J’ai deux heures à tuer avant mon prochain cours et je n’ai pas particulièrement envie de rester enfermé à la bibliothèque. En fait, pour être tout à fait honnête, quand j’ai voulu y aller, j’ai trouvé qu’il y avait un peu trop de monde à mon goût. Plus il y a des gens, plus grand est le risque que nous nous touchions et alors là, c’est la catastrophe. Je n’arrive toujours pas à gérer cette phobie que j’ai des contacts. Chaque fois que ça arrive, je perds littéralement mes moyens pour ne pas dire qu’il m’arrive de carrément faire un malaise. Alors pour ne pas prendre de risque, je me suis m’installé dans la cour.

Après avoir révisé une bonne demi-heure, je range mes cahiers et sors les petits accessoires qui me servent à m’échauffer avant un spectacle de magie et que je répète en général tous les jours pour ne pas perdre la main. En effet, certain tour nécessite une bonne dose d’habileté et un faux mouvement ou une mauvaise coordination des doigts peut parfois tout gâcher.

Installé dans l’herbe, je ne cherche pas particulièrement à avoir du public. D’ailleurs je ne prête pas vraiment attention à ce qui m’entoure. Je reste concentré sur la petite balle que je fais disparaitre de ma main droite avant de la faire apparaitre dans la gauche. C’est un classique et c’est la base mais ça reste particulièrement satisfaisant. Après avoir répété plusieurs fois le même tour, je range ma balle et sort un jeu de carte. C’est à cet instant que mon regard croise le sien et sans réfléchir, je lui demande :
« Tu veux en choisir une ? »
Je lui montre les cartes que j’étale sur l’herbe d’une manière qui peut paraitre désordonnée avant de lui dire :
« Ne la touche pas et ne me dit pas laquelle tu as choisi. »

Un cours théorique vient de prendre fin et j’en suis bien heureux, car je luttais pour rester éveiller pendant les dix dernières minutes. Pourtant, les sujets abordés étaient très intéressants, mais je dormais que très peu depuis quelques mois et la fatigue se faisait plus intense en fin de semaine. Généralement, je suis un peu moins occupé le week-end, même si j’ai mon baito à assumer. Toutefois, les pauses sont un peu plus nombreuses qu’en semaine. D’ailleurs, en parlant de pause, c’est le moment d’en faire une après mon prochain cours.

Traversant la cour du campus, je m’arrête pour aller me poser dans l’herbe fraîche. J’en profite pour prendre l’air frais et tenter de me réveiller. La tête penchée, mes yeux sont rivés vers les nuages. Silencieux, je contemple le ciel chargé et je laisse mon esprit divaguer. Puis, à m’intéresser à ce qu’il se passe autour de moi, j'aperçois le magicien de l’autre fois. Ce n’est pas la première fois que je le vois. De loin, je l’ai déjà regardé faire ses tours de magie qui me projette en enfance. J’adore les tours de magie, je trouve cela surprenant et intriguant. J’adorais demander après mes parents pour aller au cirque juste pour voir les divers numéros et notamment ceux du magicien. De mes yeux d’enfant, c’était inexplicable les tours qu’ils nous jouaient.

La discrétion est brisée quand il m’interroge. Le regard sur ses cartes, je hoche timidement le visage. En fait, je suis tout excité à l’intérieur de moi. Enfin, un magicien me choisit pour l’un de ses tours de magie ! Alors, concentré, j’écoute ses directives. “D’accord.” Les sourcils froncés, je joue à fond le rôle qu’il m’a donné. Dans ma tête, je sélectionne une carte sans le lui dire, sans la lui montrer. “J’ai fait mon choix.”