ambitieux + il a toujours tout donné pour réussir dans ce qu'il aime faire, dans ses projets, dans ses études. C'est un garçon assidu qui voit au delà de l'instant présent et qui rêve en grand. Du moins c'était le cas. Il a revu ses ambitions à la baisse mais ne manque pas de se montrer studieux malgré tout.
créatif + lorsqu'il faisait de la musique, il composait beaucoup et écrivait même quelques textes. aujourd'hui, il joue avec les mots et cherche à s'exprimer artistiquement encore mais différemment.
avenant + il semble toujours aimable, il est rare de le rencontrer sans son sourire. dur aussi de le trouver désagréable puisqu'il fait toujours preuve d'une politesse à toute épreuve. ça ne serait jamais le mec qui pousse au conflit. il sait aussi s'inquiéter des autres et s'enquérir de leurs problèmes même lorsqu'il n'est pas forcément d'humeur.
fêtard + malgré ses côtés très sérieux, il n'en reste pas moins un rockeur dans l'âme. et qui dit rock, dit sex & drugs. il lui est arrivé de finir dans des états assez pitoyables. mais il ne regrette rien. il faut bien que jeunesse se passe.
militant + il s'est toujours montré très engagé dans les causes qui lui tiennent à coeur, comme les droits LGBT. il ne manquera jamais une gay pride et l'occasion de manifester contre les discriminations envers les membres de cette communauté à laquelle il appartient.
secret + il garde sous scellées la plupart de ses secrets, que ce soit ses sentiments amoureux qu'ils ne déclarent pas, ou ses peines profondes qu'il panse seul à l'abris des regards... il ne partage que très peu ses états d'âme.

La scène est à nous. Du bout de mes doigts je fais déferler les notes en quelques accords bien accrocheurs. La rythmique est parfaite. Nous avons tant travaillé. Et je suis fier de nous. La foule, en délire, semble être de celles qui nous reconnaissent depuis quelques temps. Notre notoriété se crée, petit à petit. Peut-être bien qu’un jour, nous rentrerons dans l’histoire. J’en ai l’ambition. De quelques arpèges et autres envolées guitaristiques, j’exécute mon solo sur les riffs du bassiste du groupe dont je suis le leader. Collant mon dos au sien, nous jouons sur notre complicité et avec celle que nous engageons avec le public depuis le début de la soirée. Celui-ci est le dernier morceau. L’apothéose de notre concert. Et lorsque les dernières notes retentissent nous levons les bras au ciel, sourires béats sur nos faces d’imbéciles heureux. Et nous laissant envahir par le brouhaha grisant des applaudissements, nous finissons par saluer. Dans le micro qu’il tient encore en main le chanteur remercie tout le monde en nous présentant une dernière fois. Et nous terminons ce live, euphoriques. Nous étions ce soir en première partie d’un groupe à la renommée nationale voire continentale. Peut-être bientôt ce succès sera-t-il le nôtre. J’enlace mes camarades musiciens, rencontrés à la faculté de musicologie pour la majorité, avec engouement, gardant au creux de mes bras, un peu plus longtemps ce bassiste que j’adore tant, peut-être un peu plus que ça, sans jamais avoir osé lui avouer. Et une fois rafraîchis et désaltérés, nous rejoignons sans tarder la foule en délire pour écouter la suite du concert. Un groupe de rock légèrement plus… déluré que le nôtre. Et nous apprécions le spectacle, sautant avec le reste du public au tempo de leur musique endiablée. Et tout à coups des cris. Et pas des cris d’enthousiasme, rien à voir avec l’énergie du moment. Un cri… de terreur pure. Sur la scène, un spot vient de s’enflammer. La baguette du batteur s’est envolé dans ce dernier, s’est écrasé sur la scène et commence à mettre le feu à ce qui l’entoure. La panique gagne la salle alors que les affiches, les rideaux autour de la scène s’embrasent à leur tour. L’incendie gonfle et la peur pousse les gens à courir, en désordre vers les sorties de secours. Je tente de faire de même, agrippé aux doigts de mon bassiste qui tente de m’entraîner à sa suite. La précipitation ne fait pas bon ménage avec l’angoisse. Et je me retrouve rapidement bousculé, chahuté, renversé. Mon visage rencontre le sol douloureusement. Je crois bien que je me suis pété une dent. J’entends qu’on crie mon nom. Je tente, tant bien que mal de me redresser pour chercher la provenance de ce son mais je ne vois que des jambes, des chaussures qui frôlent mon visage dangereusement. Dans un sursaut de courage, je tente de me redresser mais quelqu’un trébuche sur mon dos et je tombe à plat à nouveau. J'essaie de retrouver mes esprits, quand tout à coup une douleur, violente, irradie ma tête. Et bien vite, je perds connaissance.

Jour de la rentrée. Changement de filière pour moi. Je recommence tout. J'ai eu le droit à une bourse. Je peux vivre dans la cité universitaire de Chuo. Adieu musique, bonjour littérature. Les livres ont été salvateurs pour moi. Il n’y a qu’en eux que j’ai trouvé du réconfort ou tout du moins le moyen d’oublier un tant soit peu ma condition nouvelle. Fractures des rochers, os internes de l’oreille. Tympans endommagés à vie. Conséquences du traumatisme crânien que j’ai subi lors de la débandade. Sourd. Etat probablement définitif. Au bout de ces trois dernière années sans rien entendre, je désespère de pouvoir un jour à nouveau ne serait-ce que percevoir des sons, quels qu’ils soient. De ma guitare je ne perçois plus que les vibrations des cordes sous mes doigts. Lorsque j’ai appris la nouvelle, je m’éveillais à l’hôpital. Les médecins avaient déjà constater les dégâts par quelques scanners. Ils n’ont donc pas tardé à lâcher l’information. Le choc, avant toute autre chose fût l'émotion que je dus apprivoiser. Je suis resté la bouche ouverte, sans réaction, en lisant ce qu’ils m’écrivaient au feutre effaçable sur une ardoise, comme celle qu’on utilise à l’école primaire. Puis le déni, j’ai répété que non, de la tête d’abord puis de mes lèvres. Et en constatant qu’aucun son ne me parvenait, la colère. J’enrageai, essayai de sortir de mon lit d’hôpital, arrachant mes perfusions et hurlant à plein poumons. Mais toujours sans rien entendre. Et puis j’ai tenté de négocier, de supplier les médecins de trouver une solution, posant toutes les questions qui me passaient par la tête sur le futur de ce sens dont je dépendais. Sans lui, plus de musique. Mais toujours pas de son. Juste ces vibrations dans ma gorge quand je tentais de parler et dans le reste de mon crâne mais… toujours aucun son. Puis vînt la dépression. Pendant de longues semaines, je restais alité, pour favoriser la cicatrisation de mon oreille interne, éviter les problèmes d’équilibre. Et j’eus alors le temps de me morfondre, de pleurer, énormément, douloureusement devant tous mes rêves qui s’envolaient. J’eus la visite de mon groupe qui avait appris la nouvelle et qui voulut tenter de compatir à mon sort. La première visite seulement. La suivante fût celle de l’annonce qui détruisit plus encore mon moral : un producteur de musique voulait les faire travailler sur l’enregistrement d’un album. Ils allaient me remplacer. Parce qu’ils ne pouvaient pas dire non à une telle proposition, n’est-ce pas ? Ils ne pouvaient juste pas. Je devais comprendre. J’aurais dû. Je n’y arrivai pas. Et je leur annonçai ne plus jamais vouloir poser mes yeux sur eux. Je me sentais… trahi. Et le temps n’y changea rien. Je suis encore aujourd’hui plein de rancoeur envers eux, n’arrivant pas à dépasser cet abandon amer. Même si je voudrais être capable de me réjouir pour eux. A croire que je n’ai pas encore totalement passé l’étape de l’acceptation de ma condition. Car si c’était le cas, je me rendrais bien compte de l’opportunité qu’ils ont eu et n’ont pu refuser. A croire que le fait d’accepter de ne jamais être le musicien que j’ai rêvé de devenir est… trop difficile. Ca fait trop mal. Mais plutôt que d’y penser encore et m’y focaliser, j’essaie d’avancer. De devenir un autre homme. En plus de me perdre dans la lecture de chefs d’oeuvre, je me suis aussi plongé dans l’apprentissage de la lecture sur les lèvres, afin de comprendre les gens qui tentent de communiquer avec moi sans connaître mon handicap. Et à signer aussi, bien que je sois capable de parler encore, même d’une voix monotone d’après ma famille. Notamment, justement, pour comprendre ceux qui chercheraient à s’adresser à moi en signant. J’avance. Je vis. Et j’ère. Cherchant un nouveau but à mon existence à présent faite de silence. Plus le temps passe et plus ma mémoire des sons, de la musique disparaissent. Et bientôt mes souvenirs seront eux aussi silencieux. Et je le redoute... plus que tout au monde.