Ajustant sa veste, Moya se leva de table, saluant les clients avec qui il venait de passer la soirée. Depuis son retour au Japon, trois semaines plus tôt, il n'avait presque pas eu une soirée à lui, toujours occupée dans des fêtes mondaines ou pris par des rendez-vous d'affaire. Il se faisait une clientèle, se faire connaître, se faire aimer. En Chine, sa renommée n'était plus à faire et, s'il avait des contacts à Tokyo, il ne prenait rien pour acquis et prendrait le temps qu'il faudrait pour s'assurer des revenus corrects.
Sortant du restaurant, il releva son col pour se protéger du froid, décidant qu'il marcherait un peu avant de rentrer chez lui. Il était encore tôt et il avait envie de se dégourdir les jambes, de se promener dans ces rues qu'il ne connaissait plus. Il n'avait pas grandit à Tokyo mais y était venu assez souvent pour se sentir familier avec les façades, les devantures de boutiques et les enseignes de restaurants. Il se revoyait avec son frère, courant vers un magasin de confiseries, leur père derrière eux pour leur demander de se calmer.
Il marcha pendant une demi-heure avant de revenir vers le restaurant pour reprendre sa voiture de location et rentrer. Il faisait nuit noire, les rues seulement éclairées par les lampadaires, certains clignotants, l'un ou l'autre complètement éteint. Moya aurait pu ne rien voir, ne rien entendre, passer son chemin sans avoir conscience de rien, mais il entendit des murmures et il tourna la tête. Derrière le restaurant, il vit une jeune fille et un gars, serveuse qui prenait sa pause et mec qui l'emmerdait visiblement. Elle le repoussait et lui parlait avec un sourire aviné sur le visage.
Là encore, Moya aurait pu se dire que c'était pas son problème. En soi, le gars avait pas l'air de vouloir la violer, il se montrait juste un peu trop avenant envers la demoiselle, alors d'autres seraient partis sans une once de culpabilité. Oui, il aurait pu s'en aller et oublier cet épisode, mais il n'était pas comme ça. Glissant ses mains dans ses poches, il s'avança dans la ruelle, s'arrêtant à quelques pas du "couple" et se racla la gorge pour attirer l'attention des jeunes.
Bonsoir ! Je suis navré de vous déranger mais je me demandais, mademoiselle, si ce jeune homme vous embêtait ?Son regard pour la fille fut tout à fait sympathique, celui de quelqu'un qui ne voulait que l'aider et la protéger contre un potentiel agresseur. Puis il se tourna vers l'autre, lui lançant un avertissement dans ses prunelles masquées par le manque de luminosité. Il n'était pas l'homme le plus musclé du monde, baraqué à faire peur, mais son assurance était bien plus effrayante et l'attitude nonchalante faisait hésiter l'autre.
Un combat de regards commença entre les deux hommes, Moya attendant une offensive pour le mettre à terre, l'autre se demandant s'il avait ses chances contre un gringalet qui semblait si sûr de lui. Finalement, après presque une minute de joute silencieuse, le gars ramassa ses affaires et s'éloigna en marmonnant dans sa barbe, visiblement furieux d'avoir été dérangé dans ce qu'il croyait être une partie de flirt tout ce qu'il y a de plus banale. Moya le regarda s'éloigner avant de s'approcher de la jeune femme, son visage de nouveau avenant.
Vous allez bien ? Il ne vous a pas fait de mal ? 
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