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Mission: Sortons les violons ft Jaeyoon#Terminée
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Mission: Sortons les violons ft Jaeyoon#Terminée
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Mission: Sortons les violons
 


Fox alias Kang Jaeyoon. Jun parcourait les différents éléments concernant le jeune homme et un sourire naquit à la commissure de ses lèvres. Il était plus jeune. Info particulièrement utile en sachant qu’il veut faire entrer le petit homme au Panthéon et Adonis ne voit aucun inconvénient à cela. L’autre hacker étant en stand-by, autant en chercher un nouveau et Jun venait de le faire à l’instant. Il prit son temps, parcourant son histoire -du moins ce qu’il avait récolté- et ensuite, il s’était mis en « chasse » comme il aimait appeler son espionnage. Prenant son temps, il avait parcouru des kilomètres entre le domicile de Yoonie et l’université, sachant quasiment par cœur son emploi du temps, espionnant jusqu’à ses moindres faits et gestes jusqu’à ses relations privées. Partout, il l’avait suivi, s’approchant même parfois pour écouter des conversations. Son petit manège ne dura pas longtemps et quand le brunet décida qu’il en avait assez vu et entendu, il débarqua directement chez son futur camarade. Avec une facilité déconcertante, il avait pénétré à l’intérieur de l’appartement du jeune homme et parcourait désormais la pièce comme si c’était chez lui.

Techniquement, c’était une effraction. Heureusement qu’il portait ses gants, ne laissant aucune trace de son passage. Il savait que Jaeyoon n’allait pas tarder de toute façon, du coup, il fit le tour du propriétaire avec un pas nonchalant, mémorisant le plus de détails possibles et un sourire joueur naquit sur ses lèvres. Il ne touchait à rien, ses yeux se contentant de faire le travail. Il n’avait pas beaucoup de temps, de ce fait, il quitta rapidement l’appartement par la suite, refermant la porte comme si son crime n’avait jamais été commis et il mit en place la dernière partie de son plan.

Il retira l’un de ses gants où ses jointures blanches connaissaient de graves égratignures puis, il massa un instant son menton, encore douloureux et où un bleu de la taille de son poing devait apparaître. Foutu Adonis et sa brutalité. Il s’était donné à cœur joie de le frapper. Mais cette fois-ci, le Ninomea le remercia de cette véhémence à son encontre. Il s’affaissa ensuite de toute son âme contre le mur le plus proche et ravala son sourire pour un faciès purement enfantin où une confusion y était lisible. Jun releva la tête au son des pas qui s’immobilisait à ses côtés, il extirpa de ses lèvres un seul petit mot avant même que Yoonie n’ouvre la bouche.  

« Fox. »  

Simple, mais efficace. Jun venait de lui révéler qu’il savait pour lui. Ou du moins son petit côté obscur d’hacker. Trouvant cela assez mince, il surenchérit immédiatement.

« Je dois te parler. C’est urgent, je t’en prie, Jaeyoon. »

Il leva les bras et une grimace apparut au coin de sa bouche qu’il dissimula l’instant d’après. Comme s’il avait honte que l’homme en face de lui découvre d’autres vérités cachées. L’effort dans ses muscles et surtout ses épaules lui faisait mal, mais pas forcément pour les raisons que Yoonie pouvait croire. Cependant, Jun était le seul à le savoir. Ses iris brillantes attendaient sagement, comme un enfant devant son parent, ses jambes repliaient contre lui, se détendant légèrement. Un espoir vivant devant un Jaeyoon confus.  

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Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Yoonie sorti de son dernier examen avec le sourire aux lèvres, certain d'avoir réussi. Sa session s'était passée à merveilles, entre des études fructueuses et du travail pour des clients fortunés. Un bon mois de janvier, une année qui commençait bien pour le jeune hacker. Il aurait voulu passer l'après-midi avec Nao, mais leurs horaires ne collaient pas et il finissait plus tard aujourd'hui. Helio non plus ne serait pas à la coloc, laissant Yoonie seul pour débuter ses congés.

Loin de leur en vouloir, il prévoyait de travailler pour Ji Ho, de vérifier que plus personne ne lui avait volé ses clichés, que l'escroc qu'il avait puni avait retenu la leçon. Il comptait aussi faire des recherches pour un autre client et, s'il avait encore du temps, jouer à ses jeux vidéos préférés pour fêter sa liberté recouvrée. Plus de cours pendant deux mois, juste lui, ses potes et son ordi. Le bonheur absolu.

Descendant de son train, Yoonie marcha rapidement jusqu'à son appart, une fine pluie tombant sur ses mèches argentées. Les gens qu'il croisait le narguaient avec leurs parapluies et manteaux à capuche, lui qui n'avait pas pensé à sortir couvert le matin alors même que les nuages menaçaient la ville de leur couleur sombre. Montant l'escalier jusqu'à son étage, il tourna dans son couloir, porté par la force de l'habitude et de la routine. Il ne remarqua pas tout de suite le jeune homme affalé près de sa porte, marqua un temps d'arrêt quand son regard se posa sur lui.

Yoonie le reconnu rapidement, doté d'une mémoire visuelle impressionnante. Jun. Le gars que Min-Ho lui avait demandé de retrouver ce soir de novembre. Que faisait-il là ? Allait-il le punir ? Min lui avait dit de se méfier, d'être prudent, mais le temps avait passé et il avait cru être en sécurité. Que faisait-il là ? Le voyant assez mal en point, le hacker s'approcha lentement de lui, ouvrant la bouche pour l'interroger, la refermant quand son pseudo fut prononcé. Fox. À part Nao et les autres de la bande, personne ne savait qui il était sur internet. Nao et Jun, visiblement.

Sa phrase, comme quoi il devait lui parler, laissa penser à Yoonie qu'il ne lui voulait pas de mal. Certainement était-il trop naïf, mais il plia les genoux pour s'accroupir près de lui, laissant son sac tomber au sol. Que faisait-il là ? Que lui voulait-il ? Comment l'avait-il trouvé ? Comment connaissait-il son nom ? Tant de questions qu'il aurait voulu lui poser, mais sa bouche restait silencieuse, ouverte en une moue perplexe. Il regardait Jun, ses blessures, son bleu à la mâchoire.

Tu es blessé ?

À le voir comme ça, vulnérable, blessé et suppliant, Yoonie n'eut pas peur de lui. Il ne voyait pas un homme qui pourrait lui faire du mal, ne se méfia pas. Il tendit une main pour aider Jun à se relever, l'appuya contre lui pendant qu'il déverrouillait la porte et le guida jusqu'au divan pour qu'il s'y installe. Retournant sur ses pas pour refermer, il posa son sac près de l'entrée et retira son manteau avant de s'asseoir sur le canapé, face à Jun, jambes croisées en tailleur.

Je sais qui tu es... Comment tu m'as trouvé ?

Seul un hacker aussi doué que lui avait pu remonter sa trace, et il n'y en avait pas beaucoup à Tokyo. D'après ce qu'il se rappelait de Jun, il n'avait pas le profil d'un informaticien de génie, ce qui voulait dire qu'il avait payé quelqu'un pour le trouver. Mais qui ? Pourquoi ?

Pardon, ça peut attendre. Tu as besoin de quelque chose ? Je suis pas très doué mais je peux essayer de te soigner si il faut.

Oubliant ses questions un instant, il se concentra sur l'état de son invité surprise. Il n'avait pas l'air de saigner, mais il n'était pas en grande forme pour la cause et devrait probablement aller voir un médecin. Malheureusement, Yoonie n'avait pas encore de voiture, ne pourrait pas l'emmener à l'hopital et devrait faire avec les moyens du bord...


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Ne pas sourire était la chose la plus difficile que Jun eut à faire en cet instant présent. Devant la gentillesse trop naïve de Yoonie qui l’embarqua jusqu’à chez lui, jusqu’aux paroles qu’il prononçait à son encontre, la situation était bien trop amusante pour le jeune détective. Néanmoins, il était parvenu à garder un faciès des plus pitoyables, grimaçant quand il bougeait, retirant sa veste en cuir, prenant l’excuse qu’il se sentait comprimé dans cette couche de vêtement, pour en réalité, libérer des bras où certaines cicatrices étaient visibles et il finit par secouer la tête quand l’hacker lui proposa de l’aide pour panser ses plaies. C’était comme s’il avait peur que quelqu’un touche directement sa peau en cet instant si fébrile de sa part. Ce qui n’était que pur mensonge, bien entendu.  

« J’ai l’habitude ne t’en fais pas, mais c’est très gentil à toi. Merci. »  

Les mots qui sortaient de sa bouche dégoulinaient d’une sonorité que le brunet n’avait pas l’habitude d’employer. Et encore moins des mots tel que « merci » et des « c’est très gentil à toi », pas dans le monde dans lequel il vivait en tous cas. Mais pour le bien de cette mission, il n’avait pas trop le choix. Ainsi, il laissa ses iris sombres s’ancraient dans ceux de son interlocuteur et alla droit au but.

« Je t’ai trouvé grâce à un hacker. Il n’est pas forcément aussi doué que toi, mais je suis content qu’il ait réussi. J’ai un travail à te proposer… Je travaille avec une bande et je me suis dit que tu pourrais en faire partie ? »

Comment expliquer le rôle du Panthéon sans en retirer les aspects louches qui s’y passe ? Et encore moins des mots tel que « merci » et des « c’est très gentil à toi », pas dans le monde dans lequel il vivait en tous cas. Il devait être convaincant et non pas foutre les jetons à un jeune étudiant. Tout ce cinéma avait pour but de réussir et le Ninomea ne supportera certainement pas l’échec.

« Je… Je ne veux te forcer à rien du tout, je sais que tu as t’as propre vie et ma proposition peut paraître mal venue, mais je suis détective privé et… Je… me… suis dit… Que je pourrais… Peut-être t’aider ?! Et j’aurai enfin quelqu’un de mon âge à mes côtés pour me sentir un peu moins… Seul. »

Jun esquissa un semblant de sourire comme pour se rassurer lui-même. Il prenait un malin plaisir à étendre son monologue dans des pauses prononcées d’une voix presque enfantine, puis il soupira, essayant de se relever et grimaça de plus belle devant ses douleurs. Adonis n’y était vraiment pas aller de main morte avec lui, un frisson d’effroi s’empara de tout son être en pensant que cela aurait pu être bien pire s’il avait fait une connerie.

« Je suis désolé, je n’aurai jamais dû débarquer comme ça. Je parais pour un type louche. Mais on a vraiment besoin d’un hacker comme toi, tu te sentiras comme chez-toi, on est tous de la même famille là-bas. J’ai agi sans réfléchir. On dirait une scène clichée de film. Avant que je ne parte, je peux au moins savoir, comment tu me connais ? »

Dérivé d’un sujet pour un autre pour ensuite y revenir. Jun avait beaucoup parlé, voir trop à son goût, mais tant pis. Il savait qu’il venait de délivrer un nombre d’informations qui demandait matière à réfléchir. Surtout venant de la part d’un inconnu à un autre, mais il y avait une certaine sincérité dans ses propos. Il voulait vraiment Yoonie à ses côtés et pouvoir s’amuser avec quelqu’un de son âge. Cela sera bénéfique au Panthéon et à lui-même. Par contre, il était vraiment curieux de savoir comment il le connaissait. Il était ici depuis quelques années, mais son métier obligé, il devait rester discret.

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Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Quand il était revenu vers Jun, Yoonie avait louché une seconde sur ses bras striés de cicatrices, à découvert sans sa veste qui gisait plus loin. Min-Ho l'avait prévenu, il savait qu'il en possédait, mais les voir, c'était autre chose. Il repensa aux siennes, cru sentir à nouveau la ceinture s'abattre sur son dos, entendre la voix de son oncle qui l'insultait. Il détestait ces marques, les siennes et celles de Jun, similitude entre ces deux jeunes au passé aussi sombre que leurs yeux emplis de fantômes.

Il alla s'asseoir, posa une question, la retira. Il proposa son aide, des soins pour cette créature brisée, mais Jun les refusa. Il avait l'habitude. Yoonie dégluti en essayant de ne pas baisser les yeux vers ses bras, dérangé par ces traits blancs. Il hocha la tête, il comprenait. Lui aussi avait eu l'habitude avant, avant que son oncle ne le laisse pour mort dans la rue, avant que Sakura et Peter le recueillent. Jun apparemment n'avait pas encore trouvé ses sauveurs...

L'invité surprise finit par répondre à la question de Yoonie, confirmant le fait qu'un autre hacker l'avait trouvé, certainement alerté par ses recherches précédentes. Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Jun lui proposa un travail, une nouvelle bande, une nouvelle famille. Juste après avoir quitté les siens, l'offre était tentante, mais il n'était pas sûr de vouloir retourner dans un nouveau groupe, recommencer à créer des liens, risquer de revivre ce qu'il avait vécu avec Peter. Il était bien avec juste Nao et Helio, avec Min-Ho de temps en temps. Seul avec ses sentiments.

Je sais pas...

Il se contenta de ce début de réponse, baissant les yeux vers ses baskets et jouant avec ses lacets. Était-il prêt à retourner dans une bande ? Quelques semaines seulement après avoir quitté celle qui l'avait sauvé et élevé ? Grâce à qui il avait pu se payer du matériel informatique et s'améliorer encore et encore ? Celle dont il était tombé amoureux du leader, lequel l'avait détruit par ses mots durs et cruels ? Il ne savait pas, honnêtement.

Jun continua de parler, ne voulait pas le forcer mais espérait qu'il accepte. Espérait avoir un ami dans cette bande. Yoonie leva vers lui des yeux enfantins, incertains et brillants de doutes. Le prendre par les sentiments était cruel, lui qui ne savait résister à un visage suppliant. Il voyait en Jun un garçon blessé, un reflet de lui-même, enfants étrangers et pourtant unis dans un destin tragique.

Il ne répondit pas, ne savait pas quoi dire. Il ne pouvait pas accepter sur un coup de tête, voudrait en parler avec Min-Ho qui l'avait mis en garde contre ce détective, demander son avis à Nao. Il voulait se méfier, mais il senti ses barrières s'effondrer quand Jun tenta de se lever, prêt à partir. Il voulu le retenir, mais il se rassit de lui-même, reprenant la parole pour lui poser une ultime question, savoir comment il le connaissait. Bien sûr, Yoonie ne trahirait pas son ami, son grand frère, mais il pouvait lui dire une partie de la vérité, non ?

Je... J'ai eu un contrat sur toi, un gars qui voulait que je te retrouve. Je peux pas en dire plus, désolé... J'imagine que c'est comme ça que ton hacker m'a repéré, j'ai pas été assez prudent.

Pathétique, il baissa la tête en avouant sa faiblesse, lui qui se targuait d'être un des meilleurs dans son domaine. Il se rappelait encore de l'assurance avec laquelle il avait affirmé à Min-Ho qu'il ne risquait rien, que personne ne remonterait jusqu'à lui. Il savait bien qu'il y avait des chances que quelqu'un le remarque, mais elles étaient si minimes qu'il les avait ignorées, tout simplement. Trop d'assurance, trop de confiance en lui dans ce seul domaine qu'il maîtrisait.

Tu peux rester tu sais ? Et cette bande... si t'y es pas heureux, pourquoi tu la quittes pas ? Je pourrais t'aider. Si tu veux...

Lui-même venait de quitter sa bande, il savait que c'était dur mais si Jun avait tant besoin d'un ami, ça voulait dire qu'il n'en avait pas. Alors pourquoi rester ? Peut-être, comme lui, se sentait-il dépendant, redevable, coincé par une dette. Yoonie pourrait l'aider à s'en sortir, peut-être même l'héberger un temps. Trop généreux, trop naïf, trop gentil. Trop Jaeyoon.


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Pensif. C’est ce qu’il était en entendant la vérité de son camarade. Un contrat ? Voilà qui était intéressant. Une seule personne lui vint en tête, même si ça n’avait strictement aucun sens, il voulait juste que ce soit juste cette personne. Ainsi, il murmura un nom dans un souffle court, espérant que Yoonie l’entende malgré tout. Une petite lueur d’espoir brillant dans son regard.   

« Hyun Min-ho ? »  

Il secoua la tête, préférant mettre cette hypothèse au placard pour l’instant. Ensuite, le Ninomea quitta sa position confortable pour se rapprocher de Yoonie et comme lui auparavant, il posa un genou à terre devant lui, ignorant son corps qui hurlait de douleur et regarda droit dans les yeux le hacker.   

« Tu n’es pas parfait. Tu ne pouvais pas savoir donc tu ne peux pas t’en vouloir. Tu es doué dans ce que tu fais et ce n’est pas mal de penser que parfois, on est intouchable. Notre égo en a besoin. »  

La suite des propos de Yoonie laissa Jun encore plus pensif. Il l’écouta attentivement, ne pipant mot une seule fois, préférant le laisser faire et lorsqu’il posa sa question, un léger sourire, plus franc cette fois-ci se dessina sur le faciès du brunet. Il secoua ensuite la tête, réfutant l’idée prononcée par le plus jeune et s’expliqua.  

« Au contraire, je suis heureux avec cette bande. Plus heureux que je ne l’ai jamais été à vrai dire. Même si parfois, il y a des dérapages… »  

Il jeta un bref coup d’œil à ses propres marques avant que son regard ne retourne sur Yoonie. Il haussa les épaules avec nonchalance, comme si ce détail était insignifiant pour lui. Ses cicatrices ? Cela fait longtemps qu’il en a accepté la marque sur sa peau.  

« Elles font partie de moi. De mon histoire. Passé et présent. Sache que j’ai toujours été chouchouté dans la bande jusque maintenant. Ce que je suis devenu aujourd’hui, c’est grâce à eux. Même si ce n’est pas parfait, je reste libre. Libre de mes mouvements, libres de faire ce dont j’ai envie -ou presque. Ce que je n’avais pas avant. C’est juste que parfois, je me sens seul. Juste… Seul. »  

Des flashs de ses derniers souvenirs de son passé révolu surgirent dans son esprit, emplissant son cœur d’une tristesse qu’il pensait ne plus ressentir. Il mentirait en disant que ses anciens amis ne lui manquaient pas, mais il avait choisi sa voie et jamais il ne le regretta. Il prit une grande inspiration, chassant les larmes qui risquaient d’apparaître s’il y pensait trop. Il avait beau être un petit con, parler de la base militaire le rendait toujours plus fragile. Surement à cause du décès de ses parents. Jun reprit rapidement la parole, ne pouvant contrôler le léger changement de timbre dans sa voix. Ce qui le fit jurer intérieurement.

« J’ai perdu ce à qui je pouvais parler et ceux que je côtoie aujourd’hui sont tous plus vieux donc c’est difficile de se confier, tu vois. Je ne te demande pas de me donner une réponse immédiate, cela demande du temps. Le temps de peser le pour et le contre et de savoir que je ne t’embarque pas dans une mauvaise chose. Mais penses-y juste. » 

Décidément, il n’aurait jamais pensé qu’engager quelqu’un demander autant d’effort. Il se sentait obligé de partager son histoire ou ne serait-ce qu’un bout pour attirer une sympathie et une confiance qui finira par se briser lorsque le plus jeune aura compris qu’il s’est fait manipuler et Jun retournera à sa solitude de départ. Mais dans un autre sens, jouer la comédie l’amusait pleinement et pour une fois, il pouvait se confier. Ce n’était pas Adonis qui le réconforterait. Alors, il profita de la naïveté et de la gentillesse de Yoonie autant qu’il le pouvait.

« Est-ce que tu le pense vraiment ? Que je puisse rester ? Ou c’est seulement parce que tu es trop gentil et que tu as pitié de moi ? Et toi ? Tu es heureux, Jaeyoon ? »

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Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Hyun Min-Ho. C'était lui, effectivement, qui avait demandé à Yoonie de faire des recherches sur Jun, lui avait montré une photo et lui avait donné son prénom. Il lui avait parlé des cicatrices, l'avait mis en garde contre cet homme, n'avait pas voulu l'impliquer. Et voilà que maintenant il invitait le détective chez lui, pris de pitié pour ses blessures et sa douleur. Baissant la tête, Yoonie ne confirma ni n'infirma l'identité de celui qui lui avait demandé ces recherches, mais son attitude répondait pour lui, aveu de culpabilité de la part d'un jeune homme aussi lisible qu'un livre ouvert.

Yoonie se confia sur son erreur, affirma qu'il n'avait pas été assez prudent lors de ses recherches. S'il s'était mieux protégé, personne n'aurait pu remonter jusqu'à lui, mais il avait cru que ses protections de base étaient suffisantes, n'aurait jamais cru que Jun avait des hackers aussi doués sous la main, encore moins que l'un d'entre eux repérerait son passage sur le réseau. Jun lui dit que c'était pas grave, qu'il était doué et que c'était normal de se croire invincible parfois. Mais ce n'était pas normal de ne pas l'être.

Quand même, je suis capable de me protéger mieux que ça, j'ai juste sous-estimé la situation...

Dorénavant, il se protégerait au maximum, quel que soit le client, la cible ou le sujet des recherches. Bien sûr, quand il piratait des serveurs de la police ou des hopitaux, il passait en mode invisible, et c'était maintenant ce qu'il ferait tout le temps. Ca prenait plus de temps, c'était plus coûteux en terme d'ergonomie, mais si ça pouvait lui permettre de ne pas se faire repérer, alors tant pis pour le reste.

Yoonie avait compris que Jun n'était pas heureux dans sa bande ou, du moins, avait cru comprendre ça. Il lui demanda pourquoi ne pas la quitter, pourquoi rester avec des gens avec qui il ne s'amusait pas. Mais il était à côté de la plaque et l'autre rectifia ses dires. Il parla de dérapages en regardant ses cicatrices, et une vague de tristesse s'empara du plus jeune. Ca devrait pas arriver, c'était pas normal. Une bande était faite pour protéger, pas pour tabasser les plus jeunes.

La suite de ses propos résonna en Yoonie comme son propre passé, comme ses cicatrices avec lesquelles il avait du apprendre à vivre. Il ne les montrait jamais, bien cachées sous ses chemises, ne les voyait que rarement dans un miroir, mais il les sentait constamment, sa peau tirée par ces marques et ses doigts glissant sur les boursouflures quand il se lavait. Lui ne les acceptait pas, les reniait, voulait les oublier. Elles étaient son passé, certes, mais un passé qu'il voulait effacer de son esprit.

La solitude était un concept qu'il comprenait bien, lui aussi. Il avait des amis, il avait Nao et Helio qu'il voyait souvent, il avait Sakura, il avait Min-Ho, mais avant eux il n'avait eu personne. Quand il vivait chez sa tante et qu'il ne pouvait pas emmener des amis à la maison, qu'il passait ses weekends seul dans sa chambre, ses vacances seul dans sa chambre, ses soirées seul dans sa chambre. À l'école, ses amis lui parlaient des sorties qu'ils faisaient ensemble, sans lui. Et ses parents lui manquaient, même s'il ne les avait jamais connus. L'idée de parents, le concept d'êtres aimants qui veillaient sur lui... c'était ça qui le faisait se sentir encore plus seul.

Jouant avec ses lacets, tête baissée, il ne su que répondre à ça. Il comprenait bien le besoin de compagnie de Jun, mais que pouvait-il dire ? Il était triste pour lui, compatissant, se sentant comme un reflet de lui-même, mais que pouvait-il faire ? Il lui avait proposé de rester, déjà, et il pouvait pas accepter de rejoindre une bande où la violence semblait normale, surtout pas sur un coup de tête et uniquement par pitié pour Jun. Alors il garda le silence, attendant la suite.

Yoonie releva la tête quand Jun se confia encore un peu à lui. Sa voix avait changé, vibrant d'une émotion qui perlait dans ses yeux. Il mentait pas, c'était évident, et son trouble résonna dans l'esprit du hacker, bien trop empathique pour ce monde cruel. Lui qui était toujours de bonne humeur et souriant sentait son moral dégringoler en réponse à la douleur de son vis-à-vis, faisant remonter ses propres souffrances à la surface. Il hocha la tête quand il lui demanda de penser à son offre, plus pour le rassurer que par conviction.

Je sais pas... Je sais pas si je saurais encore rejoindre une bande. La mienne était douce et aimante, ils veillaient sur moi. Ils m'ont jamais frappé... Je veux pas qu'on me frappe encore...

Cela faisait huit ans que plus personne n'avait levé la main sur lui, huit longues années de répit et de bonheur. Saurait-il supporter encore des coups ? Faire face aux humeurs de gens plus âgés qui voulaient se défouler ? Saurait-il retrouver le mental qui lui avait permis de tenir le choc quand son oncle le battait pendant de longues minutes ? Et tout ça pour quoi ? Un nouveau job, un ami. Cela en valait-il la peine ? Les questions de Jun effacèrent brièvement celles de Yoonie. Il lui offrit un rapide sourire, maigre aperçu de ce dont il était habituellement capable.

Oui, tu peux rester. J'ai jamais eu quelqu'un comme moi dans ma vie, qui me comprenne vraiment... Mes amis sont tous différents, ils savent pas ce que c'est... les cicatrices, la solitude, le besoin d'être rassuré...

Helio ne savait rien de son passé, une des règles de la colocation étant de ne pas poser de question. Nao était bien plus fort que lui, trop fier pour avouer ses faiblesses et trop borné que pour faire des calins et dire des gentilles paroles. Sakura le réconfortait souvent, mais elle ne comprenait pas ce qu'il traversait. Et Min-Ho, lui non plus, ne savait rien de ses fantômes. Passer du temps avec Jun, dont chaque mot trouvait écho dans son vécu, c'était... un soulagement inattendu. Il savait pas qu'il en avait besoin, ne l'avait pas compris avant que ça lui tombe dessus. Il avait besoin de se confier, de se débarrasser de ces poids qui alourdissaient ses maigres épaules. Besoin de quelqu'un qui avait souffert autant que lui.

Je sais pas si je suis heureux, mais je suis bien là. En sécurité, avec un job dont je choisis le salaire, des amis qui veillent sur moi. L'argent manque un peu et il m'arrive de me rappeler que j'ai souffert, mais ça va.

Yoonie haussa les épaules. Il était pas heureux, pas encore, mais il avait connu tellement pire que ça lui convenait. Il se contentait de son quotidien monotone, de ses certitudes et du calme de sa vie. Il ne voulait plus devoir courir, s'inquiéter pour les autres, voir du sang sur les mains de ses amis après une bagarre. Il ne voulait plus de ce monde.


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Décidément, Yoonie était bien trop innocent. Comme une âme pure qu’il fallait protéger du monde brutal qui les entouraient. Jun était heureux d’apprendre que Min-Ho avait fait des recherches sur lui et voulut réconforter le petit, c’est pourquoi il s’engagea sur une pente glissante de sentiments.  

« Mes cicatrices, elles datent d’avant mon entrée dans la bande. Ce n’est pas eux qui m’ont causé ses souffrances, mêmes si certaines viennent de mon métier actuel. Ce que je fais résulte parfois d’un coup. Excuse-moi si tu t’es mépris sur mes paroles. Mais sache qu’une fois dans la bande, on devient une partie d’eux. En un battement de cil, ils peuvent être à tes côtés, sans même savoir le pourquoi du comment. Adultes, ils comprennent des choses qui nous dépassent et peuvent voir la lumière alors, que nous-mêmes restons piégés dans ces ténèbres qui nous engloutissent. »  

Convaincre le jeune adulte était plus difficile qui ne le pensait. Il se devait d’être prudent et de camouflé certaines vérités sur les violences occasionnelles au sein du Panthéon. Pour le reste, néanmoins, il ne mentait pas. Être un membre du panthéon c’était devenir un membre à part entière donc avec les bonnes ou mauvaises choses, ils acceptaient la personne. Jun avait suivi et lu la vie de Yoonie et avait bien compris qu’il devait user de tendresse et profiter encore plus de sa naïveté.

« Dans la bande, tu peux être qui tu souhaites. Aucune chaîne ne t’entrave, rien ni personne ne t’emprisonne et serre la corde autour de ton cou. Ton passé, tu peux l’oublier ou l’affronter, ça ne tient qu’à toi. Mais dans la bande, tes cicatrices tu ne les verras plus que comme une force et non une faiblesse. Personne ne posera de questions si tu ne veux rien dire parce qu’ils comprennent qu’on a tous une part de noirceur en nous qui est effrayante parfois. »

L’ancien militaire laissa un bref sourire fleurir sur ses lèvres devant la bonté de son camarade, mais il secoua la tête pour la énième fois et posa une main à ses côtés, ne risquant pas de le toucher sans son autorisation. Dans le fond pourtant, il ne voulait que ça et c’était plus qu’évident avec la manière dont il avait rétracté ses doigts avec une moue enfantine sur son faciès qui se dissipa l’instant d’après.

« Je ne prétend pas être meilleur que tes amis, mais les doutes, la peur, la confusion et les larmes que l’on cache, je les comprends. »

Il soupira en laissant son dos prendre appui contre le canapé, sa tête reposant contre ce dernier. Il entendait presque l’orchestre jouait et bourdonnait dans ses oreilles.

« Tu es plus fort que tu ne le crois, seulement personne ne te le répète assez souvent. Tu es aussi adorable qu’un rayon de soleil qui perce les nuages d’une journée pluvieuse, redonnant un élan au cœur. Tu souris malgré ce que tu as enduré et tu aimes sans jamais sauter le pas pour autant. A cause de ta peur. C’est ton petit crush qui doit être impatient. Tu t’exprimes à ta manière, c’est pourquoi tu ne devrais pas avoir honte. Qu’importe le mal que tu portes en toi ou sur toi. Tu peux me le dire, te confier si le cœur t’en dit seulement. »

Jun se rendit compte qu’il parlait énormément. Voir trop. Beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Des expressions différentes passèrent sur les traits de son visage mêlant dégoût, surprise, choc et gêne. Il n’aimait vraiment pas étaler autant de sentimentalisme, cela ne lui ressemblait pas et à son goût, c’était trop cucul, trop nais. Le Ninoméa pensait qu’il devait être bien chiant en cet instant. Il leva les yeux vers son interlocuteur, mortifié de son propre comportement et c’était lisible, il ne le dissimulait même pas. Il cacha le temps d’un battement de cœur son visage dans ses mains avant de prendre une grande inspiration.

« Te moque pas d’accord ? Tu me fais devenir émotif et ça me gêne. Je n’ai pas l’habitude de ça. Je m’exprime facilement avec les mots et en général, ça ne me dérange pas, mais pas quand ça devient trop émotionnel. Qu’est-ce que je suis niais et tout ça à cause de toi en plus. Tu devrais me nourrir en compensation. »

Son estomac émit un léger grognement à la suite des paroles, signe qu’il était d’accord avec cette proposition. Peut-être qu’il avait honte quand il était question de cœur, mais aucune gêne en perspective quand il s’agissait de manger. Et encore moins pour paraitre impoli. Un sourire amusé naquit à la commissure de ses lèvres tandis qu’il se relevait avec une grimace de douleur et il s’abandonna de tout son poids contre Yoonie, une main sur le front comme une princesse en détresse.

« Ô mon grand confident, sauvez-moi de ma solitude éternelle et de la faim qui me consume. Preux hacker, comprend ma souffrance intérieur et extérieur. Aide-moi, Yoonie. »


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the devil inside

 
Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Les explications de Jun par rapport à ses cicatrices rassurèrent quelque peu Yoonie qui avait cru que c'était les gars de la bande qui les lui avaient faites. Elles dataient d'avant, comme les siennes, d'un passé révolu. Il n'avait cependant pas rêvé, avait entendu le détective parler de "dérapages". De quel genre ? La question lui brûla les lèvres, mais il le laissa finir, l'écouta lui expliquer le fonctionnement de sa bande. Avoir des gens qui étaient là quand il avait besoin, qui le faisaient se sentir à sa place... c'était tentant...

Cette liberté qu'il lui promettait, la compréhension, l'acceptation de sa personne et de ses blessures... Il avait connu ça avec la bande de Peter, jusqu'à ce que ce dernier ne lui balance des horreurs après que Yoonie lui ait avoué ses sentiments. Il avait connu la sécurité, la protection d'un père, l'amour d'une mère à peine plus âgée que lui, l'amitié de frères plus jeunes et pourtant plus matures et responsables. Et ça lui manquait. Même s'il lui restait Nao, s'il voyait toujours Sakura, le groupe qu'ils formaient avant son implosion lui manquait. Sa famille lui manquait.

Incertain, Yoonie croisa le regard de Jun, tellement sincère, confiant. Il ne comprenait pas pourquoi, mais il avait envie de lui faire confiance, avait l'impression de pouvoir tout lui dire, qu'il le comprendrait, qu'il ne le jugerait pas. Et puis il y avait cette petite voix qui lui rappelait l'avertissement de Min-Ho. Partagé entre ses sentiments, il baissa les yeux vers les doigts du détective, tout près de lui, comme s'il n'osait pas le toucher. Le hacker était de ceux qui aimaient le contact, qui faisaient des calins à tout le monde, mais lui non plus n'eut pas le courage de tendre la main, comme si le toucher pourrait tout briser.

Le discours qui suivit fit à nouveau baisser la tête à Yoonie, n'ayant pas l'habitude d'être ainsi décrit. Il n'était pas fort, il ne s'était jamais vu comme ça. Peter lui avait dit et répété qu'il était lâche, qu'il devait être protégé, assez souvent pour qu'il l'assimile et qu'il y croie. Tout le monde le traitait comme un enfant fragile à défendre contre le monde, personne ne lui disait qu'il était fort. Jun était le premier. Yoonie tiqua cependant à la mention de crush, se demandant de qui il parlait. Il avait commencé à ressentir des choses pour Nao, il en était conscient, mais comment Jun pourrait-il le savoir ? Non, il avait certainement dit ça comme ça, au hasard.

Merci.

Merci de le comprendre, de lui dire ces mots qu'il avait besoin d'entendre, de l'encourager, de croire en lui alors qu'il ne le connaissait pas. C'était la première fois qu'ils se rencontraient, et pourtant il semblait à Yoonie que Jun l'avait percé à jour, qu'il savait tout de lui et le connaissait mieux que personne. Ce n'était pas dérangeant, pas dans le sens du "oh mon dieu comment sait-il". C'était plus un soulagement et, à son tour, des larmes le piquèrent derrière ses paupières, ses souvenirs remontant à la surface et cette rencontre le bouleversant plus qu'il n'était permis.

Un sourire étira ses lèvres quand Jun lui demanda de ne pas se moquer, qu'il le faisait devenir émotif. Loin d'avoir envie d'en rire, Yoonie était touché par ses mots, qu'il aurait aimé entendre d'une autre bouche. Il s'en contenterait. Il rit un peu ensuite quand le détective se laissa aller contre lui, quémandant de la nourriture pour remplir son estomac vide. Tapotant doucement le haut de sa tête, il continua de sourire à ses supplications exagérées puis le repoussa un peu pour se dégager et se lever.

Mais qui serais-je si je laissais un pauvre affamé mourir de faim alors que j'ai un frigo rempli ? Y a des restes de pizza, des hamburgers... du riz, du poulet... tu veux quoi ?

Le nez dans le frigo, il faisait l'inventaire de ce qu'ils avaient, se fichant de savoir s'il y avait des choses que Helio voulait manger le soir ou non. D'habitude, il ne mangeait que ses propres restes, mais il avait un invité et il sorti ce qu'il lui demanda, prenant un hamburger pour lui et deux canettes de soda. Il revint poser le tout sur la table basse et se rassit près de Jun.

Dans mon ancienne bande, on était cinq. Peter et Wendy étaient les premiers dealers, c'est eux qui m'ont recueilli quand mon oncle m'a battu à mort. Ils m'ont soigné et m'ont permis de rester avec eux, c'étaient mes nouveaux parents. C'est eux qui m'ont appelé Fox et m'ont filé un ordi pour que je devienne leur hacker. Puis on a eu Raccoon, mon premier frère. Il était plus jeune mais il veillait sur moi aussi, il me demandait souvent de faire des recherches et de trouver des infos sur ses clients - il était host. Et puis Raccoon a ramené Wolf, le dernier, mon meilleur ami.

Yoonie se rappelait de l'arrivée des plus jeune comme si ça avait été hier, son sourire en voyant Teerawat arriver, le temps qu'il lui a fallu pour dompter Nao et gagner son amitié. Cette bande était formée de cinq jeunes au passé douloureux, qui ne posaient pas de question, qui en soi ne savaient rien les uns des autres tout en étant ceux qui se connaissaient le mieux.

Et puis Peter... je l'ai aimé, mais j'étais pas assez bien pour lui. Pas assez mature, trop lâche. Raccoon est parti le premier y a quelques semaines, alors Wolf et moi on a suivi. Ils me manquent, mais je pouvais plus rester, c'était trop douloureux.

Voir Peter tous les jours, passer à côté de lui en sachant tout ce qu'il lui avait dit, c'était trop dur. Quand Teerawat était parti, Nao et lui avaient sauté sur l'occasion pour le suivre, pour quitter la bande et vivre indépendamment d'eux. Ne plus être aux crochets de Peter, ne plus avoir de comptes à rendre, ne plus avoir à le regarder tous les jours. Et aujourd'hui on lui proposait de recommencer dans une nouvelle bande. Le voulait-il ?

Parle-moi de ta bande... Vous faites quoi ? Vous avez un QG ? T'y es depuis quand ?

Il était curieux, mais c'était normal, non ? Jun voulait qu'il le rejoigne, alors il avait besoin d'en connaître un maximum pour pouvoir se faire une idée et prendre sa décision. Plus il en saurait et plus il serait en mesure de dire oui ou non, ne voulant pas se jeter dans la fosse aux lions sans savoir ce qui l'attendrait. Il s'installa plus confortablement dans le canapé, en tailleur face à Jun, son assiette sur ses genoux. Il mordit dans son hamburger, se fichant qu'il soit froid, puis il réalisa que son nouvel ami préférerait peut-être du réchauffé.

Pardon, je t'ai pas proposé, tu veux que je réchauffe ta nourriture ?


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Mission: Sortons les violons
 


Le jeune homme écouta tout. Du début jusqu’à la fin sans jamais oser l’interrompre. C’était la première fois depuis le début de leur échange que Yoonie se confiait autant sur sa personne et il était hors de question d’arrêter ça. Il ne tressaillit même pas en sachant ce qu’on lui avait infligé, mais posa une main sur la sienne en signe de soutiens. Par la suite, il énonça vite fait un « comme tu veux, tant que ça finit dans mon estomac » tandis que son interlocuteur partait vers le frigo et il décida de s’asseoir en tailleur sur le canapé avant de changer de position pour quelque chose de plus confortable pour lui et ses douleurs. Il fronça les sourcils en regardant le jeune hacker.  

« Pas assez bien ? Lâche ? Immature ? Il a pas un égo un peu surdimensionné le mec ? Comment tu peux être lâche alors, que tu te battais pour une cause, qu’importe les conséquences en y donnant toute ta vie ? Comment tu peux être lâche alors, que tu es hacker de génie ? La lâcheté a bien des formes. Pas assez bien ? Peut-être trop bien, au contraire. Je ne le connais pas, mais jamais personne n’est à la hauteur d’une personne ou d’une autre. C’est juste le fait de gravir ensemble les étapes, une par une, au même niveau, comme un seul être. Et immature ? J’en connais toujours pas la signification. »  

Le « pauvre con » s’échappa de ses lèvres in extremis, un simple murmure qui reflétait la pensée de Jun. Il ne voulait aucun mal à ce gars, mais ce n’était que des propos sans aucun sens, du moins, de l’avis au Ninomea. Son impolitesse légendaire avait clairement repris le dessus et il se moquait bien de savoir que son nouvel ami appréciait ou non ses dires à propos de ce Peter. Il posa un regard interrogateur vers lui et contrairement à Jaeyoon, il ne retenait pas ses mots ni sa curiosité.

« Wolf et toi, en même temps ? Mhm… Intéressant. »

Il n’avait même pas nié le sous-entendu, appuyant clairement sur les mots tout en regardant droit dans les yeux le plus jeune d’entre eux deux, avec un sourire énigmatique au coin de ses lèvres. Il n’ajouta rien, mais fixa intensément la réaction de ce dernier avant de laisser passer un léger rire. Quand il posa des questions sur le Panthéon, les iris de Jun brillèrent comme des diamants, un sourire enfantin fleurissant sur ses lèvres. Même si le sujet qui le faisait le plus vibrer restait la danse, il en parler avec toute son âme, mais ce n’était point ce que Yoonie demandait.

« C’est un endroit unique en son genre, spécialisé dans les arts divers. Si tu es toujours curieux, tu peux même venir voir de tes propres yeux, sans aucune obligation derrière. Là-bas, au Panthéon, on nous appelle par des pseudonymes. Je suis Eris -pour la discorde évidemment- et les chefs sont les 3 Moires avec un homme et deux femmes. Ils sont équitables avec tout le monde, qu’importe d’où tu viens et qui tu es. Mon frère adoptif en fait partie, ses parents m’ont adopté à mes 18 ans et j’y suis depuis. »

Jun croqua goulûment dans sa nourriture avec un plaisir à peine exagéré. Il remercia silencieusement son hôte avant de secouer la tête. L’idée même de tiédeur ou non ne lui avait aucunement effleuré l’esprit, il gobait tout directement dans sa bouche.

« Froid ou chaud, ça n’a pas d’importance, c’est de la nourriture et ça finit au même endroit. Et toi ? Vous ne faisiez que la drogue ou tu étais plus diversifié ? Tout le monde avait un rôle bien précis ? Ce n’était pas trop difficile à cinq seulement ? Tu es resté longtemps avec eux ? »

Il savait qu’il posait beaucoup de questions, à la suite qui plus est, mais la curiosité bouillonnait dans ses veines qu’il ne se contrôlait pas. Jun n’avait pas eu l’entièreté de sa vie, ce qui équivalait à une frustration de sa part et ce qui fait que maintenant il voulait tout savoir. Comme un enfant à qui on tendait une sucette. Il fit un mouvement de la main assez rapide comme pour balayer ses nombreuses questions.

« Tu réponds à ce que tu veux, je ne te force à rien même si je suis très curieux. Et dis-le si je suis envahissant. »

Même si dans le fond, ça n’allait absolument rien changer. Réellement envahissant ou non, il restera comme il est. Il s’allongea sur le canapé, le dos de sa main sur son front, mais cette fois-ci ce n’était pas théâtral.

« Reste naturel, Yoonie. Même si on ne se connait que depuis très peu de temps, tu peux agir selon ton envie, sans mettre les formes. Pas besoin de t’excuser si tu ne veux pas et souris. Tu es carrément plus adorable avec un sourire sur ton visage. »

Il rit légèrement devant l’expression du jeune homme après ses mots. Jun n’avait aucun filtre parfois, disant ce qui lui passait par la tête, histoire de taquiner son interlocuteur pour le mettre dans l’embarras.

« Hormis ton talent d’hacker, qu’est-ce que tu fais en dehors ? Et maintenant que tu n’es plus dans la bande avec Peter et les autres, comment est ta vie personnelle ? »

Jun ne lâchera pas le morceau avant que Yoonie n’est avoué son béguin. L’ancien militaire l’avait bien remarqué, durant toute son enquête et sa façon de parler, les détails étaient flagrants si on y prêtait attention et c’était tellement plus facile de rendre confus son ami que de parler de lui-même. Il posa une main sur son cœur, son faciès de comédien refaisant surface.

« Mon cœur sera profondément blessé par ton silence. Ma curiosité brûle en moi et tu es le seul à pouvoir éteindre ce feu ardent. Avoue tout de suite, enfant aux doigts magiques, mes lèvres sont scellées par tes confidences et tes secrets m’accompagneront jusqu’à mon dernier voyage dans ce monde. »

Pour clôturer ses mots, il dirigea sa main vers Yoonie comme pour l’inviter à se confier pleinement, essayant de retenir son rire devant son visage des plus dramatique.

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Kang Jaeyoon  ϟ  Ninomea Jun

Les yeux baissés sur son assiette, Yoonie laissa Jun s'offusquer de ses propos sans réagir. Ce qu'il lui disait était réconfortant, gentil et lui réchauffait le coeur, mais ça ne changeait rien, ça n'enlevait rien à la douleur qu'il avait ressentie en entendant Peter l'insulter de la sorte. Maintenant, il ne ressentait plus rien pour cet homme, mais ses mots restaient ancrés dans son esprits et tout le monde sait qu'il est plus facile de croire ce qui nous rabaisse que ce qui nous élève. Un bref sourire étira ses lèvres à la ponctuation vulgaire du détective. Un pauvre con, oui, et c'était gentil.

Je sais que t'as raison, et pourtant... j'arrive même pas à lui en vouloir vraiment. Si c'est comme ça qu'il me voyait, c'est pas plus mal qu'il ne se soit jamais rien passé et qu'il m'ait jeté assez violemment pour me faire passer l'envie de tenter l'expérience.

Il haussa les épaules, ne sachant pas qui il essayait de convaincre. Malgré tout, quand il l'avait revu après cette fameuse discussion, son regard avait été attiré par ses lèvres, ses yeux, son corps. Il lui fallait chaque fois se rappeler la dureté de son regard et de ses mots, la façon dont il l'avait abandonné comme un chiot après que Yoonie l'ait soigné, la douleur qu'il lui avait faite ressentir, pour pouvoir détacher son regard de lui et passer son chemin.

Au sous-entendu de Jun, Yoonie stoppa son geste, son hamburger à mi-chemin entre son assiette et sa bouche, pour le regarder dans les yeux. Aurait-il déjà compris, lui qui le connaissait depuis dix minutes à peine ? Scrutant son regard à la recherche d'indice, il ne releva pas la remarque, reprenant son repas quand l'autre se mit à rire. Une blague, d'accord. Un brin soulagé, il lui demanda de lui parler de sa bande, que Jun appela le Panthéon. Classe, le nom.

Buvant ses paroles, le hacker l'écouta lui exposer le lieu et un aperçu du fonctionnement de ce Panthéon. Son surnom n'était pas rassurant, rappelant la déesse grecque de la discorde, lui qui semblait pourtant sensible, à l'écoute et inoffensif. On avait toujours dit à Yoonie de ne pas se fier aux apparences, mais avec Jun, il n'arrivait pas à avoir peur, à se méfier. Il voulait lui faire confiance, simplement parce qu'ils se ressemblaient, qu'ils se comprenaient comme s'ils se connaissaient depuis des années.

Yoonie hocha la tête, faisant le lien avec la famille Ninomea dont Min-Ho lui avait parlé rapidement. Il savait aussi que Jun avait un an de plus que lui, et l'annonce de son adoption à dix-huit ans n'était pas une surprise. Ca faisait donc cinq ans qu'il était au Panthéon, dans ce monde, qu'il se faisait appeler Éris. Assimilant ces informations, le hacker ne rebondit pas de suite avec de nouvelles questions, prenant le temps de traiter les données et de formuler d'autres interrogations, de mettre le doigt sur ce qui l'intéressait, sur ce qui pourrait l'aider à décider.

Ce fut de nouveau au tour de Jun de lui poser des questions, s'intéressant à son ancienne bande, leurs rôles, ce qu'ils faisaient. Yoonie cherchait ses mots, mâchant sa viande, et haussa les épaules à la précision du détective qui lui disait ne pas être obligé de répondre à tout. De toute façon, c'était fini maintenant, et il ne révélait que les pseudonymes, alors quel mal y avait-il à enfin se confier sur ces années ?

T'en fais pas, ça me dérange pas. Du coup, Wendy était juste dealeuse, Raccoon dealer et host, Peter dealer et d'autres choses, j'ai jamais demandé, et Wolf ne trempait pas là-dedans, il était plus là pour se protéger de je sais pas quoi. Moi j'étais le hacker et secrétaire, je prenais les rendez-vous, je faisais les recherches sur les clients et n'importe qui... On était bien à cinq, suffisamment pour tout gérer et pas assez pour se faire repérer, c'était pas plus mal. Et j'étais là depuis mes quatorze ans jusqu'il y a quelques semaines.

Presque huit ans avec ces gens, cette famille, ces amis. La rupture avait été difficile mais nécessaire pour le protéger de lui-même, de ses fantômes, de ses sentiments et de son incapacité à oublier qu'il était attiré par un homme qui le voyait comme un gosse. C'était long huit ans, et en même temps c'était passé si vite, comme un songe, une étape sur le chemin de sa vie. Il avait commencé un autre chapitre à présent, et Jun lui proposait une autre histoire, le faisant douter.

Pendant qu'il parlait, le détective s'était allongé dans le divan, prenant la place restante sous le regard amusé de Yoonie qui terminait son repas et reposait son assiette sur la table. Si Jun n'était pas blessé, il se serait probablement installé lui aussi, plaçant ses jambes sur lui ou carrément en allant poser sa tête sur son épaule, enfant dans le besoin de contact et de réconfort de la part d'un aîné qui le comprenait et l'acceptait. Mais il avait bien vu ses grimaces de douleur et resta assis à sa place malgré l'injonction de Jun à ce qu'il reste naturel... et qu'il sourie. Gêné par ces avalanches de compliments auxquels il n'était pas habitué, Yoonie eut un sourire amusé et maladroit, embarrassé mais content. Avant que le malaise ne devienne trop important, Jun relança les questions, épargnant à Yoonie de lui répondre et lui permettant de reprendre contenance.

J'étudies l'économie à Chûô et je m'y connais en informatique donc je prends des clients pour ça aussi. Quant à ma vie personnelle, il se passe rien.

Il haussa les épaules, n'ayant pas l'habitude de se confier sur ce genre de choses, sur sa vie sentimentale. Il lui avait parlé de Peter, certes, mais uniquement parce que c'était fini, n'en avait parlé à personne d'autre avant qu'il soit certain qu'il n'y aurait rien, n'en avait même pas parlé à Nao, son meilleur ami. Se confier sur le fait qu'il aimait quelqu'un, là, maintenant, c'était trop... flippant.

Mais Jun ne voulait pas lâcher le morceau, retournant dans le dramatique et l'excès pour le pousser à se confier. Yoonie regarda sa main tendue vers lui, la repoussa doucement en riant, pour l'embêter, pour se rassurer avec ce contact, pour capituler, sachant d'avance qu'il ne pourrait jamais rien lui refuser, surtout quand il faisait cette tête d'enfant qui suppliait pour des bonbons.

Bon d'accooooord... J'ai peut-être un petit crush pour un ami, mais je sais pas ce qu'il y a entre nous.

Il repensa à ce baiser, quelques jours plus tôt. Nao était ivre à ce moment là, désorienté, vulnérable... Il l'avait embrassé, mais est-ce que ça voulait dire quelque chose ? Sans s'en rendre compte, il effleura ses lèvres, geste révélateur, puis rabaissa sa main en se raclant la gorge, mal à l'aise. Nao l'avait embrassé, mais n'était-ce pas pour se consoler de l'abandon de Tee ? Pour trouver du réconfort chez un autre ? Il haussa les épaules, baissa la tête, ne voulant pas à nouveau se faire des films pour une histoire qui le déchirerait à nouveau.

Je sais pas.


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