Cela faisait des lustres qu’il ne s’était pas fait réveiller par quelqu’un. La dernière fois, c’était le batteur de son groupe qui l’avait réveillé après qu’il se soit endormi comme un bébé sur le canapé de leur salle de répétition, après des heures d’acharnement. Clairement, le visage de Livia au réveil était bien plus agréable à Shôji que celui de son ami. Après des salutations brèves, le musicien demanda s’il avait dormi longtemps par rapport à elle. Sa réponse le fit sourire : elle était trop mignonne.

« C’est gentil. Je ne déjeune pas trop le matin, ou alors quelque chose de vite fait, ne t’en fais pas. »

Dans son souvenir, Livia non plus ne déjeunait pas le matin. Elle avait dû lui en parler une fois. Il n’y avait pas particulièrement prêté attention, mais maintenant que le sujet revenait sur le tapis, ce souvenir lui était remonté à l’esprit.
S’enquérant de sa nuit, Shôji espérait qu’elle avait été agréable. Aussi agréable que pour lui en tout cas. Le canapé n’était pas la couche la plus confortable du monde mais il avait apprécié la douce chaleur de la jeune fille contre lui pendant la nuit. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas eu de compagnie pour dormir. Au Canada, il n’avait jamais eu de relation sérieuse. Il flirtait à droite et à gauche. Au départ c’était surtout car il savait qu’il pouvait rentrer au Japon à tout moment, et que les relations à distance n’étaient pas son truc. Ensuite, voyant qu’il s’ancrait au pays, il s’était convaincu qu’il n’était pas encore prêt à s’engager. Et puis maintenant, il y avait Livia dans sa vie, leur relation amicale avait franchi un cap inattendu mais prévisible, et il allait falloir qu’il réfléchisse sérieusement à ce que tout cela signifiait pour lui. Mais bon, puisque selon Livia, l’oreiller n’était pas désagréable, il y avait déjà un bon début.

« Ravi de savoir que je pourrais me reconvertir en oreiller professionnel » plaisanta-t-il.

Il haussa un sourcil quand la jeune femme rétorqua que la prochaine fois, ils iraient plutôt dans son lit. Ah, elle l’invitait donc à une prochaine fois ? Dites donc. Plutôt que de proposer une réponse sérieuse, Shôji, comme à son habitude, répondit sur le ton de la rigolade pour éviter de les forcer à réfléchir à leur situation dès le réveil.

« Comment ça ‘on’ ? Tu me prêteras ton lit et tu dormiras sur le canapé voyons ! »

Il lui tira la langue et lui sourit chaleureusement, tout en l’observant se relever brusquement après avoir sorti son invitation à dormir ensemble à nouveau. Elle semblait gênée, il avait bien fait de détendre l’atmosphère. Puis elle s’enfuit lâchement en prétextant qu’elle allait faire du café. Il ne répondit pas, prit le temps de se redresser en position assise sur le canapé. Il se massa le crâne, bailla, s’étira puis se leva enfin. Il rejoignit Livia dans la cuisine, une odeur de café commençant à s’y répandre.

« Tu as des choses prévues aujourd’hui ? »

Il était peut-être temps de s’ancrer à nouveau dans la réalité, même si Shôji n’y tenait pas spécialement. S’il s’écoutait, il aurait enveloppé Livia de ses bras, et l’aurait enlacée avec affection, posant sa tête au creux de son cou. Mais une force inconnu l’empêchait de le faire, comme si avant de se laisser aller, il fallait qu’ils soient certains du chemin à prendre, tous les deux.

Pourquoi est-ce que je me sentais fondre de l'intérieur à chaque fois qu'il souriait ? Ça aurait dut être interdit d'avoir un sourire aussi craquant que le sien. Je détournais alors le regard, tentant de cacher mon trouble, c'était bien le genre d'information qu'il valait mieux éviter de lui révéler, le connaissant, il allait en abuser ce sale gosse. Je haussais alors les épaules comme si de rien n'était lorsqu'il me répondit qu'il ne déjeunais pas vraiment non plus le matin.

« Bon alors, ce sera déjeuner café pour tout le monde. »

D'un côté, ça me soulageait un peu, je n'avais pas l'habitude de préparer quoi que se soit le matin et savoir que Shôji était sur la même longueur d'onde que moi à ce sujet m'arrangeais. Quoi que, connaissant Shôji, il n’était pas non plus du genre à préparer à quoi que se soit à manger pour les autres repas. Non, lui il était plutôt du genre repas instantané, il avait certes beaucoup de talent, mais je savais que la cuisine n'en faisait pas partie. Un sourire amusé s'afficha un instant sur mon visage en l'imaginant en cuisine. Il serait sans doute un peu vexé s'il pouvait lire dans mes pensées à ce moment précis, heureusement pour moi, il n'avait pas encore ce pouvoir.

« En oreiller professionnel tu dis ? »

Je fis mine de réfléchir un moment à cette option, comme si je la prenais vraiment au sérieux.

« Je suis pas sûre qu'avoir un oreiller qui ronfle soit vraiment plaisant sur le long terme. »

Bien sûr, Shôji n'avait pas ronflé et je plaisantais, mais ça, il ne le savait pas. Ceci dit, il semblait que lui aussi avait envie de commencer la journée en plaisantant. En effet, il avait bien entendu ce que j'avais dis à propos de dormir dans mon lit, mais comme à son habitude, il préféra ne pas répondre de façon sérieuse et c'était aussi bien comme ça. L'avoir embrassé par surprise hier avait déjà été assez embarrassant comme ça, inutile de remettre ça de bon matin. Je rigolais donc à sa plaisanterie avant de rétorquer.

« C'est ça, dans tes rêves, si tu continues, la prochaine fois, tu dormiras sur le palier. »

Lui et moi savions très bien que je ne le laisserai jamais dormir sur le pas de la porte, mais je n'avais pas vraiment trouvé mieux à lui rétorquer sur le moment. J'avais besoin de mon café avant d'être totalement opérationnel le matin, j'entrepris alors de nous en servir deux tasses et lui en tendis une alors qu'il me rejoignait dans la cuisine en me demandant si j'avais des choses de prévues aujourd'hui. Je pris le temps d'y réfléchir un instant, j'avais quelques jours de libre avec l'équipe, repos bien mérité après le tournoi, mais j'avais bel et bien prévu de streamer dès cet après midi. En revanche je n'avais rien de particulier à faire de la matinée, si ce n'est défaire mes bagages.

« Je vais sûrement lancer un live dans l'après midi, mais sinon ce matin, c'est glandage intensif. Et toi ? »

Je savais qu'il avait pas mal de choses en cours en ce moment, notamment concernant sa carrière musicale mais aussi avec sa sœur et le lancement de leur nouveau projet.

Déjeuner café, quel beau programme. Shôji était un peu lent à démarrer le matin. Avant de vivre au Canada, il ne buvait que peu de café, plutôt amateur de thé ou de rien du tout. Mais une fois là-bas, il avait vite pris goût au café matinal et c’était presque devenu indispensable. Il était donc tout à fait satisfait de la proposition de Livia et acquiesça dans un sourire.
Par contre, il fit mine de s’offusquer sincèrement à sa remarque concernant son rôle d’oreiller. Quewah ? Elle exagérait !

« Moi, ronfler ?! Tu dois confondre avec toi-même ou alors tu as dû rêver que je ronflais, vilaine ! »

En même temps, il ne savait pas s’il ronflait réellement la nuit ou pas. Il s’imaginait mal, après une nuit en bonne compagnie, balancer de but en blanc : et au fait, j’ai ronflé ou pas ? On évitait généralement de se tirer une balle dans le pied dans ce genre de moments. C’était moins risqué ainsi.
Comme un duo Shôji – Livia n’était pas sans une flopée de plaisanteries à tout va, ils avaient continué sur leur lancée, comme des pros. Sentant l’embarras sur le visage de la jeune femme, le musicien s’était empressé de répliquer avec une ânerie, et elle avait marché.

« Je suis sûr que le palier est plus confortable que ton lit de toute façon. » dit-il en tirant la langue avec provocation.

Elle s’était rapidement éclipsée après cette attaque dans la cuisine, et il n’avait pas tardé à la rejoindre, humant avec satisfaction l’odeur du café qui se prépare dans la machine. Les tasses servies, en attendant que cela refroidisse, le jeune homme avait demandé à Livia si elle avait des plans. Elle évoqua un live pour cet après-midi, et une matinée glandage.

« Ah ouais, tu perds pas ton temps toi. Tu vas leur dire que tu as dormi sur un coussin ronfleur cette nuit, à tes abonnés ? »

Quel insupportable petit énergumène. Mais il était ce qu’il était, un fanfaron avec de la joie de vivre à revendre. Heureusement qu’il ne se laissait pas abattre par la vie, car elle avait tendance à s’acharner parfois.

« Hm, j’ai rendez-vous avec le manager de la maison de disques qui va peut-être nous signer cet après-midi ! et après je pense que je ferai un call à mon groupe au Canada pour leur annoncer la bonne nouvelle. Ils sont quand même des amis en or d’être prêts à plaquer toute leur vie au Canada pour venir tenter leur chance ici, alors qu’ils ne parlent pas un mot de japonais et ne connaissent rien de la culture japonaise … Je suis chanceux. »

C’était rare que Shôji s’exprime ainsi, surtout de bon matin, mais il avait réalisé tout haut ce qu’il avait demandé à ses amis. Pas tout le monde n’aurait accepté de se lancer à l’aveuglette comme ça. Mais il avait tellement bataillé pour leur trouver une maison de disques, que ça valait le coup d’essayer. Au Canada, ils auraient sûrement continué les soirées jam avec leur petit train-train quotidien. Et qui sait, peut-être qu’après des opportunités s’offriraient à eux au Canada ? Mais qui dit qu’il aurait envie de repartir, maintenant qu’il commençait à construire des choses ici ?

Comment ça j'avais dut confondre avec moi-même ? Est-ce que j'avais ronfler ? Vraiment ? J’eus un doute pendant quelques secondes, mais il s'agissait de Shôji, il était encore en train d’essayer de se payer ma tête. Je secouais la tête avant de répliquer.

« C'est ça ? Je suis sûre que le voisin à dut t'entendre tellement tu faisais du bruit. »

Tout cela était bien évidement faux, notre nuit avait été des plus paisibles et si vraiment il avait ronflé, je n'aurai pas pu fermer l’œil vu la position dans laquelle nous étions. Mais je n'allais pas mettre l'accent sur ses détails, autant qu'il continue à douter là dessus tiens, ça lui apprendrait à se moquer de moi de bon matin. Et puis d'abord, comment ça le palier devait être plus confortable que mon lit ? Alors là, c'était la meilleure et en plus, il osait me provoquer en tirant la langue. Décidément, il ne s'arrêterait jamais. Mais d'un autre côté, c'était aussi pour ça que c'était si facile entre nous. Dès que l'un de nous avait le malheur de  dire quelque chose d'un peu trop embarrassant, l'autre savait détendre l’atmosphère avec une plaisanterie et on pouvait dire que Shôji était particulièrement doué dans ce domaine là.

« C'est ça et ben on fera un test et tu m'en diras des nouvelles. »

J'attrapais ma tasse avec l'intention d'en boire le contenu quand il me demanda si j'avais l'intention de parler de son rôle d'oreiller ronfleur à mes abonnés. Ne pouvant m’empêcher de rire, je manquais de m'étouffer avec mon café encore brûlant.

« Bien sûr, je te ferai de la pub, comme ça tu pourras vraiment devenir oreiller professionnel. Mais faudra que tu trouves une solution pour les ronflements parce que je suis pas certaine que ça plaise aux clients. »

Il avait alors enchaîné sur son programme de la journée. Il avait son nouveau rendez-vous concernant son groupe. J'étais bien placée pour savoir ce que c'était que de quitter son pays pour aller s'installer à l'autre bout du monde, surtout sans en connaître la langue et la culture. Ce n'était pas évident, mais ils auraient Shôji pour les guider, je savais que ça irait pour eux.

« Je sûr que ça se passera bien. Et on sera là pour les accueillir, j'ai hâte d'enfin les rencontrer en vrai. »

Je les suivait depuis des années, mais je n'avais jamais eu les chances d'aller les voir, s'il venait débuter une carrière au Japon, se serai enfin l'occasion pour moi de pouvoir assister à leur une démonstration de leur talent en live, une chose était sûre, ils avaient déjà une fan ici.

« En tout cas, je te souhaite bonne chance pour le rendez-vous de cet après-midi. Dès que tu en sors, je veux des nouvelles. »

Je ne lui laissais pas vraiment le choix, mais je me doutais qu'il l'aurait fait de toute façon.

Shôji ricana à la remarque taquine de son amie -était-elle seulement encore son amie ?, et ne répliqua pas, car sinon cette chamaillerie de gamins pouvait continuer jusqu’au lendemain soir. Ils étaient vraiment infatigables, et capable de se charrier à peines levés. Mais cette histoire d’oreiller ronflant et de sieste sur le palier risquait de les poursuivre un moment. Pauvres d’eux. Elle le mettait au défi de dormir sur le palier pour voir si c’était plus confortable que son lit.

« Tu sais que j’aime les défis Livia, ne me tente pas. »

Même s’il aurait préféré se lancer sur un autre défi qu’un truc aussi naze, et il espérait pouvoir attendre des températures plus clémentes avant de faire cette expérience, car en ce moment il faisait particulièrement froid.

La conversation s’était orientée sur leurs activités de la journée, tout en sirotant un bon café bien corsé qui réveille. Livia avait avoué avoir prévu un live avec ses abonnés. Il était admiratif face à sa motivation, il aurait eu une flemme monumentale après des heures passées dans l’avion. Il se serait donné au moins une journée off. Mais il comprenait aussi la jeune femme, quand on était passionné par quelque chose on ne comptait pas les heures de travail. Comme lui quand il faisait de la musique. Livia avait répondu à sa blague concernant son rôle d’oreiller professionnel, ce qui le fit rire.

« Il paraît qu’il existe des pilules anti-ronflements, j’irai faire un tour à la pharmacie alors. Mais bon, tu dis surtout ça parce que tu as peur que tes abonnés me préfèrent à toi. »

Et bim, une nouvelle taquinerie venait de faire son apparition. Shôji n’était pas comme ça avec tout le monde, ou du moins pas avec tant d’intensité. Comme on le disait, qui aime bien châtie bien. Il devait vraiment bien apprécier Livia alors … Mais il était surtout ainsi avec les gens avec qui il se sentait à l’aise et en confiance, c’était important.

Quant à lui, il lui expliqua qu’il avait rendez-vous avec le manager de la maison de disques. Il espérait réussir à obtenir un contrat pour lui et son groupe, ce qui permettrait à ses amis d’obtenir un visa de travail sponsorisé et de venir au Japon au plus vite pour commencer leurs activités. Livia fut compatissante et compréhensive, comme à son habitude, proposant implicitement son aide pour aider à accueillir le groupe. Après tout, elle était une fan de la première heure, et Shôji savait qu’elle avait assez de respect pour se comporter décemment. D’autres personnes seraient incapables de se tenir devant leurs idoles, perdant totalement les pédales. Livia avait la tête sur les épaules et il la savait très vigilante sur ce genre de choses. Son aide serait précieuse.

« Merci de ton soutien. Je suis sûr qu’ils t’apprécieront. Et j’aurai bien besoin de ton aide ! »

La jeune femme enchaîna avec des encouragements pour le rendez-vous, sollicitant des nouvelles à son issue.

« Bien sûr, je t’appellerai, ne t’en fais pas pour ça ! J’appellerai peut-être Yûna avant pour ne pas qu’elle se sente mise à l’écart, mais promis ! »

Sa relation avec sa sœur était encore fragile et complexe, et il avait envie que ça fonctionne, sincèrement. Et il savait que Livia comprendrait son point de vue.

Bien sûr que je savais qu'il était capable de relevé le défi, mais je n'avais pas vraiment l'intention de le laisser dormir dehors, je préférais de loin dormir avec lui, mais ça, il n'avait pas besoin de l'entendre. Pas pour le moment en tout cas. Je me contentais donc de hausser un sourcil avec un air qui voulait clairement dire : « tu n'en es pas capable. » Mais je n'ajoutais pas un mot à ce sujet. De toute façon, c'était le genre de petit jeu qui pouvait durer des heures entre nous alors il fallait bien que l'un de nous s'arrête sinon ça allait être sans fin. Ceci dit, c'était quand même très tentant, surtout après le coup qu'il m'avait fait hier avec le livreur de pizza.

Il avait alors orienté la conversation sur le programme de la journée et j'avais évoqué le fait que je voulais streamer aujourd'hui. J'avais quelques jours de repos avec l'équipe, mais en tant que streameuse, j'avais à cœur de communiquer avec mes abonnés, je savais qu'ils voudraient en savoir plus sur le tournois et j'avais hâte de pouvoir en parler avec eux. Et pour moi, avant d'être mon travail, c'était surtout une passion, Shôji le savait et il le comprenait.

« Bien sûr qu'ils te préféreraient, c'est évident ça. T'es beaucoup trop cool. »

Bon, je n'étais sans doute pas tout à fait objective, Shôji était mon meilleur ami et peut être même un peu plus, pour dire vrai, je ne savais plus trop ce que nous étions l'un pour l'autre actuellement. Mais une chose était sûre, il était la personne dont j'étais la plus proche et je l'appréciais déjà avant même que nous ne commencions à discuter tout les deux.

Lui de son côté avait aborder son rendez vous et la potentielle future venu au Japon du reste de son groupe. Ce à quoi je lui avait à nouveau apporter mon soutient, j'espérais de tout cœur que ça allait marcher pour lui et qu'ils allaient  pouvoir être réuni à nouveau, je savais que ça comptait beaucoup pour lui, qu'ils étaient un peu comme une famille. Il me promit alors qu'il me tiendrai au courant, après avoir appeler sa sœur avant. Je  hochais la tête en signe de compréhension. Leur relation était encore fragile et il m'avait parlé de la réaction qu'elle avait eue quand il avait aborder le sujet avec elle, tout n'était pas simple entre eux. Je voyais bien que Shôji voulait que ça marche et qu'il faisait ce qu'il fallait pour ça.

« T'as pas intérêt à oublier de m'appeler, hein. »

Je savais qu'il n'oublierai pas, mais il fallait bien lui mettre un peu la pression de temps en temps. Je vidais alors ma tasse du peu de café qu'elle contenait encore. Il allait falloir que je fasse un peu de rangement dans cet appartement avant de reprendre mes lives. Dans le salon traînaient encore la couette et les restes de pizzas. Quant à mes valises, elles trônaient encore fièrement dans l'entrée. Je reportais alors mon attention sur Shôji.

« Alors dis-moi, tu veux m'aider à ranger tout ce bordel ou tu préfères m'abandonner pour aller préparer ton rendez-vous ? »

Ce n'était qu'une nouvelle plaisanterie, mais je ne voulais pas non plus le mettre à la porte, loin de là. Si ça n'avait tenu qu'à moi, il aurait pu rester toute la journée, mais ça n'aurait peut être pas été raisonnable.

Les deux amis avaient mis fin aux taquineries concernant le fait de dormir ensemble. Il était temps de savoir passer à autre chose, et à d’autres boutades surtout. D’un commun accord, ils garderaient cette idée de défi de dormir sur le palier de la porte mais pour le moment, le sujet était clos.
Alors qu’ils se trouvaient dans la cuisine, buvant tranquillement leur café du matin, ils discutaient du déroulement de leurs journées respectives. Ils avaient encore blagué sur le fait que Livia ne voulait pas parler de ses prouesses d’oreiller professionnels à ses abonnés car ils le préfèreraient à elle, et elle avait confirmé, disant qu’il était trop cool. Shôji rougit légèrement à ce compliment, un peu gêné après les événements d’hier. Mais il sourit comme à son habitude.

« Je sais, je sais. » dit-il sur un ton léger.

Il s’agissait de son côté de gérer son rendez-vous avec le manager comme un pro pour décrocher le contrat, le saint Graal qui permettrait à son groupe et lui de débuter, enfin. Après des années à faire des jam sessions et des concerts dans les bars. Son rêve se rapprochait doucement et il était encore impressionné que cela se fasse au Japon, lui qui pensait retourner au Canada aussi sec et s’y poser définitivement. Mais les liens avec Yûna s’étaient resserrés jusqu’à ce qu’il ouvre ce projet de concert hall. Il n’avait d’ailleurs pas encore parlé de cela au groupe, préférant leur laisser la surprise et leur montrer le projet terminé. Et il y avait Livia aussi. Il ne s’imaginait plus vivre loin d’elle, tant il avait besoin de sa présence. Ce dernier mois avait été difficile, plus que ce qu’il avait pu imaginer. Même s’il ne savait pas comment évoluerait leur relation, il avait tout de même besoin d’être près d’elle.
Il promit de lui téléphoner pour lui donner les détails du rendez-vous.

« Promis. »

Puis Livia commença à regarder le bazar autour d’elle, et lui demandant s’il préférait ranger avec elle ou aller se préparer. Il aurait trouvé toutes les excuses du monde pour passer la journée avec elle, mais il savait aussi que parfois cela faisait du bien d’avoir son espace, surtout après avoir été absent de chez soi pendant longtemps. Alors à contrecoeur, il allait la libérer, et de toute façon ils se reverraient bien assez tôt.

« Je pense que tu as besoin de retrouver un peu tes repères après un mois loin de chez toi. Je vais donc aller me préparer, même si l’idée de t’embêter toute la journée était tentante. »

Shôji sourit, finit son verre de café, lava sa tasse et retourna dans le salon. Il plia rapidement la couette et rassembla les boîtes de pizza pour lui éviter d’avoir trop à ranger. Il jetterait la boîte vide et laisserait le reste à Livia pour son repas du midi. Il rassembla ses propres affaires dans l’entrée et, tout en mettant ses chaussures, lança :

« Ca m’a fait plaisir cette petite soirée pizza film qu’on n’a même pas regardé. A charge de revanche ! Repose-toi bien et bon live ! Je rejoindrai en cours de route selon la durée de l’entretien. »

Il sourit, restant planté dans l’entrée sans trop savoir s’il pouvait l’enlacer ou non, lui fit finalement une petite accolade affectueuse comme à leur habitude, lui ébouriffa les cheveux et la salua avant de disparaître derrière la porte d’entrée.