J’écoutai avec attention les remarques et conseils de Rei quant au Japonais, tout en acquiesçant à ses paroles. En effet, les kanji étaient une véritable torture à mémoriser mais j’aimais beaucoup leur histoire, leur poésie. C’était quelque chose qui m’avait rapidement attirée vers la langue japonaise et aujourd’hui encore je restais passionnée par mon apprentissage. Je ris de bon cœur lorsqu’elle souligna que les Japonais avaient eux aussi du mal avec les kanji.

« Ahah tu dois avoir raison ! Mais oui, j’aime beaucoup l’histoire des kanji mais j’ai du mal à tout mémoriser ! Mais c’est vrai, j’ai entendu dire que les Japonais avaient aussi du mal avec les kanji, surtout depuis l’avènement du numérique ! »

Notre conversation s’orienta ensuite sur le travail de Rei, qui était dans une pâtisserie. La gourmande que j’étais n’avait pas pu s’empêcher de poser quelques questions, auxquelles mon interlocutrice répondit avec plaisir. Elle vendait donc des pâtisseries japonaises ! Je serais curieuse de goûter tout cela.

« Volontiers, je passerai te voir là-bas avec plaisir ! J’ai goûté quelques pâtisseries japonaises oui, mais si tu as des conseils je suis preneuse ! J’aime beaucoup le matcha, l’azuki et le sésame noir ! »

Quand la discussion passa aux études et à la reprise de celles de Rei, je la trouvai courageuse et lui transmis ma pensée. A cela, elle admit ne pas avoir le choix pour aller vers sa voie. Mais la suite de son histoire m’attrista. Elle avait dû travailler tôt, peut-être des soucis de famille ? Cela ne me regardait pas. Mais le fait qu’on lui dise qu’elle était stupide de reprendre m’énerva un peu.

« Je ne pense pas qu’il y ait d’âge pour reprendre ses études, tant qu’on est passionné et motivé. J’espère que tu réussiras à aller vers ta voie, quoi que les gens disent. D’ailleurs tu souhaites te diriger vers quel domaine si ce n’est pas indiscret ? »

Souriant, j’espérais lui donner un peu d’espoir. Pendant qu’on discutait, on se baladait sans vraiment savoir où on se dirigeait et je profitais de la vue paisible, prenant quelques photos par ci par là. C’était une rencontre atypique mais pas déplaisante du tout !

Plus la conversation avançait, et plus je me suprenais à apprécier cette Rei. Elle était naturelle, franche, légèrement timide mais pas forcément coincée. Elle exprimait ses idées sans avoir froid aux yeux, alors qu’on se connaissait à peine, là où d’autres seraient restés discrets et sur la réserve. J’appréciais ce trait de caractère. Dire qu’il avait fallu qu’un coiffeur loupe ma coiffure pour qu’on fasse connaissance. Comme quoi, le hasard faisait parfois bien les choses !

« Ca a dû être difficile pour les personnes âgées de se familiariser avec le numérique. En France aussi ils ont des difficultés avec ça ! Mais bon, comme on dit, il faut vivre avec son temps ! »

Mon niveau de japonais n’était pas excellent mais suffisant pour réussir à communiquer avec plus ou moins d’aisance et pour mon quotidien. Je faisais très certainement des fautes de grammaire mais j’étais compréhensible et c’était l’essentiel.
La conversation s’était orientée sur la pâtisserie, puisque la demoiselle travaillait dans ce domaine actuellement. Je lui promis de faire un tour sur place pour tester les gâteaux qu’elle vendait, et elle m’invitait à prendre un goûter une prochaine fois. Souriant, je répondis chaleureusement :

« Avec plaisir ! Tiens, on va échanger nos LINE pour rester en contact et planifier ça ! »

Je sortis mon téléphone de la poche de ma veste et pianotai sur l’écran pour ouvrir l’application et présenter mon ID à la jeune femme. Une fois les coordonnées échangéses, je rangeai mon téléphone dans ma poche (même si j’allais le ressortir très vite pour les photos) et constatai qu’il se faisait tard. Pourtant je restais absorbée par notre discussion.
Nous discutâmes de nos projets professionnels respectifs et je trouvai le sien très louable. Certes un oeu utopique, comme elle le disait elle-même, mais c’était un beau projet. J’avais même l’impression qu’elle se sentait particulièrement concernée par le sujet, comme si elle aussi aurait aimé avoir une main tendue à une époque où elle en avait eu besoin mais que personne n’avait fait un pas vers elle. Cela se sentait dans sa voix.

« J’espère de tout coeur que tu réussiras ce projet ! C’est peut-être utopiste mais c’est une belle chose, et aider les gens devrait être naturel chez tout le monde. Je suis sûre que tu réussiras ! Et si je peux t’aider, je le ferai avec plaisir. »

Sa question concernant la photo me prit de court. Elle avait dû capter que je faisais vraiment ma touriste avec mes photos de tout. Je rougis légèrement et répondis :

« Oui j’adore faire des photos de paysages surtout. J’aimerais beaucoup vivre de la photo mais c’est très difficile ... Et encore là je suis sur smartphone mais chez moi j’ai mon hybride avec lequel je pars souvent en exploration ! Tu voudras voir à l’occasion ? »