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Hoshino Mitsue
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C'est bientôt l'anniversaire de ma sœur, une fois de plus, je ne pourrai pas être présente pour le fêter avec elle, mais comme chaque année depuis mon arrivée au Japon, je lui envoi un courrier. Je pourrai faire ça par internet, mais j'aime bien l'idée d'écrire moi-même un mot pour elle, je trouve que c'est plus personnel et ça lui fait quand même quelque chose qui vienne de moi. Alors ce matin, je lui ai écrit une longue lettre, ça fait un moment que je n'ai pas pu lui parler. Le décalage horaire n'est pas pour nous aider. Et puis, je suis tellement concentrée sur mes cours en ce moment, que je n'ai le temps pour rien d'autre. Me remettre à fond dans mes études m'a permis de me déconnecter de tout le reste pendant un moment. Les choses avaient été compliquée dernièrement et comme aucune solution n'était à cent pourcent satisfaisante, c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour ne plus y penser. Et de toute façon, j'avais bien besoin de m'y remettre, ces derniers temps, mes notes n'avaient pas été très bonnes et je remontais petit à petit la pente.

Après avoir déposer mon courrier à la poste, je sortais dans la rue et apercevais sur le trottoir d'en face un visage connu. Depuis la rentrée, j'avais essayé de penser le moins possible à lui, évitant soigneusement tout contact qui aurai pu être mal interprété. J'avais même mi fin aux cours particuliers que je prenais avec lui. Naturellement, avec le temps, la rumeur qui courait à notre sujet avait fini par se tasser. En dehors des cours à l'université, je n'avais donc plus l'occasion de le croiser. Alors tomber sur lui aujourd'hui avait quelque chose d'étrange. Je suivais sa carrière de loin, je savais qu'être prof n'étais pas son but dans la vie et qu'il voulait relancer sa carrière d'acteur au Japon. Récemment, j'avais vu qu'il avait finalement décrocher un rôle dans un drama. Je n'avais pas pu m’empêcher de sauter de joie en l'apprenant et j'avais résister de toutes mes forces à l'envie d'aller le féliciter après un cours.

Depuis que j'avais appris la nouvelle,  j'y avais pensé, pourquoi donc m'intéressais-je autant à sa carrière et à ce qui pouvait lui arriver dans sa vie ? J'avais fini par me rendre à l'évidence, quelque chose m'attirait irrémédiablement vers lui. Pourtant, je savais que ça ne nous attirerait que des ennuis, alors j'avais fais taire cette petite voix au fond de moi et j'avais fais de mon mieux pour l'ignorer lorsque je le croisais sur le campus. Mais aujourd'hui, nous n'étions pas à l'université et dans ma tête, cette petite voix refaisait surface, me poussant à aller à sa rencontre. « Bonjour monsieur Koizumi ! » J'affichais un grand sourire, réellement contente de le voire. Je ne savais pas si c'était une bonne idée, mais je n'avais pas pu résister à la tentation. « Je voulais vous féliciter, j'ai vu que vous aviez obtenu un rôle dans un drama. » Je venais, sans même m'en rendre compte, de lui révéler que je suivais sa carrière de près, ce qui pouvait démontrer que je lui portais un certain intérêt. Cette annonce était récente et j'ignorais bien évidement qu'il n'en avait encore parler à personne. Mitsue ou comment se griller toute seule...

Koizumi Yûji
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Le temps filait à une vitesse inexplicable. On était déjà en novembre, le temps se rafraîchissait considérablement, et Yûji se sentait déconnecté d’à peu près tout sauf une chose : son nouveau projet professionnel. Mieux vaut tard que jamais, mais le nippon avait fini par décrocher un premier rôle pour un drama made in Netflix qui serait diffusé internationalement. Autant dire qu’il avait un peu la pression. Il se trouvait qu’un réalisateur avait suivi sa carrière en Corée du Sud, y compris la partie sur PRAYER, et qu’il avait besoin d’un musicien pour son scénario. Il l’avait donc contacté afin de faire des auditions, et il avait été sélectionné. Le réalisateur avait admis avoir été séduit par son professionnalisme et son implication dans le personnage. C’était le talent de Yûji : si dans la vie de tous les jours, c’était un personnage taciturne et distant avec quasiment tout le monde, une fois qu’il était dans l’acting, il pouvait être une tout autre personne. Il était capable de jouer de tout : l’humour -aussi improbable que cela puisse paraître-, le mélodramatique, le suspense, le policier … Avec ses années en théâtre, surtout en improvisation, il s’était exercé à tout et cela lui avait donné un certain degré d’expérience. Il avait plus ou moins laissé tombé l’idée de monter sur les planches, le théâtre contemporain semblant assez boudé ces derniers temps, mais l’idée même d’enfin pouvoir se lancer au petit écran l’avait vraiment soulagé. Il ne comptait vraiment pas finir prof toute sa vie, et il avait peur qu’ayant passé les 30 ans, on ne veuille plus lui donner sa chance. Pourtant, ce réalisateur avait cru en lui et en ses capacités et le feeling passait bien. Yûji n’aurait jamais cru que ce serait sa carrière chez PRAYER qui l’aurait lancé en tant qu’acteur, mais les surprises de ce genre étaient toujours bien appréciées.

Cela allait être difficile de jongler entre Chûô et le tournage qui avait débuté durant l’été. Pendant la période de vacances scolaires, il s’était exclusivement concentré sur le tournage et l’apprentissage de son rôle, délaissant un peu son second emploi, sans pour autant abandonner ses élèves. Mais depuis que la rentrée avait repris en septembre, il était débordé et avait du mal à trouver du temps pour souffler. Le tournage avait bien avancé. Il lui avait aussi fallu se remettre à la guitare pour son rôle. Cela avait été difficile, car depuis la fin officielle de PRAYER, il n’y avait jamais retouché. Elle avait trôné un moment dans son appartement, et la ressortir avait été une épreuve psychologique qui avait fait remonter beaucoup de souvenirs. Su Jin, Kai, Leigh, Eun Sil, Taiki … et … Mitsue. Hein ? Mitsue ? Pourquoi venait-elle subitement s’incruster dans ses pensées ? Peut-être tout simplement car il venait d’entendre une voix qui lui ressemblait ? Il se retourna par réflexe, et aperçut son étudiante se diriger vers lui. Merde, ce n’était pas seulement une voix qui lui ressemblait, c’était réellement la sienne. Il déglutit discrètement, puis reprit contenance pour ne rien laisser paraître. Cela faisait un moment qu’il ne la croisait plus du tout en dehors des cours de groupe auxquels elle assistait. Mitsue avait mis fin aux cours particuliers de théâtre à la fin des vacances d’hiver en mars, souhaitant se consacrer à ses cours principaux à fond, et reconnaissante à Yûji de lui avoir permis de prendre de l’avance en théâtre. Au final cela avait arrangé Yûji à postériori car il ne savait pas comment il aurait pu gérer ses cours, les cours particuliers de la jeune fille et le tournage. Mais ça, à l’époque, il n’en savait rien. La seule chose était qu’une partie de lui était soulagée car il se torturait l’esprit à chaque cours avec elle, et une autre avait été terriblement déçue de perdre ce moment privilégié avec elle. Mais bordel Yûji, c’est une étudiante. Raison de plus pour tout donner pour ce tournage et arrêter son boulot à Chûô pour être acteur à temps plein ? Hein ? Il venait vraiment de penser ça ? Il se sentait con sur le moment.

« Bonjour Hoshino, ça fait longtemps. »

Restons de marbre, en toutes circonstances. Le jeune professeur et désormais acteur afficha son éternel visage neutre et dénué d’émotion quelconque. Il était constamment déstabilisé en la présence de la jeune femme mais il ne pouvait surtout pas le montrer. Heureusement qu’il était un acteur doué.
Il fut surpris de l’entendre le féliciter pour son rôle. Comment savait-elle ? Il n’en avait parlé à personne, restant toujours discret sur sa vie par expérience. Mais il devait parfois être stupide. Netflix avait posté l’affiche et son nom apparaissait dessus. Il n’était pas le personnage principal mais il avait un rôle assez important dans l’intrigue. Elle avait dû tomber dessus. Il était flatté qu’elle ait remarqué cela, et en même temps, il ne put s’empêcher de se demander pourquoi elle le savait alors que ce n’était pas forcément un détail qui sautait aux yeux. S’intéressait-elle à lui comme il s’intéressait à elle ? En sachant pertinemment que c’était la pire idée du monde ? Chassant cette idée de son esprit pour rester concentré sur la réalité, autrement dit son entrevue avec elle en pleine rue dans Seiseki, il répondit de façon neutre :

« Merci beaucoup. Effectivement, le tournage a commencé cet été. Comme quoi la roue tourne toujours. »

Référence à la conversation qui les avait indéniablement rapprochés en février dernier, lorsque Mitsue doutait fort d’elle-même. Il l’avait sommée de ne pas baisser les bras et de redoubler d’efforts, qu’une année n’était qu’un chiffre et que redoubler lui donnait un an de plus pour se perfectionner. Visiblement, elle n’avait pas lâché ses efforts, et lui non plus, ce qui faisait qu’il avait fini par avoir un rôle.

Hoshino Mitsue
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Ça fait longtemps. En effet, plus ou moins volontairement, nos contacts se sont limités aux cours de groupe depuis la rentrée. C'était mieux comme ça, autant pour lui que pour moi. Non seulement pour faire taire cette rumeur qui courrait à notre sujet, mais aussi pour que nous puissions tout les deux nous re-concentrer sur nos projets. Et force était de constater que ça avait marché. Pourtant, je me devais de reconnaître qu'il avait toujours été là, dans un coin de ma tête, sans que j'y prête vraiment attention, trop occupée à porter toute mon attention sur mes études. Mais, je m'étais surprise plusieurs fois à regarder s'il y avait du nouveau pour lui et sa carrière. Pourquoi ? Voilà bien une question que je ne m'étais pas posée et très franchement, je n'avais pas spécialement envie d’approfondir le sujet.

Je l'observais, laissant traîner mon regard sur ses lèvres plus longtemps que je ne l'aurai dut. Mon dieu, mais qu'est-ce que je suis en train de faire là ? Troublée je détourne rapidement les yeux. Puis-je espérer qu'il n'a rien remarqué ? Le connaissant, il y a peu de chance, il est plutôt observateur, mais qui sait ? J'ai soudainement envie de disparaître. Alors c'est ça, il m'attire vraiment ? Je mentirais si je disais que je n'y avais pas pensé avant. Mais je me disais que c'était toutes ces histoires que les autres racontaient qui me montaient à la tête. Mais s'ils avaient vu la vérité alors que moi, je me voilais la face ? Impossible. Je ne peux pas faire ça. C'est mon professeur. Alors pourquoi ? Et surtout, je fais quoi maintenant ?

Il me tire de mes réflexions en répondant à mes félicitations. « Vous avez raison et je suis vraiment contente pour vous. » Je me retiens bien d'ajouter que j'attends la sortie du drama avec impatience. Inutile d’aggraver mon cas. Est-ce que je devrais le laisser tranquille maintenant ? Se serai certainement la chose la plus sage que je puisse faire. Mais le fait est que je n'en ai pas envie. Je ne m'en étais pas vraiment rendue compte mais ces moments que nous avons passé tout les deux m'ont manqué. Je suis en train de jouer à un jeu dangereux et je n'ai pas la moindre idée de comment agir. Inutile de continuer plus longtemps à me mentir à moi-même. Il m'attire comme un aimant et je suis dans la merde. Vite une diversion ! « Il fait beau aujourd'hui. » Quoi ? Mais pourquoi je lui sors une connerie pareil ? En plus, ce n'est pas vrai. Il fait gris. C'est bien Mitsue, parfait. Pourquoi est-ce que je perd mes moyens comme ça ? C'est terminé, après ça je ne pourrais plus jamais lui faire face. Impossible. Et si je partais en courant, là maintenant ? Peut être qu'il n'aurait pas le temps de réagir.

Koizumi Yûji
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Yûji ne savait pas trop où le regard de Mitsue se posait réellement, mais il ne préférait même pas réfléchir à ce sujet. Elle fuyait son regard autant qu’il fuyait le sien, et ils étaient plantés devant la poste de Seiseki comme deux andouilles. Des élèves de Chûô vivaient certainement ici, et auraient pu les reconnaître. Mais bon, au Japon, c’était tout à fait normal de sympathiser avec ses élèves alors pourquoi ça aurait dû être choquant ? Parce que des rumeurs sordides avaient couru sur leur dos des mois durant, parce que le jeune homme, bien qu’il le nie profondément, semblait éprouver plus que de l’estime pour la demoiselle, parce que les gens aimaient déformer la réalité pour créer des problèmes. Sauf qu’aujourd’hui, il n’était pas au boulot et qu’il faisait bien ce qu’il voulait de sa vie privée. Cependant, pour sa carrière naissante dans le cinéma, ce n’était pas non plus le moment de faire éclater un scandale de type : « cet acteur fréquente une de ses étudiantes de neuf ans sa cadette ». Les gens étaient prêts à tout pour raconter des choses croustillantes et faire le buzz.

Elle répondit qu’elle était contente pour lui. Bien qu’il ne laisse rien paraître par sécurité et précaution, au fond de lui, il était content de ces félicitations et qu’elle s’intéresse toujours à lui malgré la fin de leurs cours particuliers. En revanche, lorsqu’elle annonça qu’il faisait beau alors que le temps de novembre était maussade au possible, il haussa spontanément un sourcil. Lorsqu’il était réellement surpris, il avait parfois du mal à contenir ses expressions faciales. Elle était tombée du lit et s’était cogné la tête ? Ou alors elle avait l’esprit aussi égaré que lui. Bref.

« Un temps idéal pour se balader », plaisanta-t-il, jouant le jeu de Mitsue.

Même si la pluie menaçait de tomber à tout moment, il était réellement en train de se balader. Prendre l’air sans but spécifique lui avait pas mal manqué. Entre le tournage, les cours et la course contre la montre, l’idée même de flâner sans objectif était utopique. Pourtant, il avait ressenti le besoin de faire une pause dans cette course effrénée et de s’aérer l’esprit. S’il s’était attendu à tomber sur Mitsue … Il avait eu vent de la fermeture de la résidence Tamadaira où elle résidait, et il se doutait qu’il y avait 90% de chance que la jeune femme ait migré à la Résidence Seiseki, dans le même quartier que lui. Pourtant il ne l’avait encore jamais aperçue, pas même sur le chemin de l’université. Et c’était en plein Sekido qu’il tombait sur elle … Sa conscience l’aurait poussé à prendre congé avant que cela ne se retourne contre eux, mais il se surprit à poursuivre la conversation :

« Tu allais quelque part peut-être ? »

Bon, pas fameux comme question, mais il n’était pas du tout un homme qui faisait la conversation. Avare de mots, il était discret et n’aimait pas sociabiliser. Pour sa part, il avait quitté son quartier de résidence pour aller se balader vers les hauteurs de Seiseki. Il avait songé à s’acheter une boisson chaude au distributeur automatique et d’aller s’asseoir en face de la rivière Ooguri, au calme. Elle aurait pu l’accompagner, et ils auraient discuté. Sans doute des cours, car c’est ce que font un professeurs et son élève.

Hoshino Mitsue
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Je crois que je me suis découvert un nouveau talent à son contact. A savoir, me mettre dans l’embarras en un temps record. Manifestement, il a préféré faire abstraction de mon regard un peu trop appuyé. Et c'était bien comme ça. J'aurai été bien incapable de formuler une quelconque excuse qui tienne la route. En revanche, ma subtile remarque de diversion concernant la météo avait eu le mérite de le surprendre. Lui qui n'affichait pas souvent ce qu'il avait en tête n'avait pu cacher son étonnement. Forcément. C'était sortit tout seul dans la panique, il allait finir pas se douter qu'il y avait quelque chose qui clochait. Je secouais la tête, tentant de me remettre les idées en place. Impossible avec lui me faisant face. Qu'avait-il répondu déjà ? Se balader. Oui c'est ça. « Ah heu oui, enfin c'est que... » Oh et puis merde qu'est-ce que je suis en train de faire ? Pourquoi suis-je en train de parler de la pluie et du beau temps avec mon professeur de théâtre ? Professeur pour lequel je semble avoir développé de l'attirance sans m'en rendre compte. Quel bourbier.

« Enfin bref, je ne voudrais pas vous déranger, alors heu... » Oui, alors quoi ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à le laisser ? C'est fou, cette rencontre hasardeuse me perturbe et je sais au fond de moi que tout ça n'est pas raisonnable, pourtant, je n'arrive pas à y mettre un terme. Ce serai si simple. Si j'écoutais ma raison... Sauf que non, c'est encore et toujours cette petit voix qui prend le dessus et je reste bêtement plantée là devant lui. A nouveau, il me sort de mes pensées avec une question. Rien de bien extravaguant, juste histoire de faire la conversation j'imagine. Je hausse les épaules et fait un signe de tête en direction de la poste. « La poste ! Enfin, je veux dire, j'avais un courrier important à envoyer aux États-Unis.» Respiiiiiiire, ça va aller. Il va vraiment falloir que je me calme. Pourquoi je panique alors que c'était une simple question ? « Et vous ? Vous avez des choses à faire ? » Ça ne me regardais pas vraiment, est-ce que je m’immisçais un peu trop dans sa vie privée ? Sans doute. C'était encore une chose que je ne contrôlais plus quand il s'agissait de lui. « Enfin, pardon, ça ne me regarde pas. »

Bien rattrapé cette fois, va falloir que je réfléchisse un peu plus avant de parler. « Au fait, tant qu'on est là, je voulais aussi vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi au début de l'année, ça m'a beaucoup aidé. » C'est vrai que nous n'avions jamais reparlé de cette fameuse conversation qui remontait à février. Nous nous étions concentrés sur les cours particuliers, mais ces mots ce jour là m'avait fait réaliser pas mal de choses. Il n'en avait peut être pas conscience mais il avait été l'une des rares personnes sur qui j'avais pu m'appuyer, en quelque sorte. Les choses avaient été compliquées à cette époque et je m'étais quelque peu isolée toute seule, pas de quoi m'aider à me  sentir vraiment mieux. Ce jour là, j'avais baissé ma garde face à lui quand il était entré dans cette salle de danse. Je lui avait laissé voir à quel point ça n'allait pas et il avait su trouver les bons mots, alors oui, je lui en était vraiment reconnaissante.

Koizumi Yûji
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Mitsue semblait totalement désarçonnée, et Yûji faisait comme s’il ne remarquait rien afin de ne pas la mettre davantage mal à l’aise. Il l’écouta se laisser aller à ses hésitations et bégaiements sans l’interrompre, lui laissant le loisir de placer ses mots à son rythme. C’était quelque chose d’important pour lui d’apprendre à laisser la parole à son interlocuteur, même si ce dernier avait besoin de temps. Pourtant, le nippon n’était pas spécialement quelqu’un de patient, de manière générale. Il perdait patience lorsque la personne en face n’avait vraiment aucun argument ou un sale caractère, comme cette Lee Sora, l’assistante administrative de Chûô qui était une véritable peste.

Elle ne voulait pas le dérange. Il aurait voulu l’interrompre pour lui affirmer qu’elle ne le dérangeait pas et qu’il appréciait sa compagnie, mais vu leur position, ce serait totalement déplacé et déconvenu. Il se contenta donc de l’écouter en silence, tout en l’observant de la manière la plus neutre possible, faisant abstraction de tous ses sens en alerte et de ses émotions contradictoires qui bouillonnaient. Ca faisait des années qu’il ne s’était pas senti aussi déboussolé en la présence de quelqu’un. Pourtant, il aurait pensé que de s’éloigner de la jeune femme pendant des mois l’aurait aidé à passer à autre chose. Mais même pendant les cours communs, il repérait toujours mécaniquement où elle était assise, ses mimiques, et il espérait qu’aucun étudiant ne l’avait remarqué. Mais on ne contrôlait ni ses sentiments, ni pour qui on les éprouvait.

Finalement, voyant que Mitsue n’arrivait pas à mettre de l’organisation dans ses idées, il lui avait demander si elle se rendait quelque part. Après quelques nouveaux balbutiements, la demoiselle lui avait indiqué qu’elle venait d’envoyer un courrier important aux Etats-Unis. Yûji ne savait pas qu’elle avait vécu là-bas et que sa famille s’y trouvait toujours. Avant qu’il ne puisse réagir, elle lui retourna sa question avant de se raviser aussitôt, car selon elle, ça ne la regardait pas. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il esquissa un léger sourire, timide mais sincère. Une fois de plus, il ne put répliquer sans que Mitsue ne reprenne la parole, le remerciant soudainement pour son aide en début d’année. Il était touché qu’elle semble vraiment affectée, dans le sens positif, par les conseils qu’il lui avait prodigués. Elle avait d’ailleurs l’air d’avoir repris ses études en main, de mieux s’en sortir et d’avoir plus d’assurance. Enfin, sauf aujourd’hui.

« Avec plaisir. Je m’en serais voulu de t’avoir laissé ruminer. Même si on dirait que je suis froid, je ne laisse jamais tomber mes étudiants. »

Et c’était totalement vrai. Il n’était pas du genre pédagogue mais il n’était pas non plus mauvais bougre. Il restait un être humain et il ne pouvait pas se résoudre à abandonner les personnes qu’il pouvait aider. Passant une main dans ses cheveux, il observa le ciel grisâtre en espérant que la pluie ne vienne pas troubler ses projets, et répondit enfin à la question précédente de Mitsue :

« Pour répondre à ta question, et c’était une question légitime, je ne fais rien de spécial pour une fois. Je comptais m’acheter un café noir au distributeur automatique et m’asseoir en face de la rivière. »

On aurait vraiment dit un petit vieux avec ses activités banales et décousues. N’importe quel autre jeune aurait haussé les épaules en rigolant, en disant qu’il était déjà vieux avant l’âge, mais il savait que Mitsue avait une certaine sensibilité face au besoin de solitude et de calme. Il avait remarqué qu’elle aimait s’isoler et travailler en silence. Sans parler de méditation, lui qui n’aimait pas la foule et les gens en général, il aimait bien se balader dans la nature et écouter le bruit de cette dernière, afin de se ressourcer et de se vider la tête.

« Tu veux te joindre à moi ? »

Il avait sorti ça tellement spontanément qu’il ne réalisa qu’après coup de la gravité de sa proposition. Merde, quel con. Le mal était fait maintenant. Elle pouvait très bien refuser, comme accepter … En soi ce n’était pas un crime de prendre un café avec un professeur en dehors de l’école et de discuter, tant que ça s’en tenait à ça. Mais tout de même, il avait tendu une perche qu’il n’aurait pas dû tendre.

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Il avait l'air tellement calme, en parfaite opposition avec moi qui ne savait plus où me mettre. En dehors de quelques rares expressions, il ne laissait rien paraître. C'était une chose que j'aurai bien fait d'apprendre lors de ses cours. Mais le fait est que je n'étais jamais dans cet état d'habitude. Et c'était lui la cause de tout ça. Est-ce qu'il s'en rendait compte ? Si tel était le cas, il jouait bien le jeu, je n'arrivais pas à lire en lui comme avec d'autres. Je secouais la tête, lâchant un soupire. Il fallait que je reprenne mes esprits avant de faire une boulette de plus. Il finit par répondre seulement à ma dernière intervention, heureusement, il avait éviter de relever mes bégaiements. Froid ? C'est ainsi qui pensait que les gens le voyaient ? C'était peut être vrai, personnellement j'avais dépassé ce stade depuis un moment, mais c'est vrai qu'avant toute cette histoire, j'avais peut être aussi cette image de lui. Pourtant aujourd'hui, je le voyais différemment, plutôt comme quelqu'un qui n'aime pas exprimer les choses. En revanche, j'ai toujours vu en lui quelqu'un de bien et je ne m'étais pas trompée.

Tandis qu'il continuait à parler, je retrouvais petit à petit mon calme. C'était bien plus facile quand c'était lui qui parlait. Mais il n'étais pas vraiment du genre à parler pour rien. Préférant aller droit au but le plus possible. J'étais surprise qu'il prenne la peine de répondre à ma question. Surprise certes, mais contente qu'il n'ait pas préféré mettre fin à cette entrevue des plus étranges. Alors comme ça il était vraiment en train de se balader ? J'imagine qu'il avait aussi besoin de prendre du temps pour lui, d'autant plus avec son emploi du temps bien chargé du moment. J’acquiesçais de la tête en silence en l'écoutant, il valait sans doute mieux que je garde la bouche fermée, histoire de ne pas faire une nouvelle gaffe.

Mon cœur rata un battement quand il me proposa soudainement si je voulais me joindre à lui. Oui ! Mais non. Doucement, on se calme. J’employais tout les efforts du monde pour empêcher ce foutu sourire de s'afficher sur mon visage. Mais mes yeux devaient parler pour moi. Les traîtres. Était-ce vraiment raisonnable d'accepter ? Dans un autre contexte, avec d'autres personnes que nous, la situation aurai pu sembler innocente. Mais les choses n'étaient pas si simple pour nous. J'essayais d'adopter un air détaché. Et soudain, je me surpris à répondre. « Pourquoi pas ? » Mais enfin, qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? A jouer avec le feu, je vais finir par me brûler. L'expression favorite de mon père... Mais c'était l'occasion de passer un peu plus de temps en sa compagnie et je n'étais pas certaine que j'aurai une autre chance que ça se reproduise avant un moment, surtout en dehors du campus. Ceci dit, je ne pouvais m’empêcher de me demander s'il m'avait fait cette proposition par politesse ou s'il désirait vraiment continuer cette entrevue. Une part de moi aurait voulu lui poser la question, mais il valait mieux éviter. « Mais vous ne pensez pas qu'il va pleuvoir ? » Et me voilà encore en train de parler de la météo. Bon au moins cette fois, c'est plus cohérent avec la situation mais tout de même. Pourquoi est-ce que je suis incapable de sortir autre chose que ce genre de banalité ? C'est ridicule.

Koizumi Yûji
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C’était fou comme les années avaient pu le rendre impassible face à des situations dans lequel bien d’autres auraient perdu tous leurs moyens. Un brin nostalgique, Yûji repensa l’espace d’un instant à sa « jeunesse » insouciante. Pas qu’il était vieux à à peine trente-deux ans, mais ses années collège et lycée lui paraissaient si loin. Il avait conservé cette insouciance et cette joie de vivre jusqu’à la fin du lycée, lorsque son père lui avait fait comprendre qu’il devait suivre ses traces et œuvrer pour le cabinet d’architecture des Koizumi. Une personne ayant connu Yûji jeune et le recroisant aujourd’hui serait certainement sidérée. Il avait radicalement changé, comme s’il était devenu une personne différente. La Corée l’avait changé. Les modes de vie étaient différents là-bas. C’était très américanisé, très m’as-tu vu et tape à l’œil, et tout ça avait joué dans le renferment du nippon sur lui-même. A l’époque, face à une jeune femme comme Mitsue, Yûji aurait certainement perdu tous ses moyens, comme tout jeune de son âge. Il aurait été intimidé, bégayant, hésitant. Mais aujourd’hui, s’il pouvait ressentir tout cela au fond de ses tripes, personne ne pouvait le soupçonner. Son entourage n’avait de cesse de lui assener qu’il devrait s’ouvrir davantage, partager ses émotions. Mais personne ne comprenait qu’il n’avait pas envie. Il avait peur de s’ouvrir aux gens, peur des conséquences. Les rares fois où il s’était ouvert, ces personnes avaient disparu de sa vie. Et paradoxalement, il ne voulait pas que Mitsue s’éloigne de son quotidien.

Revenant peu à peu à la réalité, le jeune professeur avait répondu à la question de la jeune femme sans même relever son histoire de la poste au final. A la place il lui avait déballé ses intentions et ses activités à venir, comme s’ils se connaissaient depuis des lustres. Et il avait eu l’immense culot de lui proposer de l’accompagner un moment. Parfois sa spontanéité le perdrait ! Mais il s’était sauvé en se disant qu’elle allait refuser, puisque de toute façon les deux protagonistes évitaient soigneusement toutes sortes d’entrevues privées depuis quelques mois. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsque celle-ci accepta d’un « pourquoi pas ? » simple mais efficace. Il arqua un sourcil étonné, et allait répliquer mais Mitsue demanda s’il ne pensait pas qu’il allait pleuvoir. Il laissa échapper un rire léger mais sincère. Et Yûji qui riait, c’était quelque chose d’assez rare pour le souligner.

« Je croyais que tu pensais qu’il faisait beau », dit-il sur un ton taquin.

Il regarda à nouveau le ciel grisonnant, réfléchissant. Selon lui, c’était un temps gris classique de novembre, et ils pouvaient très bien passer entre les mailles du filet. Il haussa les épaules, et répondit :

« Novembre est souvent comme ça. Au pire, je n’habite pas loin, à Ichinomiya. Je serai vite rentré. »

Avait-il besoin de préciser son quartier de résidence ? Avait-elle besoin de le savoir ? Non. Pourtant il venait de le faire, alors que ça n’apportait rien d’important ou d’essentiel à la conversation. Parfois sa propre bêtise le laissait perplexe. Lui qui d’ordinaire, ne laissait rien au hasard, se faisait piéger en permanence en la présence de la jeune femme.
Il se mit à marcher d’un pas tranquille en direction du distributeur, supposant qu’elle lui emboîterait le pas puisqu’elle avait accepté de l’accompagner. De mémoire, il y en avait un pas très loin de la Poste. Bingo. Une fois devant, il sélectionna un café BOSS de chez Suntory, fixant un instant la photo de Tommy Lee Jones qui trônait en haut du distributeur. C’était le visage de la marque de café et ça l’amusait de l’observer. La boisson payée, il s’en saisit. Le Japon était incroyable de proposer des boissons chaudes dans les distributeurs. Ca n’existait pas ailleurs, pensait-il.

« Que bois-tu ? »

Il n’était pas seul, il ne fallait pas l’oublier.

Hoshino Mitsue
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C'est étrange, cette impression de faire quelque chose que je ne devrai pas, mais de ne pas vouloir y mettre fin. Est-ce que c'est vraiment mal d'avoir envie de passer un moment avec lui ? Sans doute pas, tant que ça reste innocent. Sauf que mon cœur me crie le contraire. J'essaie bien d'en faire abstraction. J'avais finalement réussi à retrouver un semblant de calme, du moins en apparence, parce qu'à l’intérieur de moi c'était un joyeux bordel. Mais il ne devait pas le savoir, voilà où j'en étais dans mes réflexions lorsqu'une chose inattendue se produisit. Il se mit à rire. Pas un grand éclat de rire, mais quelque chose de spontané. Je ne me souvenais pas de l'avoir déjà vu rire. Il venait à nouveau de me déstabiliser sans même sans rendre compte. Des petits papillons venaient de s'installer dans mon ventre. Impossible ! J'étais vraiment en train de craquer pour lui. Pourquoi fallait-il que ça arrive ? On ne peut pas contrôler ce genre de chose, mais vraiment pourquoi ?

Je restais un moment bêtement à le regarder avec des yeux ronds sans savoir vraiment quoi lui répondre. Mais heureusement il reprit la parole rapidement, m’empêchant de continuer à me torturer l'esprit à ce sujet. De toute façon, il n'y avait pas de bonne réponse. A moins d'avoir envie de me ridiculiser encore un peu plus. Il me révéla alors qu'il n'habitait pas loin et qu'en cas d'averse il serait vite rentré. C'était une information personnelle et je n'avais pas la moindre idée de pourquoi il venait de la partager avec moi. Peu importe, tout cela n'avait plus aucun sens. Cette rencontre était comme surréaliste et j'avais l'impression qu'il ne servait à rien d'y chercher une quelconque logique. « D'accord. » Pas très élaboré comme réponse, mais efficace.

Je lui emboîtais alors le pas en direction du distributeur, sans rien ajouter. Ce n'était pas loin et tandis qu'il était occupé à choisir sa boisson, je n'arrivais pas à détacher mon regard de lui. J'essayais encore de savoir à quel moment les choses avaient changé dans ma façon de le voir lorsqu'il me demanda ce que je voulais boire. Perdue dans mes pensées, sa voix m'avait fait légèrement sursauter. « Oh euh, rien merci. » Je n'avais pas spécialement soif et tant que j'étais à ses côtés, je risquais fort de m'étouffer avec ma boisson ou une autre connerie dans le genre. Alors autant ne pas prendre ce risque.

Il avait dit qu'il voulait aller s’asseoir en face de la rivière, c'est donc vers là que je commençais à me diriger. Espérant que cette fois, se serai lui qui me suivrait. Un silence s'était installé, mais ce n'était pas ce genre de silence pesant et gênant. Être simplement là à ses côtés avait même quelque chose de confortable. Et pourtant, le calme apparent qui nous entourait contrastait totalement avec tout les sentiments qui bouillonnaient à l'intérieur de moi. Je soupirais alors. « Je ne devrais pas faire ça... » J'avais marmonné, plus pour moi même que pour qu'il ne m'entende et d'ailleurs, il aurait mieux valu qu'il n'entende pas. J'aurai bien du mal à lui expliquer. Je ne pouvais pas simplement lui avouer ce que je ressentais. Il n'avait pas besoin de ça, encore moins maintenant que sa carrière venait de prendre le tournant qu'il attendait. Et je n'avais pas non plus vraiment envie que les gens se remettent à parler à notre sujet.

Koizumi Yûji
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Au fur et à mesure de l’avancée de la conversion, Mitsue semblait avoir perdu sa langue. Silencieuse, ne répondant qu’à demi-mots, on aurait dit que les rôles avaient été inversés. En général, c’était plutôt Yûji qui était avare de mots et son entourage qui faisait la discussion. Cette nouvelle tendance le perturbait légèrement. Il avait l’habitude de sortir de sa zone de confort avec son métier, mais il aimait bien garder le contrôle de son quotidien et ce changement d’habitudes était quelque peu déstabilisant. Mais ce n’était pas le moment d’y prêter trop attention. Il fallait réagir et pas rester stoïque, planté comme un piquet en plein milieu de la rue. Cela commençait à devenir suspicieux.

Le professeur avait donc commencé à marcher en direction du distributeur automatique, se prenant un café. Assez naturellement, après s’être l’espace d’un instant perdu dans ses pensées, comme cela lui arrivait souvent, il avait demandé à la jeune femme ce qu’elle souhaitait boire. Il n’avait pas prévu qu’elle lui réponde « rien ». Désarçonné, il resta un instant interdit devant la machine, réfléchissant. Lorsqu’il remarqua que Mitsue s’éloignait déjà en direction de la rivière, il se força à réfléchir vite et lui prit un Milk Tea chaud. Il s’imaginait mal boire son café tout seul, ça aurait été un peu étrange comme ambiance, non ? Il pressa le bouton, récupéra la canette et se mit en route en direction de la rivière lui aussi.

Lorsqu’il arriva à sa hauteur, il l’entendit marmonner mais ne comprit pas ce qu’elle avait dit. Il fronça les sourcils, quelque peu frustré, avant de signaler sa présence d’un léger bruit de gorge. Après cela, Yûji tendit à Mitsue le Milk Tea chaud, et dit sur un ton avenant :

« Tiens. Même si tu ne le bois pas, ça te tiendra chaud. Il fait froid aujourd’hui. »

En effet, parfois, juste tenir une boisson chaude entre nos mains suffisait à nous réchauffer un peu. Yûji s’était dit que cela pourrait être une bonne idée. Il aurait pu aussi lui passer son écharpe si elle avait froid. Ou passer un bras sur son épaule. Euh ouais, non on va éviter. Avec la chance qu’ils avaient, un élève passerait forcément par là.
Le professeur repéra un banc libre, faisant face à la rivière Ôguri, et dépassa la jeune fille pour s’y diriger, avant de se laisser tomber dessus et de s’adosser au dossier. Il ne savait pas trop quoi dire. Il n’était pas du tout le genre à faire la conversation. Et le calme était quelque chose de réconfortant pour lui. Cela ne semblait pas non plus gêner la jeune femme. Alors tant mieux. Ils restèrent en silence un moment, avant que Yûji n’utilise la conversation précédente pour le briser :

« Et donc, les Etats-Unis. Tu as un ou une amie qui vit là-bas ? »

Mitsue avait évoqué avoir envoyé un courrier important là-bas. Il n’aurait jamais imaginé qu’elle était née là-bas et n’était au Japon que depuis peu. Au final, elle l’attirait comme un aimant mais il ne savait quasiment rien d’elle. Comment pouvait-elle l’attirer avec tant d’inconnu ? Mais c’était peut-être ça justement. Une part de mystère sur une personne avec un caractère bien affirmé. Il n’avait pas l’habitude de la voir si calme. Il se souvint de cette énième interview où elle le harcelait presque à chaque coin de l’université pour qu’il accepter de lui donner des cours particuliers. Il avait maintes et maintes fois refusé et elle n’avait jamais lâché l’affaire, jusqu’à ce qu’il cède. Au départ il lui avait parlé avec mépris et indifférence. Et maintenant, il appréciait se tenir en sa compagnie, tout simplement. Le cœur a ses raisons que la raison ignore, après tout.

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