personne normale ferait, mais si tu ne veux pas, je ne te forcerais pas. Tu prendras les conséquences comme tu le voudras. Même si je ferais en sorte de ne pas te refoutre dans un merdier pareil. »


Il était content d’avoir dit le fond de sa pensée. Qu’importe si Yoonie n’appréciait pas certaines choses, il ne pouvait pas tout changer du jour au lendemain. Son père lui avait toujours dit de protéger les civils en premier et depuis lors, c’est ce qu’il avait fait. Savoir que Yoonie n’avait pas les mêmes entraînements que lui était l’une des causes de son comportement surprotecteur, mais ce n’était plus pareil et il devait l’assimiler. Il soupira, rangeant tout le bordel sur sa table basse. Il n’attendait pas de réponse et ses actions le prouvait bien. Il rangea le tout dans la salle de bains et chercha un téléphone jetable qu’il trouva. Il ramena son postérieur sur le canapé et le posa aux côtés de son protégé, envoyant lui-même un message à Adonis pour le prévenir de la situation. Son mal de tête n’était toujours pas parti et il avait de grande chance de le garder encore longtemps. Le sommeil l’appelait, mais il avait peur des cauchemars.  


« Si tu veux dormir, ma chambre n’est pas loin, à côté de la salle de bains. J’ai trop peur des cauchemars pour l’instant donc je ne préfère pas dormir de suite. »


A la place, il posa sa tête contre le dossier du canapé et ferma les yeux un instant. Ses bras étaient croisés sur son torse, comme pour se protéger lui-même, le sommeil l’emportant doucement vers les ténèbres.

 
Quand les mots de Yoonie parviennent jusqu’aux oreilles de Jun, celui-ci redressa subitement la tête et la tourna vers son jeune protégé. La fatigue accumulait s’était volatilisé aussi facilement que s’il avait été dégrisé. Toute son attention était focalisée sur lui et un lent et fin sourire étira ses lèvres dû à cette surprise. L’innocent hacker demandait des cours pour se défendre ? Fort intéressant. Peut-être que le Ninomea devait y réfléchir plus longuement, mais il n’en avait pas envie. Contrairement à d’autres, il ne voyait pas le problème de vouloir apprendre à se défendre seul. Et étant donné le souci personnel que ressentais Yoonie devant son impuissance, le brunet ne pouvait refuser une telle demande. Même s’il résidait une certaine innocence dans cette âme pure, il était peut-être temps de combler cette blessure. Sa réponse fusa à peine son interlocuteur avait finit de parler, preuve de sa rapide décision. 


« Oui, sans soucis. Je t’appendrai ce que tu voudras Yoonie. »  


Le seul souci étant… Est-ce qu’il comprenait vraiment le fond du problème avec lui-même ? Jun ne voulut pas franchir cette pente glissante au risque de chagriner encore une fois son cadet. Ce n’était pas dans ses habitudes de se rétracter, lui qui était si grande gueule, mais il mesurait ses propos pour la première fois en se taisant. Il avait une brève espérance que peut-être au fur et à mesure et que si d’autres circonstances comme aujourd’hui venaient à se reproduire, il pourrait comprendre que l’art du combat ne l’aiderait pas pour tout. Seulement pour le côté superficiel de l’égo en lui. Ce qui était déjà beaucoup vu le peu d’estime que son cadet avait pour lui-même. A force d’avoir entendu de mauvaises paroles, il les avait enregistrées et encrées dans son subconscient, au point que c’en était affligeant. Parce que c’était plus profond que le simple fait de paraitre faible aux yeux des autres. Jun était bien placé pour le savoir, il l’avait vécu d’une manière brutale autant physiquement que mentalement, mais ayant déjà trop partagé de sa vie privée, il garda pour lui les nombreuses débâcles qu’il avait reçues quand il était plus jeune. Peut-être qu’il se confiera un jour, s’il en avait l’occasion. Pour l’heure, il allait apprendre des choses à Yoonie par rapport à son propre entraînement militaire. Il grimaça d’avance en regardant de haut en bas la constitution du corps du plus jeune jusqu’au paquet de bonbon à ses côtés et retient un soupir in extremis. Cela n’allait pas être une partie de plaisir, surtout en tenant compte de l’emploi du temps de chacun. Néanmoins, c’était un challenge qu’il était prêt à relever. Pour lui. Pour son protégé.


« Tu sais que même en sachant te battre, l’inquiétude restera présente. La seule différence, c’est que je sais que tu seras capable de te débrouiller sans que je ne jette un coup d’œil en cas où. Et je vais faire en sorte que ce soit le cas. On commencera une fois cette histoire au placard. On se verra beaucoup plus souvent, je t’accompagnerai dans les entraînements quotidiens. A deux, c’est mieux que seul. »


Et il était vrai que cela ne fera pas de mal au brunet de revenir à un régime drastique. Il avait eu beaucoup de laisser aller, mais pas au point d’affecter son corps fort heureusement. Pour Yoonie, par contre, les étapes allaient être difficiles au début et connaissant le caractère de son camarade, il devait se douter qu’il n’allait pas aller de main morte avec lui. Aucun laisser passer, aucun favoritisme et s’il voulait accélérer le processus, il allait devoir mettre les bouchées doubles. Cette idée l’excita, lui redonnant un regain d’énergie qui le fit gémir de douleur à cause des ses mouvements trop brusques. Il jura des propos très fleuris qui en ferait rougir plus d’un avant de secouer la tête.   


« Je t’aide seulement si c’est pour toi. Si c’est pour le regard des autres, ça ne tiendra pas la route. C’est plus intense qu’un abonnement sportif en salle. Tu vas changer physiquement -en mieux, je te rassure, mais ton mental aussi, va se forger. Mais t’en est largement capable, tu me l’as bien démontré tout à l’heure. »


Il le rassura en riant que s’il voulait pleurer, il pouvait. Idem pour les plaintes. Jun raconta que lui-même avait pleuré plus d’une fois lors d’un entraînement où il avait eu l’impression que son corps se déchirait en deux. Certains de l’unité étaient des tyrans, ne faisant aucune distinction entre ado et adultes. Il avait été à bout de souffle plus d’une fois, on l’avait jugé et critiqué et pourtant, il s’était dressé rapidement parmi les meilleurs.  


« Détermination. Mon égo joua beaucoup dans la balance et la danse également. Alors, si tu t’écroules, je te rattraperai, Yoonie. Je ne t’abandonne pas. La seule chose que je te demande en retour, c’est de tout me dire. Toujours. En bien comme en mal, tu ne dois pas avoir peur de me parler. Le but n’est pas que tu souffres, mais que tu apprennes. Si certaines choses sont hors limite, dis-le-moi. Si tu veux arrêter ou aller plus loin, dis-le. Je ne pourrais pas toujours tout deviner. »  


D’un mouvement du menton, il lui indiqua les bonbons et fit une croix avec ses doigts. C’était douloureux, mais il allait devoir ralentir sur la quantité de sucre. Sauf en cas d’urgence comme travailler sur l’ordinateur. D’ailleurs, Jun se leva et prit ce dernier des genoux de son protégé avant de le poser sur la table basse. Il attrapa les mains de Yoonie et le releva avec facilité, l’entraînant avec lui jusqu’à sa chambre. 


« Au dodo. Le Panthéon s’occupe de la scène de ménage devant chez toi. Demain je te fournirai les informations de mon client et avec tes compétences, tu arriveras à remonter jusqu’à lui et donc notre mystérieux agresseur. Tu as besoin de dormir maintenant. Ne discute pas. »


Jun précisa à Yoonie qu’il allait prendre une douche avant de dormir, s’il voulait faire de même il n’y avait aucun souci. Même en habitant seul, il avait de quoi accueillir des invités. Seule différence, c’est que tous deux allaient dormir dans le même lit, même si le Ninomea avait des doutes sur le fait qu’ils allaient réellement succomber aux bras de Morphée. A son grand avis et instinct surtout, il était fort probable qu’ils parlent tous les deux, l’un à côté de l’autre, dans l’obscurité réconfortante de sa chambre. Du moins, c’était ce qu’il pensait en s’allongeant dans son lit, du côté de la porte, ne donnant pas le choix à son ami de prendre l’autre côté du lit. 


« C’est con, mais... Pourquoi maintenant, Yoonie ? Pourquoi moi et pas quelqu'un d'autre ? Je te fais tant d'effets que ça ?»


Malgré la situation merdique, Jun ne perdait jamais un instant pour essayer de détendre l'atmosphère.