Je n’aime pas m’aventurer dans Tokyo. Ça me rappelle un peu trop mon ancienne vie. Celle dans laquelle je travaillais dans un club de Kabukicho et hélas ce ne sont pas les années les plus heureuses de ma vie. Je gagnais pourtant bien ma vie à l’époque mais j’y ai laissé ma santé et pour rien au moins je n’aurais envie de recommencer. De toute façon, à mon âge, c’est fini. Je suis disons trop vieux pour prétendre plaire dans ce genre d’endroit même s’il parait que je ne fais pas mon âge.

Alors pourquoi je suis venu à Tokyo si je déteste cette ville ? Parce que j’avais rendez-vous avec un nouveau fournisseur et je devais passer voir ses produits. Là, je suis sur le point de rentrer à Seiseki. Il n’y a que là-bas que je me sens vraiment bien mais certainement parce que c’est la ville où j’ai grandi et dans laquelle je travaille désormais. Et croyez-moi, ça n’a rien à voir avec Shinjuku.

Malheureusement je dois être maudit parce qu’à chaque fois que je viens dans l’un des arrondissements de Tokyo, quel qu’il soit, il faut toujours que je tombe sur une vieille connaissance. Quelle était la probabilité pour que je tombe sur un de mes anciens dealer ? C’est comme si le destin essayait de me tenter. Il m’a vu. Il sait que je l’ai vu et je ne vais quand même pas changer brusquement de trottoir. Il serait capable de me suivre parce qu’il sait que je suis faible et qu’un rien suffit pour que je lui achète sa merde. Mais pas cette fois !

Balayant les alentours du regard, je cherche désespérément une échappatoire quand soudain mon regard se pose sur un visage familier. C’est mon jour de chance !
« Keisuke ! »
Oui en plus j’ose non seulement l’appeler par son prénom mais je le crie littéralement en pleine foule. Mais vous savez quoi ? Je préfère me taper la honte devant tout le monde plutôt que de replonger. D’ailleurs je ne tarde pas à le rejoindre en courant ! Il va me prendre pour un fou, c’est certain alors en arrivant devant lui, je lui adresse mon plus beau sourire et lui dit :
« Allons boire un café ensemble, c’est moi qui invite. »
Sans lui laisser le temps de répondre, je referme ma main sur son bras et l’attire vers le café le plus proche. Mais qui est Keisuke ? L’assistant vétérinaire chez qui j’emmène mes chats. Autant dire que nous ne sommes pas censés être intimes mais la manœuvre à marché car du coin de l’œil je vois mon dealer faire demi-tour.

Aujourd'hui, c'est une journée plutôt spécial, car il ne travaille pas, il est en repos total contrairement à son cousin Keisuke peut profiter de sa journée. C'est sans doute pour ça qu'il déicide de faire ses courses de Noël. Acheter les cadeaux ses proches et faire du lèche vitrine est quelque chose qu'il n'a pas fait depuis longtemps. Prendre un thé et faire du lèche vitrine est un luxe pour le jeune Japonais qui passe sa vie enfermé chez lui à étudier. S'arrêtant pendant quelques secondes devant une vitrine. C'est sans doute pour ça qu'il déicide de faire ses courses de Noël. Aaah ça fait du bien.... Marchant tranquillement, il entend vite une voix s'élever. On l'appelle ? Lui ? Pour quoi ? Arquant un sourcil il reconnait vite la voix de Hatsuharu. Esquissant un large sourire, il n'a pas le temps de réagir qu'il le voit venir vers lui. Ah.... Oui, il recule d'un pas et arque un sourcil à sa demande. Mais... Il ne voit pas thé dans sa main ? Ben faut croire que non... Se laissant entraîner un peu plus loin, il ne tarde pas cependant à vite rompre le contact et à reprendre la parole.

"J'ai déjà un thé... Mais non pouvons y aller si tu veux."

Esquissant un léger sourire, il ne perd pas de temps et avance doucement de quelques pas avant de s'arrêter et de lui faire signe de le suivre. Jetant son thé dans la première poubelle qu'il voit glisse ses mains dans ses poches avant de reprendre la parole.

"Tu as envie d'aller quelque part en particulier ?"

Réajustant son écharpe, il attend une réponse du plus vieux pour savoir faire, mais surtout où aller.

Oui je suis bête. Il en a déjà un. Tant pis, il peut bien en boire un autre non ?
« Dans ce cas, tu en reprendras bien un autre en mangeant une pâtisserie avec moi ? C’est moi qui offre. »
Avec le sourire que je lui offre, il ne peut pas me dire non, n’est-ce pas ? D’ailleurs si on m’écoutait, on croirait presque qu’il s’agit d’un rendez-vous mais ce n’est absolument pas ça. J’essaie juste de fuir quelqu’un même si… je ne peux pas nier que la compagnie de Keisuke est agréable. C’est un gentil garçon, mignon et mes chats l’adorent. Le petit-ami parfait, n’est-ce pas ? Du coup ça m’étonne qu’il soit encore célibataire. D’un autre côté, il a l’air du genre timide et réservé. Il ne doit pas voir les signaux que lui envoient ses prétendantes. Autant dire que ça ne le rend que plus mignon. Quant à moi, ma vie est bien trop compliquée pour que je prenne le risque de me prendre un vent. Je ne suis pas encore assez stable pour ça. Ce qui ne veut pas dire que je ne peux pas profiter d’un rendez-vous en tout bien tout honneur entre deux connaissances qui s’apprécient. Après tout, on ne peut pas encore dire qu’on soit amis, si ?

Refermant ma main sur son bras, je le tire dans la direction opposée de celle de mon ancien dealer tout en lui indiquant un salon de thé un peu plus loin et dont j’ai reconnu l’enseigne.
« J’ai vu des photos de cet endroit sur Instagram. Ça a l’air vraiment bien. »
Après avoir fait quelques pas pour le guider, je lâche son bras puis reprends :
« Tu sais, avant de tenir la boulangerie du campus, j’avais moi aussi un salon de thé. Je l’avais installé dans l’ancien restaurant de mes parents mais j’ai eu des ennuies de santé et j’ai été obligé de le fermer. Cela dit je n’ai aucun regret car j’adore ce que je fais à l’université. »
Oui, toujours trouver du positif dans tout ce qui peut arriver. C’est important pour ne pas replonger et puis je le pense sincèrement. Je me sens moins seul et tellement bien là où je suis actuellement. Et puis c’est mignon de voir tous ces étudiants flirter. Il y a aussi beaucoup de ragots et c’est sans parler des chats qui trainent sur le campus. Vraiment, je n’ai aucun regret.
« Mais dis-moi qu’est-ce que tu faisais dans le coin avant que je ne vienne bousculer le programme de ta journée ? »